CA Colmar, ch. 1 a, 29 octobre 2025, n° 24/00482
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 433/25
Copie exécutoire à
- la SELARL ACVF ASSOCIES
- Me Stéphanie ROTH
Le 29.10.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 29 Octobre 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/00482 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IHLN
Décision déférée à la Cour : 19 Décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile
APPELANTE :
S.A.S. OESTERLE MATERIAUX
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 12]
Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me BOGUET, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. MJ AIR, prise en la personne de Me [S] [H], liquidateur judiciaire de la SAS NEXALIA, anciennement VALEURS 13
[Adresse 3]
Représentée par Me Stéphanie ROTH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'acte introductif d'instance déposé le 2'février 2021 et signifié le 17'février 2021, par lequel la SAS Valeurs 13 a fait citer la SAS Oesterlé Matériaux devant le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu le jugement rendu le 19'décembre 2023 auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse'a statué comme suit':
'CONDAMNE la Sas Oesterlé Matériaux à payer à la Sas Valeurs 13, les sommes suivantes :
- 156.000 € Ttc (CENT CINQUANTE SIX MILLE EUROS) avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021, au titre des loyers échus impayés d'octobre 2015 à novembre 2020 ;
- en deniers ou quittances, 87.920 € (QUATRE-VINGT-SEPT MILLE NEUF CENT VINGT EUROS) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, ce, au titre des loyers échus du 1er décembre 2020 au 19 décembre 2023 ;
PRONONCE la résiliation, aux torts de la Sas Oesterlé Matériaux, du bail verbal liant les parties, portant sur les locaux situés [Adresse 13], ce, à effet du jour du prononce du présent jugement ;
ORDONNE l'expulsion de la société Oesterlé matériaux et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 13] dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard durant une période de 2 mois à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau statué ;
FIXE l'indemnité d'occupation due à compter du jour du présent jugement jusqu'à l'évacuation complète des lieux à un montant équivalent au montant du loyer toutes taxes comprises qui aurait été versé en cas de poursuite du bail ;
CONDAMNE la Sas Oesterlé Matériaux à payer à la Sas Valeurs 13 la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS), par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
CONSTATE l'exécution provisoire du présent jugement.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Oesterlé Matériaux contre ce jugement et déposée le 25'janvier 2024,
Vu la constitution d'intimées en date du 7'juin 2024 de la SAS Nexalia, venant aux droits de la SAS Valeurs 13, en redressement judiciaire, de la SAS Weil-[N]-Lutz, prise en la personne de Maître [W] [N], administrateur judiciaire de la SA NEXALIA et de la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], mandataire judiciaire'de la SAS NEXALIA,
Vu l'ordonnance du 26'février 2025 ayant rejeté la demande de radiation présentée par la SAS Nexalia, anciennement dénommée Valeurs 13, en redressement judiciaire, la SAS Weil-[N]-Lutz, ès qualités d'administrateur et la SELARL MJ Air, ès qualités de mandataire judiciaire,
Vu le jugement du 12'février 2025 admettant la SAS Nexalia au bénéfice de la liquidation judiciaire,
Vu l'ordonnance en date du 2'juin 2025 constatant l'interruption de l'instance,
Vu la constitution d'intimée de la SELARL MJ Air, prise en la personne de Me [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia, en date du 20'juin 2025,
Vu les dernières conclusions en date du 12'décembre 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Oesterlé Matériaux demande à la cour de :
'DÉCLARER l'appel interjeté recevable et bien fondé.
INFIRMER la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau
DÉBOUTER la société NEXALIA SAS anciennement dénommée VALEURS 13 de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens.
CONDAMNER la société NEXALIA SAS anciennement dénommé VALEURS 13 au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
DÉBOUTER la SAS NEXALIA de sa demande de radiation du rôle de l'appel interjeté par la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à l'encontre du jugement rendu le 19 novembre 2023 par le Tribunal de Judiciaire de Mulhouse.
CONDAMNER la SAS NEXALIA aux dépens de la requête en radiation'
et ce, en invoquant notamment':
- l'absence d'occupation par la concluante de parcelles cadastrées appartenant à la société Nexalia, seules occupées par la société Oesterlé Mobilier Urbain, tandis que la concluante exploiterait son fonds de commerce exclusivement sur trois parcelles appartenant à Mme [I] et une autre n'appartenant pas à l'intimée,
- la réfutation de toute confusion entretenue par la concluante avec la société Oesterlé Mobilier Urbain, bien mentionnée dans le constat d'huissier et ce alors que l'intimée, parfaitement informée de cette occupation, aurait dû agir contre la société réellement occupante, si elle estimait devoir obtenir une évacuation ou des loyers, la concluante contestant également laisser la société Oesterlé Mobilier Urbain occuper les parcelles qu'elle aurait louées à la société Nexalia, en application de la convention d'occupation et ce alors que la cession d'activité autorisée par le juge commissaire concernerait la seule activité subsistante de la société Oesterlé SA, exercée sur les parcelles précitées,
- l'absence de bail liant les parties, alors que le bail dérogatoire invoqué sous la dénomination de convention d'occupation n'aurait pas été signé, que le bail dérogatoire de 2009 aurait été conclu avec une autre société (Oesterlé SA), sans être repris dans l'acte de cession de fonds de commerce de 2011 et que l'acte de cession préciserait expressément qu'aucun droit au bail n'était cédé, les loyers versés entre 2012 et 2015 (37 loyers) l'ont été alors que l'appelante aurait été induite en erreur par des courriers, dans lesquels l'intimée se présentait comme propriétaire de locaux qu'elle ne possède pas et ce de mauvaise foi, alors qu'elle aurait su que les activités de négoce de matériaux et de mobilier urbain étaient scindées depuis 2000 et que les locaux occupés par l'appelante ne lui appartenaient pas,
- l'absence, par conséquent, de droit de l'intimée à obtenir l'expulsion de la concluante, ainsi que le bénéfice d'indemnités d'occupation.
