CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 30 octobre 2025, n° 21/16309
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/16309 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BINIZ
[X] [N]
C/
[J] [F]
[P] [E] épouse [F]
S.A.R.L. JMCP
[S], [M], [B], [A] [W] veuve [N]
Copie exécutoire délivrée
le : 30 Octobre 2025
à :
Me Gervais GOBILLOT
Me Benoît LAMBERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 3] en date du 04 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/06186.
APPELANT
Monsieur [X] [N]
Décédé à [Localité 5] le 20/11/23
né le 28 Mai 1935 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 7]. - [Localité 1]
représenté par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [J] [F]
né le 25 Août 1956 à [Localité 8] (ALLEMAGNE), demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [P] [E] épouse [F]
née le 25 Janvier 1963 à [Localité 10] (78), demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A.R.L. JMCP
, demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
PARTIE INTERVENANTE
Madame [S], [M], [B], [A] [W] veuve [N]
intervenante volontaire ayant-droit de M. [X] [N], décédé à [Localité 5] le 20/11/2023
née le 20 Juin 1941 à [Localité 12], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [X] [N] était propriétaire d'un bien immobilier sis à [Localité 4] consistant en un terrain d'une superficie totale de 3.780 m² sur lequel est édifié un bâtiment accueillant du public.
Ces biens étaient donnés à bail commercial à la société Auberge des Adrets qui a cédé son fonds de commerce à la SARL JMCP par acte sous seing privé du 28 juin 1989.
Par acte extra-judiciaire en date du 19 février 2009, la SARL JMCP a fait délivrer à M. [X] [N] une demande de renouvellement de bail commercial pour une nouvelle durée de neuf années pleines et entières commençant à courir le 1er avril 2009 pour se terminer le 31 mars 2018 au prix de 21.090,69 € par an.
Par acte d'huissier du 24 mars 2009, M. [X] [N] a indiqué accepter le principe du renouvellement du bail pour neuf années mais a sollicité la fixation du loyer à la somme annuelle de 35.000 €.
M. [X] [N] a saisi le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Draguignan, lequel, après dépôt du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y], a fixé, par jugement du 14 mars 2013, le montant annuel du loyer renouvelé à la somme de 32.200 € hors taxes et hors charges à compter du 30 septembre 2009.
La société JMCP a interjeté appel de ce jugement. Pendant le cours de la procédure d'appel, les parties sont convenues de transiger sur leur différend, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F], gérants et dirigeants de la SARL JMCP se portant acquéreurs des murs de l'Auberge des Adrets, M. [X] [N], le bailleur, renonçant de son côté à poursuivre la procédure en augmentation du loyer commercial.
Par acte notarié du 30 mars 2017, M. [X] [N] a promis de vendre à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F], les biens immobiliers exploités sous l'enseigne Auberge des Adrets.
L'acte de vente des murs a finalement été signé le 16 janvier 2018 en l'étude de Me [H], notaire des acquéreurs avec le concours de Me [Z], notaire du vendeur.
Soutenant être toujours créancier de la somme de 10.545,34 € correspondant aux loyers échus des deux derniers trimestres 2017 et face au refus de la SARL JMCP de lui régler cette somme, M. [X] [N] l'a fait assigner, par acte du 6 août 2018, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.
Par jugement en date du 4 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a:
- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F],
- débouté M. [X] [N] de sa demande tendant au paiement d'un arriéré de loyers et de dommages et intérêts,
- débouté la SARL JMCP de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de livraison du bien vendu,
- débouté M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] de leur demande de dommages et intérêts pour défaut de livraison du bien vendu,
- ordonné la suppression des conclusions n° 5 de M. [X] [N] des paragraphes suivants page 9:
La société Auberge des Adrets Select Events, dont l'activité est en fait strictement identique à celle de la société JMCP a, selon toutes vraisemblances, été constituée pour mettre à distance les créanciers de la société JMCP, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Malheureusement, cette trésorerie qui ne se trouve ni sur le compte bancaire de JMCP, ni sur celui de l'Auberge des Adrets Select Events, a semble-t-il disparu à jamais... en direction de [Localité 2] (').
Et de la phrase, page 11: La cupidité des époux [F] étant en outre un fait avéré.
- condamné M. [X] [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,
- débouté M. [X] [N], la SARL JMCP et M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] [N] aux entiers dépens,
- prononcé l'exécution provisoire.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
Sur les demandes de M. [N] en paiement des loyers et de dommages et intérêts:
- M. [N] sollicite le paiement des loyers des deux derniers trimestres 2017, entre la promesse de vente signée le 1er mars 2017 et la réalisation de la vente intervenue le 16 janvier 2018, alors que la promesse de vente était prévue initialement pour expirer le 30 juin 2017,
- le mail de M. [N] du 16 septembre 2017, faisant référence à la promesse de vente, démontre son intention de renoncer à la perception des loyers courant en attendant la réitération de la promesse de vente, étant rappelé que la vente du bien immobilier s'est inscrite dans le cadre d'une transaction globale,
- M. [N] sera donc débouté de ce chef de demande, de même que de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts en raison d'un retard de délivrance:
- il résulte des pièces du dossier que si la promesse de vente n'a pu être réitérée que le 16 janvier 2018, la cause de ce retard trouve son origine dans une difficulté en lien avec la matrice cadastrale et la retranscription de la mise à jour du cadastre au service de la publicité foncière,
- la promesse de vente prévoyait un transfert de propriété et donc une obligation de délivrance au jour de la constatation de la vente en la forme authentique et il est constant que la délivrance a bien eu lieu le 16 janvier 2018, le jour prévu de la réitération authentique, aucune mise en demeure n'étant intervenue de la part des acquéreurs, qui n'ont pas sollicité la résolution de la vente ou leur mise en possession,
- la SARL JMCP et les consorts [T] affirment également, sans verser le moindre élément de preuve, qu'ils ont subi un préjudice du fait du retard dans la formalisation de l'acte authentique de vente,
- le défaut de délivrance n'étant pas caractérisé, ni une quelconque défaillance temporaire du vendeur, les défendeurs seront déboutés de leurs demandes,
Sur la demande fondée sur l'article 41 de la loi de 1881
- parmi les paragraphes dont la suppression est réclamée, seuls les propos relatifs aux contentieux auxquels est confrontée la société Auberge des Adrets Select Events sont avérés et démontrés,
- le surplus des propos n'apporte rien à la résolution du litige et est en outre contredit par les éléments du dossier, de sorte qu'il s'agit bien de propos injurieux et diffamatoires dont il convient d'en ordonner la suppression.
