CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 30 octobre 2025, n° 24/11412
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 24/11412 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWFJ
[E] [M]
C/
[Z] [W]
M.LE PROCUREUR GÉNÉRAL
Copie exécutoire délivrée
le :30 octobre 2025
à :
Me Philippe SOUSSI
PG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 09 Septembre 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2024000887.
APPELANTE
Madame [E] [M]
née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 20] (59) de nationalité française, Présidente de la société [14] ([17] : [N° SIREN/SIRET 4]), demeurant [Adresse 2] ([Adresse 3]).
représentée par Me Philippe SOUSSI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Esther AUCLAIR, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître [Z] [W]
mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 15]
défaillante
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
demeurant [Adresse 7]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Isabelle MIQUEL, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Madame [E] [M] et Monsieur [S] [F] sont mariés.
La société par actions simplifiée unipersonnelle [14] a été créée par M. [S] [F] en octobre 2017. Elle a pour activité l'installation de fibre optique et réseaux, le conseil, l'étude et la réalisation de projets d'installation de fibre.
Par jugement du 20 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé à l'encontre de Monsieur [F], en sa qualité de gérant d'une autre société, une interdiction de gérer d'une durée de sept ans.
Par décision de l'associé unique en date du 8 octobre 2021, Madame [E] [M] a été nommée présidente de la société [14] en remplacement de Monsieur [S] [F].
Par jugement du 26 juin 2023, le tribunal de commerce de Fréjus, saisi par requête en date du 17 avril 2023 du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan, a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société [14].
Par jugement du 18 septembre 2023, le tribunal de commerce de Fréjus a converti la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement en date du 9 septembre 2024, le tribunal de commerce de Fréjus, saisi par requête en date du 29 février 2024 du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans, a':
- prononcé la faillite personnelle de Madame [M] pour une durée de 15 ans,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement,
- mis les dépens et frais à la charge de Madame [M] , dont ceux à recouvrer par le greffe.
Selon déclaration en date du 18 septembre 2024, Madame [M] a formé un appel partiel de ce jugement.
Selon conclusions notifiées par la voie du RPVA le 27 juin 2025, Mme [M] demande à la cour de':
Juger que Madame [E] [M] n'a pas dissimulé tout ou partie de l'actif de la société [14] ;
Juger que Madame [E] [M] n'a pas détourné tout ou partie de l'actif de la société [14] ;
Juger que Madame [E] [M] n'a pas disposé des biens de la société [14] comme des siens propres ;
Juger que Madame [E] [M] ne s'est pas volontairement abstenue de faire établir les bilans de la société [14] ;
Juger que Madame [E] [M] ne s'est pas abstenue volontairement de collaborer avec les organes de la procédure et de communiquer des renseignements au mandataire judiciaire.
En conséquence :
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 9 septembre 2024 en ce qu'il a :
- prononcé la faillite personnelle du dirigeant de droit de la SAS [14] Madame [M] [E] née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 19], domiciliée sis [Adresse 18]';
- fixé la durée de cette mesure à 15 ans';
Juger que Madame [M] ne peut être condamnée à une mesure de faillite personnelle';
A titre subsidiaire,
Juger que le prononcé d'une mesure de faillite personnelle n'est pas fondé et ne se justifie nullement dans le cas d'espèce';
En conséquence :
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 9 septembre 2024 en ce qu'il a :
- prononcé la faillite personnelle du dirigeant de droit de la SAS [14], Madame [M] [E] née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 19], domiciliée sis [Adresse 18]';
- fixé la durée de cette mesure à 15 ans';
Et statuant à nouveau,
Prononcer à l'encontre de Madame [M] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci d'une durée maximale de 2 ans';
Statuer ce que de droit sur les dépens.
A l'appui de ses demandes, Mme [M] fait grief au tribunal de n'avoir pas tenu compte des réquisitions du ministère public qui avait requis une sanction d'interdiction de gérer de 10 ans et rappelle que le tribunal n'avait pas l'obligation de choisir la sanction de la faillite.
Elle conteste toute volonté de sa part de dissimulation de l'actif de la société, affirmant au contraire avoir, suite à l'insistance du bailleur, vidé le local d'une partie du matériel de la société et l'avoir entreposé dans son garage, ce dont l'huissier mandaté par le mandataire a été informé.