Vu les dernières conclusions en date du 22'juillet 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Nexalia, venant aux droits de la SAS Valeurs 13, en redressement judiciaire, la SAS Weil-[N]-Lutz, ès qualités d'administrateur et la SELARL MJ Air, ès qualités de mandataire judiciaire demandent à la cour de':
'Vu les articles 1217 du code civil
Vu l'article 1728 du code civil
Vu l'article 1134 du code civil
Vu les articles 1124 et 1230 du code civil
Il est demandé à la cour d'appel de :
JUGER l'appel de la SAS OESTERLÉ MATERIAUX mal fondé ;
Le REJETER ;
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 19 décembre 2023 ;
Y ajoutant :
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, en redressement judiciaire, ayant pour mandataire judiciaire la SELARL MJ AIR et pour administrateur judiciaire la SAS WEYL [N] LUTZ la somme de 2400 € par mois, TVA en sus, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 19 décembre 2023 jusqu'à la libération complète des lieux ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, en redressement judiciaire, ayant pour mandataire judiciaire la SELARL MJ AIR et pour administrateur judiciaire la SAS WEYL [N] LUTZ, la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX aux entiers dépens de première instance et d'appel.'
Vu les dernières conclusions en date du 30 juin 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia demande à la cour de':
'Vu les articles 1217 du code civil
Vu l'article 1728 du code civil
Vu l'article 1134 du code civil
Vu les articles 1124 et 1230 du code civil
Il est demandé à la cour d'appel de :
JUGER l'appel de la SAS OESTERLÉ MATERIAUX mal fondé ;
Le REJETER ;
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 19 décembre 2023 ;
Y ajoutant :
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL MJ AIR, prise en la personne de Me [S] [H], la somme 2.400 € par mois, TVA en sus, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 19 décembre 2023 jusqu'à la libération complète des lieux ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SELARL MJ AIR, prise en la personne de Me [S] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX aux entiers dépens de première instance et d'appel.'
et ce, en invoquant notamment':
- la mise en 'uvre effective d'un bail commercial dérogatoire'conclu le 16 décembre 2011, entre la société AXALIA (devenue Nexalia) et la SAS Oesterlé Matériaux, pour 23 mois, à loyer mensuel de 2 000 euros HT, dont l'appelante a accepté les conditions en versant les loyers pendant près de quatre ans - le maintien dans les lieux après l'échéance'de ce bail, sans congé ni contestation, entraînant de plein droit la naissance d'un bail soumis au statut des baux commerciaux (article L.'145-5 du code de commerce, jurisprudence Cass. 3ème civ. 10 janv. 1990 et 23 mars 2011),
- la preuve d'un bail verbal, le contrat de bail étant consensuel et pouvant résulter de la seule possession paisible et du paiement des loyers (Cass. 3ème civ. 12 févr. 1985 ; 23 juin 2016),
- le défaut de paiement des loyers depuis octobre 2015,'sans congé régulier ni restitution des locaux, justifiant la résiliation judiciaire du bail pour inexécution fautive (articles 1728 C. civ., 1184 anc. et 1224 nouv.),
- les sommations de payer et mises en demeure'restées sans effet et l'absence de réaction immédiate de l'appelante, ce qui établit sa mauvaise foi,
- les éléments matériels constatés par huissier'(procès-verbal du 1er juillet 2022) montrant la présence de personnel, véhicules, stocks et activités de l'appelante sur les parcelles appartenant à l'intimée, confirmant l'occupation,
- l'argumentation de l'appelante sur la propriété des parcelles jugée fallacieuse, l'acte de vente de 2006 établissant que la concluante serait bien propriétaire de la parcelle [Cadastre 4] et du bâtiment construit en partie sur celle-ci,
- la confusion entretenue avec la société Oesterlé Mobilier Urbain, qui partage le même site, des dirigeants et des intérêts communs et dont l'appelante n'apporte aucune preuve de l'occupation exclusive des lieux,
- le paiement de 47 loyers (112 800 €), incompatible avec la thèse d'une occupation sans droit ni titre ou d'une erreur, aucune demande de remboursement n'ayant été formée,
- l'inopposabilité des constats et plans produits par l'appelante, réalisés de manière non contradictoire et ne prouvant pas l'absence d'occupation des parcelles de l'intimée,
- la cohérence de l'acte de cession de fonds de commerce, qui mentionne déjà l'accord avec le bailleur pour la poursuite de l'occupation des lieux, confirmant que l'appelante a repris l'exploitation sur place.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4'juillet 2025,
Vu les débats à l'audience du 17'septembre 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale :
La cour rappelle que selon convention d'occupation précaire à effet du 16 décembre 2011, la société Axalia, devenue ensuite la SAS Valeurs 13, aux droits de laquelle vient la SAS Nexalia, a entendu louer à la SAS Oesterlé Matériaux des locaux situés [Adresse 13] (68), moyennant un loyer mensuel initial de 2 000 euros en principal et ce, pour une durée de 23 mois expirant le 15 novembre 2013.