Par déclaration en date du 19 novembre 2021, M. [X] [N] a interjeté appel de ce jugement.
M. [X] [N] est décédé le 20 novembre 2023. Son épouse, Mme [S] [W], est intervenue volontairement à la procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 avril 2024, Mme [S] [W], veuve [N] demande à la cour de:
- recevoir Mme [S] [W] veuve [N] en son intervention volontaire,
Vu les articles 1134 et 1147 anciens, 1103 et 1231-1 nouveaux du code civil,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [X] [N] de sa demande en paiement à l'encontre de la société JMCP, et l'a condamné sur la base de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1981 d'une part, à retirer plusieurs passages de ses conclusions n° 5, d'autre part, à verser aux époux [F] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- condamner la société JMCP à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 10.545,34 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,
- condamner in solidum la société JMCP et les époux [F] à payer à Mme [S] [W] veuve [N] les sommes de:
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société JMCP de ses demandes reconventionnelles,
- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,
- condamner in solidum la société JMCP et les époux [F] aux entiers dépens distraits au profit de Me Gervais Gobillot, avocat postulant et plaidant sur ses offres de droit.
La SARL JMCP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F], suivant leurs dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, demandent à la cour de:
Vu les articles 1231-1, 1611, 1194, 1101 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande tendant au paiement d'un arriéré de loyers, et de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la SARL JMCP de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté M. et Mme [F] de leur demande de dommages et intérêts ainsi que de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a ordonné la suppression des conclusions n° 5 de M. [X] [N] des paragraphes suivants page 9:
La société Auberge des Adrets Select Events, dont l'activité est en fait strictement identique à celle de la société JMCP a, selon toutes vraisemblances, été constituée pour mettre à distance les créanciers de la société JMCP, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Malheureusement, cette trésorerie qui ne se trouve ni sur le compte bancaire de JMCP, ni sur celui de l'Auberge des Adrets Select Events, a semble-t-il disparu à jamais... en direction de Bali (').
Et de la phrase, page 11: La cupidité des époux [F] étant en outre un fait avéré.
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de suppression des conclusions de M. [N] du paragraphe suivant en page 9:
Mais cette société Auberge des Adrets Selct Events est elle-même en butte à une avalanche de litiges l'opposant à des clients venus réclamer le remboursement de copieux acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'auront finalement jamais lieu.
- ordonner la suppression de ce paragraphe des écritures de M. [N],
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a condamné M. [X] [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts à titre de réparation de l'atteinte à leur honneur et à leur considération,
- condamner M. [N] à payer à:
* à la SARL JMCP, la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au comportement de M. [N],
- à M. et Mme [F], la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice en raison du retard apporté par la négligence et défaillance de M. [N] à la signature de la vente,
- condamner M. [N] à payer à la société JMCP la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] à payer à M. et Mme [F] la somme de 5.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] au paiement de la procédure d'appel, distraits au profit de la SCP Nourrit-Vinciguerra-Nourrit, avocats, sur son offre de droit.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 1er juillet 2025.
MOTIFS
Il y a lieu de recevoir Mme [S] [W] veuve [N], en sa qualité d'épouse commune en biens de feu [X] [N] et bénéficiaire de l'attribution intégrale de la communauté ( les époux [N] ayant adopté le régime de la communauté universelle) en son intervention volontaire et de la déclarer recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement de l'arriéré de loyers
Mme [W] veuve [N] rappelle qu'il est acquis que les loyers des deux derniers trimestres de l'année 2017 n'ont pas été réglés par la SARL JMCP, soit une somme de 10.545,34 € correspondant au loyer d'origine soumis à indexation et non au nouveau loyer fixé par le jugement du 1er juillet 2013.
Elle conteste l'analyse du tribunal qui a retenu que le mail écrit de M. [X] [N] en date du 16 septembre 2017, invoqué par la société JMCP mais non versé au débat, matérialiserait de façon indiscutable un abandon de créance alors que:
- lors de la signature de l'acte de vente du 16 janvier 2018, M. [N] a explicitement fait noter qu'il n'abandonnait pas cette créance,
- celui-ci ne pouvait pas renoncer le 16 septembre 2017 au paiement du loyer du 4ème trimestre
2017 , lequel n'était pas encore échu et exigible, mais considérait que le quantum de sa créance serait à déterminer à la date de la signature de l'acte,
- à tout le moins le mail du 16 septembre 2017 ne contient aucune manifestation non équivoque de M. [N] de renoncer à sa créance, d'autant que la promesse de vente du 30 mars 2017 reportait le transfert de propriété à la constatation de la vente par acte authentique,
- rien dans le protocole transactionnel ne prévoit l'arrêt du paiement des loyers au 30 juin 2017.
Les intimés, pour leur part, estiment que le tribunal a parfaitement interprété le mail de M. [N] du 16 septembre 2017 comme étant l'expression de sa volonté de renoncer aux loyers des 3ème et 4ème trimestre 2017, en ce qu'il a relié l'absence de demande de paiement à ce titre à la promesse de vente, mettant en évidence que cette dernière avait mis un terme au cours des loyers. Ils soulignent que le vendeur a manqué à son obligation de loyauté en ce que sa première réclamation n'a été formulée que postérieurement à la réitération de la vente et que la mention qu'il a fait insérer à la dernière minute n'a aucune valeur contre la société JMCP, qui n'était pas partie à l'acte. Ils soutiennent en outre que les reports de signature de la vente définitive ne sont nullement indépendants de la volonté de M. [N], expliquant que ce dernier a renoncé à percevoir les loyers à compter du 1er juillet 2017, date à laquelle la vente devait initialement intervenir.
