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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 14 septembre 2017, n° 15/05496

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

SCA CREDIT COOPERATIF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rachou

Conseiller :

Mme Guillou

Conseiller :

Mme Dubois-Stevant

Avocat :

Me Lafon

Avocats :

Me Rol - AARPI INTER BARREAUX JRF AVOCATS, Me Rault - Cabinet Baudoin

CA Versailles n° 15/05496

13 septembre 2017

Le 9 janvier 2009, M. Frédéric S. s'est porté caution solidaire de la société BFSG dans la limite de 120.000 € au titre d'un prêt contracté par celle-ci auprès du Crédit coopératif.

Le 23 mai 2011, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert à l'égard de la société BFSG une procédure de redressement judiciaire, un plan de continuation étant adopté le 23 mars 2012. Le 9 mai 2014 la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société BFSG ont été prononcées.

Le Crédit coopératif a déclaré sa créance qui a été admise à hauteur de 185.338,61 € le 26 janvier 2012.

Après avoir vainement mis en demeure M. S. en sa qualité de caution par lettre du 4 juillet2011 d'avoir à payer la somme de 74.135,44 €, le Crédit coopératif l'a poursuivi en exécution de son engagement devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel, par jugement du 26 novembre 2014 assorti de l'exécution provisoire, a condamné M. S. à payer à la banque la somme de 69.270,19 € avec intérêts au taux contractuel de 8,15 % à compter du 4 juillet 2011 et capitalisation des intérêts, l'a débouté de ses demandes fondées sur les articles L. 650-1 du code de comm erce et 1382 du code c ivil, lui a accordé des délais de paiement sur 24 mois et l'a condamné à payer à la banque la somme de 2.000 € au titre d e l'article 700 du code de procédure ci vile.

M. S. a fait appel du jugement et, par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 16 février 2016, il demande à la cour :

- de débouter le Crédit coopératif de l'ensemble de ses demandes et de son appel incident ;

- de déclarer que son engagement portant sur une créance à échoir est inexistant ;

- de déclarer nul pour vice de consentement l'acte de cautionnement ;

- de condamner le Crédit coopératif à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts ;

- de l'exonérer de la majoration forfaitaire de 20 % sur la créance en principal ;

- de l'exonérer de la majoration de 3 % du taux d'intérêt contractuel ;

- de l'exonérer de la demande d'anatocisme ;

- de condamner le Crédit coopératif à lui payer la somme de 3.500 € sur le fondement d e l'article 700 du code de procédure ci vile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 décembre 2015, le Crédit coopératif demande à la cour :

- de déclarer recevable mais mal fondé l'appel de M. S. ;

- de le débouter de toutes ses demandes ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. S. à lui payer la somme de 69.270,19 € avec intérêts au taux contractuel de 8,15 % à compter du 4 juillet 2011 et capitalisation des intérêts et celle de 2.000 € sur le fondement d e l'article 700 du code de procédure ci vile ainsi qu'aux dépens ;

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident ;

- de réformer le jugement ;

- de condamner M. S. à lui payer une somme complémentaire de 13.853,83 € avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts ;

- de débouter M. S. de sa demande de délais fondés su r l'article 1244-1 du code c ivil ;

- de condamner M. S. à lui payer la somme de 4.000 € en cause d'appel sur le fondement d e l'article 700 du code de procédure ci vile ainsi qu'aux dépens qui comprendront le coût des mesures conservatoires, de leur dénonciation et de leurs suites et conséquences, avec droit de recouvrement direct.

Le 7 juin 2016, M. S. a communiqué de nouvelles pièces relatives à sa situation financière.

La clôture a été prononcée le 27 avril 2017.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure ci vile.

