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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 30 octobre 2025, n° 24/02993

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Williwaw Expeditions (SARL)

Défendeur :

Williwaw Expeditions (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cesaro-Pautrot

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Brahic-Lambrey

Avocats :

Me Bouirat, Me Bouchoucha, Me Jourdan, Me Guillevic, Me Ladreit de Lacharriere

TJ Tarascon, du 8 févr. 2024, n° 22/0120…

8 février 2024

EXPOSE DU LITIGE

Au mois de novembre 2020, Mme [U] [I] et M. [V] [X] [T] ont crée la société Williwaw Expéditions (Sarl) dans laquelle ils étaient associés à égalité et cogérants. La société avait pour objet l'organisation de croisières en mer.

Par acte du 31 janvier 2021, M. [V] [X] [T] a vendu à la société un navire «'Maya Zen'» lui appartenant au prix de 50 000 euros.

Le 20 septembre 2021, dans un contexte de séparation conflictuelle du couple, M. [V] [X] [T] a mis en demeure la société Williwaw de lui payer la somme de 50 000 euros correspondant au prix d'achat du bateau, à peine de résolution de la vente. En l'absence de règlement, il a notifié à la société la résolution du contrat le 1er octobre 2021.

Par acte du 22 juin 2022, la société Williwaw Expéditions a assigné M. [V] [X] [T] devant le tribunal judiciaire de Tarascon afin de contester la résolution.

Par jugement du 28 juin 2023, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Williwaw et, le 21 février 2024, la procédure de sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire, avec la désignation de la Selarl [M] [F]-MJO Mandataires judiciaires, en qualité de liquidateur de la société.

Sur appel interjeté par Mme [I] la cour d'appel a infirmé le jugement et ouvert une période d'observation de trois mois.

Par jugement du 19 février 2025, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé à nouveau la liquidation judiciaire de la société Williwaw Expéditions.

Par jugement en date du 8 février 2024, le tribunal judiciaire de Tarascon a':

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 14 juin 2023 et fixé la nouvelle clôture au 7 décembre 2023 avant l'ouverture des débats,

- reçu en son intervention volontaire Maître [M] [F] en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde judiciaire ouverte à l'égard de la SARL Williwaw Expéditions,

- dit que la résolution du contrat de vente du navire Maya Zen par M. [V] [X] [T] n'est pas fondée,

- ordonné la restitution du navire Maya Zen par M. [V] [X] [T] à la Sarl Williwaw Expéditions à [Localité 8] au Port [7] ([Localité 8]) dans un délai de 21 jours à compter de la signification de la décision,

- débouté la Sarl Williwaw Expéditions de sa demande d'astreinte,

- dit que la Sarl Williwaw devra s'acquitter du paiement du prix de vente de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021,

- fixé la créance de M. [V] [X] [T] au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire de la Sarl Williwaw à la somme de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 202I,

- débouté M. [V] [X] [T] de sa demande d'astreinte,

- débouté M. [V] [X] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [V] [X] [T] aux entiers dépens,

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leur demande,

-écarté l'exécution provisoire de la présente décision.

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Par acte du 7 mars 2024 M. [V] [X] [T] a interjeté appel du jugement.

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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 19 septembre 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [V] [X] [T] demande à la cour de':

Vu les articles 1226 et 1229 du code civil,

Vu l'article L.622-22 du code de commerce,

Vu la Jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile,

Vu le principe directeur du contradictoire,

Vu l'article 135 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables ou à tout le moins écarter des débats les conclusions et pièces de Mme [U] [I], notifiées en date du 10 septembre 2025 ;

Vu l'article 226-13 du code pénal,

Vu l'article 66-5 de la Loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

- écarter des débats la production portant la mention « pièce n°36 » de Mme [U] [I], ainsi que toute mention de cette pièce et du contenu de cette dernière au sein des conclusions déposées par ladite partie, comme constituant une violation flagrante du secret des correspondances échangées entre avocats ;