La convention n'a pas été signée par le preneur, qui a toutefois réglé les loyers jusqu'en octobre 2015, y compris postérieurement à la date d'expiration du bail, mais qui, arguant d'une confusion avec une société Oesterlé Mobiliers Urbains, issue d'une scission d'activité avec la société Oesterlé originaire occupant les locaux, conteste les droits du bailleur, affirmant que la convention d'occupation précaire, outre qu'elle ne l'a pas signée,
porte sur des locaux commerciaux situés [Adresse 13], édifiés sur les parcelles n°'[Cadastre 4], [Cadastre 2]a, [Cadastre 2]b, [Cadastre 1]b, [Cadastre 1]c et [Cadastre 5], alors qu'elle-même occuperait des locaux situés [Adresse 12], cadastrés n°'[Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], ainsi que des bureaux du [Adresse 13] édifiés sur la parcelle n°'[Cadastre 6] qui ne serait pas la propriété de la SAS Valeurs 13, raison pour laquelle elle aurait cessé de régler le loyer à compter d'octobre 2015.
La cour observe à ce titre, que si la société Oesterlé Matériaux n'est effectivement pas signataire de la convention d'occupation précaire à effet du 16'décembre 2011, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est acquittée des loyers sans contestation jusqu'en octobre 2015, soit au-delà même du terme de la convention d'occupation précaire, reconnaissant elle-même, à tout le moins, le règlement fût-ce, selon elle, par erreur, de 37 mensualités à compter de juillet 2012, sans que la bailleresse ne réclame paiement des loyers antérieurs, tandis qu'il ressort des courriers adressés par la société Oesterlé Matériaux à la société Axalia, ainsi que des chèques libellés à l'ordre d'Axalia, que la société Oesterlé Matériaux a versé à la société Axalia un loyer mensuel de 2'400 euros entre décembre 2014 et octobre 2015.
Pour autant, si les courriers précités font référence au montant proposé par le bailleur dans sa correspondance du 26'avril 2011, elle-même versée aux débats, s'agissant d'une lettre envoyée aux consorts [L] et [I], dont le nom est mentionné dans la convention de bail précaire comme agissant pour la société Oesterlé Matériaux, par la société Axalia représentée par M. [X] et dont il ressort que cette dernière était prête à conclure un bail précaire, d'une durée maximum de 23 mois, identique à celle stipulée dans la convention litigieuse, pour une somme de 2'000 euros, cette correspondance ne fait aucune référence à la consistance des locaux loués, seuls mentionnés dans la convention d'occupation précaire jamais invoquée par les parties dans leurs échanges. Au contraire, l'appelante verse aux débats, en annexe de l'acte de cession de fonds de commerce intervenu entre la SA Oesterlé, en liquidation judiciaire et la SAS Oesterlé Matériaux, un courrier de la société Axalia adressé le 28'novembre 2011 à Me [J], liquidateur de la société Oesterlé, mentionnant, à propos d'un entretien avec Mme [I] et M.'[L]': 'je tiens à vous préciser que je ne suis pas revenu sur le bail précaire de 23 mois que je leur ai proposé.'
Certes, aux termes de l'acte de cession de fonds précité, signé le 16'avril 2012 pour l'acquéreur et le 15'mai 2012 pour le vendeur, la société Oesterlé Matériaux, acquéreur, a déclaré 'avoir déjà convenu avec le propriétaire, des conditions d'un contrat de bail précaire, faisant son affaire personnelle de la conclusion de ce nouveau bail' et les parties à la cession sont convenues que l'acquéreur aurait la jouissance des éléments cédés rétroactivement à compter du 16'décembre 2011, soit la date exacte de prise d'effet de la convention d'occupation litigieuse. Toutefois, ces éléments, à eux seuls, ne permettent pas de démontrer que cette convention d'occupation litigieuse aurait été parfaite.
Du reste, l'acte authentique daté du 24 novembre 2006, par lequel la société Oesterlé SA a vendu à la société Axalia SA (devenue Valeurs 13 puis Nexalia) diverses parcelles, dont certaines sous la désignation section 2 - parcelles n° 133a (cadastrée [Cadastre 10]), [Cadastre 2]b (cadastrée [Cadastre 11]), [Cadastre 4] et [Cadastre 5], permet bien d'établir, comme l'ont retenu les premiers juges, le droit de propriété de la société Nexalia sur la parcelle n°'[Cadastre 4], terrain d'assiette principal du bâtiment commercial situé [Adresse 13] et sur le bâtiment lui-même, construit à cheval
sur les parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] appartenant à la SCI Philémon, étant seulement stipulé que celle-ci a vocation à donner son autorisation en cas de démolition. Mais il ressort également de cet acte, que la société Philémon était propriétaire des parcelles désignées section 2 - n°[Cadastre 7], [Cadastre 8] (anciennement 123b) et [Cadastre 9] (anciennement 123c), dont l'appelante fait valoir qu'elles seraient désormais propriété de Mme [C] [I], parcelles pourtant mentionnées comme consenties à bail dans la convention d'occupation.
Or précisément, la société Oesterlé Matériaux reconnaît qu'elle est occupante de ces parcelles, correspondant à son magasin, mais conteste tout empiétement sur les parcelles propriétés de la société Nexalia et plus particulièrement la parcelle n°'[Cadastre 4].