La renonciation à un droit, notamment quand il s'agit d'une créance, peut être expresse ou tacite. Dans cette dernière hypothèse, une telle renonciation ne peut se déduire que de faits positifs non équivoques qui impliquent obligatoirement la volonté de renoncer. En d'autres termes, le comportement du créancier doit être sans équivoque et incompatible avec le maintien de ce droit.
Pour soutenir que M. [N] a renoncé à réclamer le paiement des loyers des 3ème et 4ème trimestre 20178 à la SARL JMCP, les intimés s'appuient, principalement, sur un mail du 16 septembre 2017 écrit par M. [N] en ces termes ' Notre affaire, dont je déplore, comme vous, le retard et qui je l'espère est en voix de règlement (...). J'ai dû régler, comme à l'accoutumé, la taxe foncière 2017 de l'Auberge. Plus tard nous réglerons ce problème, au prorata du temps de propriété de chacun, durant l'année 2017. En attendant, ne vous ayant pas demandé ( ce qui est logique vue la promesse de vente) le loyer du 3ème trimestre de l'Auberge, mon compte, à ma banque, va être sérieusement à découvert. C'est la raison pour laquelle je viens vous demander d'avoir l'obligeance de me verser, dans les meilleurs délais, le montant de la taxe des ordures ménagères de l'Auberge 2017 qui vous incombe et s'élève à (...)'.
Il ne peut être déduit de ce seul courriel, une volonté non équivoque de M. [N] de renoncer au paiement des loyers des 3ème et 4ème trimestres 2017, étant précisé qu'il ne comporte qu'une allusion au loyer du 3ème trimestre mais est muet sur le 4ème trimestre, qui n'était d'ailleurs pas exigible à cette époque.
En effet, rien dans le protocole transactionnel ne prévoit l'arrêt du paiement des loyers par la SARL JMCP au 30 juin 2017, à savoir à la date à laquelle la promesse devait être réitérée. Il ressort, au contraire, des échanges des parties, qu'en l'absence de réalisation de la vente immobilière, M. [N] souhaitait reprendre la procédure devant la cour d'appel en fixation du loyer renouvelé.
La promesse de vente régularisée entre M. [N] et les époux [F] le 30 mars 2017 précise que:
- la promesse de vente est consentie pour une durée expirant le 30 juin 2017, mais qu'en toute hypothèse, le transfert de propriété est reporté au jour de la constatation de la vente par acte authentique,
- le bénéficiaire sera propriétaire du bien, objet de la promesse, le jour de la constatation de la vente en la forme authentique, ' il en aura la jouissance à compter du même jour, par la perception des loyers, le bien étant actuellement loué'.
Les parties ont régularisé un avenant prorogeant la promesse de vente au 30 octobre 2017, avec la mention selon laquelle ' si à la date dite les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de la rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables sans que cette prorogation puisse excéder huit jours.'.
L'acte authentique de vente a finalement été repoussé jusqu'au 16 janvier 2018 en raison d'une difficulté en lien avec l'identification de la parcelle vendue par M. [N].
Cet acte stipule en page 7 que ' Le vendeur déclare en tant que de besoin que les loyers des troisième et quatrième trimestres 2017 ne lui ont pas été réglés par la société JMCP et qu'il se réserve tout droit de réclamer ceux-ci à la société JMCP.'
L'absence de renonciation de M. [N] à poursuivre le règlement des loyers qui lui sont dus est particulièrement claire à la lecture de cette clause.
Contrairement à ce qu'a retenu à tort le tribunal, le courriel litigieux ne saurait être interprété comme une renonciation tacite du bailleur à sa créance de loyers mais s'analyse au contraire, à la lecture de la chronologie des faits sus relatée, comme un report d'exigibilité des sommes dues au titre des loyers par la SARL JMCP au jour de la signature de l' acte authentique permettant d'arrêter définitivement les comptes entre les parties. En effet, à la date à laquelle M. [N] écrit ce courriel, soit le 16 septembre 2017, la vente devait, en principe, être réitérée le 30 octobre 2017, délai qui était susceptible d'être à nouveau prorogé et le vendeur estimait que sa créance de loyers serait à déterminer à la date de la constatation de la vente par acte authentique.
Le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande en paiement au titre des loyers des 3ème et 4ème trimestres 2017 doit être infirmé.
La SARL JMCP doit donc être condamnée à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 10.545,34 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 février 2018.
Mme [S] [W] veuve [N] sollicite également l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 € mais n'apporte aucune explication dans ses écritures sur un tel chef de demande, étant rappelé que le simple retard dans le paiement des sommes qui lui sont dues est déjà compensé par l'octroi d'intérêts de retard au taux légal.
Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution par M. [N] de son obligation de délivrance
Les intimés font valoir que:
- les époux [F], dont la recevabilité de leur intervention volontaire ne fait l'objet d'aucune contestation, ont été victimes des lenteurs de M. [N] à régulariser les actes consécutifs à l'accord auquel ils étaient parvenus, leur ayant occasionné un préjudice financier lié à l'obtention d'un découvert bancaire devant être remboursé par le crédit à octroyer dans le cadre de la vente, ainsi qu'un préjudice moral découlant des tracasseries auxquelles ils ont dû faire face,
- la SARL JMCP a également subi un préjudice.
Mme [W] considère pour sa part que seuls les époux [F] seraient en droit de demander réparation à ce titre, la SARL JMCP étant un tiers à l'acte de vente et fait valoir que les acquéreurs sont mal fondés à invoquer un quelconque préjudice au visa de l'article 1611 du code civil en ce que la cause du report de la date de la vente n'est aucunement imputable à M. [N].
En application de l'article 1610 du code civil, si le vendeur manque à son obligation de délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession , si le retard ne vient que du fait du vendeur.
L'article 1611 dispose que dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.
La SARL JMCP, non partie à l'acte de vente, est mal fondée à se prévaloir d'un manquement de la part du vendeur à son obligation de délivrance, étant précisé qu'elle n'est pas en mesure de justifier d'un quelconque préjudice ayant continué d'occuper et d'exploiter les locaux qui lui avaient été donnés à bail jusqu'à la signature de la l'acte de vente définitif, en se dispensant de surcroît de régler les loyers des six derniers mois.
