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Décisions

CA Besançon, 1re ch. civ. et com., 28 avril 2020, n° 18/02103

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE COMTE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mazarin

Conseillers :

Mme Chiaradia, Mme Uguen Laithier

Avocats :

Me Carpentier, Me Fleury

Avocat :

Me Gros, SELARL AITALI-GROS-CARPI-LE DENMAT

CA Besançon n° 18/02103

27 avril 2020

Faits et prétentions des parties

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche Comté (la banque) a consenti à la SARL Julal (la société) :

- suivant acte notarié du 14 décembre 2011, un prêt d'un montant de 178 000 euros, avec intervention à l'acte en qualité de caution personnelle et solidaire de M. C Z, gérant de la société, à hauteur de 14,77 % dans la limite de 100 000 euros,

- suivant acte sous seing privé du 19 mars 2015, une ouverture de crédit de 20 000 euros.

Par acte du 3 octobre 2017, M. Z s'est porté de caution personnelle et solidaire tous engagements aux fins de garantir la banque de toutes sommes qui pourraient lui être dues par la société dans la limite de 10 000 euros pour une durée de dix ans.

Parallèlement, la banque s'est portée caution de la société à hauteur de 20 000 euros au profit de la société Codifrance, fournisseur de celle ci.

Suivant jugement en date du 15 janvier 2016, la société a été placée sous sauvegarde, convertie en redressement judiciaire le 8 juin 2016, lui même converti en liquidation judiciaire le 7 septembre 2016 et la banque a régulièrement déclaré sa créance, au gré de l'évolution de la procédure, les 29 janvier, 20 juillet et 17 octobre 2016.

Un certificat d'irrecouvrabilité totale et définitive lui a été délivré le 13 juillet 2017 par M. B A, mandataire liquidateur de la société.

Actionné par la société Codifrance par acte du 16 septembre 2016, la banque a réglé la somme de 20 000 euros au titre de son engagement de caution et une quittance subrogative lui a été délivrée le

16 novembre 2016.

A la suite d'engagements non tenus et de mises en demeure restées vaines, la banque a, par exploit d'huissier délivré le 5 octobre 2017, fait assigner M. Z devant le tribunal de commerce de Besançon qui, par jugement rendu le 17 octobre 2018, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- débouté M. Z de ses demandes et l'a condamné à payer à la banque la somme de 20 000 euros, outre, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2016, au titre de son engagement de caution,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. Z à verser à la banque 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Suivant déclaration reçue au greffe le 14 décembre 2018, M. Z a relevé appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures transmises le 12 mars 2019, il conclut à son infirmation et demande à la cour de :

- juger que l'acte de cautionnement du 3 octobre 2007 n'est pas valable pour défaut d'objet et de cause,

- juger qu'il n'est pas tenu par le paiement par subrogation d'un montant de 20 000 euros pratiqué entre le Crédit Agricole et la SAS Colruyt Distribution France,

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts échus à raison de l'inobservation de l'obligation annuelle d'information de la caution,

- débouter en conséquence la banque de l'intégralité de ses demandes,

- ordonner l'exécution provisoire (sic),

- condamner la banque à lui payer 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et à assumer les entiers dépens.

Par dernières écritures déposées le 26 juin 2019, la banque conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. Z à lui verser 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions valablement déposées de celles ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 3 mars 2020.

Motifs de la décision

* Sur l'exception de nullité de l'acte de cautionnement tous engagements,

Attendu que M. Z soulève la nullité de son cautionnement tous engagements arguant de ce qu'il serait dépourvu de cause et d'objet déterminé ou déterminable ne serait ce que parce qu'à sa date il ne pouvait avoir connaissance de la signature des contrats de prêt, d'ouverture de crédit de trésorerie et d'ouverture d'un compte courant, qui interviendront respectivement les 14 décembre 2011, 19 mars 2015 et 9 janvier 2016 entre la banque et la société et fait grief au jugement querellé d'avoir statué au visa de l'article 1163 du code civil, texte inapplicable au contrat litigieux ; qu'il estime qu'à tout le moins le cautionnement de dettes futures, pour être valide, doit délimiter les contours de son engagement ; qu'il considère enfin que la créance subrogative de la banque à l'encontre de la société d'un montant de 20 000 euros n'entrait pas dans le champ des créances garanties par son cautionnement, conformément à l'effet relatif des contrats, dès lors que cet engagement de caution souscrit par la banque n'est intervenu qu'entre celle ci et une inexistante société Codifrance et qu'au surplus la subrogation invoquée est entachée d'ambiguïté ;