Il importe peu, à cet égard, compte tenu de l'absence de démonstration de l'acceptation de la convention d'occupation précaire par la société Oesterlé Matériaux, que ladite convention stipule en son I) : 'il est précisé que toute erreur dans la désignation ci-dessus [à savoir la 'section 2 - parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 2]a, 133b, [Cadastre 1]b, [Cadastre 1]c, [Cadastre 5]'] ne peut justifier ni réduction ni augmentation du loyer. Les parties déclarent entendre se référer au seul plan précité afin de délimiter l'étendue des locaux loués' ainsi que : 'le preneur déclare connaître parfaitement les locaux donnés à bail. Ces locaux sont loués en l'état, et le preneur déclare faire son affaire personnelle quant à la prise en charge des travaux de mises aux normes pour son activité, notamment électricité, hygiène et sécurité', mais encore 'le preneur déclare bien connaître les biens immobiliers, objet des présentes pour les avoir visités sans qu'il soit nécessaire d'en donner une plus ample désignation et les accepter dans l'état où ils se trouvent tels qu'ils existent, s'étendent, se poursuivent et comportent avec toutes les dépendances.'
Cette mention, comme celle de l'assiette des locaux figurant également dans la convention, apparaît néanmoins révélatrice de l'absence de certitude quant à l'étendue des droits du bailleur et quant à l'assiette exacte de l'occupation du preneur, aucun accord n'apparaissant caractérisé sur ce point.
La détermination de l'adresse des locaux apparaît à cet égard insuffisante. Il est ainsi à noter que les courriers précités portent dans leur en-tête l'adresse du [Adresse 13], conformément à la convention d'occupation précaire et, en tout cas, au courrier du 26'avril 2011 et si l'adresse '[Adresse 12]' figure dans l'extrait kbis de la société, il n'en demeure pas moins, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'acte de cession de fonds de commerce intervenu entre la SA Oesterlé, en liquidation judiciaire et la SAS Oesterlé Matériaux mentionne le [Adresse 13] à [Localité 14] comme l'adresse de la cédante, comme de la cessionnaire. Mais cette adresse elle-même ne permet pas de déterminer, avec une certitude suffisante, les parcelles occupées, la société appelante reconnaissant occuper des bureaux à cette adresse, mais sur la parcelle numérotée [Cadastre 6].
Dans ces conditions, le seul fait que la société Oesterlé Matériaux se soit acquittée de son obligation de paiement du loyer pendant une longue période, sans il est vrai, en solliciter ensuite remboursement et qu'elle ait attendu un courrier du 21'janvier 2020, pour contester, par la voix de Mme [I], la qualité de propriétaire de la société Valeurs 13, désormais Nexalia, ne saurait suffire à démontrer l'existence d'un contrat de bail, fût-il verbal, au profit de la société Nexalia, en l'absence d'accord des parties sur la chose, à savoir l'objet du bail.
Aucun commencement d'exécution, au-delà du seul paiement de loyers, n'apparaît établi à défaut d'occupation démontrée des locaux, propriétés de la société Nexalia, par la société Oesterlé Matériaux. Indépendamment même du relevé de rétablissement de limite réalisé par un géomètre à la demande de l'appelante, en l'absence de tout contradictoire, il ressort des deux constats d'huissier établis, l'un à la requête de l'appelante par Me [E], en date du 25'février 2022, l'autre à la demande de l'intimée en date du 1er juillet 2022, par Me [P], que l'étendue des locaux occupés par le magasin de la société Oesterlé Matériaux est susceptible de correspondre aux parcelles numérotées [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], tandis que s'agissant de la parcelle n°'[Cadastre 4], il n'est attesté que de la présence d'employé d'une société 'Oesterlé', l'une des photographies faisant apparaître une affichette 'Oesterlé Mobilier Urbain', que la société appelante affirme être une société distincte, laquelle est en tout cas à l'origine d'un courrier adressé à la société Axalia en date du 30'novembre 2011, par laquelle elle affirme ne plus être occupante du [Adresse 13], sans toutefois que ce courrier n'apparaisse éclairant quant aux zones d'occupations respectives de cette société et de la société Oesterlé Matériaux.
Au regard de ce qui précède, la cour, infirmant le jugement entrepris, déboutera la société Nexalia et son liquidateur de leurs demandes dirigées contre la société Oesterlé Matériaux, tant s'agissant des demandes en paiement qu'aux fins d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation, lesquelles n'apparaissent pas justifiées en l'absence de contrat de bail liant les parties.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La partie intimée, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, incluant les dépens de l'incident en radiation, ainsi que de ceux de la première instance, l'ensemble de ces dépens devant être inscrits au passif de la SAS Nexalia, en liquidation judiciaire.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 19'décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Statuant à nouveau,
Déboute la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia, de ses demandes dirigées contre la SAS Oesterlé Matériaux,
Dit que la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia, sera tenue des dépens de l'appel, incluant ceux de la procédure de radiation, ainsi que des dépens de la première instance,
Précise que les dépens de première instance et d'appel, incluant ceux de la procédure de radiation, seront inscrits au passif de la SAS Nexalia,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SAS Oesterlé Matériaux, que de la SAS Nexalia et de la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia.