S'agissant des véhicules de la société, elle soutient qu'un seul véhicule Ford Transit Custom n'a pas été restitué à la société de leasing, celui-ci ayant été prêté au cessionnaire de la société [14] en vue du rachat de l'intégralité des actions de M. [F] mais que le cessionnaire n'a jamais restitué le véhicule sans que Mme [M] ne sache où il se trouve.
S'agissant du grief de détournement de tout ou partie de l'actif de la société, Mme [M] soutient que les virements qui lui sont reprochés correspondent, d'une part au remboursement des avances faites par son époux à la société [14] et, d'autre part, aux salaires de son époux qui était salarié de la société et elle indique que ces salaires étant insuffisants pour permettre à la famille de vivre, raison pour laquelle son époux a également reçu des dividendes.
S'agissant du grief d'avoir disposé des biens de la société comme des siens propres, Mme [M] fait valoir que le contrat de prestation d'accueil de ses deux enfants par une crèche et son avenant ont été signés par M. [F] alors qu'elle n'était pas encore gérante, quand bien même elle a pu en bénéficier. Elle ajoute que lorsque ce contrat a été signé, M. [F] pensait qu'il pourrait bénéficier à la société à [Localité 9] et que le contrat a été résilié dès avril 2021 mais que la crèche n'en a pas tenu compte et a facturé jusqu'en avril 2022.
S'agissant du défaut de comptabilité, Mme [M] ne conteste pas qu'aucun bilan n'a pu être établi depuis 2021 et soutient qu'elle ne s'est pas volontairement abstenue de faire établir les comptes puisqu'elle en a été empêchée par les experts comptables qui ont refusé d'établir les comptes. Elle fait valoir les pièces comptable qu'elle a produites.
S'agissant du grief de non coopération avec les organes de la procédure, Mme [M] indique que le 15 février 2022, son mari a cédé l'intégralité des parts de la société [14] à M. [B] [N], raison pour laquelle elle n'a pas déféré aux premières convocations du mandataire mais que, lorsqu'elle a compris que le cessionnaire n'irait pas au bout de son engagement, elle a tenté de réunir les pièces demandées par le mandataire en urgence, ce qu'elle n'est pas parvenue à faire. Elle ajoute qu'elle a échangé téléphoniquement avec l'étude et elle s'est présentée au rendez-vous qui lui avait été fixé.
Elle estime enfin que la sanction prononcée à son encontre est particulièrement disproportionnée et d'une extrême sévérité et fait grief aux premiers juges de n'avoir pas pris en compte sa situation personnelle et familiale alors qu'elle et son époux rencontrent avec leurs enfants, depuis la liquidation, de grandes difficultés financières, qu'ils ne sont plus en mesure de payer leur loyer et ont été assignés par leur bailleur aux fins d'expulsion et reçoivent depuis février 2024 de prestations sociales versées par la [5].
Le liquidateur, ès qualités, a été assigné en l'étude le 24 octobre 2025. Il est défaillant.
Selon avis notifié le 2 juillet 2025, le procureur général demande à la cour de retenir les fautes de gestion retenues par le tribunal mais de réformer la décision des premiers juges avec le prononcé d'une peine d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.
Les parties ont été avisées le 10 octobre 2024 de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 10 septembre 2025 et de la date prévisible de la clôture.
La clôture a été prononcée le 3 juillet 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article L.653-1 du code de commerce, «'lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent III du titre V du livre VI du code de commerce relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdictions sont applicables, notamment,':
'1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;'(')».
Selon l'article L.653-3, «'I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;
2° (Abrogé).
3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.'»
En application de l'article L.653-4, «'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.'»
L'article L.653-5 du code de commerce dispose que «'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à'l'article L. 653-1'contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.'»
'
L'article L.653-8 du code de commerce prévoit que : « Dans les cas prévus aux articles L653-3 à L.653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.'»
La requête du ministère public ayant saisi le tribunal fait grief à Mme [M] :
- d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale (article L653-3-3° du code de commerce),
- d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle elle était intéressée directement ou indirectement (article L.653- 4-3 du code de commerce),
- d'avoir en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement (article L.653-5-5° du code de commerce)',
- d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète au regard des dispositions applicables (article L.653-5-6 du code de commerce),
- de ne pas avoir remis au liquidateur, les renseignements qu'elle était tenue de lui communiquer dans le mois suivant le jugement d'ouverture.