Que la banque rétorque que l'argument adverse portant sur l'erreur de visa du texte applicable est inopérant dès lors que la teneur du texte réellement applicable était similaire et rappelle que l'engagement omnibus, fréquent en matière commercial, peut être souscrit indépendamment de tout concours financier concomitant et qu'il n'encourt aucune nullité dès lors qu'il est dans sa nature de garantir des dettes présentes et à venir par nature non déterminées à la date de l'engagement, en ce compris au titre d'une créance subrogative ;

Attendu que la lecture de l'acte de cautionnement personnel et solidaire tous engagements souscrit le 3 octobre 2007 par M. Z fait apparaître que celui ci s'est engagé, dans la limite de la somme de 20 000 euros et pour une durée de dix ans, à garantir la banque, sur tous ses biens meubles et immeubles présents et à venir, de tout remboursement de sommes dues à celle ci par la société si celle ci n'y satisfaisait pas elle même en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil ;

Que l'article 1129 ancien du code civil, applicable au contrat en cause à la différence de l'article 1163 visé à tort par les premiers juges, dispose que l'obligation doit avoir pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce, la quotité de la chose pouvant être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée ; que tout contrat doit par ailleurs, pour être valide, justifier d'un objet certain formant la matière de l'engagement et d'une cause licite dans l'obligation ;


Attendu que le cautionnement tous engagements vaut pour les dettes à venir du cautionné autant que pour les dettes présentes et le cautionnement d'une dette future, fût elle éventuelle, est valable quant à son objet lorsque la dette garantie est suffisamment déterminée en son principe, voire seulement déterminable ; qu'il est donc inopérant de soutenir que la caution ignorait à la date de son engagement l'existence même et l'importance des engagements souscrits postérieurement par la société envers la banque, dès lors que cela participe de la nature même d'un cautionnement tous engagements portant sur des dettes futures ;

Que l'acte de cautionnement argué de nullité porte en l'espèce l'indication du débiteur principal, qui n'est autre que la société dont M. Z est le gérant, la durée de l'engagement (dix ans) et la limite (20 000 euros) au delà de laquelle aucune somme ne pourra être réclamée à la caution au titre de son engagement ; que dans ces conditions, c'est en vain que l'appelant excipe de la nullité de ce cautionnement, qui porte incontestablement sur une obligation à tout le moins déterminable en ce qu'il est suffisamment précis quant au périmètre et à l'objet de l'engagement pour satisfaire à l'exigence énoncée par l'article 1129 du code civil précité et qui n'est par ailleurs pas dénué de cause puisqu'il vise à garantir la banque en cas de défaillance du débiteur principal ;

Que c'est encore en vain que M. Z conteste que la quittance subrogative attestant de ce qu'en qualité de caution de la société, la banque a acquitté entre les mains d'un créancier de celle ci la somme de 20 000 euros n'entrerait pas dans le champ de son propre engagement, dans la mesure où celui ci stipule qu'il a une portée générale et couvrira toutes les obligations du cautionné à l'égard de la banque à raison de tous engagements, de toutes opérations et d'une façon générale de toutes obligations nées, sans aucune exception, directement ou indirectement, pour quelque cause que ce soit ;