Le cadre greffier : le Président :
Copie exécutoire à
- la SELARL ACVF ASSOCIES
- Me Stéphanie ROTH
Le 29.10.2025
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 29 Octobre 2025
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/00482 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IHLN
Décision déférée à la Cour : 19 Décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile
APPELANTE :
S.A.S. OESTERLE MATERIAUX
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 12]
Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS de la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la Cour
Avocat plaidant : Me BOGUET, avocat au barreau de MULHOUSE
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. MJ AIR, prise en la personne de Me [S] [H], liquidateur judiciaire de la SAS NEXALIA, anciennement VALEURS 13
[Adresse 3]
Représentée par Me Stéphanie ROTH, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WALGENWITZ, Président de chambre
M. ROUBLOT, Conseiller
Mme RHODE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'acte introductif d'instance déposé le 2'février 2021 et signifié le 17'février 2021, par lequel la SAS Valeurs 13 a fait citer la SAS Oesterlé Matériaux devant le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Vu le jugement rendu le 19'décembre 2023 auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse'a statué comme suit':
'CONDAMNE la Sas Oesterlé Matériaux à payer à la Sas Valeurs 13, les sommes suivantes :
- 156.000 € Ttc (CENT CINQUANTE SIX MILLE EUROS) avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 2021, au titre des loyers échus impayés d'octobre 2015 à novembre 2020 ;
- en deniers ou quittances, 87.920 € (QUATRE-VINGT-SEPT MILLE NEUF CENT VINGT EUROS) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, ce, au titre des loyers échus du 1er décembre 2020 au 19 décembre 2023 ;
PRONONCE la résiliation, aux torts de la Sas Oesterlé Matériaux, du bail verbal liant les parties, portant sur les locaux situés [Adresse 13], ce, à effet du jour du prononce du présent jugement ;
ORDONNE l'expulsion de la société Oesterlé matériaux et de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 13] dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard durant une période de 2 mois à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau statué ;
FIXE l'indemnité d'occupation due à compter du jour du présent jugement jusqu'à l'évacuation complète des lieux à un montant équivalent au montant du loyer toutes taxes comprises qui aurait été versé en cas de poursuite du bail ;
CONDAMNE la Sas Oesterlé Matériaux à payer à la Sas Valeurs 13 la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS), par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
CONSTATE l'exécution provisoire du présent jugement.'
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Oesterlé Matériaux contre ce jugement et déposée le 25'janvier 2024,
Vu la constitution d'intimées en date du 7'juin 2024 de la SAS Nexalia, venant aux droits de la SAS Valeurs 13, en redressement judiciaire, de la SAS Weil-[N]-Lutz, prise en la personne de Maître [W] [N], administrateur judiciaire de la SA NEXALIA et de la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], mandataire judiciaire'de la SAS NEXALIA,
Vu l'ordonnance du 26'février 2025 ayant rejeté la demande de radiation présentée par la SAS Nexalia, anciennement dénommée Valeurs 13, en redressement judiciaire, la SAS Weil-[N]-Lutz, ès qualités d'administrateur et la SELARL MJ Air, ès qualités de mandataire judiciaire,
Vu le jugement du 12'février 2025 admettant la SAS Nexalia au bénéfice de la liquidation judiciaire,
Vu l'ordonnance en date du 2'juin 2025 constatant l'interruption de l'instance,
Vu la constitution d'intimée de la SELARL MJ Air, prise en la personne de Me [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia, en date du 20'juin 2025,
Vu les dernières conclusions en date du 12'décembre 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Oesterlé Matériaux demande à la cour de :
'DÉCLARER l'appel interjeté recevable et bien fondé.
INFIRMER la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau
DÉBOUTER la société NEXALIA SAS anciennement dénommée VALEURS 13 de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens.
CONDAMNER la société NEXALIA SAS anciennement dénommé VALEURS 13 au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
DÉBOUTER la SAS NEXALIA de sa demande de radiation du rôle de l'appel interjeté par la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à l'encontre du jugement rendu le 19 novembre 2023 par le Tribunal de Judiciaire de Mulhouse.
CONDAMNER la SAS NEXALIA aux dépens de la requête en radiation'
et ce, en invoquant notamment':
- l'absence d'occupation par la concluante de parcelles cadastrées appartenant à la société Nexalia, seules occupées par la société Oesterlé Mobilier Urbain, tandis que la concluante exploiterait son fonds de commerce exclusivement sur trois parcelles appartenant à Mme [I] et une autre n'appartenant pas à l'intimée,
- la réfutation de toute confusion entretenue par la concluante avec la société Oesterlé Mobilier Urbain, bien mentionnée dans le constat d'huissier et ce alors que l'intimée, parfaitement informée de cette occupation, aurait dû agir contre la société réellement occupante, si elle estimait devoir obtenir une évacuation ou des loyers, la concluante contestant également laisser la société Oesterlé Mobilier Urbain occuper les parcelles qu'elle aurait louées à la société Nexalia, en application de la convention d'occupation et ce alors que la cession d'activité autorisée par le juge commissaire concernerait la seule activité subsistante de la société Oesterlé SA, exercée sur les parcelles précitées,
- l'absence de bail liant les parties, alors que le bail dérogatoire invoqué sous la dénomination de convention d'occupation n'aurait pas été signé, que le bail dérogatoire de 2009 aurait été conclu avec une autre société (Oesterlé SA), sans être repris dans l'acte de cession de fonds de commerce de 2011 et que l'acte de cession préciserait expressément qu'aucun droit au bail n'était cédé, les loyers versés entre 2012 et 2015 (37 loyers) l'ont été alors que l'appelante aurait été induite en erreur par des courriers, dans lesquels l'intimée se présentait comme propriétaire de locaux qu'elle ne possède pas et ce de mauvaise foi, alors qu'elle aurait su que les activités de négoce de matériaux et de mobilier urbain étaient scindées depuis 2000 et que les locaux occupés par l'appelante ne lui appartenaient pas,
- l'absence, par conséquent, de droit de l'intimée à obtenir l'expulsion de la concluante, ainsi que le bénéfice d'indemnités d'occupation.