SUR CE,

Considérant que le Crédit coopératif demande à la cour de déclarer recevable M. S. en son appel ; qu'aucun moyen d'irrecevabilité n'étant soulevé par la banque ni susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de M. S. recevable ;

Considérant que le Crédit coopératif demande à la cour de le déclarer recevable en son appel incident ; qu'aucun moyen d'irrecevabilité n'étant soulevé par M. S. ni susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel incident du Crédit coopératif recevable ;

Sur la portée du cautionnement et la nullité de l'acte :

Considérant que M. S. expose que le cautionnement comprend les deux termes '40 % du montant à échoir en principal' et 'majoré de 20 % d'intérêts, frais, commissions et accessoires', que le Crédit coopératif a déclaré une créance échue et non à échoir au passif de la société BFSG et que la perte de sa garantie résulte de la déchéance du terme que la banque a décidé de prononcer ; qu'il soutient que l'assiette du cautionnement est nulle car portant sur un principal à échoir et que son engagement de caution est inexistant dès lors qu'il portait sur une créance à échoir et que la créance est échue ; qu'en réponse au Crédit coopératif il observe que le second alinéa de l'article 1er du cautionnement n'est pas en contradiction avec le premier, que le groupe de ces deux premiers alinéas n'est pas en opposition avec le reste de l'acte et que si doute il y a la convention doit en tout cas s'interpréter en sa faveur en vertu d e l'article 1162 du code c ivil ; que M. S. estime enfin que les mentions manuscrites doivent être entendues comme un maximum déterminé sur la base des dispositions contenues dans l'acte de caution et que leur éventuelle interprétation ne peut servir à justifier que la caution soit engagée au-delà des engagements qu'elle a souscrits et qui sont définis à l'alinéa 2 de l'article 1er de l'acte ;

Considérant que M. S. fait valoir en outre que les dispositions de l'acte de caution rédigées par la banque revient à lui faire contracter à son insu des engagements réels supérieurs au taux de 40 % annoncé dans l'acte et accepté par lui dans la mesure où le Crédit coopératif lui réclame paiement d'une somme de 13.853,83 € correspondant à une majoration forfaitaire de 20 % du montant cautionné supposée couvrir les frais, commissions et accessoires à l'exclusion des intérêts et que son engagement se trouve ainsi porté à un taux de 60 % ; qu'il soutient que cela relève de man'uvres dolosives et que même si la cour ne retient pas l'intention délibérée de la banque de tromper la caution, elle lui a fait perdre la chance de refuser le cautionnement sollicité en ne lui annonçant pas la réalité de l'engagement souscrit ;

Considérant que le Crédit coopératif soutient qu'il a privilégié les mentions dactylographiées du contrat de prêt et du cautionnement consacrant la volonté des parties alors que devaient s'imposer les mentions manuscrites qui ne comprennent pas la limitation de l'engagement à 40 % du principal majoré de 20 %, que seule la mention dactylographiée de l'acte de caution fait référence à une assiette égale à 40 % du montant à échoir en principal, et que la commune intention des parties est déterminable par la constance des éléments principaux et déterminants inclus dans le contrat de prêt et la mention manuscrite ; qu'il ajoute qu'une clause susceptible de deux sens devant s'interpréter dans le sens avec lequel elle peut avoir un effet et dans celui qui convient le plus à la matière du contrat, la portée de l'engagement de M. S. ne peut qu'être l'obligation de la caution au paiement des échéances et sommes dues postérieurement au dernier versement effectué par la débitrice principale ; que le Crédit coopératif fait valoir que M. S. étant une caution avertie il ne peut ignorer la portée de son engagement et conclut qu'il n'existe aucun vice du consentement ;

Considérant que l'acte de caution indique que l'obligation garantie est un prêt d'un montant de 250.000 € et que le montant global du cautionnement incluant le principal, intérêts frais, commissions et accessoires est de 120.0000 € ; qu'au premier paragraphe de l'acte une clause-type dactylographiée stipule que 'le créancier garanti ne pourra mettre en jeu l'acte de cautionnement qu'à hauteur de 40 % du montant à échoir en principal de l'obligation garantie' ; que la mention manuscrite de M. S. indique que la caution s'engage 'dans la limite de 120.000 € comprenant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou des intérêts de retard (...)' 'à rembourser au prêteur les sommes dues sur ses revenus et ses biens si BFSG n'y satisfait pas elle-même' ;