- infirmer ou à tout le moins reformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarascon (RG N°22/01202) en date du 08 février 2024, en ce qu'il a :

o dit que la résolution du contrat de vente du navire Maya Zen par M. [V] [X] [T] n'est pas fondée ;

o ordonné la restitution du navire Maya Zen par M. [V] [T] à la Sarl Williwaw Expéditions à [Localité 8] au Port [7] ([Localité 8]) dans un délai de 21 jours à compter de la signification de la décision ;

o dit que la Sarl Williwaw Expéditions devra s'acquitter du paiement du prix de vente de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021 ;

o fixé la créance de M. [V] [X] [T] au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire de la SARL Williwaw Expéditions à la somme de 50.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021 ;

o débouté M. [V] [X] [T] de sa demande d'astreinte ;

o débouté M. [V] [X] [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

o condamné M. [V] [X] [T] aux entiers dépens ;

o débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

o débouté les parties du surplus de leur demande.

Et statuant de nouveau :

A titre principal,

- dire et juger que la résolution unilatérale de la vente du navire Maya Zen intervenue le 1 er octobre 2021 est justifiée ;

Par conséquent,

- débouter la société Williwaw Expéditions de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Williwaw Expéditions à verser à Monsieur [V] [X] [T] la somme de 10.000,00 € au titre de la réparation de son préjudice, et fixer cette somme au passif de la procédure collective ;

A titre subsidiaire,

- accorder à Monsieur [V] [X] [T] un délai de 21 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir pour restituer le navire Maya Zen ;

- fixer au passif de la procédure collective de la société Williwaw Expéditions la somme de 50.000 € au titre du prix de vente du bateau Maya Zen ;

En tout état de cause,

- débouter la société Williwaw Expéditions et son liquidateur en la personne de la Selarl [M] [F] MJO de leurs appels incidents visant à réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o dit que le défaut de paiement du prix de vente caractérise un manquement de l'acquéreur à son obligation principale et constitue une inexécution suffisamment grave imputable à la Sarl Williwaw Expéditions ;

o débouté la Sarl Williwaw Expéditions de sa demande d'astreinte ;

o fixé au passif de la procédure de sauvegarde de la Sarl Williwaw Expéditions la créance de Monsieur [V] [X] [T] à hauteur de 50.000,00 € avec intérêts au taux légal depuis le 20/09/2021 ;

- condamner la société Williwaw Expéditions à verser à Monsieur [V] [X]

[T] la somme de 10.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et fixer cette somme au passif de la procédure collective ;

- condamner Madame [U] [I] à verser à Monsieur [V] [X] [T] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Williwaw Expéditions aux entiers dépens de l'instance, et dire que les dépens seront fixés au passif de la procédure collective ;

M. [V] [X] [T] fait valoir que':

les conclusions notifiées le 10 septembre 2025 par la société Williwaw Expéditions sont tardives et doivent être écartées en ce qu'elles contiennent des développements nouveaux, et une pièce nouvelle à quinze jours de l'audience,

la pièce n°36 de la société Williwaw Expéditions doit être écartée au regard de la violation de la confidentialité des échanges entre avocats,

la résolution du contrat de vente est intervenue de plein droit'; le tribunal a estimé à juste titre que le non-paiement du prix était suffisamment grave mais n'en a pas tiré les conséquences'; aucun différé de paiement n'a été convenu entre les parties et le délai de dix jours accordé à la société Williwaw Expéditions pour s'exécuter doit être considéré comme un délai raisonnable au sens de l'article 1226 du code civil'; au regard des circonstances il aurait été vain de lui accorder un délai supplémentaire dès lors que la société n'a jamais eu les capacités financières pour procéder au règlement'; l'absence de résolution de la vente ne serait pas favorable aux intérêts de la liquidation judiciaire de la société Williwaw Expéditions,

il a subi un préjudice patrimonial et moral justifiant sa demande de dommages et intérêts,

subsidiairement, il a besoin de délais pour restituer le bateau, et sa créance doit être déclarée au passif de la société à hauteur de 50 000 euros.