Vu les dernières conclusions en date du 22'juillet 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SAS Nexalia, venant aux droits de la SAS Valeurs 13, en redressement judiciaire, la SAS Weil-[N]-Lutz, ès qualités d'administrateur et la SELARL MJ Air, ès qualités de mandataire judiciaire demandent à la cour de':
'Vu les articles 1217 du code civil
Vu l'article 1728 du code civil
Vu l'article 1134 du code civil
Vu les articles 1124 et 1230 du code civil
Il est demandé à la cour d'appel de :
JUGER l'appel de la SAS OESTERLÉ MATERIAUX mal fondé ;
Le REJETER ;
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 19 décembre 2023 ;
Y ajoutant :
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, en redressement judiciaire, ayant pour mandataire judiciaire la SELARL MJ AIR et pour administrateur judiciaire la SAS WEYL [N] LUTZ la somme de 2400 € par mois, TVA en sus, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 19 décembre 2023 jusqu'à la libération complète des lieux ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, en redressement judiciaire, ayant pour mandataire judiciaire la SELARL MJ AIR et pour administrateur judiciaire la SAS WEYL [N] LUTZ, la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX aux entiers dépens de première instance et d'appel.'
Vu les dernières conclusions en date du 30 juin 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia demande à la cour de':
'Vu les articles 1217 du code civil
Vu l'article 1728 du code civil
Vu l'article 1134 du code civil
Vu les articles 1124 et 1230 du code civil
Il est demandé à la cour d'appel de :
JUGER l'appel de la SAS OESTERLÉ MATERIAUX mal fondé ;
Le REJETER ;
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 19 décembre 2023 ;
Y ajoutant :
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, en liquidation judiciaire, représentée par la SELARL MJ AIR, prise en la personne de Me [S] [H], la somme 2.400 € par mois, TVA en sus, à titre d'indemnité d'occupation à compter du 19 décembre 2023 jusqu'à la libération complète des lieux ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX à payer à la SELARL MJ AIR, prise en la personne de Me [S] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS NEXALIA, anciennement SAS VALEURS 13, la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;
CONDAMNER la SAS OESTERLÉ MATERIAUX aux entiers dépens de première instance et d'appel.'
et ce, en invoquant notamment':
- la mise en 'uvre effective d'un bail commercial dérogatoire'conclu le 16 décembre 2011, entre la société AXALIA (devenue Nexalia) et la SAS Oesterlé Matériaux, pour 23 mois, à loyer mensuel de 2 000 euros HT, dont l'appelante a accepté les conditions en versant les loyers pendant près de quatre ans - le maintien dans les lieux après l'échéance'de ce bail, sans congé ni contestation, entraînant de plein droit la naissance d'un bail soumis au statut des baux commerciaux (article L.'145-5 du code de commerce, jurisprudence Cass. 3ème civ. 10 janv. 1990 et 23 mars 2011),
- la preuve d'un bail verbal, le contrat de bail étant consensuel et pouvant résulter de la seule possession paisible et du paiement des loyers (Cass. 3ème civ. 12 févr. 1985 ; 23 juin 2016),
- le défaut de paiement des loyers depuis octobre 2015,'sans congé régulier ni restitution des locaux, justifiant la résiliation judiciaire du bail pour inexécution fautive (articles 1728 C. civ., 1184 anc. et 1224 nouv.),
- les sommations de payer et mises en demeure'restées sans effet et l'absence de réaction immédiate de l'appelante, ce qui établit sa mauvaise foi,
- les éléments matériels constatés par huissier'(procès-verbal du 1er juillet 2022) montrant la présence de personnel, véhicules, stocks et activités de l'appelante sur les parcelles appartenant à l'intimée, confirmant l'occupation,
- l'argumentation de l'appelante sur la propriété des parcelles jugée fallacieuse, l'acte de vente de 2006 établissant que la concluante serait bien propriétaire de la parcelle [Cadastre 4] et du bâtiment construit en partie sur celle-ci,
- la confusion entretenue avec la société Oesterlé Mobilier Urbain, qui partage le même site, des dirigeants et des intérêts communs et dont l'appelante n'apporte aucune preuve de l'occupation exclusive des lieux,
- le paiement de 47 loyers (112 800 €), incompatible avec la thèse d'une occupation sans droit ni titre ou d'une erreur, aucune demande de remboursement n'ayant été formée,
- l'inopposabilité des constats et plans produits par l'appelante, réalisés de manière non contradictoire et ne prouvant pas l'absence d'occupation des parcelles de l'intimée,
- la cohérence de l'acte de cession de fonds de commerce, qui mentionne déjà l'accord avec le bailleur pour la poursuite de l'occupation des lieux, confirmant que l'appelante a repris l'exploitation sur place.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4'juillet 2025,
Vu les débats à l'audience du 17'septembre 2025,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la demande principale :
La cour rappelle que selon convention d'occupation précaire à effet du 16 décembre 2011, la société Axalia, devenue ensuite la SAS Valeurs 13, aux droits de laquelle vient la SAS Nexalia, a entendu louer à la SAS Oesterlé Matériaux des locaux situés [Adresse 13] (68), moyennant un loyer mensuel initial de 2 000 euros en principal et ce, pour une durée de 23 mois expirant le 15 novembre 2013.