Le tribunal a retenu les fautes de gestion suivantes':
- détournement de matériel
- détournement de trésorerie
- abus de biens sociaux
- absence de collaboration
- absence de comptabilité
- poursuite abusive d'une activité déficitaire.
- Sur le détournement ou la dissimulation de l'actif
Le liquidateur a indiqué, dans son rapport en date du 26 janvier 2024 joint à la requête du procureur de la République ayant saisi le tribunal, que le commissaire de justice a dressé un procès-verbal de carence lorsqu'il s'est rendu au local exploité par la société dans la zone artisanale des Paluds à Fréjus. Le liquidateur dit avoir identifié auprès de l'assureur de la société [14] les véhicules suivants comme ayant été assurés par elle':
Un véhicule de marque Mercedes-Benz GLE 400 d 330 AMG Line immatriculé [Immatriculation 13];
Un véhicule de marque Mercedes-Benz - GLE 400 d 330 AMG Line immatriculé [Immatriculation 23];
Un véhicule de marque Volkswagen immatriculé [Immatriculation 22] ;
Un véhicule de marque Renault Master immatriculé [Immatriculation 10]';
Un véhicule de marque Renault Master immatriculé [Immatriculation 6]';
Un véhicule de marque Ford transit immatriculé [Immatriculation 12] ;
Un véhicule de marque Citroën Jumpy immatriculé [Immatriculation 8] ;
Une remorque immatriculée [Immatriculation 11].
Mme [M] fait référence à la liste établie par le mandataire, ne conteste pas que ces véhicules ont existé et présente les explications suivantes':
- elle indique que les deux véhicules Mercedes Benz GLA inventoriés par le liquidateur consistent en un seul véhicule, les numéros de châssis étant identiques, ce dont elle justifie';
- elle dit avoir cédé avant l'ouverture de la procédure collective les véhicules Citroën Jumpy immatriculé [Immatriculation 8] et Renault Master immatriculé [Immatriculation 6]'; cependant elle ne justifie que de la cession du véhicule Renault Master le 19 septembre 2022';
- elle indique que les véhicules Mercedes-Benz GLE 400 d 330 AMG Line immatriculé [Immatriculation 13], Renault Master immatriculé [Immatriculation 10], Ford transit immatriculé [Immatriculation 12] et la remorque ont fait l'objet de contrats de location et que seul le véhicule Ford transit n'a pas été restitué'; cependant elle ne justifie d'aucune restitution alors que le mandataire indique en son rapport qu'aucun véhicule n'a été restitué';
- elle indique que le véhicule Renault master [Immatriculation 10] a été placé en fourrière et vendu aux enchères publiques et en justifie';
- elle indique que le véhicule Volkswagen avait été prêté à la société et fait observer qu'il n'a jamais été revendiqué par la société [21].
En définitive, contrairement à ce qu'indique Mme [M], ce n'est pas un seul véhicule qui n'aurait pas été rendu au motif qu'il aurait été prêté à un candidat à la cession de la société qui ne l'aurait pas rendu ' ce qui n'est au demeurant pas démontré ' ce sont au moins quatre véhicules qui sont manquants.
Compte tenu du nombre de véhicules ainsi soustraits à l'actif de la société, cette dissimulation d'actif excède la négligence et ne peut que revêtir un caractère volontaire.
S'agissant des sommes versées à son époux, Mme [M] ne conteste pas que son époux a reçu la somme de 90'996,67 euros entre janvier et mai 2023 et indique qu'elle correspond aux salaires de son mari, à des remboursements d'avances et à des dividendes versés à son mari, faisant observer que deux versements de 10'000 euros portent la mention div-2023.
Cependant, d'une part, elle ne verse aux débats ni contrat de travail de M. [F], ni bulletins de salaires pour justifier du revenu auquel il pouvait prétendre, ni décisions de l'assemblée générale de la société de versements de dividendes et de remboursements d'avance.
Compte tenu de ce qui précède, le détournement d'actifs consistant en des versements de sommes importantes et injustifiées entre janvier et mai 2023 à M. [F] alors que Mme [M] indique elle-même que le chiffre d'affaires a périclité en 2022, est établi.