Pour le surplus, il résulte des pièces du dossier et notamment des échanges entre les parties et leurs notaires respectifs que la vente n'a finalement pu être régularisée que 16 janvier 2018 en raison d'une difficulté en lien avec la matrice cadastrale et la retranscription de la mise à jour du cadastre au service de la publicité foncière.
Cette difficulté n'est apparue qu'en juillet 2017 mais il ne peut être utilement soutenu que M. [N], propriétaire des biens litigieux en vertu d'un partage datant de 1972, était informé de ce problème résultant d'une erreur de retranscription cadastrale et celui-ci n'a pu que s'en remettre à l'appréciation des notaires, professionnels de l'immobilier, qui ont estimé nécessaire d'obtenir la production d'un état hypothécaire pour pouvoir réitérer la vente par acte authentique.
Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, la promesse de vente prévoyait un transfert de propriété et par là une obligation de délivrance au jour de la constatation de la vente par la forme authentique;
Si effectivement la vente en la forme authentique est intervenue dans un délai supérieur à celui initialement prévu, y compris après la première prorogation de la promesse de vente, il n'en demeure pas moins que la délivrance du bien a eu lieu le 16 janvier 2018, soit le jour de la signature de l'acte authentique, étant précisé que les époux [F] ont consenti à retarder la vente, n'ont fait état d'un quelconque préjudice en résultant, ni n'ont davantage sollicité la résolution de leur vente ou leur mise en possession.
Comme en première instance, ils sont tout autant dans l'impossibilité de caractériser un quelconque préjudice financier et moral, se contenant d'affirmer avoir obtenu un découvert bancaire pour régler l'acompte au notaire le 15 mars 2017, découvert qui devait être remboursé par le crédit octroyé dans le cadre de la vente définitive dont le retard les a contraint à régler un découvert bancaire de 5,45 %.
Or, ils produisent pour une unique pièce un bordereau d'opérations faisant état d'un virement le 15 mars 2017 de la part de la Caisse d'Epargne d'un montant de 80.700 € au profit d'un compte ouvert au nom de l'Auberge des Adrets. Ce seul élément est insuffisant à établir la moindre perte subie par les époux [F], d'autant qu'ils n'ont pas commencé à rembourser leur emprunt avant la signature de l'acte authentique.
Faute de caractériser un défaut de délivrance imputable au vendeur, ni davantage l'existence d'un préjudice résultant du retard dans la formalisation de l'acte authentique, les époux [F] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881
Mme [W] soutient que les propos en cause ne sont pas diffamatoires en ce qu'elle justifie qu'ils ne sont ni faux, ni mensongers mais que les paragraphes litigieux, au contraire, ne comportent que des informations rigoureusement exactes.
Les intimés exposent pour leur part, que les propos critiqués font référence à des faits totalement étrangers à la cause et sont parfaitement inexacts.
Selon l'article 41 de la loi du 29 juillet 1981, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers.
Aux termes de l'article 29 de la loi du même texte, toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Les époux [F] et la SARL JMCP sollicitent la suppression des paragraphes suivants des conclusions de première instance de M. [N]:
Page 9 ' La société Auberge des Adrets Select Events, dont l'activité est en fait strictement identique à celle de la société JMCP a, selon toutes vraisemblances, été constituée pour mettre à distance les créanciers de la société JMCP, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Mais cette société Auberge des Adrets Select Events est elle-même en butte à une avalanche de litiges l'opposant à des clients venus réclamer le remboursement de copieux acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'ont pas eu lieu.
Malheureusement, cette trésorerie qui ne se trouve ni sur le compte bancaire de JMCP, ni sur celui de l'Auberge des Adrets Select Events, a semble-t-il disparu à jamais... en direction de Bali (').'
Et de la phrase, page 11: 'La cupidité des époux [F] étant en outre un fait avéré'.
Le tribunal a estimé que les propos 'Mais cette société Auberge des Adrets Select Events est elle-même en butte à une avalanche de litiges l'opposant à des clients venus réclamer le remboursement de copieux acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'ont pas eu lieu' ne méritaient pas de sanction, en ce qu'il est effectivement avéré que la société Auberge des Adrets Select Events est confrontée à plusieurs litiges portant sur des réclamations d'acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'ont pas eu lieu dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid 19.
Pour le surplus, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que les autres propos étaient de nature injurieux et diffamatoires, de sorte qu'il convenait d'en ordonner la suppression.
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
En revanche, le montant des dommages et intérêts alloués aux époux [F], à savoir 5.000 €, au titre du préjudice subi compte tenu de la présence des propos diffamatoires susvisés dans les conclusions, est manifestement excessif.
En effet, lesdits propos n'ont pas été tenus de manière publique mais uniquement dans un jeu de conclusions dans le cadre d'un procès civil en première instance. En outre, les époux [F] ne sont pas en mesure de caractériser un tel préjudice à hauteur du quantum qui leur a été alloué, qui découlerait de ces propos, à savoir une atteinte particulièrement grave à leur honneur et à leur considération. En conséquence, le montant des dommages et intérêts sera ramené à la somme de 1 €.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Reçoit Mme [S] [W] veuve [N] en on intervention volontaire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan sauf en ce qu'il a:
- débouté M. [X] [N] de sa demande tendant au paiement d'un arriéré de loyers
- condamné M. [X] [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,
- condamné M. [X] [N] aux entiers dépens de première instance,
Statuant à nouveau sur ces points,
Condamne la SARL JCMP à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 10.545,34 € au titre de l'arriéré de loyers avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,
Condamne Mme [S] [W] veuve [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts,
Condamne la SARL JCMP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] aux entiers dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la SARL JCMP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne in solidum la SARL JCMP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/16309 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BINIZ
[X] [N]
C/
[J] [F]
[P] [E] épouse [F]
S.A.R.L. JMCP
[S], [M], [B], [A] [W] veuve [N]
Copie exécutoire délivrée
le : 30 Octobre 2025
à :
Me Gervais GOBILLOT
Me Benoît LAMBERT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 3] en date du 04 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/06186.