La convention n'a pas été signée par le preneur, qui a toutefois réglé les loyers jusqu'en octobre 2015, y compris postérieurement à la date d'expiration du bail, mais qui, arguant d'une confusion avec une société Oesterlé Mobiliers Urbains, issue d'une scission d'activité avec la société Oesterlé originaire occupant les locaux, conteste les droits du bailleur, affirmant que la convention d'occupation précaire, outre qu'elle ne l'a pas signée,
porte sur des locaux commerciaux situés [Adresse 13], édifiés sur les parcelles n°'[Cadastre 4], [Cadastre 2]a, [Cadastre 2]b, [Cadastre 1]b, [Cadastre 1]c et [Cadastre 5], alors qu'elle-même occuperait des locaux situés [Adresse 12], cadastrés n°'[Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], ainsi que des bureaux du [Adresse 13] édifiés sur la parcelle n°'[Cadastre 6] qui ne serait pas la propriété de la SAS Valeurs 13, raison pour laquelle elle aurait cessé de régler le loyer à compter d'octobre 2015.
La cour observe à ce titre, que si la société Oesterlé Matériaux n'est effectivement pas signataire de la convention d'occupation précaire à effet du 16'décembre 2011, il n'en demeure pas moins qu'elle s'est acquittée des loyers sans contestation jusqu'en octobre 2015, soit au-delà même du terme de la convention d'occupation précaire, reconnaissant elle-même, à tout le moins, le règlement fût-ce, selon elle, par erreur, de 37 mensualités à compter de juillet 2012, sans que la bailleresse ne réclame paiement des loyers antérieurs, tandis qu'il ressort des courriers adressés par la société Oesterlé Matériaux à la société Axalia, ainsi que des chèques libellés à l'ordre d'Axalia, que la société Oesterlé Matériaux a versé à la société Axalia un loyer mensuel de 2'400 euros entre décembre 2014 et octobre 2015.
Pour autant, si les courriers précités font référence au montant proposé par le bailleur dans sa correspondance du 26'avril 2011, elle-même versée aux débats, s'agissant d'une lettre envoyée aux consorts [L] et [I], dont le nom est mentionné dans la convention de bail précaire comme agissant pour la société Oesterlé Matériaux, par la société Axalia représentée par M. [X] et dont il ressort que cette dernière était prête à conclure un bail précaire, d'une durée maximum de 23 mois, identique à celle stipulée dans la convention litigieuse, pour une somme de 2'000 euros, cette correspondance ne fait aucune référence à la consistance des locaux loués, seuls mentionnés dans la convention d'occupation précaire jamais invoquée par les parties dans leurs échanges. Au contraire, l'appelante verse aux débats, en annexe de l'acte de cession de fonds de commerce intervenu entre la SA Oesterlé, en liquidation judiciaire et la SAS Oesterlé Matériaux, un courrier de la société Axalia adressé le 28'novembre 2011 à Me [J], liquidateur de la société Oesterlé, mentionnant, à propos d'un entretien avec Mme [I] et M.'[L]': 'je tiens à vous préciser que je ne suis pas revenu sur le bail précaire de 23 mois que je leur ai proposé.'
Certes, aux termes de l'acte de cession de fonds précité, signé le 16'avril 2012 pour l'acquéreur et le 15'mai 2012 pour le vendeur, la société Oesterlé Matériaux, acquéreur, a déclaré 'avoir déjà convenu avec le propriétaire, des conditions d'un contrat de bail précaire, faisant son affaire personnelle de la conclusion de ce nouveau bail' et les parties à la cession sont convenues que l'acquéreur aurait la jouissance des éléments cédés rétroactivement à compter du 16'décembre 2011, soit la date exacte de prise d'effet de la convention d'occupation litigieuse. Toutefois, ces éléments, à eux seuls, ne permettent pas de démontrer que cette convention d'occupation litigieuse aurait été parfaite.
Du reste, l'acte authentique daté du 24 novembre 2006, par lequel la société Oesterlé SA a vendu à la société Axalia SA (devenue Valeurs 13 puis Nexalia) diverses parcelles, dont certaines sous la désignation section 2 - parcelles n° 133a (cadastrée [Cadastre 10]), [Cadastre 2]b (cadastrée [Cadastre 11]), [Cadastre 4] et [Cadastre 5], permet bien d'établir, comme l'ont retenu les premiers juges, le droit de propriété de la société Nexalia sur la parcelle n°'[Cadastre 4], terrain d'assiette principal du bâtiment commercial situé [Adresse 13] et sur le bâtiment lui-même, construit à cheval
sur les parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] appartenant à la SCI Philémon, étant seulement stipulé que celle-ci a vocation à donner son autorisation en cas de démolition. Mais il ressort également de cet acte, que la société Philémon était propriétaire des parcelles désignées section 2 - n°[Cadastre 7], [Cadastre 8] (anciennement 123b) et [Cadastre 9] (anciennement 123c), dont l'appelante fait valoir qu'elles seraient désormais propriété de Mme [C] [I], parcelles pourtant mentionnées comme consenties à bail dans la convention d'occupation.
Or précisément, la société Oesterlé Matériaux reconnaît qu'elle est occupante de ces parcelles, correspondant à son magasin, mais conteste tout empiétement sur les parcelles propriétés de la société Nexalia et plus particulièrement la parcelle n°'[Cadastre 4].