- Sur l'usage des biens contraires à l'intérêt social
Comme le fait remarquer Mme [M], le contrat de garde de ses enfants a été signé avec la société [16] le 16 décembre 2020 et l'avenant modificatif a été signé le 16 mars 2021, avant que Mme [M] ne devienne gérante.
Mme [M] indique que le contrat a été résilié par sa société en avril 2021, sans en justifier cependant.
C'est ensuite la société [16] qui a résilié le contrat en mars 2022.
Compte tenu du fait que Mme [M] a été nommée gérante le 8 octobre 2021, c'est bien elle qui a, à partir de cette date, fait un usage des biens contraires à l'intérêt social en faisant régler par sa société la garde de ses enfants par une crèche.
- Sur le défaut de tenue de comptabilité
L'article L.123-12 dispose que «'Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.
Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.
Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.'»
Une comptabilité incomplète ou inexacte s'analyse en une absence de comptabilité.
Mme [M] ne conteste pas l'absence de comptabilité à compter de l'année 2021 mais indique que son expert-comptable ayant refusé de poursuivre sa mission pour défaut de paiement, elle n'a pu récupérer les éléments de comptabilité dont elle avait besoin pour faire établir les comptes. Cependant, elle n'en justifie nullement.
Les bilans simplifiés qu'elle produit a posteriori pour les années 2022 et 2023 et l'attestation de résultat sont insuffisants pour que la cour considère que la comptabilité a été régulièrement tenue.
Ce grief est donc établi.
- Sur l'abstention volontaire de coopérer
L'abstention volontaire de coopérer comprend le fait de n'avoir pas remis au liquidateur les renseignements prévus à l'article L.622-6 du code de commerce dans le mois suivant le jugement d'ouverture.
Mme [M] justifie certes d'échanges avec l'étude du mandataire.
Cependant, elle ne conteste pas qu'alors que le local professionnel situé dans la zone de la Palud avait été vidé et que le commissaire de justice avait dressé un procès-verbal de carence, le liquidateur ait dû requérir de la compagnie d'assurance de la société la liste des véhicules assurés pour reconstituer l'actif en l'absence d'information de la part de Mme [M].
Mme [M] ne conteste pas non plus n'avoir pas remis tous les actifs mobiliers au commissaire de justice comme le lui avait demandé le liquidateur par courrier en date du 16 janvier 2024.
Ce ne peut être que volontairement que Mme [M] s'est abstenue de communiquer les explications au liquidateur sur les véhicules qu'elle est aujourd'hui en capacité de donner pour sa défense et de coopérer avec le liquidateur et le commissaire priseur pour restituer les actifs qui pouvaient l'être.
- Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire
Outre que la requête du ministère public ne visait pas ce moyen et que le tribunal n'en était pas saisi, la poursuite abusive d'une activité déficitaire n'est pas établie.
Ce grief ne peut donc qu'être écarté.
Sur la sanction
La procédure collective a été ouverte sur requête du ministère public. Le jugement querellé mentionne un passif déclaré de 706'543,28 euros, montant non discuté par l'appelante. L'actif est nul comme cela résulte des éléments versés aux débats.
Compte tenu de ces éléments et des griefs établis mais également de la durée du mandat de Mme [M], qui a succédé à son mari, de sa jeunesse lors des faits et du fait qu'a été écarté le grief de poursuite d'une activité déficitaire, la cour estime qu'il est suffisant de condamner Mme [M] à une peine d'interdiction de gérer de 10 ans.
'
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme [E] [M] à une faillite de 15 ans.
'
Sur les demandes accessoires
'
Le jugement querellé sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
'
Madame [E] [M] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel qui seront dits frais privilégiés de la procédure collective.
'
'
PAR CES MOTIFS
'
La cour, statuant publiquement, par décision rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
'
Confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé'sauf en ce qu'il a'prononcé à l'encontre de Madame [E] [M] une mesure de faillite personnelle de 15 ans ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
'
Prononce à l'encontre de Madame [E] [M] une mesure d'interdiction de gérer de 10 ans';
Dit qu'en application des articles L128-1 et suivants et R128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Condamne Madame [E] [M] aux dépens'd'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
'
LA GREFFIÈRE,''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''LA PRÉSIDENTE,
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 24/11412 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNWFJ
[E] [M]
C/
[Z] [W]
M.LE PROCUREUR GÉNÉRAL
Copie exécutoire délivrée
le :30 octobre 2025
à :
Me Philippe SOUSSI
PG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 09 Septembre 2024 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2024000887.
