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CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 30 octobre 2025, n° 25/05941

PARIS

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CA Paris n° 25/05941

30 octobre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 30 OCTOBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05941 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMFQJ

Décision déférée : ordonnance rendue le 27 octobre 2025, à 14h27, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

M. [V] [M] [H]

né le 04 juillet 1973 à [Localité 5], de nationalité portugaise

RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°3

assisté de Me Serge Portelli, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris

INTIMÉ

LE PREFET DE LA SEINE ET MARNE

représenté par Me Thibault Faugeras pour le cabinet Centaure, avocat au barreau de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu l'ordonnance du 27 octobre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par le recours de M. [V] [M] [C] [I] enregistré sous le N° RG 25/04321 et celle introduite par la requête du préfet de la Seine et Marne enregistrée sous le N° RG 25/04315, déclarant le recours de M. [V] [M] [C] [I] recevable, rejetant le recours de M. [V] [M] [C] [I], déclarant la requête du préfet de la Seine et Marne recevable et la procédure régulière et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [V] [M] [C] [I] au centre de rétention administrative n° 3 du [2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 28 octobre 2025 ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 28 octobre 2025, à 13h51 , par M. [V] [M] [C] [I] ;

- Après avoir entendu les observations :

- par visioconférence, de M. [V] [M] [C] [I], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de Seine-et-Marne tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

M. [O] [S] [M] [C] [I], né le 4 juillet 1973 à [Localité 4] au Portugal, de nationalité portugaise, anciennement détenu au centre de détention de [Localité 1], a été placé en rétention le 24 octobre 2025. Il a contesté la décision de placement en rétention dans les délais prescrits, ce qui n'est pas contesté.

Saisi aux fins de prolongation, le juge de la rétention a constaté la régularité de la procédure, le désistement de la contestation de l'arrêté de placement en rétention et a ordonné la prololongation de la mesure.

M. [O] [S] [M] [C] [I] soulève deux moyens au soutien de son appel, pris de l'absence de caratérisation de la menace à l'ordre public et de l'existence de garanties de représentation. Il demande l'infirmation de l'ordonnance critiquée, l'annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative et son assignation à résidence par le juge judiciaire.

Un laissez-passer consulaire a été émis le 22 octobre et un vol prévu le 5 novembre 2025.

1. Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention

1.1 Sur la motivation de l'arrêté

Il appartient au juge chargé du contrôle de cette mesure de vérifier le bien-fondé de la décision de placement en rétention, notamment au regard des dispositions de l'article L.741-1 du même code, qui permet le placement en rétention administrative d'une personne qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.

L'article L731-1 prévoit que cette situation peut concerner :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.".

Sur l'appréciation des garanties de représentation, le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.

En l'espèce l'arrêté de placement en rétention notifié le 24 octobre 2025, au visa de l'arrêté d'expulsion qui relève les éléments suivants :

Le comportement de M. [O] [S] [M] [C] [I] constitue une menace pour l'ordre public au regard des faits suivants : il a été condamné à plusieurs reprises pour des faits de violences conjugales et délits routiers sous l'empire d'un état alcoolique et notamment en 2018 (10 ans de réclusion criminelle pour viol conjugal sans incapacité) et 2020 (8 ans pour viol conjugal sans incapacité).

L'arrété indique par ailleurs que la Cour d'assises des Hauts de Seine (en 2020) releve le tempérament violent et coléreux de M. [O] [S] [M] [C] [I] dénoncé par des tiers, ajoutant que celui-ci n'a pas reconnu les faits de viol et que l'absence de tout questionnement de l'intéressé fait craindre un risque de réitération souligné par l'expert psychiatre.

L'arrêté de placement en rétention relève qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne justifierait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.

Enfin, il est mentionné qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité ou de handicap qui s'opposerait à un placement en rétention.

1.2 Sur la menace pour l'ordre public

La menace pour l'ordre public fait l'objet d'une appréciation in concreto, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et, le cas échéant, sa volonté d'insertion ou de réhabilitation.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.

L'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public (ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dont la jurisprudence peut inspirer le juge judiciaire dans un souci de sécurité juridique CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l'intérieur, B).

La commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public, mais, surtout, cette menace doit être réelle à la date considérée. En effet, ce n'est pas l'acte troublant l'ordre public qui est recherché, mais bien la réalité de la menace.

En l'espèce, il y a lieu de constater que M. [O] [S] [M] [C] [I] fait valoir son bon comportement en détention, un suivi en addictologie et l'obtention de remises de peines.

Toutefois la gravité des faits pour lesquels il a été condamnés à deux reprises, même en tenant compte de la confusion de peine réduisant le quantum à 6 ans, s'agissant de viols répétés, ne permet pas de considérer que le risque de réitération est exclu cinq ans après la dernière condamnation de 2020. Hormis les décisions du juge de l'application des peines, aucune pièce n'accrédite de la volonté de réhabilitation ou d'insertion sociale de l'intéressé, celui-ci n'indique pas disposer pour l'avenir de source de revenu légale ni ne fait valoir de circonstances permettant de considérer qu'il se conforme désormais à la loi sans risque de troubler l'ordre public, de sorte que la menace à l'ordre public doit être considérée comme caractérisée au sens des textes précités.

Ainsi, les éléments retenus par le préfet ne sont pas sérieusement contestés et suffisent à justifier le placement en rétention. En outre, il y a lieu de relever que l'intéressé ne critique pas le fait qu'il n'a pas remis son passeport en cours de validité aux autorités compétentes.

Enfin, les éléments relatifs à son droit à une vie privée et familiale visent en réalité, non pas la rétention, mais la mesure d'éloignement. Or il résulte d'une jurisprudence constante que le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement, quand bien même leur illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire, de la décision de placement en rétention (1re Civ., 27 septembre 2017, pourvoi n° 17-10.207).

1.3 Sur les autres garanties de représentation

Il y a lieu, à nouveau, de se placer à la date à laquelle le préfet a pris sa décision pour apprcier la motivation de celle-ci. Or, même si l'adresse de la soeur de l'intéressé doit être considérée comme une adresse valable, les autres éléments du dossiers ne permettaient pas de considérer qu'il répondrait à toute demande tendant à son éloignement s'il était remis en liberté. Ainsi, la motivation du premier juge ne peut-elle qu'être approuvée et adoptée.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que la décision de placement en rétention et régulière.

2. Sur la demande d'assignation à résidence

Il résulte des dispositions de l'article L. 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le juge chargé du contrôle de la rétention peut toujours ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation, après remise aux autorités de police d'un passeport en cours de validité.

Il est constant que M. [O] [S] [M] [C] [I] n'a remis pas son passeport en cours de validité, mais seulement une carte d'identité, ce qui ne permet pas au juge d'ordonner une assignation à résidence judiciaire, indépendamment des garanties de représentation dont disposerait l'intéressé.

Le moyen ne peut donc qu'être rejeté.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l'ordonnance,

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 3] le 30 octobre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé

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