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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 septembre 2025, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Williwaw (Sarl) demande à la cour de':

Vu le jugement du 8 février 2024

Vu les dispositions de l'article 1582 du code civil ;

Vu les dispositions des articles 1224, 1226 et 1229 du code civil ;

Vu la jurisprudence

Vu les pièces versées au débat,

Infirmer la décision de première instance en qu'elle a :

- dit que le défaut de paiement du prix de vente caractérise un manquement de l'acquéreur à son obligation principale et constitue une inexécution suffisamment grave imputable à la Sarl Williwaw Expéditions

Et statuant a nouveau':

- juger que l'absence de paiement du prix ne constitue pas une inexécution contractuelle suffisamment grave.

Confirmer la décision de première instance en qu'elle a :

- dit que le délai imparti par Monsieur [X] [T] pour payer le prix de vente de 50.000€ n'est pas raisonnable ;

- dit que la résolution du contrat de vente du navire Maya Zen par Monsieur [X] [T] n'est pas fondée.

En conséquence,

- ordonner la restitution du navire Maya Zen à la Selarl [M] [F] ' MJO ' mandataires judiciaires ès qualités de Mandataire Liquidateur de la société Williwaw Expéditions à [Localité 8] au Port [7] ([Localité 8]) sous 10 jours à compter de l'arrêt, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour';

En tout état de cause':

- débouter Monsieur [X] [T] de toutes ses demandes fins et conclusions,

- débouter Monsieur [X] [T] de sa demande de fixation au passif de la procédure collective de la Sarl Williwaw Expéditions à la somme de 50 000 €,

- débouter M. [V] [X] [T] de sa demande de réparation à hauteur de 10 000 € et de fixation cette somme au passif de la procédure collective,

- condamner Monsieur [V] [X] [T] à payer à la Sarl Williwaw Expéditions la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Williwaw Expéditions fait valoir en réponse que':

le manquement invoqué par M. [V] [X] [T] pour justifier la résolution unilatérale du contrat de vente du navire ne présente pas de gravité dès lors qu'un délai de quatre ans avait été prévu pour le règlement du prix et qu'en tout état de cause, M. [V] [X] [T] a détourné abusivement le bateau à des fins personnelles sans attendre la résolution de la vente'; la mise en demeure ne précise aucunement les raisons qui motivent la résolution, contrairement aux dispositions de l'article 1226 du code civil'; cette irrégularité entraîne la nullité de la notification de la résolution,

le délai imparti à la société Williwaw Expéditions pour s'exécuter ne constitue pas un délai raisonnable et elle aurait été en mesure de négocier le règlement et d'envisager des modalités d'exécution adaptées à sa trésorerie, excluant le caractère vain de la mise en demeure,

la demande indemnitaire de M. [V] [X] [T] est injustifiée, de même que sa demande de fixation d'une créance au passif dès lors qu'il a conservé le navire

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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Selarl [M] [F]-MJO Mandataires judiciaires, en la personne de Me [M] [F], liquidateur judiciaire de la société Williwaw Expéditions, demande à la cour de':

Vu les articles 1188 et suivants du code civil ;

- juger qu'il résulte des éléments de la cause qu'il était de la commune intention des parties de ne prévoir le règlement du prix de vente du navire Maya Zen à M. [V] [X] [T] par la société Williwaw Expéditions que lorsque cette dernière serait en mesure d'en payer le prix au moyen des résultats d'exploitation du navire litigieux ;

Vu les articles 1226 et 1229 du code civil ;

- juger dès lors, que l'inexécution invoquée par M. [V] [X] [T] n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution unilatérale du contrat de vente du navire Maya Zen ;

- juger en outre que M. [V] [X] [T] n'a pas accordé de délai raisonnable à la société Williwaw Expéditions pour exécuter son obligation de paiement ;

- confirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarascon le 10 février 2024 qui a dit que la résolution du contrat de vente du navire Maya Zen par M. [V] [X] [T] n'était pas fondée ;

Vu l'article L 641-9 du code de commerce ;

Vu le dessaisissement pour la société Williwaw Expéditions de l'administration et de la disposition de ses biens ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la restitution du navire Maya Zen par M. [V] [X] [T] mais à Maître [M] [F] représentant la société dénommée Selarl [M] [F] ' MJO ' mandataires judiciaires ès qualités de liquidateur de la société dénommée Williwaw Expéditions à [Localité 8] au Port [7] ([Localité 8]) dans un délai de 21 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Vu l'article L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la Sarl Williwaw Expéditions de sa demande d'astreinte ;