APPELANTE
Madame [E] [M]
née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 20] (59) de nationalité française, Présidente de la société [14] ([17] : [N° SIREN/SIRET 4]), demeurant [Adresse 2] ([Adresse 3]).
représentée par Me Philippe SOUSSI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Esther AUCLAIR, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître [Z] [W]
mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 15]
défaillante
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
demeurant [Adresse 7]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Isabelle MIQUEL, conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseillère
Mme Isabelle MIQUEL, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Madame [E] [M] et Monsieur [S] [F] sont mariés.
La société par actions simplifiée unipersonnelle [14] a été créée par M. [S] [F] en octobre 2017. Elle a pour activité l'installation de fibre optique et réseaux, le conseil, l'étude et la réalisation de projets d'installation de fibre.
Par jugement du 20 septembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé à l'encontre de Monsieur [F], en sa qualité de gérant d'une autre société, une interdiction de gérer d'une durée de sept ans.
Par décision de l'associé unique en date du 8 octobre 2021, Madame [E] [M] a été nommée présidente de la société [14] en remplacement de Monsieur [S] [F].
Par jugement du 26 juin 2023, le tribunal de commerce de Fréjus, saisi par requête en date du 17 avril 2023 du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan, a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société [14].
Par jugement du 18 septembre 2023, le tribunal de commerce de Fréjus a converti la procédure de redressement judiciaire en procédure de liquidation judiciaire.
Par jugement en date du 9 septembre 2024, le tribunal de commerce de Fréjus, saisi par requête en date du 29 février 2024 du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans, a':
- prononcé la faillite personnelle de Madame [M] pour une durée de 15 ans,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement,
- mis les dépens et frais à la charge de Madame [M] , dont ceux à recouvrer par le greffe.
Selon déclaration en date du 18 septembre 2024, Madame [M] a formé un appel partiel de ce jugement.
Selon conclusions notifiées par la voie du RPVA le 27 juin 2025, Mme [M] demande à la cour de':
Juger que Madame [E] [M] n'a pas dissimulé tout ou partie de l'actif de la société [14] ;
Juger que Madame [E] [M] n'a pas détourné tout ou partie de l'actif de la société [14] ;
Juger que Madame [E] [M] n'a pas disposé des biens de la société [14] comme des siens propres ;
Juger que Madame [E] [M] ne s'est pas volontairement abstenue de faire établir les bilans de la société [14] ;
Juger que Madame [E] [M] ne s'est pas abstenue volontairement de collaborer avec les organes de la procédure et de communiquer des renseignements au mandataire judiciaire.
En conséquence :
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 9 septembre 2024 en ce qu'il a :
- prononcé la faillite personnelle du dirigeant de droit de la SAS [14] Madame [M] [E] née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 19], domiciliée sis [Adresse 18]';
- fixé la durée de cette mesure à 15 ans';
Juger que Madame [M] ne peut être condamnée à une mesure de faillite personnelle';
A titre subsidiaire,
Juger que le prononcé d'une mesure de faillite personnelle n'est pas fondé et ne se justifie nullement dans le cas d'espèce';
En conséquence :
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 9 septembre 2024 en ce qu'il a :
- prononcé la faillite personnelle du dirigeant de droit de la SAS [14], Madame [M] [E] née le [Date naissance 1] 1996 à [Localité 19], domiciliée sis [Adresse 18]';
- fixé la durée de cette mesure à 15 ans';
Et statuant à nouveau,
Prononcer à l'encontre de Madame [M] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci d'une durée maximale de 2 ans';
Statuer ce que de droit sur les dépens.
A l'appui de ses demandes, Mme [M] fait grief au tribunal de n'avoir pas tenu compte des réquisitions du ministère public qui avait requis une sanction d'interdiction de gérer de 10 ans et rappelle que le tribunal n'avait pas l'obligation de choisir la sanction de la faillite.
Elle conteste toute volonté de sa part de dissimulation de l'actif de la société, affirmant au contraire avoir, suite à l'insistance du bailleur, vidé le local d'une partie du matériel de la société et l'avoir entreposé dans son garage, ce dont l'huissier mandaté par le mandataire a été informé.
