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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 mai 2014, n° 12/04821

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

SOCIÉTÉ CAISSE D'ÉPARGNE DE BOURGOGNE FRANCHE COMTÉ

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseiller :

Mme Luc

Conseiller :

Mme Nicoletis

Avocats :

Me Havet, Me Persenot Louis - SCP BAZIN, PERSENOT LOUIS, SIGNORET, CARLO VIGOUROUX

Avocat :

Me Ribaut - SCP RIBAUT

CA Paris n° 12/04821

13 mai 2014

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

Monsieur Aillard était le gérant de la SCOP Arts Graphiques 89.

Le 10 juillet 2009, la SCOP Arts Graphiques 89, représentée par M. Aillard, a signé un contrat d'ouverture de découvert négocié en compte courant professionnel, d'une duré de douze mois et d'un montant maximum autorisé de 40 000 euros. Le même jour, M. Aillard s'est porté caution solidaire ' dans la limite de 48 000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de douze mois'.

Le 28 septembre 2010 et suite au redressement judiciaire de la société Arts Graphiques 89 et à sa cession totale, la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté a mis en demeure M. Aillard d'honorer son engagement de caution, couvrant selon elle, le remboursement d'un prêt antérieur consenti le 13 mars 2007 à la SCOP. Estimant ne s'être porté caution que du découvert bancaire, M. Aillard a refusé de s'acquitter des sommes qui lui étaient demandées.

Le 13 mai 2011, la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté a assigné M. Aillard devant le tribunal de commerce d'Auxerre, qui a fait droit à ses demandes.

Sur la nullité du jugement entrepris

Considérant que M. Aillard invoque la nullité du jugement en ce qu'il a porté atteinte aux droits de la défense et a méconnu les dispositions de l' article 76 du code de procédure civile en n'invitant pas les parties à conclure sur le fond alors qu'il allait statuer sur sa compétence ;

Considérant que, en statuant sur le fond, après s'être reconnu compétent, sans avoir invité les parties à conclure sur le fond, le tribunal a méconnu l' article 76 du code de procédure civile qui dispose que 'Le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond' ; que cette obligation est applicable devant toutes les juridictions et notamment le tribunal de commerce, nonobstant l'oralité de la procédure ; que le jugement sera donc annulé ;

Sur le caractère du cautionnement

Considérant que M. Aillard évoque le caractère civil du cautionnement, en rappelant que le caractère commercial d'un cautionnement ne peut être retenu que lorsqu'il est souscrit par un dirigeant qui a un intérêt personnel patrimonial direct à l'opération ;

Mais considérant que la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté justifie du caractère commercial du cautionnement, en soulignant que la SCOP Arts Graphiques 89 est une société commerciale et que le caractère commercial d'un cautionnement est établi lorsque la caution a un intérêt personnel dans l'affaire à l'occasion de laquelle le cautionnement est intervenu ; qu'en l'espèce, M. Aillard bénéficiait des qualités d'associé disposant du nombre de parts sociales le plus élevé, de dirigeant-salarié et d'associé de la société propriétaire des murs du local dans lequel la société Arts Graphiques 89 exploitait son activité ;

Considérant que l'intérêt personnel de M. Aillard est caractérisé, de sorte que le cautionnement doit être qualifié de commercial ;

Sur la portée de l'engagement de caution

Considérant que M. Aillard allègue que l'acte de caution, souscrit le 10 juillet 2009 pour une durée de 12 mois, avait uniquement pour but de garantir le découvert autorisé par la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté à hauteur de 40.000 € ; qu'aucune dette relative à ce découvert n'existait à la date 10 août 2010 vis-à-vis de la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté, de sorte que l'engagement de M. Aillard ne peut être étendu au-delà du délai de 12 mois ; que subsidiairement, M. Aillard affirme que le cautionnement qui est l'accessoire du découvert accordé à la société Arts Graphiques 89 n'a fait l'objet d'aucun déclaration de créance ; que la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté doit donc être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Considérant que la société Caisse d'Épargne de Bourgogne Franche Comté rejette l'hypothèse selon laquelle le cautionnement avait pour unique objet de garantir le découvert autorisé, soutenant que le contrat de cautionnement avait un objet général, notamment en ce qu'il précise qu'il s'applique «au paiement de toutes sommes que le débiteur principal peut ou pourra devoir à la Caisse d'Épargne...» ;

Mais considérant que le caractère explicite et non équivoque de la connaissance, par la caution, de la nature et de l'étendue de son engagement, s'apprécie au jour de l'acte de cautionnement ; que l'article 1 du contrat de cautionnement contient les dispositions suivantes : 'Le présent engagement personnel s'applique au paiement de toutes sommes que le débiteur principal peut ou pourra devoir à la Caisse d'épargne en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires, pénalités et intérêts de retard, en raison de tous engagements ou opérations directes ou indirectes, et notamment par suite d'ouverture de crédit, avance, débours de caisse, solde provisoire ou définitif du compte courant, garanti en faveur de tiers, retour d'effets impayés (...)' ; que n'est donc pas expressément mentionné, au titre des opérations garanties par le cautionnement, le prêt consenti antérieurement ;

Considérant qu'au mois de juillet 2009, les échéances des prêts étaient à jour et dûment garanties et il n'y avait aucune raison légitime de solliciter une garantie supplémentaire de la part de la caution ; que l'acte de cautionnement a été signé concomitamment à l'octroi du découvert, pour un montant et une durée identiques ; que le contrat d'ouverture de découvert négocié en compte courant professionnel en date du 10 Juillet 2009 indique expressément que le remboursement du solde débiteur du compte est garanti par la caution personnelle indivisible et solidaire de Monsieur AILLARD Philippe né le 1er Avril 1968 à hauteur de 120% du montant du découvert, garantie formalisée par acte séparé ;

Considérant, en outre, que tous les documents, établis par la banque elle-même, attestent que le cautionnement souscrit est l'accessoire exclusif du découvert consenti à la société ; que la déclaration de créance de la Caisse d'Epargne au passif de la société Arts Graphiques 89 mentionne que seul le découvert de la société, qui est nul au moment de l'ouverture de la procédure, est garanti par la caution de Monsieur Aillard ;

Considérant donc que le cautionnement ne couvre que le découvert bancaire et que celui-ci étant d'un montant nul au moment de l'appel de la caution, la société Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Philippe Aillard les frais irrépétibles inhérents à la présente instance ; que la société Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté sera donc condamnée à payer à Monsieur Philippe Aillard la somme de 3.000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Annule le jugement entrepris,

Evoque l'affaire,

Et, statuant à nouveau,

Se reconnaît compétente,

Déboute la société Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté de sa demande,

Condamne la société Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne la société Caisse d'Epargne de Bourgogne Franche Comté à payer à Monsieur Philippe Aillard la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.

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