- juger que la restitution du navire Maya Zen par M. [V] [X] [T] à Maître [M] [F] en sa qualité de représentant légal de la société dénommée Selarl [M] [F] ' MJO ' Mandataires judiciaires ès qualités se fera sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 21 jours commençant à courir à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Vu l'article 544 du code civil ;

- juger que M. [V] [X] [T] est redevable à l'égard de la société Williwaw Expéditions d'une indemnité d'occupation au moins égale au prix de vente du navire litigieux d'une valeur de 110 000 € avant l'aménagement opéré à hauteur de 33 247,28 €, occupé et exploité à son usage exclusif depuis l'été 2021 ;

- rejeter dès lors la demande de M. [V] [X] [T] ;

- réformer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de M. [V] [X] [T] au passif de la procédure de sauvegarde judiciaire de la SARL Williwaw Expéditions à la somme de 50 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021 ;

- débouter M. [V] [X] [T] de sa demande de réparation à hauteur de 10 000 € et de fixation de cette somme au passif de la procédure collective ;

- confirmer en conséquence la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [V] [X] [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

Le débouter de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [V] [X] [T] aux entiers dépens et en ce qu'elle l'a débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

La réformer sur ces derniers points ;

- condamner M. [V] [X] [T] à payer à la société dénommée Selarl [M] [F] ' MJO ' Mandataires judiciaires ès qualités de liquidateur de la société dénommée Williwaw Expéditions la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile ;

Maître [F] fait valoir que':

la gravité de l'inexécution n'est pas démontrée et celle-ci doit s'apprécier au regard de la commune intention des parties et pas seulement au regard du contrat'; en l'espèce, M. [V] [X] [T], qui est également cogérant de la société, ne pouvait ignorer l'absence de trésorerie, excluant qu'un règlement ait été prévu dès la signature du contrat,

la motivation du tribunal doit être confirmée en ce qui concerne le délai imparti à la société pour s'exécuter en l'absence de demande préalable et de certitude sur la date de réception de la mise en demeure,

si la restitution du navire est ordonnée elle devra être faite entre les mains du liquidateur,

la demande de fixation des sommes de 50 000 euros et 10 000 euros au passif de la société est infondée dans la mesure où M. [V] [X] [T] s'est accaparé le navire et l'exploite à son seul profit depuis l'été 2021

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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 25 septembre 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du même jour.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de relever que M. [V] [X] [T] indique à l'audience renoncer à sa demande tendant à voir écarter les conclusions de la société Williwaw Expéditions notifiées le 10 septembre 2025. Il a lui-même répliqué par dernières conclusions du 19 septembre 2025, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

Par ailleurs, les parties conviennent que la pièce numérotée 36, dont M. [V] [X] [T] demande l'exclusion, et qui est en réalité la pièce 33 au regard du bordereau de communication de la société Williwaw Expéditions, a été retirée des débats par cette dernière, de sorte qu'il n'y a pas davantage lieu de statuer de ce chef, sauf à préciser que les énonciations des conclusions se rapportant à cette pièce sont également écartées des débats.

Sur la résolution de la vente :

Aux termes de l'article 1226 du code civil le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut, à tout moment, saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

S'agissant d'une vente, la principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente. Ainsi, si l'acheteur ne paie pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente, conformément aux articles 1650 et 1654 du code civil.

En l'espèce, le premier juge a ainsi considéré, à bon droit, que le non-paiement par la société Williwaw Expéditions du prix du bateau acquis auprès de son associé M. [V] [X] [T] constituait une inexécution grave des obligations de l'acheteur.

En outre, et contrairement à ce que soutient la société Williwaw Expéditions, le paiement du prix étant l'obligation principale et essentielle de l'acquéreur, son non-respect constitue une raison de nature à motiver valablement la résolution de la vente en conformité avec l'article 1226 alinéa 3 susvisé, sans qu'il soit besoin d'y adjoindre d'autres griefs.

