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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 24 octobre 2013, n° 12/03022

VERSAILLES

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseiller :

Mme Beauvois

Conseiller :

Mme Vaissette

Avocat :

Me Ducros-Cahen

Avocat :

Me Anhalt

CA Versailles n° 12/03022

23 octobre 2013

La société Pyxis était titulaire dans les livres de la Banque populaire Val de France d`un compte numéro 09621224790.

La Banque populaire Val de France a consenti à la société Pyxis, selon contrats en date des 24 juillet et 10 août 2007, un prêt Credipro d'un montant initial de 40.000 euros.

Ce prêt étant amortissable en 60 mensualités moyennant un taux contractuel de 5,64 % l'an.

En garantie du remboursement de ce prêt, M. Rigutto et M. Jean-Claude Simon -Maizier, créateurs, associes et gérants de la société Pyxis se sont portés cautions solidaires de ladite société au profit de la banque, selon acte du 24 juillet 2007.

Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 24 février 2009, la société Pyxis a été déclarée en liquidation judiciaire.

La Banque populaire Val de France a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 mars 2009. Elle a adressé le même jour une mise en demeure aux cautions.

Il restait dû à la date de l'ouverture de la procédure collective au titre du prêt Credipro, une somme en principal de 31.273,81 euros.

Le 14 octobre 2009, Maître Ouizille ès qualités a adressé à la Banque populaire Val de France un certificat d'irrécouvrabilité.

C'est dans ces conditions qu'a été déposée le 12 avril 2010, auprès du tribunal de commerce de Nanterre, une requête aux fins d'injonction de payer à l'encontre de M. Simon-Maizier pour la somme de 15.600 € en principal, avec intérêts légaux à compter du 13 mars 2009. Il a été fait droit à la requête par une ordonnance d'injonction de payer en date du 4 mai 2010.

M. Simon-Maizier a formé opposition à l'injonction de payer.

Par jugement en date du 6 décembre 2011, rectifié par jugement du 25 janvier 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit recevable mais mal fondée l'opposition formée par M. Simon-Maizier,

- l'a condamné au paiement de la somme de 15.600 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2009, le tout avec anatocisme,

- l'a autorisé à se libérer de cette condamnation par mensualités égales, avec un échelonnement de 24 mois pour le paiement total, ce à compter d'un mois à partir du prononcé de la présente décision et avec déchéance du terme en cas d'inexécution de l'obligation.

M. Simon-Maizier a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 4 juillet 2012, M. Simon-Maizier demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté la Banque populaire Val de France de sa demande au titre de l' article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau de dire que son engagement est limité à la somme de 7.800 € incluant le principal, intérêts et frais, de dire n'y avoir lieu à capitalisation, d'échelonner le paiement des sommes dues sur 24 mois, les paiements étant affectés par priorité sur le principal, subsidiairement de condamner la Banque populaire Val de France au paiement de la somme de 3.800 € à titre de dommages-intérêts, avec compensation avec les sommes qu'il devrait à la Banque populaire Val de France.

Par dernières conclusions signifiées le 2 août 2012, la Banque populaire Val de France demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. Simon-Maizier était tenu de son engagement de caution du 24 juillet 2007 et qu'elle n'était pas tenue par sa proposition transactionnelle du 12 mai 2009 qui a été refusée le 20 mai 2009,

- déclarer M. Simon-Maizier irrecevable en sa demande tendant à voir juger que la banque aurait manqué à son devoir de conseil et en sa demande en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l' article 1382 du code civil , en application de l' article 564 du code de procédure civile , ces demandes étant nouvelles au sens de cet article,

- subsidiairement, dire qu'elle n'a pas manqué à son devoir de conseil et débouter M. Simon-Maizier de sa demande de ce chef,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Simon-Maizier au paiement de la somme de 15.600 euros, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2009,

- débouter M. Simon-Maizier de sa demande de délais de paiement,

- condamner M. Simon-Maizier à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile .

