CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 23 avril 2019, n° 18/00367
BESANÇON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SA CIC EST
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mazarin
Conseillers :
Mme Chiaradia, M. Leveque
Avocats :
Me Aitali - SELARL TERRYN - AITALI GROS CARPI LE DENMAT, Me Lutz
Avocats :
Me Pauthier - SCP DUMONT - PAUTHIER, Me Dubreuil
Exposé du litige
Par acte des 30 juin et 1er juillet 2008, la société anonyme Banque CIC Est (la banque) a prêté la somme de 585 000 euros à la société à responsabilité limitée Etablissement Christian C. (la SCC).
Par acte du 20 septembre 2011, M. Christian C. s'est porté caution de toutes sommes dues par la SCC envers la banque à hauteur de 48 000 euros, pour une durée fixée au 30 septembre 2012, et sur ses seul revenus selon la mention manuscrite apposée sur l'acte.
Après liquidation de la SCC, la banque, le 18 octobre 2016, a vainement mis la caution en demeure d'honorer son engagement, puis, par exploit d'huissier délivré le 16 février 2017, l'a assignée en paiement du montant garanti devant le tribunal de commerce de Besançon qui, par jugement rendu le 24 janvier 2018 soumis à la cour l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer à la caution la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que la mention manuscrite par laquelle la caution avait limité la durée de son engagement à un an prévalait sur les clauses dactylographiées du même acte stipulant une durée plus longue, qu'en conséquence l'obligation de couverture s'était éteinte le 19 septembre 2012, et qu'à cette date il n'est pas démontré que des échéances du prêt aient été impayées, ni que la déchéance du terme ait été prononcée.
La banque a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 19 février 2018. L'appel porte sur toutes les dispositions du jugement critiqué.
Par conclusions transmises le 24 janvier 2018, elle demande à la cour de :
- condamner M. C. à lui payer la somme de 48 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 février 2016,
- dire que les intérêts courus pour une année entière seront capitalisés et produiront intérêt au même taux,
- rejeter toutes demandes contraires,
- condamner M. C. à lui payer 3 500 euros pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
A cet effet, l'appelante soutient que l'obligation de couverture, à distinguer de l'obligation de règlement, porte sur toutes les dettes nées antérieurement au terme stipulé, même si elles sont devenues exigibles utltérieurement, et que les dettes antérieures au terme comprennent non seulement celles qui sont nées entre la conclusion du cautionnement et son terme, mais aussi celles qui sont nées avant la conclusion du cautionnement.
L'appelante ajoute que la limitation de l'engagement de la caution à ses seuls revenus ne porte que sur l'assiette d'exécution de son engagement, mais reste indifférente à l'appréciation de la proportionnalité de cet engagement, ne dérogeant pas aux dispositions de l' article L.341-1 du code de la consommation qui ne donnnent effet qu'à la disproportion de l'engagement de la caution à ses revenus et biens, laquelle n'est en l'espèce pas établie.
L'intimé, par conclusions enregistrée le 18 février 2019, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, subsidiairement, lui accorder un délai de paiement sous forme de report pendant 24 mois courant passés 30 jours de la signification de la décision à intervenir.
A cet effet, il soutient que l'obligation de couverture ne s'étend que pendant l'année courant de la conclusion du contrat au terme stipulé, que la dette garantie n'est pas née pendant la période de couverture ainsi définie, le prêt au titre duquel la caution est actionnée ayant été conclu antérieurement et aucun retard de paiement n'étant intervenu pendant la période garantie. L'intimé ajoute que la limitation de l'engagement de la caution à ses seuls revenus réduit le gage du créancier principal et impose d'apprécier la proportionnalité du cautionnement aux seuls revenus de la caution, auquel son engagement est disproportionné et enfin que l'octroi de délais de paiement est justifié par ses revenus et charges.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l' article 455 du code de procédure civile .
L'affaire a été clôturée le 19 février 2019, fixée à l'audience du 12 mars 2019 et la décision a été mise en délibéré au 23 avril 2019.
Motifs de la décision
- Sur l'étendue du cautionnement,
Le contrat fixant la « durée du cautionnement » d'une part au 30 septembre 2012 par une mention dactylographiée figurant en page 1, et d'autre part au 20 septembre de la même année par une mention manuscrite selon laquelle la caution s'est engagée pour une durée d'un an, l'objectif légal de protection de la caution au moyen de la mention manuscrite impose de faire primer celle-ci et de retenir que le cautionnement a pris fin le 20 septembre 2012.