Le premier juge a pu constater également que ni le «'pacto de salida'», qui n'est pas signé, et pas davantage l'attestation de l'expert-comptable relatant en termes circonspects les modalités d'un hypothétique accord entre les parties, ne permettaient d'accréditer formellement la thèse avancée par la société Williwaw Expéditions quant à un délai de paiement convenu entre les parties à hauteur de quatre ans, à défaut de mention expresse contenue à l'acte de vente (pièces 6 et 22 de la société Williwaw Expéditions).

Pour autant, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1188 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes, et que lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

Or, au cas particulier aucun élément n'atteste que les parties avaient convenu un paiement du prix immédiat.

Au contraire, les mentions du projet de «'pacto de salida'», bien que non signé, attestent que la vente des deux bateaux, le Maya Zen par M. [V] [X] [T] et le Baba Yaga par Mme [U] [I] était adossée à la signature d'un prêt équivalent au prix des bateaux que la société Williwaw Expéditions devait reconnaître comme une «'dette à long terme'» à l'égard de chacun de ses associés.

Cet acte mentionne également que «'les conditions économiques des deux prêts ne portent pas intérêt et leur durée et calendrier de remboursement est de quatre ans'».

Au demeurant, il n'est pas contesté que le prêt consenti le 23 avril 2021 par le Crédit Mutuel à hauteur de 50 000 euros à la société Williwaw Expéditions au titre de l'achat de matériel et d'équipement (pièce 5 de M. [V] [X] [T]) n'a pas été affecté au remboursement du Maya Zen mais a servi notamment à des dépenses d'amélioration du bateau (pièce 10 de la société Williwaw Expéditions), accréditant ainsi le fait que le remboursement par la société du prix d'achat du bateau n'avait pas été prévu à court terme.

De surcroît, M. [V] [X] [T], qui était à la fois associé et cogérant de la société Williwaw Expéditions, ne pouvait ignorer le contexte de la création de la société et son absence de fonds propres, lui-même ayant acquis le bateau quelques mois auparavant de Mme [Z] en le finançant personnellement. Il reconnaît au demeurant, aux termes de ses propres conclusions, que la société ne dégageait à cette date aucun revenu, et soutient lui-même le caractère vain de la mise en demeure adressée le 20 septembre 2021 en faisant valoir que la société Williwaw Expéditions n'a jamais eu aucune activité et partant, aucune trésorerie, et n'avait en conséquence aucune capacité financière suffisante pour procéder au règlement du prix de vente.

Par ailleurs, il y a lieu de relever la proximité temporelle entre la rupture du couple formé avec Mme [I], actée par la notification de la rupture du pacte civil de solidarité à l'initiative de M. [V] [X] [T] le 17 septembre 2021, et la mise en demeure adressée le 20 septembre 2021, étant observé que la demande de remboursement du prix s'est accompagnée d'une appropriation du navire à des fins personnelles, appropriation contraire à l'intérêt de la société et incompatible avec sa demande en paiement.

Il en résulte que M. [V] [X] [T] ne peut se prévaloir du non-paiement du prix de vente par la société Williwaw Expéditions pour fonder la résolution unilatérale du contrat de vente alors même qu'il ne ressort d'aucune pièce au dossier que les parties avaient convenu d'un paiement à bref délai.

En outre, M. [V] [X] [T] ne peut davantage se prévaloir d'un délai raisonnable donné à la société Williwaw Expéditions pour s'exécuter, étant rappelé que le courrier de mise en demeure est daté du 20 septembre 2021 et la notification de la résolution du 1er octobre 2021, laissant ainsi à la société dix jours pour s'acquitter de la somme de 50 000 euros, s'agissant d'une société créée en 2020, dont il reconnaît qu'elle n'avait pas de trésorerie, et dont l'activité de sorties en mer était conditionnée à la présence à son actif des bateaux permettant cette activité.