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l' article 455 du code de procédure civile .

DISCUSSION :

Sur la demande en paiement de la Banque populaire Val de France

Au soutien de son appel, M. Simon-Maizier fait valoir qu'il a signé l'engagement de caution sur le même acte que M. Rigutto, que l'engagement des deux cautions a été pris pour une somme totale de 15.600 €, qu'il est précisé que le montant global et maximum du cautionnement est de 15.600 € en principal, intérêts et frais, que la banque ne peut recevoir une somme supérieure à 15.600 € des deux cautions et qu'il ne peut y avoir cumul des garanties à hauteur de 31.200 € dès lors qu'elles ne se sont pas engagées par des actes séparés mais dans un acte unique.

M. Simon-Maizier invoque également l'accord de la Banque populaire Val de France qui a accepté avant que le prêt soit exigible que leur engagement soit divisible par un courrier du 12 mai 2009, qu'il y a eu un accord sur le fait que la banque ne réclame à chacun d'eux que la somme de 7.800 €, que la condamnation prononcée à son encontre ne saurait excéder cette somme.

La Banque populaire Val de France réplique que M. Simon-Maizier est de mauvaise foi en ne citant que partiellement les clauses contractuelles, que les premiers juges ont très justement relevé qu'alors même que les deux engagements figuraient dans la même page, il n'en demeurait pas moins que chacune des cautions s'était engagée de façon claire et indubitable pour un montant individuel de 15.600 €, que chaque caution a repris de manière manuscrite les conditions et le montant de son engagement, soit 15.600 € chacune, qu'il n'échappera pas à la cour que les cautions sont solidaires de la débitrice principale mais qu'elles ne sont pas solidaires entre elles, ce qui confirme que chacune d'entre elles a bien entendu garantir la somme de 15.600 €.

La banque répond également que la proposition transactionnelle amiable qui a été faite par courrier du 12 mai 2009 a été rejetée par M. Simon-Maizier le 20 mai 2009 de sorte qu'elle est devenue caduque.

Sur ce :

Le premier moyen invoqué par l'appelant pose la question de savoir si, les cautionnements qu'ont souscrits tant M. Simon-Maizier que M. Rigutto et qui garantissent une fraction de la dette, doivent se cumuler, c'est-à-dire garantir chacun des fractions différentes de la dette, ou se superposer, c'est-à-dire garantir la même fraction.

En l'absence de stipulation expresse, les juges doivent rechercher quelle a été la commune intention des parties et dans le doute c'est l'interprétation la plus favorable aux cautions qui doit être retenue.

En l'espèce, il ne résulte pas clairement des stipulations figurant au contrat, contrairement à ce que prétend la Banque populaire Val de France que les cautionnements souscrits par les cautions devraient s'additionner.

En premier lieu, il doit être constaté que M. Rigutto et M. Simon-Maizier (désigné comme M Simon dans le contrat de prêt) se sont engagés non par actes séparés mais dans le même acte sous seing privé, qu'ils se sont portés cautions pour le même montant limité à 15.600 €, ce qui ne suffit pas cependant à départager les parties quant à leur interprétation divergente des clauses du contrat.

Certes, figurent en dernière page des conditions particulières les engagements des deux cautions M. Rigutto et M. Simon-Maizier par une mention manuscrite identiquement portée par chacune des cautions dans les termes suivants : « En me portant caution de Pyxis dans la limite de la somme de 15.600 €/ quinze mille six cents euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 7 ans, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si Pyxis n'y satisfait pas lui-même.

En renonçant au bénéfice de discussion défini par l' article 2021 du code civil et en m'obligeant solidairement avec Pyxis, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement Pyxis. »

Toutefois, ces engagements pris personnellement aux termes de ces mentions manuscrites, séparément par chaque caution, solidairement avec la société débitrice démontrent que chacune d'entre elles a entendu limiter l'étendue de son engagement à la somme de 15.600 €, sans pour autant permettre d'opter définitivement pour le caractère cumulatif des engagements personnels de caution.