Considérant que la clause-type dactylographiée sus rappelée doit s'interpréter dans le sens lui conférant un effet utile ; qu'une caution s'engage ainsi nécessairement à payer les dettes exigibles de la personne cautionnée ; que tel est le sens de l'engagement de caution rappelé par les termes de la mention que la caution doit apposer de sa main sur l'acte de caution et que M. S. a lui-même écrits ; que M. S. s'est engagé à rembourser au Crédit coopératif les sommes restant dues par la société BFSG, donc des créances échues, dans certaines limites ; que son engagement n'est pas inexistant ;

Considérant que M. S. a écrit s'engager dans la seule limite de 120.000 € comprenant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou des intérêts de retard ; que la partie dactylographiée de l'acte de caution indique que le montant global du cautionnement incluant le principal, intérêts frais, commissions et accessoires est de 120.0000 € ; que néanmoins une clause dactylographiée précise que le cautionnement ne peut être mis en jeu qu' 'à hauteur de 40 % du montant à échoir en principal de l'obligation garantie majoré de 20 % d'intérêts, frais, commissions et accessoires' ; que la clause dactylographiée que le Crédit coopératif entend faire appliquer est plus favorable à M. S. que l'indication dactylographiée de la limite de son engagement et que la mention manuscrite, ces deux mentions ne comportant pas de limite à 40 % du montant du principal ; que cette clause dactylographiée reste favorable à la caution quand bien même elle comprend une majoration de 20 % puisque l'assiette de calcul de cette majoration n'est pas le principal restant dû par la société débitrice mais le principal dû par la caution ; que cette majoration ne porte pas l'engagement de la caution à 60 % du principal dû par la société débitrice comme le soutient M. S. ; que le taux de 40 % et la majoration de 20 % sont mentionnés dans la même phrase de la partie dactylographiée de l'acte de caution de sorte que M. S. a eu une information complète et dénuée de toute ambiguïté sur la portée et le sens de son engagement ; qu'aucune manoeuvre dolosive de la part de la banque n'est démontrée par M. S. ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le cautionnement souscrit par M. S. est régulier ;

Sur la demande de dommages-intérêts :

Considérant que M. S. prétend que le Crédit coopératif a fait preuve de mauvaise foi et de duplicité à son égard ; qu'il soutient que la banque s'entête à se faire attribuer par une décision de justice des sommes auxquelles elle ne peut prétendre, qu'elle a, du fait de ses propres contestations, diminué ses demandes devant les premiers juges de 28.081 € et qu'elle avait falsifié devant eux la définition de la portée du cautionnement en amputant la reproduction des mentions dactylographiées du terme 'à échoir' ;

Considérant que le Crédit coopératif réplique au vu des arguments précédemment exposés que ses demandes ne peuvent être considérées comme animées de mauvaise foi et que les arguments, faits et moyens développés par chacune des parties, dans des conditions contradictoires, sont inhérents à tout contentieux judiciaire sans qu'il puisse exister une faute et encore moins un préjudice avéré issu de cette dernière ;

Considérant que les demandes du Crédit coopératif sont fondées sur un engagement de caution qui n'est entaché d'aucune nullité comme il vient d'être dit ; que l'évolution du litige en considération des arguments opposés par la partie adverse est inhérente au débat judiciaire ; que le Crédit coopératif en tenant compte des contestations de M. S. en première instance a agi de bonne foi et avec loyauté ; que c'est sans mauvaise foi que le Crédit coopératif a redonné tout son sens à la clause-type de l'acte de caution en éludant le terme 'à échoir' dans ses écritures devant les premiers juges ; que la demande de dommages-intérêts doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;

Sur les montants de la créance et les clauses pénales :

Considérant que M. S. soutient que la majoration forfaitaire de 20 %, celle de 3 % du taux d'intérêts contractuel et l'anatocisme constituent des clauses pénales manifestement excessives au regard du taux de refinancement des banques ; qu'il sollicite la suppression de la majoration du taux d'intérêts de 3 % et de l'anatocisme et la réduction à 1 € de la majoration forfaitaire mise à sa charge ;