APPELANT
Monsieur [X] [N]
Décédé à [Localité 5] le 20/11/23
né le 28 Mai 1935 à [Localité 9] (13), demeurant [Adresse 7]. - [Localité 1]
représenté par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [J] [F]
né le 25 Août 1956 à [Localité 8] (ALLEMAGNE), demeurant [Adresse 11]
représenté par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Madame [P] [E] épouse [F]
née le 25 Janvier 1963 à [Localité 10] (78), demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A.R.L. JMCP
, demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Benoît LAMBERT de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
PARTIE INTERVENANTE
Madame [S], [M], [B], [A] [W] veuve [N]
intervenante volontaire ayant-droit de M. [X] [N], décédé à [Localité 5] le 20/11/2023
née le 20 Juin 1941 à [Localité 12], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Gervais GOBILLOT, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,
et Madame Laetitia VIGNON, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [X] [N] était propriétaire d'un bien immobilier sis à [Localité 4] consistant en un terrain d'une superficie totale de 3.780 m² sur lequel est édifié un bâtiment accueillant du public.
Ces biens étaient donnés à bail commercial à la société Auberge des Adrets qui a cédé son fonds de commerce à la SARL JMCP par acte sous seing privé du 28 juin 1989.
Par acte extra-judiciaire en date du 19 février 2009, la SARL JMCP a fait délivrer à M. [X] [N] une demande de renouvellement de bail commercial pour une nouvelle durée de neuf années pleines et entières commençant à courir le 1er avril 2009 pour se terminer le 31 mars 2018 au prix de 21.090,69 € par an.
Par acte d'huissier du 24 mars 2009, M. [X] [N] a indiqué accepter le principe du renouvellement du bail pour neuf années mais a sollicité la fixation du loyer à la somme annuelle de 35.000 €.
M. [X] [N] a saisi le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Draguignan, lequel, après dépôt du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y], a fixé, par jugement du 14 mars 2013, le montant annuel du loyer renouvelé à la somme de 32.200 € hors taxes et hors charges à compter du 30 septembre 2009.
La société JMCP a interjeté appel de ce jugement. Pendant le cours de la procédure d'appel, les parties sont convenues de transiger sur leur différend, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F], gérants et dirigeants de la SARL JMCP se portant acquéreurs des murs de l'Auberge des Adrets, M. [X] [N], le bailleur, renonçant de son côté à poursuivre la procédure en augmentation du loyer commercial.
Par acte notarié du 30 mars 2017, M. [X] [N] a promis de vendre à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F], les biens immobiliers exploités sous l'enseigne Auberge des Adrets.
L'acte de vente des murs a finalement été signé le 16 janvier 2018 en l'étude de Me [H], notaire des acquéreurs avec le concours de Me [Z], notaire du vendeur.
Soutenant être toujours créancier de la somme de 10.545,34 € correspondant aux loyers échus des deux derniers trimestres 2017 et face au refus de la SARL JMCP de lui régler cette somme, M. [X] [N] l'a fait assigner, par acte du 6 août 2018, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.
Par jugement en date du 4 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan a:
- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F],
- débouté M. [X] [N] de sa demande tendant au paiement d'un arriéré de loyers et de dommages et intérêts,
- débouté la SARL JMCP de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de livraison du bien vendu,
- débouté M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] de leur demande de dommages et intérêts pour défaut de livraison du bien vendu,
- ordonné la suppression des conclusions n° 5 de M. [X] [N] des paragraphes suivants page 9:
La société Auberge des Adrets Select Events, dont l'activité est en fait strictement identique à celle de la société JMCP a, selon toutes vraisemblances, été constituée pour mettre à distance les créanciers de la société JMCP, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Malheureusement, cette trésorerie qui ne se trouve ni sur le compte bancaire de JMCP, ni sur celui de l'Auberge des Adrets Select Events, a semble-t-il disparu à jamais... en direction de [Localité 2] (').
Et de la phrase, page 11: La cupidité des époux [F] étant en outre un fait avéré.
- condamné M. [X] [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,
- débouté M. [X] [N], la SARL JMCP et M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] [N] aux entiers dépens,
- prononcé l'exécution provisoire.
Le tribunal a retenu, à cet effet, que:
Sur les demandes de M. [N] en paiement des loyers et de dommages et intérêts:
- M. [N] sollicite le paiement des loyers des deux derniers trimestres 2017, entre la promesse de vente signée le 1er mars 2017 et la réalisation de la vente intervenue le 16 janvier 2018, alors que la promesse de vente était prévue initialement pour expirer le 30 juin 2017,
- le mail de M. [N] du 16 septembre 2017, faisant référence à la promesse de vente, démontre son intention de renoncer à la perception des loyers courant en attendant la réitération de la promesse de vente, étant rappelé que la vente du bien immobilier s'est inscrite dans le cadre d'une transaction globale,
- M. [N] sera donc débouté de ce chef de demande, de même que de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive.
Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts en raison d'un retard de délivrance:
- il résulte des pièces du dossier que si la promesse de vente n'a pu être réitérée que le 16 janvier 2018, la cause de ce retard trouve son origine dans une difficulté en lien avec la matrice cadastrale et la retranscription de la mise à jour du cadastre au service de la publicité foncière,
- la promesse de vente prévoyait un transfert de propriété et donc une obligation de délivrance au jour de la constatation de la vente en la forme authentique et il est constant que la délivrance a bien eu lieu le 16 janvier 2018, le jour prévu de la réitération authentique, aucune mise en demeure n'étant intervenue de la part des acquéreurs, qui n'ont pas sollicité la résolution de la vente ou leur mise en possession,
- la SARL JMCP et les consorts [T] affirment également, sans verser le moindre élément de preuve, qu'ils ont subi un préjudice du fait du retard dans la formalisation de l'acte authentique de vente,
- le défaut de délivrance n'étant pas caractérisé, ni une quelconque défaillance temporaire du vendeur, les défendeurs seront déboutés de leurs demandes,
Sur la demande fondée sur l'article 41 de la loi de 1881
- parmi les paragraphes dont la suppression est réclamée, seuls les propos relatifs aux contentieux auxquels est confrontée la société Auberge des Adrets Select Events sont avérés et démontrés,
- le surplus des propos n'apporte rien à la résolution du litige et est en outre contredit par les éléments du dossier, de sorte qu'il s'agit bien de propos injurieux et diffamatoires dont il convient d'en ordonner la suppression.