En effet, il figure, au titre des garanties, en première page des conditions particulières du prêt, la mention suivante « caution(s) solidaire(s) de Mr Simon Jean-Claude et Mr Rigutto Walter. Si la caution est une personne physique, le montant global et maximum du cautionnement est de 15.600 € en principal, intérêts, frais et accessoires inclus », avec un ajout manuscrit juste en dessous « Je dis quinze mille six cents euros ».

De cette mention qui n'est pas dénuée d'ambiguïté, il semble plutôt ressortir au contraire, comme le soutient M. Simon-Maizier, que les deux cautions personnes physiques se sont engagées ensemble sur la même fraction de la dette pour un montant maximum de 15.600 €.

Enfin, force est de constater que les conditions générales du prêt qui ont été acceptées par les parties, au chapitre II sur les modalités des garanties, stipulent que « La ou les personnes désignées aux conditions particulières sous l'entité CAUTION(S) EVENTUELLE(S) se constituent cautions solidaires et indivisibles entre elles et avec l'emprunteur, en faveur de la banque, [...]. »

Il ressort de cette clause que les cautions se sont engagées non seulement solidairement avec la société Pyxis envers la banque mais également solidairement entre elles dans la limite de 15.600 €, contrairement à ce que soutient la Banque populaire Val de France dans ses conclusions.

Dès lors, il pourrait être déduit de ce que les cautions se sont engagées simultanément dans un même acte et ce pour un même montant limité à une fraction de la dette garantie, solidairement entre elles pour ce montant, qu'il a été dans la commune intention des parties que ces cautionnements garantissent la même fraction de la dette.

A tout le moins, il doit être considéré qu'il existe un doute dans la commune intention des parties qui doit s'interpréter en faveur de M. Simon-Maizier - doute qui n'est peut-être pas étranger à la proposition amiable de la banque contenue dans son courrier de 12 mai 2009 ne réclamant au total que la somme de 15.600 € aux deux cautions.

Il y a lieu de dire en conséquence que M. Simon-Maizier est tenu à hauteur de la même fraction de la dette que M. Rigutto pour le montant limité de 15.600 € de sorte que la Banque populaire Val de France est garantie de la dette à cette hauteur par les deux cautions et non à hauteur du cumul des deux plafonds comme elle le prétend.

Il n'en demeure pas moins que M. Simon-Maizier et M. Rigutto s'étant rendus solidairement cautions de la société Pyxis pour la même dette envers la banque, M. Simon-Maizier est obligé à toute la dette envers la Banque populaire Val de France.

La Banque populaire Val de France est dès lors fondée à lui réclamer la totalité de cette somme puisque ce dernier ne justifie ni même ne prétend que M. Rigutto aurait déjà réglé des sommes à la banque sur le montant de cette dette qui seraient à déduire.

Par ailleurs, c'est à juste titre que la Banque populaire Val de France fait valoir que la proposition amiable faite dans son courrier du 12 mai 2009 de ne payer que 7.800 € est devenue caduque faute d'avoir été acceptée par M. Simon-Maizier. En effet dans sa lettre en réponse du 20 mai 2009, M. Simon-Maizier a refusé de régler cette somme, offrant seulement de payer 5.460 €, ce qu'il n'a d'ailleurs pas fait. Il est donc mal fondé à se prévaloir d'un accord entre les parties.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. Simon-Maizier à payer à la Banque populaire Val de France la somme de 15.600 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2009.

Il y a lieu en revanche de retrancher au jugement en ce qu'il s'est prononcé sur la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l' article 1154 du code de procédure civile qui ne lui était pas demandée en première instance par la Banque populaire Val de France, ce que celle-ci reconnaît dans ses conclusions, et qu'elle ne demande pas devant la cour.