Considérant que le Crédit coopératif expose que l'obligation au paiement de la caution s'élève à la somme de 69.270,19 € (40 % 173.172,98 €) et que la majoration de 20 % est à calculer sur l'assiette en principal de sorte qu'à cette somme il convient d'y jouter celle de 13.853,83 € (20 % 69.270,19 €) ; que cette majoration n'est pas excessive dès lors que 39 paiements mensuels restaient dus au jour du premier impayé du 12 novembre 2010, que les

intérêts représentaient une somme totale de 14.961,29 € supérieure à la majoration demandée et qu'elle supporte en sus le coût du portage administratif et financier du dossier et le coût de refinancement alors qu'elle ne perçoit plus les intérêts contractuels ;

Considérant que, selon la banque non contredite par M. S., la créance admise au passif de la société BFSG est composée d'un capital restant dû de 173.172,98 € ; que ce dernier est redevable de 40 % de cette somme, soit une somme de 69.270,19 € ;

Considérant qu'au titre des intérêts, pénalités, frais et commissions dus par la société cautionnée M. S. est également redevable d'une somme correspondant à 20 % du principal dû par la caution, soit une somme de 13.853,83 € (20 % 69.270,19 €) ; qu'en effet cette majoration de 20 % ne constitue pas une clause pénale susceptible de réduction dès lors qu'elle n'est pas une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le créancier de l'inexécution par la caution de son obligation de paiement mais est comprise dans l'obligation de couverture de la caution ;

Considérant que le Crédit coopératif sollicite l'application à la somme due au titre du capital restant dû des intérêts au taux contractuel de 5,15 % majoré de 3 points, soit 8,15 % ; que la majoration de 3 points du taux d'intérêts constitue une clause pénale ; qu'en l'espèce il n'y a pas lieu de la modérer, le caractère manifestement excessif n'étant pas démontré ; qu'il convient de faire application de ce taux d'intérêts majoré à compter du 4 juillet 2011, date de la mise en demeure de la caution ;

Considérant que la capitalisation des intérêts résulte des dispositions d e l'article 1154 du code c ivil ; qu'étant demandée par le Crédit coopératif elle est de droit à compter de la première demande en justice, soit à compter de l'assignation du 2 novembre 2011 ;

Sur les délais de paiement :

Considérant que M. S. sollicite des délais de paiement dans le corps de ses conclusions sans reprendre cette demande dans le dispositif ; qu'en application d e l'article 954 du code de procédure ci vile la cour statuant sur les seules prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions il n'y a pas lieu de répondre à la demande de M. S. ;

Considérant néanmoins que le Crédit coopératif demande à la cour de réformer le jugement et de débouter M. S. de sa demande de délais de paiement ;

Considérant que M. S. a de facto bénéficié de larges délais de paiement, le jugement critiqué assorti de l'exécution provisoire lui ayant accordé des délais sur 24 mois ; qu'il ne s'est pas acquitté même partiellement de sa dette et ne fait aucune proposition de modalités de paiement ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Considérant que M. S., succombant en son appel, ne peut être condamné qu'aux dépens de la seule procédure soumise à la cour ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare l'appel de M. Frédéric S. recevable ;

Déclare l'appel incident du Crédit coopératif recevable ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité la condamnation en paiement de M. Frédéric S. à la somme principale de 69.270,19 € et accordé des délais de paiement ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne M. Frédéric S. à payer au Crédit coopératif, en sus de la somme de 69.270,19 € avec intérêts au taux contractuel de 8,15 % à compter du 4 juillet 2011 et capitalisation des intérêts, la somme de 13.853,83 € avec intérêts au taux légal à compter du prononcer du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 2 novembre 2011 ;

Déboute M. Frédéric S. de sa demande de délais de paiement ;

Y ajoutant,

Condamne M. Frédéric S. à payer au Crédit coopératif la somme de 1.500 € en application d e l'article 700 du code de procédure ci vile en cause d'appel ;

Condamne M. Frédéric S. aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions d e l'article 699 du code de procédure ci vile ;

Dit que les dépens auxquels est condamné M. Frédéric S. ne comprennent que les dépens de la seule procédure soumise à la cour.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure ci vile.

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