S'agissant des véhicules de la société, elle soutient qu'un seul véhicule Ford Transit Custom n'a pas été restitué à la société de leasing, celui-ci ayant été prêté au cessionnaire de la société [14] en vue du rachat de l'intégralité des actions de M. [F] mais que le cessionnaire n'a jamais restitué le véhicule sans que Mme [M] ne sache où il se trouve.
S'agissant du grief de détournement de tout ou partie de l'actif de la société, Mme [M] soutient que les virements qui lui sont reprochés correspondent, d'une part au remboursement des avances faites par son époux à la société [14] et, d'autre part, aux salaires de son époux qui était salarié de la société et elle indique que ces salaires étant insuffisants pour permettre à la famille de vivre, raison pour laquelle son époux a également reçu des dividendes.
S'agissant du grief d'avoir disposé des biens de la société comme des siens propres, Mme [M] fait valoir que le contrat de prestation d'accueil de ses deux enfants par une crèche et son avenant ont été signés par M. [F] alors qu'elle n'était pas encore gérante, quand bien même elle a pu en bénéficier. Elle ajoute que lorsque ce contrat a été signé, M. [F] pensait qu'il pourrait bénéficier à la société à [Localité 9] et que le contrat a été résilié dès avril 2021 mais que la crèche n'en a pas tenu compte et a facturé jusqu'en avril 2022.
S'agissant du défaut de comptabilité, Mme [M] ne conteste pas qu'aucun bilan n'a pu être établi depuis 2021 et soutient qu'elle ne s'est pas volontairement abstenue de faire établir les comptes puisqu'elle en a été empêchée par les experts comptables qui ont refusé d'établir les comptes. Elle fait valoir les pièces comptable qu'elle a produites.
S'agissant du grief de non coopération avec les organes de la procédure, Mme [M] indique que le 15 février 2022, son mari a cédé l'intégralité des parts de la société [14] à M. [B] [N], raison pour laquelle elle n'a pas déféré aux premières convocations du mandataire mais que, lorsqu'elle a compris que le cessionnaire n'irait pas au bout de son engagement, elle a tenté de réunir les pièces demandées par le mandataire en urgence, ce qu'elle n'est pas parvenue à faire. Elle ajoute qu'elle a échangé téléphoniquement avec l'étude et elle s'est présentée au rendez-vous qui lui avait été fixé.
Elle estime enfin que la sanction prononcée à son encontre est particulièrement disproportionnée et d'une extrême sévérité et fait grief aux premiers juges de n'avoir pas pris en compte sa situation personnelle et familiale alors qu'elle et son époux rencontrent avec leurs enfants, depuis la liquidation, de grandes difficultés financières, qu'ils ne sont plus en mesure de payer leur loyer et ont été assignés par leur bailleur aux fins d'expulsion et reçoivent depuis février 2024 de prestations sociales versées par la [5].
Le liquidateur, ès qualités, a été assigné en l'étude le 24 octobre 2025. Il est défaillant.
Selon avis notifié le 2 juillet 2025, le procureur général demande à la cour de retenir les fautes de gestion retenues par le tribunal mais de réformer la décision des premiers juges avec le prononcé d'une peine d'interdiction de gérer d'une durée de 10 ans.
Les parties ont été avisées le 10 octobre 2024 de la fixation de l'affaire à bref délai à l'audience du 10 septembre 2025 et de la date prévisible de la clôture.
La clôture a été prononcée le 3 juillet 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
En application de l'article L.653-1 du code de commerce, «'lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent III du titre V du livre VI du code de commerce relatives à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdictions sont applicables, notamment,':
'1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;'(')».
Selon l'article L.653-3, «'I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;
2° (Abrogé).
3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.'»
En application de l'article L.653-4, «'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.'»
L'article L.653-5 du code de commerce dispose que «'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à'l'article L. 653-1'contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.'»
'
L'article L.653-8 du code de commerce prévoit que : « Dans les cas prévus aux articles L653-3 à L.653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.'»
La requête du ministère public ayant saisi le tribunal fait grief à Mme [M] :
- d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale (article L653-3-3° du code de commerce),
- d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle elle était intéressée directement ou indirectement (article L.653- 4-3 du code de commerce),
- d'avoir en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement (article L.653-5-5° du code de commerce)',
- d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète au regard des dispositions applicables (article L.653-5-6 du code de commerce),
- de ne pas avoir remis au liquidateur, les renseignements qu'elle était tenue de lui communiquer dans le mois suivant le jugement d'ouverture.