Par déclaration en date du 19 novembre 2021, M. [X] [N] a interjeté appel de ce jugement.
M. [X] [N] est décédé le 20 novembre 2023. Son épouse, Mme [S] [W], est intervenue volontairement à la procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 avril 2024, Mme [S] [W], veuve [N] demande à la cour de:
- recevoir Mme [S] [W] veuve [N] en son intervention volontaire,
Vu les articles 1134 et 1147 anciens, 1103 et 1231-1 nouveaux du code civil,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [X] [N] de sa demande en paiement à l'encontre de la société JMCP, et l'a condamné sur la base de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1981 d'une part, à retirer plusieurs passages de ses conclusions n° 5, d'autre part, à verser aux époux [F] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- condamner la société JMCP à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 10.545,34 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,
- condamner in solidum la société JMCP et les époux [F] à payer à Mme [S] [W] veuve [N] les sommes de:
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société JMCP de ses demandes reconventionnelles,
- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,
- condamner in solidum la société JMCP et les époux [F] aux entiers dépens distraits au profit de Me Gervais Gobillot, avocat postulant et plaidant sur ses offres de droit.
La SARL JMCP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F], suivant leurs dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, demandent à la cour de:
Vu les articles 1231-1, 1611, 1194, 1101 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande tendant au paiement d'un arriéré de loyers, et de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a débouté la SARL JMCP de sa demande de dommages et intérêts ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté M. et Mme [F] de leur demande de dommages et intérêts ainsi que de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a ordonné la suppression des conclusions n° 5 de M. [X] [N] des paragraphes suivants page 9:
La société Auberge des Adrets Select Events, dont l'activité est en fait strictement identique à celle de la société JMCP a, selon toutes vraisemblances, été constituée pour mettre à distance les créanciers de la société JMCP, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Malheureusement, cette trésorerie qui ne se trouve ni sur le compte bancaire de JMCP, ni sur celui de l'Auberge des Adrets Select Events, a semble-t-il disparu à jamais... en direction de Bali (').
Et de la phrase, page 11: La cupidité des époux [F] étant en outre un fait avéré.
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de suppression des conclusions de M. [N] du paragraphe suivant en page 9:
Mais cette société Auberge des Adrets Selct Events est elle-même en butte à une avalanche de litiges l'opposant à des clients venus réclamer le remboursement de copieux acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'auront finalement jamais lieu.
- ordonner la suppression de ce paragraphe des écritures de M. [N],
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan du 4 novembre 2021 en ce qu'il a condamné M. [X] [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts à titre de réparation de l'atteinte à leur honneur et à leur considération,
- condamner M. [N] à payer à:
* à la SARL JMCP, la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au comportement de M. [N],
- à M. et Mme [F], la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice en raison du retard apporté par la négligence et défaillance de M. [N] à la signature de la vente,
- condamner M. [N] à payer à la société JMCP la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] à payer à M. et Mme [F] la somme de 5.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [N] au paiement de la procédure d'appel, distraits au profit de la SCP Nourrit-Vinciguerra-Nourrit, avocats, sur son offre de droit.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 1er juillet 2025.
MOTIFS
Il y a lieu de recevoir Mme [S] [W] veuve [N], en sa qualité d'épouse commune en biens de feu [X] [N] et bénéficiaire de l'attribution intégrale de la communauté ( les époux [N] ayant adopté le régime de la communauté universelle) en son intervention volontaire et de la déclarer recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement de l'arriéré de loyers
Mme [W] veuve [N] rappelle qu'il est acquis que les loyers des deux derniers trimestres de l'année 2017 n'ont pas été réglés par la SARL JMCP, soit une somme de 10.545,34 € correspondant au loyer d'origine soumis à indexation et non au nouveau loyer fixé par le jugement du 1er juillet 2013.
Elle conteste l'analyse du tribunal qui a retenu que le mail écrit de M. [X] [N] en date du 16 septembre 2017, invoqué par la société JMCP mais non versé au débat, matérialiserait de façon indiscutable un abandon de créance alors que:
- lors de la signature de l'acte de vente du 16 janvier 2018, M. [N] a explicitement fait noter qu'il n'abandonnait pas cette créance,
- celui-ci ne pouvait pas renoncer le 16 septembre 2017 au paiement du loyer du 4ème trimestre
2017 , lequel n'était pas encore échu et exigible, mais considérait que le quantum de sa créance serait à déterminer à la date de la signature de l'acte,
- à tout le moins le mail du 16 septembre 2017 ne contient aucune manifestation non équivoque de M. [N] de renoncer à sa créance, d'autant que la promesse de vente du 30 mars 2017 reportait le transfert de propriété à la constatation de la vente par acte authentique,
- rien dans le protocole transactionnel ne prévoit l'arrêt du paiement des loyers au 30 juin 2017.
Les intimés, pour leur part, estiment que le tribunal a parfaitement interprété le mail de M. [N] du 16 septembre 2017 comme étant l'expression de sa volonté de renoncer aux loyers des 3ème et 4ème trimestre 2017, en ce qu'il a relié l'absence de demande de paiement à ce titre à la promesse de vente, mettant en évidence que cette dernière avait mis un terme au cours des loyers. Ils soulignent que le vendeur a manqué à son obligation de loyauté en ce que sa première réclamation n'a été formulée que postérieurement à la réitération de la vente et que la mention qu'il a fait insérer à la dernière minute n'a aucune valeur contre la société JMCP, qui n'était pas partie à l'acte. Ils soutiennent en outre que les reports de signature de la vente définitive ne sont nullement indépendants de la volonté de M. [N], expliquant que ce dernier a renoncé à percevoir les loyers à compter du 1er juillet 2017, date à laquelle la vente devait initialement intervenir.