Que la banque justifie s'être portée caution solidaire de la société à hauteur de 20 000 euros par acte du 16 mars 2015 en garantie de toutes sommes dues au titre des paiements de commandes, au profit de la société Colruyt Distribution France, dont le nom commercial est Codifrance et le siège situé [Adresse] sur Nenon, et dont l'existence n'est pas contestable contrairement aux affirmations de l'appelant, ainsi que cela ressort des extraits Kbis versés aux débats, émis à une date contemporaine de la quittance ; que la banque démontre avoir, en cette qualité, procédé au virement de ladite somme le 17 octobre 2016 ensuite d'une mise en demeure du créancier ; que la quittance subrogative établie par ce dernier au profit de la banque attestant de ce que celle ci détient depuis lors une créance de ce montant à l'encontre de la société, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la somme de 20 000 euros entrait dans le champ des créances de la banque garanties par le cautionnement tous engagements de M. Z ; qu'en toute hypothèse, l'intimée fait observer à juste titre que sa créance à l'encontre de la société, telle que déclarée et admise à titre chirographaire par M. A à hauteur de 336 444,15 euros (hors créance subrogative, dès lors que l'admission portait sur la première déclaration de créance qui n'avait visé cette créance que pour mémoire), justifie la mise en oeuvre de l'engagement de M. Z à hauteur de 20 000 euros sans même qu'il soit besoin d'avoir égard à la créance litigieuse susvisée ;

Attendu qu'il s'évince de ce qui précède que le moyen tiré de la nullité du cautionnement tous engagements souscrit le 3 octobre 2007 par M. Z est inopérant et que le jugement déféré qui a condamné ce dernier à payer à la banque la somme de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, mérite confirmation de ce chef ;

* Sur l'obligation d'information des cautions,

Attendu que M. Z se prévaut de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur en 2005, pour rappeler qu'un établissement de crédit est tenu à l'égard de la caution d'une obligation annuelle d'information de la dette principale jusqu'à complet paiement de celle ci et que la banque n'ayant pas satisfait à son obligation à ce titre de 2008 à 2010 et de 2017 à aujourd'hui, elle se trouve déchue des intérêts échus ;

Que la banque lui objecte que même à supposer que la déchéance du droit aux intérêts serait encourue pour les périodes précitées, elle ne saurait impacter le montant de l'engagement de M. Z (20 000 euros) dès lors que sa créance garantie s'élève au total à 398 051,04 euros ;


Attendu qu'en vertu de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur à la date de l'engagement litigieux, "Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette" ;

Qu'en s'en tenant à la seule créance admise à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société au bénéfice de la banque, soit 336 444,15 euros conformément à l'avis de décision du juge commissaire du 1er juin 2017, il est évident qu'une déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour les périodes écoulées entre 2008 et 2010 et entre 2017 à ce jour, n'aurait en tout état de cause, aucun impact sur le montant de l'engagement de caution de M. Z, compte tenu de l'important différentiel entre les deux sommes et le caractère nécessairement marginal de la déchéance, de sorte que c'est avec pertinence que l'intimée argue du caractère inopérant de ce moyen ;

Qu'enfin il y a lieu, à la suite des premiers juges, d'écarter l'argument développé par la caution tenant à une prétendue suspicion de la fiabilité des documents émanant de la banque pour justifier de l'information annuelle de la caution, au prétexte de papiers à en tête et de logo différents alors que ces documents permettent à l'évidence d'identifier leur émetteur et d'écarter tout doute quant à leur véracité ;

* Sur les demandes accessoires,

Attendu que la présente décision n'étant pas susceptible de recours suspensif, il doit être considéré que la demande figurant aux écritures de l'appelant, tendant à voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, résulte d'une erreur de plume et qu'elle est en tout état de cause sans objet ;

Que l'issue du présent litige commande de faire droit à hauteur de 2 000 euros à la demande de l'intimée au titre des frais irrépétibles d'appel ; que M. Z qui succombe en ses prétentions sera condamné aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance étant par ailleurs confirmées ;


PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 17 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Besançon en toutes ses dispositions.

Condamne M. C Z à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Franche Comté une indemnité de deux mille (2 000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. C Z aux dépens d'appel.

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