Le tribunal a retenu les fautes de gestion suivantes':
- détournement de matériel
- détournement de trésorerie
- abus de biens sociaux
- absence de collaboration
- absence de comptabilité
- poursuite abusive d'une activité déficitaire.
- Sur le détournement ou la dissimulation de l'actif
Le liquidateur a indiqué, dans son rapport en date du 26 janvier 2024 joint à la requête du procureur de la République ayant saisi le tribunal, que le commissaire de justice a dressé un procès-verbal de carence lorsqu'il s'est rendu au local exploité par la société dans la zone artisanale des Paluds à Fréjus. Le liquidateur dit avoir identifié auprès de l'assureur de la société [14] les véhicules suivants comme ayant été assurés par elle':
Un véhicule de marque Mercedes-Benz GLE 400 d 330 AMG Line immatriculé [Immatriculation 13];
Un véhicule de marque Mercedes-Benz - GLE 400 d 330 AMG Line immatriculé [Immatriculation 23];
Un véhicule de marque Volkswagen immatriculé [Immatriculation 22] ;
Un véhicule de marque Renault Master immatriculé [Immatriculation 10]';
Un véhicule de marque Renault Master immatriculé [Immatriculation 6]';
Un véhicule de marque Ford transit immatriculé [Immatriculation 12] ;
Un véhicule de marque Citroën Jumpy immatriculé [Immatriculation 8] ;
Une remorque immatriculée [Immatriculation 11].
Mme [M] fait référence à la liste établie par le mandataire, ne conteste pas que ces véhicules ont existé et présente les explications suivantes':
- elle indique que les deux véhicules Mercedes Benz GLA inventoriés par le liquidateur consistent en un seul véhicule, les numéros de châssis étant identiques, ce dont elle justifie';
- elle dit avoir cédé avant l'ouverture de la procédure collective les véhicules Citroën Jumpy immatriculé [Immatriculation 8] et Renault Master immatriculé [Immatriculation 6]'; cependant elle ne justifie que de la cession du véhicule Renault Master le 19 septembre 2022';
- elle indique que les véhicules Mercedes-Benz GLE 400 d 330 AMG Line immatriculé [Immatriculation 13], Renault Master immatriculé [Immatriculation 10], Ford transit immatriculé [Immatriculation 12] et la remorque ont fait l'objet de contrats de location et que seul le véhicule Ford transit n'a pas été restitué'; cependant elle ne justifie d'aucune restitution alors que le mandataire indique en son rapport qu'aucun véhicule n'a été restitué';
- elle indique que le véhicule Renault master [Immatriculation 10] a été placé en fourrière et vendu aux enchères publiques et en justifie';
- elle indique que le véhicule Volkswagen avait été prêté à la société et fait observer qu'il n'a jamais été revendiqué par la société [21].
En définitive, contrairement à ce qu'indique Mme [M], ce n'est pas un seul véhicule qui n'aurait pas été rendu au motif qu'il aurait été prêté à un candidat à la cession de la société qui ne l'aurait pas rendu ' ce qui n'est au demeurant pas démontré ' ce sont au moins quatre véhicules qui sont manquants.
Compte tenu du nombre de véhicules ainsi soustraits à l'actif de la société, cette dissimulation d'actif excède la négligence et ne peut que revêtir un caractère volontaire.
S'agissant des sommes versées à son époux, Mme [M] ne conteste pas que son époux a reçu la somme de 90'996,67 euros entre janvier et mai 2023 et indique qu'elle correspond aux salaires de son mari, à des remboursements d'avances et à des dividendes versés à son mari, faisant observer que deux versements de 10'000 euros portent la mention div-2023.
Cependant, d'une part, elle ne verse aux débats ni contrat de travail de M. [F], ni bulletins de salaires pour justifier du revenu auquel il pouvait prétendre, ni décisions de l'assemblée générale de la société de versements de dividendes et de remboursements d'avance.
Compte tenu de ce qui précède, le détournement d'actifs consistant en des versements de sommes importantes et injustifiées entre janvier et mai 2023 à M. [F] alors que Mme [M] indique elle-même que le chiffre d'affaires a périclité en 2022, est établi.