La renonciation à un droit, notamment quand il s'agit d'une créance, peut être expresse ou tacite. Dans cette dernière hypothèse, une telle renonciation ne peut se déduire que de faits positifs non équivoques qui impliquent obligatoirement la volonté de renoncer. En d'autres termes, le comportement du créancier doit être sans équivoque et incompatible avec le maintien de ce droit.
Pour soutenir que M. [N] a renoncé à réclamer le paiement des loyers des 3ème et 4ème trimestre 20178 à la SARL JMCP, les intimés s'appuient, principalement, sur un mail du 16 septembre 2017 écrit par M. [N] en ces termes ' Notre affaire, dont je déplore, comme vous, le retard et qui je l'espère est en voix de règlement (...). J'ai dû régler, comme à l'accoutumé, la taxe foncière 2017 de l'Auberge. Plus tard nous réglerons ce problème, au prorata du temps de propriété de chacun, durant l'année 2017. En attendant, ne vous ayant pas demandé ( ce qui est logique vue la promesse de vente) le loyer du 3ème trimestre de l'Auberge, mon compte, à ma banque, va être sérieusement à découvert. C'est la raison pour laquelle je viens vous demander d'avoir l'obligeance de me verser, dans les meilleurs délais, le montant de la taxe des ordures ménagères de l'Auberge 2017 qui vous incombe et s'élève à (...)'.
Il ne peut être déduit de ce seul courriel, une volonté non équivoque de M. [N] de renoncer au paiement des loyers des 3ème et 4ème trimestres 2017, étant précisé qu'il ne comporte qu'une allusion au loyer du 3ème trimestre mais est muet sur le 4ème trimestre, qui n'était d'ailleurs pas exigible à cette époque.
En effet, rien dans le protocole transactionnel ne prévoit l'arrêt du paiement des loyers par la SARL JMCP au 30 juin 2017, à savoir à la date à laquelle la promesse devait être réitérée. Il ressort, au contraire, des échanges des parties, qu'en l'absence de réalisation de la vente immobilière, M. [N] souhaitait reprendre la procédure devant la cour d'appel en fixation du loyer renouvelé.
La promesse de vente régularisée entre M. [N] et les époux [F] le 30 mars 2017 précise que:
- la promesse de vente est consentie pour une durée expirant le 30 juin 2017, mais qu'en toute hypothèse, le transfert de propriété est reporté au jour de la constatation de la vente par acte authentique,
- le bénéficiaire sera propriétaire du bien, objet de la promesse, le jour de la constatation de la vente en la forme authentique, ' il en aura la jouissance à compter du même jour, par la perception des loyers, le bien étant actuellement loué'.
Les parties ont régularisé un avenant prorogeant la promesse de vente au 30 octobre 2017, avec la mention selon laquelle ' si à la date dite les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de la rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables sans que cette prorogation puisse excéder huit jours.'.
L'acte authentique de vente a finalement été repoussé jusqu'au 16 janvier 2018 en raison d'une difficulté en lien avec l'identification de la parcelle vendue par M. [N].
Cet acte stipule en page 7 que ' Le vendeur déclare en tant que de besoin que les loyers des troisième et quatrième trimestres 2017 ne lui ont pas été réglés par la société JMCP et qu'il se réserve tout droit de réclamer ceux-ci à la société JMCP.'
L'absence de renonciation de M. [N] à poursuivre le règlement des loyers qui lui sont dus est particulièrement claire à la lecture de cette clause.
Contrairement à ce qu'a retenu à tort le tribunal, le courriel litigieux ne saurait être interprété comme une renonciation tacite du bailleur à sa créance de loyers mais s'analyse au contraire, à la lecture de la chronologie des faits sus relatée, comme un report d'exigibilité des sommes dues au titre des loyers par la SARL JMCP au jour de la signature de l' acte authentique permettant d'arrêter définitivement les comptes entre les parties. En effet, à la date à laquelle M. [N] écrit ce courriel, soit le 16 septembre 2017, la vente devait, en principe, être réitérée le 30 octobre 2017, délai qui était susceptible d'être à nouveau prorogé et le vendeur estimait que sa créance de loyers serait à déterminer à la date de la constatation de la vente par acte authentique.
Le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande en paiement au titre des loyers des 3ème et 4ème trimestres 2017 doit être infirmé.
La SARL JMCP doit donc être condamnée à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 10.545,34 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 février 2018.
Mme [S] [W] veuve [N] sollicite également l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 € mais n'apporte aucune explication dans ses écritures sur un tel chef de demande, étant rappelé que le simple retard dans le paiement des sommes qui lui sont dues est déjà compensé par l'octroi d'intérêts de retard au taux légal.
Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution par M. [N] de son obligation de délivrance
Les intimés font valoir que:
- les époux [F], dont la recevabilité de leur intervention volontaire ne fait l'objet d'aucune contestation, ont été victimes des lenteurs de M. [N] à régulariser les actes consécutifs à l'accord auquel ils étaient parvenus, leur ayant occasionné un préjudice financier lié à l'obtention d'un découvert bancaire devant être remboursé par le crédit à octroyer dans le cadre de la vente, ainsi qu'un préjudice moral découlant des tracasseries auxquelles ils ont dû faire face,
- la SARL JMCP a également subi un préjudice.
Mme [W] considère pour sa part que seuls les époux [F] seraient en droit de demander réparation à ce titre, la SARL JMCP étant un tiers à l'acte de vente et fait valoir que les acquéreurs sont mal fondés à invoquer un quelconque préjudice au visa de l'article 1611 du code civil en ce que la cause du report de la date de la vente n'est aucunement imputable à M. [N].
En application de l'article 1610 du code civil, si le vendeur manque à son obligation de délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession , si le retard ne vient que du fait du vendeur.
L'article 1611 dispose que dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu.
La SARL JMCP, non partie à l'acte de vente, est mal fondée à se prévaloir d'un manquement de la part du vendeur à son obligation de délivrance, étant précisé qu'elle n'est pas en mesure de justifier d'un quelconque préjudice ayant continué d'occuper et d'exploiter les locaux qui lui avaient été donnés à bail jusqu'à la signature de la l'acte de vente définitif, en se dispensant de surcroît de régler les loyers des six derniers mois.