Sur la demande reconventionnelle de M. Simon-Maizier en dommages-intérêts

M. Simon-Maizier subsidiairement demande à la cour de retenir que la banque a manqué à son devoir de conseil et de la condamner en conséquence à lui payer la somme de 7.800 € à titre de dommages-intérêts alors que le conseiller bancaire leur a affirmé que la caution était effectivement répartie sur leurs deux têtes car ce montant représentait la part complémentaire de 30 % du prêt de la garantie Oseo.

La Banque populaire Val de France répond en premier lieu que ces demandes sont irrecevables comme nouvelles devant la cour, au fond, que M. Simon-Maizier en sa qualité de gérant était parfaitement apte à apprécier la nature et la portée de son engagement.

Sur ce :

Il résulte de l' article 564 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La demande tendant à voir juger que la Banque populaire Val de France a manqué à son devoir de conseil sur la portée de l'engagement de caution et en paiement de la somme de 7.800 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l' article 1382 du code civil à raison de ce manquement, formée pour la première fois devant la cour constitue une prétention de M. Simon-Maizier destinée à voir écarter les prétentions de la banque et à lui opposer la compensation avec sa créance.

Au surplus, les demandes reconventionnelles sont également recevables en cause d'appel en vertu de l' article 567 du code de procédure civile sous réserve de se rattacher par un lien suffisant à la prétention originaire et la demande de M. Simon-Maizier en cause d'appel visant à voir reconnaître le manquement de la Banque populaire Val de France à son obligation de conseil envers la caution se rattache par un lien suffisant à celle originaire de la banque visant à obtenir l'exécution de l'engagement de caution.

La demande de M. Simon-Maizier est donc recevable en cause d'appel.

M. Simon-Maizier n'apporte aucune preuve des prétendus propos tenus par le conseiller bancaire selon lesquels il aurait affirmé que la caution était effectivement répartie sur leurs deux têtes car ce montant représentait la part complémentaire de 30 % du prêt de la garantie Oseo.

M. Simon-Maizier était par ailleurs co-gérant et associé à parts égales avec M. Regutto dans la société Pyxis. La banque n'était tenue à son égard d'aucune obligation de conseil ou même de mise en garde, sauf à démontrer, pour cette dernière, qu'elle aurait eu sur ses revenus, son patrimoine ou ses facultés de remboursement prévisibles en l'état du succès raisonnablement escompté de l'opération financée, des informations que lui-même aurait ignorées, ce qu'il ne prouve ni même ne prétend.

M. Simon-Maizier sera donc débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts.

Sur les délais de paiement

M. Simon-Maizier a obtenu l'aide juridictionnelle partielle. Il justifie d'un revenu mensuel d'un montant de 1.356 € provenant d'indemnités versées par Pole emploi. Né en 1952, il indique être en fin de droit et ne pouvoir retrouver un emploi.

Il y a lieu de confirmer les délais accordés par le premier juge.

Sur les dépens et l' article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront à la charge de M. Simon-Maizier mais l'équité commande de ne pas le condamner à supporter une indemnité au titre de l' article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 6 décembre 2011 en ce qu'il a déclaré recevable l'opposition formée par M. Jean-Claude Simon-Maizier.

Dit que M. Simon-Maizier est tenu à hauteur de la même fraction de la dette que M. Rigutto pour le montant limité de 15.600 € et qu'en conséquence, la Banque populaire Val de France est garantie de la dette à hauteur de 15.600 € par les deux cautions et non à hauteur du cumul des deux plafonds.

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. Simon-Maizier à payer à la Banque populaire Val de France la somme de 15.600 € avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2009 et lui a accordé des délais de paiement.

Retranche au jugement en ce qu'il a prévu l'anatocisme des intérêts échus.

Y ajoutant,

Déclare M. Simon-Maizier recevable en cause d'appel en sa demande en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l' article 1382 du code civil mais l'en déboute.

Condamne M. Simon-Maizier aux dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l' article 699 du code de procédure civile et selon les règles gouvernant l'aide juridictionnelle.

Rejette les demandes au titre de l' article 700 du code de procédure civile .

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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