- Sur l'usage des biens contraires à l'intérêt social
Comme le fait remarquer Mme [M], le contrat de garde de ses enfants a été signé avec la société [16] le 16 décembre 2020 et l'avenant modificatif a été signé le 16 mars 2021, avant que Mme [M] ne devienne gérante.
Mme [M] indique que le contrat a été résilié par sa société en avril 2021, sans en justifier cependant.
C'est ensuite la société [16] qui a résilié le contrat en mars 2022.
Compte tenu du fait que Mme [M] a été nommée gérante le 8 octobre 2021, c'est bien elle qui a, à partir de cette date, fait un usage des biens contraires à l'intérêt social en faisant régler par sa société la garde de ses enfants par une crèche.
- Sur le défaut de tenue de comptabilité
L'article L.123-12 dispose que «'Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.
Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.
Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.'»
Une comptabilité incomplète ou inexacte s'analyse en une absence de comptabilité.
Mme [M] ne conteste pas l'absence de comptabilité à compter de l'année 2021 mais indique que son expert-comptable ayant refusé de poursuivre sa mission pour défaut de paiement, elle n'a pu récupérer les éléments de comptabilité dont elle avait besoin pour faire établir les comptes. Cependant, elle n'en justifie nullement.
Les bilans simplifiés qu'elle produit a posteriori pour les années 2022 et 2023 et l'attestation de résultat sont insuffisants pour que la cour considère que la comptabilité a été régulièrement tenue.
Ce grief est donc établi.
- Sur l'abstention volontaire de coopérer
L'abstention volontaire de coopérer comprend le fait de n'avoir pas remis au liquidateur les renseignements prévus à l'article L.622-6 du code de commerce dans le mois suivant le jugement d'ouverture.
Mme [M] justifie certes d'échanges avec l'étude du mandataire.
Cependant, elle ne conteste pas qu'alors que le local professionnel situé dans la zone de la Palud avait été vidé et que le commissaire de justice avait dressé un procès-verbal de carence, le liquidateur ait dû requérir de la compagnie d'assurance de la société la liste des véhicules assurés pour reconstituer l'actif en l'absence d'information de la part de Mme [M].
Mme [M] ne conteste pas non plus n'avoir pas remis tous les actifs mobiliers au commissaire de justice comme le lui avait demandé le liquidateur par courrier en date du 16 janvier 2024.
Ce ne peut être que volontairement que Mme [M] s'est abstenue de communiquer les explications au liquidateur sur les véhicules qu'elle est aujourd'hui en capacité de donner pour sa défense et de coopérer avec le liquidateur et le commissaire priseur pour restituer les actifs qui pouvaient l'être.
- Sur la poursuite abusive d'une activité déficitaire
Outre que la requête du ministère public ne visait pas ce moyen et que le tribunal n'en était pas saisi, la poursuite abusive d'une activité déficitaire n'est pas établie.
Ce grief ne peut donc qu'être écarté.
Sur la sanction
La procédure collective a été ouverte sur requête du ministère public. Le jugement querellé mentionne un passif déclaré de 706'543,28 euros, montant non discuté par l'appelante. L'actif est nul comme cela résulte des éléments versés aux débats.
Compte tenu de ces éléments et des griefs établis mais également de la durée du mandat de Mme [M], qui a succédé à son mari, de sa jeunesse lors des faits et du fait qu'a été écarté le grief de poursuite d'une activité déficitaire, la cour estime qu'il est suffisant de condamner Mme [M] à une peine d'interdiction de gérer de 10 ans.
'
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme [E] [M] à une faillite de 15 ans.
'
Sur les demandes accessoires
'
Le jugement querellé sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
'
Madame [E] [M] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel qui seront dits frais privilégiés de la procédure collective.
'
'
PAR CES MOTIFS
'
La cour, statuant publiquement, par décision rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
'
Confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé'sauf en ce qu'il a'prononcé à l'encontre de Madame [E] [M] une mesure de faillite personnelle de 15 ans ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
'
Prononce à l'encontre de Madame [E] [M] une mesure d'interdiction de gérer de 10 ans';
Dit qu'en application des articles L128-1 et suivants et R128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Condamne Madame [E] [M] aux dépens'd'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
'
LA GREFFIÈRE,''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''LA PRÉSIDENTE,