Il importe peu, à cet égard, compte tenu de l'absence de démonstration de l'acceptation de la convention d'occupation précaire par la société Oesterlé Matériaux, que ladite convention stipule en son I) : 'il est précisé que toute erreur dans la désignation ci-dessus [à savoir la 'section 2 - parcelles [Cadastre 4], [Cadastre 2]a, 133b, [Cadastre 1]b, [Cadastre 1]c, [Cadastre 5]'] ne peut justifier ni réduction ni augmentation du loyer. Les parties déclarent entendre se référer au seul plan précité afin de délimiter l'étendue des locaux loués' ainsi que : 'le preneur déclare connaître parfaitement les locaux donnés à bail. Ces locaux sont loués en l'état, et le preneur déclare faire son affaire personnelle quant à la prise en charge des travaux de mises aux normes pour son activité, notamment électricité, hygiène et sécurité', mais encore 'le preneur déclare bien connaître les biens immobiliers, objet des présentes pour les avoir visités sans qu'il soit nécessaire d'en donner une plus ample désignation et les accepter dans l'état où ils se trouvent tels qu'ils existent, s'étendent, se poursuivent et comportent avec toutes les dépendances.'
Cette mention, comme celle de l'assiette des locaux figurant également dans la convention, apparaît néanmoins révélatrice de l'absence de certitude quant à l'étendue des droits du bailleur et quant à l'assiette exacte de l'occupation du preneur, aucun accord n'apparaissant caractérisé sur ce point.
La détermination de l'adresse des locaux apparaît à cet égard insuffisante. Il est ainsi à noter que les courriers précités portent dans leur en-tête l'adresse du [Adresse 13], conformément à la convention d'occupation précaire et, en tout cas, au courrier du 26'avril 2011 et si l'adresse '[Adresse 12]' figure dans l'extrait kbis de la société, il n'en demeure pas moins, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'acte de cession de fonds de commerce intervenu entre la SA Oesterlé, en liquidation judiciaire et la SAS Oesterlé Matériaux mentionne le [Adresse 13] à [Localité 14] comme l'adresse de la cédante, comme de la cessionnaire. Mais cette adresse elle-même ne permet pas de déterminer, avec une certitude suffisante, les parcelles occupées, la société appelante reconnaissant occuper des bureaux à cette adresse, mais sur la parcelle numérotée [Cadastre 6].
Dans ces conditions, le seul fait que la société Oesterlé Matériaux se soit acquittée de son obligation de paiement du loyer pendant une longue période, sans il est vrai, en solliciter ensuite remboursement et qu'elle ait attendu un courrier du 21'janvier 2020, pour contester, par la voix de Mme [I], la qualité de propriétaire de la société Valeurs 13, désormais Nexalia, ne saurait suffire à démontrer l'existence d'un contrat de bail, fût-il verbal, au profit de la société Nexalia, en l'absence d'accord des parties sur la chose, à savoir l'objet du bail.
Aucun commencement d'exécution, au-delà du seul paiement de loyers, n'apparaît établi à défaut d'occupation démontrée des locaux, propriétés de la société Nexalia, par la société Oesterlé Matériaux. Indépendamment même du relevé de rétablissement de limite réalisé par un géomètre à la demande de l'appelante, en l'absence de tout contradictoire, il ressort des deux constats d'huissier établis, l'un à la requête de l'appelante par Me [E], en date du 25'février 2022, l'autre à la demande de l'intimée en date du 1er juillet 2022, par Me [P], que l'étendue des locaux occupés par le magasin de la société Oesterlé Matériaux est susceptible de correspondre aux parcelles numérotées [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9], tandis que s'agissant de la parcelle n°'[Cadastre 4], il n'est attesté que de la présence d'employé d'une société 'Oesterlé', l'une des photographies faisant apparaître une affichette 'Oesterlé Mobilier Urbain', que la société appelante affirme être une société distincte, laquelle est en tout cas à l'origine d'un courrier adressé à la société Axalia en date du 30'novembre 2011, par laquelle elle affirme ne plus être occupante du [Adresse 13], sans toutefois que ce courrier n'apparaisse éclairant quant aux zones d'occupations respectives de cette société et de la société Oesterlé Matériaux.
Au regard de ce qui précède, la cour, infirmant le jugement entrepris, déboutera la société Nexalia et son liquidateur de leurs demandes dirigées contre la société Oesterlé Matériaux, tant s'agissant des demandes en paiement qu'aux fins d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation, lesquelles n'apparaissent pas justifiées en l'absence de contrat de bail liant les parties.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La partie intimée, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, incluant les dépens de l'incident en radiation, ainsi que de ceux de la première instance, l'ensemble de ces dépens devant être inscrits au passif de la SAS Nexalia, en liquidation judiciaire.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
P A R C E S M O T I F S
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 19'décembre 2023 par le tribunal judiciaire de Mulhouse,
Statuant à nouveau,
Déboute la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia, de ses demandes dirigées contre la SAS Oesterlé Matériaux,
Dit que la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia, sera tenue des dépens de l'appel, incluant ceux de la procédure de radiation, ainsi que des dépens de la première instance,
Précise que les dépens de première instance et d'appel, incluant ceux de la procédure de radiation, seront inscrits au passif de la SAS Nexalia,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SAS Oesterlé Matériaux, que de la SAS Nexalia et de la SELARL MJ Air, prise en la personne de Maître [S] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nexalia.
Le cadre greffier : le Président :