Pour le surplus, il résulte des pièces du dossier et notamment des échanges entre les parties et leurs notaires respectifs que la vente n'a finalement pu être régularisée que 16 janvier 2018 en raison d'une difficulté en lien avec la matrice cadastrale et la retranscription de la mise à jour du cadastre au service de la publicité foncière.
Cette difficulté n'est apparue qu'en juillet 2017 mais il ne peut être utilement soutenu que M. [N], propriétaire des biens litigieux en vertu d'un partage datant de 1972, était informé de ce problème résultant d'une erreur de retranscription cadastrale et celui-ci n'a pu que s'en remettre à l'appréciation des notaires, professionnels de l'immobilier, qui ont estimé nécessaire d'obtenir la production d'un état hypothécaire pour pouvoir réitérer la vente par acte authentique.
Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, la promesse de vente prévoyait un transfert de propriété et par là une obligation de délivrance au jour de la constatation de la vente par la forme authentique;
Si effectivement la vente en la forme authentique est intervenue dans un délai supérieur à celui initialement prévu, y compris après la première prorogation de la promesse de vente, il n'en demeure pas moins que la délivrance du bien a eu lieu le 16 janvier 2018, soit le jour de la signature de l'acte authentique, étant précisé que les époux [F] ont consenti à retarder la vente, n'ont fait état d'un quelconque préjudice en résultant, ni n'ont davantage sollicité la résolution de leur vente ou leur mise en possession.
Comme en première instance, ils sont tout autant dans l'impossibilité de caractériser un quelconque préjudice financier et moral, se contenant d'affirmer avoir obtenu un découvert bancaire pour régler l'acompte au notaire le 15 mars 2017, découvert qui devait être remboursé par le crédit octroyé dans le cadre de la vente définitive dont le retard les a contraint à régler un découvert bancaire de 5,45 %.
Or, ils produisent pour une unique pièce un bordereau d'opérations faisant état d'un virement le 15 mars 2017 de la part de la Caisse d'Epargne d'un montant de 80.700 € au profit d'un compte ouvert au nom de l'Auberge des Adrets. Ce seul élément est insuffisant à établir la moindre perte subie par les époux [F], d'autant qu'ils n'ont pas commencé à rembourser leur emprunt avant la signature de l'acte authentique.
Faute de caractériser un défaut de délivrance imputable au vendeur, ni davantage l'existence d'un préjudice résultant du retard dans la formalisation de l'acte authentique, les époux [F] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.
Sur les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881
Mme [W] soutient que les propos en cause ne sont pas diffamatoires en ce qu'elle justifie qu'ils ne sont ni faux, ni mensongers mais que les paragraphes litigieux, au contraire, ne comportent que des informations rigoureusement exactes.
Les intimés exposent pour leur part, que les propos critiqués font référence à des faits totalement étrangers à la cause et sont parfaitement inexacts.
Selon l'article 41 de la loi du 29 juillet 1981, ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers.
Aux termes de l'article 29 de la loi du même texte, toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
Les époux [F] et la SARL JMCP sollicitent la suppression des paragraphes suivants des conclusions de première instance de M. [N]:
Page 9 ' La société Auberge des Adrets Select Events, dont l'activité est en fait strictement identique à celle de la société JMCP a, selon toutes vraisemblances, été constituée pour mettre à distance les créanciers de la société JMCP, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde.
Mais cette société Auberge des Adrets Select Events est elle-même en butte à une avalanche de litiges l'opposant à des clients venus réclamer le remboursement de copieux acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'ont pas eu lieu.
Malheureusement, cette trésorerie qui ne se trouve ni sur le compte bancaire de JMCP, ni sur celui de l'Auberge des Adrets Select Events, a semble-t-il disparu à jamais... en direction de Bali (').'
Et de la phrase, page 11: 'La cupidité des époux [F] étant en outre un fait avéré'.
Le tribunal a estimé que les propos 'Mais cette société Auberge des Adrets Select Events est elle-même en butte à une avalanche de litiges l'opposant à des clients venus réclamer le remboursement de copieux acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'ont pas eu lieu' ne méritaient pas de sanction, en ce qu'il est effectivement avéré que la société Auberge des Adrets Select Events est confrontée à plusieurs litiges portant sur des réclamations d'acomptes versés pour l'organisation de mariages qui n'ont pas eu lieu dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid 19.
Pour le surplus, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que les autres propos étaient de nature injurieux et diffamatoires, de sorte qu'il convenait d'en ordonner la suppression.
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
En revanche, le montant des dommages et intérêts alloués aux époux [F], à savoir 5.000 €, au titre du préjudice subi compte tenu de la présence des propos diffamatoires susvisés dans les conclusions, est manifestement excessif.
En effet, lesdits propos n'ont pas été tenus de manière publique mais uniquement dans un jeu de conclusions dans le cadre d'un procès civil en première instance. En outre, les époux [F] ne sont pas en mesure de caractériser un tel préjudice à hauteur du quantum qui leur a été alloué, qui découlerait de ces propos, à savoir une atteinte particulièrement grave à leur honneur et à leur considération. En conséquence, le montant des dommages et intérêts sera ramené à la somme de 1 €.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Reçoit Mme [S] [W] veuve [N] en on intervention volontaire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan sauf en ce qu'il a:
- débouté M. [X] [N] de sa demande tendant au paiement d'un arriéré de loyers
- condamné M. [X] [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 5.000 € de dommages et intérêts,
- condamné M. [X] [N] aux entiers dépens de première instance,
Statuant à nouveau sur ces points,
Condamne la SARL JCMP à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 10.545,34 € au titre de l'arriéré de loyers avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,
Condamne Mme [S] [W] veuve [N] à payer à M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts,
Condamne la SARL JCMP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] aux entiers dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la SARL JCMP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] à payer à Mme [S] [W] veuve [N] la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne in solidum la SARL JCMP, M. [U] [F] et Mme [P] [E] épouse [F] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,