CA Nancy, 2e ch. civ., 30 septembre 2010, n° 07/02416
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
BANQUE CIC EST
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Claude-Mizarhi
Conseiller :
M. Magnin
Conseiller :
M. Martin
Avocats :
SCP CHARDON & NAVREZ, Me Kihl, Me Collot
Avocats :
SCP LEINSTER, WISNIEWSKI & MOUTON, Me Lefort
Le 12 juillet 2001, la Sarl Trajectoire Leclerc a ouvert auprès de la banque SNVB un compte « avances spéciales », régi par une convention de compte courant. Parallèlement, la société s'est vue consentir par la banque une ouverture de crédit de fonctionnement se traduisant par l'autorisation d'un découvert en compte courant professionnel de 600.000 F (91.469,41 €) ce concours étant accordé pour une durée de sept mois à compter de sa mise à disposition, étant précisé qu'à l'échéance des crédits accordés, il pourra être convenu d'une nouvelle ouverture de crédits aux conditions qui seront expressément stipulées par les parties aux termes d'un nouveau contrat, sans qu'il y ait une quelconque obligation pour la banque de maintenir des concours après échéance.
La convention prévoyait par ailleurs le cautionnement solidaire de Monsieur et Madame Leclerc.
Le même jour, Monsieur Philippe Leclerc s'est porté caution solidaire de l'ensemble des engagements contractés par la Sarl Trajectoire Leclerc dans la limite de la somme de 600.000 F en principal.
Par acte du 7 septembre 2005, la Sa SNVB a assigné devant le tribunal de grande instance d'Epinal Monsieur Philippe Leclerc aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 85.759,09 € correspondant au solde débiteur du compte « avances spéciales » au jour de sa clôture, soit à la date du 24 avril 2005, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2005, outre 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 800 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .
Elle a fait valoir, pour répondre aux moyens développés en défense par Monsieur Leclerc qu'en l'absence de toute mention au contrat de cautionnement, le défendeur s'est engagé pour une durée déterminée et que faute d'avoir dénoncé régulièrement son engagement, il se trouve tenu de la totalité de la dette de la débitrice principale, dont elle justifie par la production aux débats du relevé exhaustif des opérations enregistrées sur le compte litigieux depuis son ouverture à la date du 17 juillet 2001 jusqu'à sa clôture.
La demanderesse a prétendu par ailleurs justifier avoir régulièrement informé le défendeur de l'évolution de ses engagements.
Monsieur Leclerc a conclu au rejet des demandes et sollicité reconventionnellement la condamnation de la Sa SNVB à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 1.500 € du chef des frais irrépétibles.
Il a prétendu que son engagement de caution était limité à une durée de 7 mois à compter de la mise à disposition des concours, correspondant à la durée du contrat conclu entre la banque et le débiteur, et qu'il ne peut plus être actionné à l'expiration de ce délai.
Il a fait valoir à titre subsidiaire, qu'en l'absence de tout décompte faisant apparaître les règlements opérés et les sommes dues mensuellement avec les éventuels intérêts encourus, il n'est pas en mesure d'apprécier la dette de la société débitrice principale et partant sa propre dette ; qu'enfin, la banque ne justifie pas du respect de son obligation d'information annuelle.
Par jugement en date du 27 septembre 2007, le tribunal a débouté la Banque SNVB de ses demandes, débouté le défendeur de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et condamné la demanderesse aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le premier juge, relevant que la convention d'ouverture de compte courant, la convention d'ouverture de crédit à hauteur de 600.000 F pour une durée limitée à 7 mois et l'engagement de caution de Monsieur Leclerc, signées dans une même unité de temps, sont intimement liées, a énoncé qu'eu égard au caractère accessoire de la caution et dans la mesure où il n'existe aucune trace d'une stipulation de la caution à durée indéterminée, il doit être considéré que le cautionnement conclu par le défendeur, qui ne peut excéder les engagements de la débitrice principale, l'a été pour une durée de 7 mois à compter du 12 juillet 2001, soit jusqu'au 12 février 2002 ; que par ailleurs, étant rappelé que le terme assortissant un cautionnement doit être considéré comme visant la seule obligation de couverture, l'obligation de règlement devant survivre sauf stipulation expresse des parties, absente dans les présentes conventions, Monsieur Leclerc est tenu solidairement et principalement du remboursement du solde éventuellement débiteur du compte « avances spéciales » de la Sarl Trajectoire au 12 février 2002 ; que toutefois, faute de justification suffisante de la dette principale à cette date, la demande de la banque ne peut prospérer.
Suivant déclaration reçue le 15 octobre 2007, la Sa Banque SNVB aujourd'hui dénommée Banque CIC Est a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, demandant à la cour de condamner Monsieur Leclerc à lui payer la somme de 85.759,09 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2005 ainsi qu'une indemnité de 1.200 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile , et aux entiers dépens.
L'appelante a maintenu qu'en l'absence d'une quelconque stipulation de durée au contrat de cautionnement signé par Monsieur Leclerc, celui-ci s'est engagé pour une durée indéterminée ; qu'en tout état de cause, à supposer que l'engagement ait été souscrit pour une durée déterminée, l'obligation à la dette n'en a pas moins subsisté dans la limite de ce qu'elle était au jour où le cautionnement s'est éteint, soit la somme de 91.469,41 € à la date du 12 février 2005.
La banque a indiqué par ailleurs produire aux débats toutes les lettres d'information adressées à Monsieur Leclerc en sa qualité de caution depuis le 15 mars 2002, justifiant ainsi du respect des dispositions de l' article L 313-22 du code monétaire et financier.