Le contrat stipule par ailleurs que « le cautionnement cessera à la date d'échéance indiquée en page 1 du présent acte », que « toutefois la caution peut décider à tout moment de dénoncer son engagement, moyennant un préavis (') », mais qu'elle « restera tenue vis à vis de la banque jusqu'à l'échéance indiquée en page 1, au remboursement intégral et définitif de tous les engagements du cautionné nés antérieurement à la date d'effet de la révocation, y compris de ceux dont les échéances et l'exigibilité seront postérieures ».
En obligeant la caution à garantir « le paiement de toutes sommes que le cautionné peut ou pourra devoir à la banque au titre de l'ensemble de ses engagements (') souscrits auprès » d'elle, et en visant ainsi les sommes pouvant être déjà dues lors de la signature, le contrat inclut dans la garantie les dettes antérieures et ne la limite nullement aux dettes nées ou aux engagements souscrits entre sa signature et la fin de la période couverte par la garantie, comme le soutient à tort l'intimé.
Est ainsi inopérant le moyen tiré de ce que le prêt au titre duquel sont dues les sommes réclamées a été souscrit antérieurement au cautionnement.
De même, le contrat visant les sommes qui pourront être dues dans le futur au titre de tous les engagement souscrits, et précisant par ailleurs expressément au titre de la révocation du cautionnement, comme précédemment rappelé, que les engagements garantis comprennent ceux dont les échéances ou l'exigibilité seront postérieures à la fin de la période couverte, le contrat doit être interprété comme portant de la même façon, lorsque le cautionnement n'a pas été révoqué, sur les sommes non encore échue ou exigibles à la survenance du terme initialement convenu. Il est en conséquence inutile de rechercher, comme l'a fait le premier juge, si les sommes réclamées à la caution n'ont été exigibles que postérieurement à la période garantie, ce moyen étant inopérant.
Ainsi, dès lors que les sommes réclamées relèvent de l'obligation de couverture souscrite par la caution, et que celle-ci n'élève aucune contestation explicite ou implicite au titre de son obligation de règlement, elle est tenue de les payer, sauf, le cas échéant, inopposabilité de son engagement pour disproportion à ses biens et revenus.
- Sur la proportionnalité de l'engagement de la caution,
L'omission des biens et la mention des seuls revenus de la caution dans la mention manuscrite relative à l'étendue de son engagement, si elle est de nature a réduire le gage de son créancier, n'implique pas pour autant que la proportionnalité de son engagement doit être appréciée au regard de ses seuls revenus, l' article L.341-4 du code de la consommation ne donnant d'effet qu'à la disproportion de l'engagement de la caution à l'ensemble de ses revenus et de ses biens.
En l'espèce, n'est nullement manifestement disproportionné l'engagement de cautionner une dette de 48 000 euros consenti par le bénéficiaire d'un revenu annuel de 24 000 euros, remboursant certes près de 1 100 euros chaque mois au titre d'un prêt pour travaux et d'un crédit automobiles, mais possesseur d'une maison estimée 400 000 euros et d'environ 100 000 euros placés en assurance-vie, ainsi qu'il l'indiquait lui-même dans la fiche patrimoniale signée le même jour que le contrat de cautionnement.
En conséquence, son engagement portant sur les sommes réclamées et lui étant opposable, M. C. sera condamné à payer à la banque la somme de 48 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 février 2016, avec capitalisation annuelle des intérêts, le jugement déféré étant infirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
- Sur les délais de paiement,
Au regard des facultés de paiement suffisantes qui se déduisent de sa situation patrimoniale, l'intimé ne peut prétendre à des délais de paiement et sera débouté de ce chef.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens,
L'intimé, qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, débouté de sa demande pour frais irrépétibles et condamné du même chef à payer à l'appelante la somme de 2 500 euros.
Par ces motifs
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme la décision rendue entre les parties le 24 janvier 2018 par le tribunal de commerce de Besançon.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. Christian C. à payer à la SA Banque CIC Est la somme de 48 000 euros (quarante huit mille euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 février 2016, et avec capitalisation annuelle des intérêts à compter du 16 février 2017.
Déboute M. Christian C. de sa demande de délais de paiement.
Le déboute de sa demande pour frais irrépétibles et le condamne au même titre à payer à la SA Banque CIC Est la somme de 2 500 (deux mille cinq cents) euros.
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.