A cet égard, M. [V] [X] [T] ne conteste pas être en possession du bateau, et ce, dès le mois de septembre 2021, privant ainsi la société de l'un des actifs essentiels à la poursuite de son activité, rendant en tout état de cause illusoire toute possibilité pour celle-ci de s'acquitter du prix dans un délai raisonnable.

Enfin, en prétendant que le contrat de vente aurait été signé en réalité dans le courant de l'été 2021 en dépit de la mention de sa date au 31 janvier, M. [V] [X] [T] rend d'autant plus vain, de son propre fait et non de celui du débiteur, l'exécution de l'obligation en raison du délai encore plus contraint donné à ce dernier pour s'exécuter aux termes de la mise en demeure du 20 septembre 2021.

En conséquence, ayant relevé que le non-paiement du prix de vente constitue un manquement grave de la part de l'acheteur mais qu'eu égard à la commune intention des parties, il n'avait pas été convenu d'un paiement immédiat, la résolution notifiée par M. [V] [X] [T] est inopérante.

Le jugement attaqué doit dès lors être confirmé, sauf à préciser qu'en l'état de la liquidation judiciaire la restitution du bateau devra être effectuée entre les mains de Maître [M] [F], représentant la société [M] [F]-MJO-Mandataires judiciaires, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Williwaw Expéditions, et ce, dans un délai de 21 jours à compter de la signification du présent arrêt.

Sur les demandes financières':

La demande indemnitaire formée par M. [V] [X] [T] au titre de la réparation de son préjudice est sans objet dès lors que sa demande de résolution n'était pas fondée et qu'il a usé du navire jusqu'à ce jour.

De même, la situation actuelle de la société ne rend pas nécessaire la fixation d'une astreinte assortissant l'obligation de restituer faite à M. [V] [X] [T].

Les intimés contestent par ailleurs à titre incident la fixation au passif de la société de la créance de M. [V] [X] [T] à hauteur de 50 000 euros au titre du prix de vente du bateau, en faisant valoir que celui-ci s'est accaparé le navire, dont la valeur aurait été estimée au double, de sorte que la créance de la société Williwaw Expéditions au titre des indemnités d'occupation est supérieure au prix d'acquisition.

Les intimés invoquent également la perte de chiffre d'affaires générée par le détournement du navire au détriment de la société.

A cet égard, si l'usage exclusif du bateau au bénéfice de M. [V] [X] [T] a vocation à être évalué au titre des comptes entre les parties, l'absence de tout chiffrage communiqué en cause d'appel par les intimés fait obstacle à ce qu'une compensation soit ordonnée à hauteur de la somme totale de 50 000 euros.

Par ailleurs, si la société Williwaw Expéditions avance un manque-à-gagner de 133 137 euros depuis le détournement du navire, elle ne produit aucune pièce de nature à étayer ce chiffrage.

En conséquence, le jugement sera également confirmé de ces chefs.

Sur les frais et dépens':

M. [V] [X] [T], partie perdante, sera tenu aux dépens de l'appel et sera tenu de régler à la société Williwaw Expéditions la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 3 000 euros au même titre à Maître [F], liquidateur judiciaire de la société Williwaw Expéditions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel qui lui est dévolu,

Constate que M. [V] [X] [T] renonce à sa demande tendant à voir écarter les conclusions de la société Williwaw Expédition notifiées le 10 septembre 2025,

Constate que la société Williwaw Expédition a retiré de son bordereau la pièce litigieuse numérotée 33 et improprement qualifiée de pièce 36, sauf à préciser que les énonciations des conclusions se rapportant à cette pièce sont également écartées des débats,

Confirme le jugement rendu le 8 février 2024 par le tribunal judiciaire de Tarascon, sauf à préciser que la restitution du bateau Maya Zen devra être effectuée entre les mains de Maître [M] [F], représentant la société [M] [F]-MJO-Mandataires judiciaires, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Williwaw Expéditions, et ce, dans un délai de 21 jours à compter de la signification du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [X] [T] aux dépens de l'appel,

Condamne M. [V] [X] [T] à payer à la société Williwaw Expéditions la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] [X] [T] à payer à Maître [M] [F], représentant la société [M] [F]-MJO-Mandataires judiciaires, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Williwaw Expéditions, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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