Monsieur Leclerc a conclu pour sa part à la confirmation de la décision entreprise, sollicitant en outre la condamnation de la Banque CIC Est aux dépens et au paiement de la somme de 1.200 € du chef des frais irrépétibles.
L'intimé a maintenu que la banque n'ayant pas mis en oeuvre son cautionnement à l'expiration du délai de 7 mois pour lequel il s'était engagé, ne peut prétendre à aucun paiement ; que par ailleurs le décompte qu'elle produit est insuffisant à justifier de la somme qu'elle réclame et qu'elle ne justifie pas avoir respecté les dispositions de l' article L 313-22 du code monétaire et financier.
SUR CE :
Vu les dernières écritures déposées par la Banque CIC Est le 19 février 2010 et le 28 septembre 2009 par Monsieur Philippe Leclerc, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Attendu qu'en application des articles 2290 et 2292 du code civil , le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses ; qu'il doit être express et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ;
Attendu par ailleurs qu'en cas de difficulté d'interprétation des conventions, le doute doit bénéficier à la caution ;
Attendu en l'espèce, qu'il est constant, au vu des éléments de la cause, que le contrat souscrit le 12 juillet 2001 par Monsieur Philippe Leclerc, aux termes duquel il s'est porté caution solidaire « du paiement ou du remboursement de toutes sommes que peut ou pourra devoir la société Trajectoire Leclerc à la Sa SNVB devenue CIC Est, à raison de toutes obligations nées directement ou indirectement pour quelque cause que ce soit, à concurrence du montant en principal de 600.000 F » était intimement lié à la convention d'ouverture de crédit de fonctionnement portant découvert en compte courant professionnel à hauteur de 600.000 F conclue le même jour entre la banque et la société Trajectoire Leclerc pour une durée de sept mois à compter de la mise à disposition du concours, cette convention faisant expressément référence au cautionnement solidaire souscrit par Monsieur Leclerc ;
Que c'est par une exacte analyse de la volonté des parties, que le premier juge a estimé, nonobstant la généralité des termes employés dans la convention pour définir l'étendue de l'obligation de la caution et l'absence de mention relative à la durée de son engagement, que l'appelant n'avait entendu s'engager en qualité de caution solidaire que concernant les obligations souscrites par la Sarl Trajectoire Leclerc au titre de l'ouverture de crédit en compte courant et aux conditions fixées à ladite ouverture de crédit, soit pour une durée de 7 mois, qui n'a pas été renouvelée par un nouveau contrat en fixant les nouvelles conditions tel qu'exigé par la convention du 12 juillet 2001 ;
Attendu qu'il sera rappelé par ailleurs que la clause fixant la durée de l'engagement a pour seul effet de limiter la garantie de la caution au temps convenu par les parties mais non d'imposer au créancier d'engager contre elle des poursuites dans ce même délai, la caution garantissant pendant le délai fixé les obligations du débiteur quelle que soit l'époque à laquelle les poursuites sont exercées contre elle ; que Monsieur Philippe Leclerc est ainsi tenu du solde débiteur éventuel du compte existant à la date limite de son engagement, soit à la date du 11 février 2002 ;
Or attendu qu'il résulte du relevé des opérations produits aux débats par la Sa Banque CIC Est pour la période du 17 juillet 2001 au 11 avril 2005, date de clôture du compte courant « avances spéciales » ouvert dans ses livres au nom de la Sarl Trajectoire Leclerc, qu'à la date du 11 février 2002, le compte accusait, compte tenu de la mise à disposition de la somme de 600.000 F (91.469,41 €) et en l'absence de tout remboursement et de tout mouvement, un solde débiteur de 91.469,41 € ;
Attendu que la banque réduisant sa demande à la somme de 85.759,09 € due en principal, compte tenu des règlements opérés postérieurement par la Sarl Trajectoire Leclerc, il échet d'y faire droit ;
Qu'il sera observé enfin que la Sa Banque CIC Est qui produit aux débats les courriers adressés à l'appelant les 15 mars 2002, 17 mars 2003, 15 mars 2004, 17 février 2005, 20 février 2006, 19 février 2007, 18 février 2008 et 19 février 2009 lui rappelant, conformément à l'obligation mise à sa charge par l' article L 313-22 du code monétaire et financier , les montants dus au titre de son engagement de caution, sollicite simplement la condamnation de Monsieur Philippe Leclerc aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée, conformément aux dispositions de l' article 1153 alinéa 3 du code civil ; qu'il sera toutefois observé que la première lettre portant mise en demeure de régler la somme due a été adressée à Monsieur Leclerc le 30 juin 2005 et non le 12 avril 2005 comme indiqué par l'appelante dans ses écritures ;
Attendu que l'équité ne commande pas, étant observé que la banque a été déboutée en première instance car elle n'avait pas fourni les justificatifs nécessaires de sa créance, qu'il soit fait application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile ;
Que compte tenu de l'issue de la procédure, Monsieur Leclerc sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l' article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile ,
Reçoit la Sa Banque CIC Est anciennement dénommée Banque Société Nancéienne Varin Bernier, en son appel contre le jugement rendu le 27 septembre 2007 par le tribunal de grande instance d'Epinal,
Infirme ce jugement et statuant à nouveau,
Condamne Monsieur Philippe Leclerc à payer à la Sa Banque CIC Est la somme de QUATRE VINGT CINQ MILLE SEPT CENT CINQUANTE NEUF EUROS ET NEUF CENTIMES (85.759,09 €) majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2005 ;
Déboute la Sa Banque CIC Est du surplus de ses prétentions ;
Déboute Monsieur Leclerc de ses demandes ;
Condamne Monsieur Leclerc aux dépens de première instance et d'appel et autorise la Scp Chardon et Navrez, avoués, à faire application des dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.