CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 30 octobre 2025, n° 21/16532
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/16532 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIN6G
[X] [F]
C/
S.A.S. LOCAM
Copie exécutoire délivrée
le : 30 Octobre 2025
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Alain KOUYOUMDJIAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 29 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01892.
APPELANT
Monsieur [X] [F]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012948 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 3]), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-philippe MONTERO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BARBIER de la SELARL SAJEF AVOCATS, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE
S.A.S. LOCAM
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 avril 2017, la SAS Locam a consenti à M. [X] [F] un contrat de location longue durée concernant du matériel téléphonique de la société Ashtel pour une durée irrévocable de 63 mois et moyennant le versement d'un loyer mensuel de 169,20 € TTC hors assurance.
Le matériel a fait l'objet d'un procès-verbal de réception le 20 avril 2017.
Par lettre du 16 juillet 2019, la SAS Locam mettait M. [F] en demeure de lui régler les loyers impayés depuis le mois de février 2019.
Par ordonnance d'injonction de payer en date du 21 janvier 2021 du président du tribunal judiciaire de Toulon, M. [X] [F] était condamné au paiement de la somme de 7.440,72 € avec intérêts légaux à compter du jour de l'ordonnance, outre 744,07 € de clause pénale au profit de la société Locam.
Cette ordonnance a été signifiée à l'intéressé le 26 février 2021 selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
M. [F] a formé opposition par déclaration auprès du greffe du tribunal judiciaire de Toulon le 10 mars 2021.
Par jugement en date du 29 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a:
- confirmé la validité de l'ordonnance d'injonction de payer du 21 janvier 2021,
- confirmé que les parties à l'instance ont qualité et intérêt à agir,
- déclaré recevable l'opposition de M. [X] [F] à l'ordonnance d'injonction de payer du 21 janvier 2021,
En conséquence,
- constaté sa mise à néant et statuant à nouveau,
- dit recevable et bien fondée la demande de la SAS Locam à l'encontre de M. [X] [F],
Y faisant droit,
- condamné M. [X] [F] à payer à la SAS Locam la somme de 7.440,72 € avec intérêts taux aux légal à compter du 21 janvier 2021 en paiement des loyers échus et à échoir jusqu'à la dernière échéance contractuelle du 10 juillet 2022,
- condamné M. [X] [F] à payer à la SAS Locam la somme de 744,07 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 en paiement de la clause pénale,
- condamné M. [X] [F] à payer à la SAS Locam la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] [F] aux dépens de l'instance,
- débouté M. [X] [F] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Pour statuer ainsi, le tribunal a, notamment, retenu que:
- la procédure d'injonction de payer n'est pas nulle pour défaut de qualité du défendeur principal en ce que le contrat a bien été signé entre la SAS Locam et M. [X] [F] et que la créance litigieuse a une cause contractuelle s'élevant à un montant déterminé,
- s'il ressort des pièces versées aux débats que M. [F] a apporté le 30 juin 2018 son activité à la SARL La Carosserie et a été de ce fait radié du registre du commerce et des sociétés, il n'en demeure pas moins que M. [F] ne pouvait pas céder ou transférer le contrat qui le liait à la SAS Locam conformément à l'article 8 des conditions générales du contrat de location financière,
- il ne peut être refusé à M. [F] une personnalité juridique à titre personnel et le contrat du 4 avril 2017 a bien été souscrit à son nom,
- les deux parties au litige ont bien qualité et intérêt à agir,
- la créance qu'avait la SAS Locam sur M. [X] [F] est donc restée en possession de la SAS Locam, peu important que la SARL La Carrosserie ait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 25 septembre 2018, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 11 décembre 2018.
Par déclaration en date du 24 novembre 2021, M. [X] [F] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 13 octobre 2022, M. [X] [F] demande à la cour de:
Vu les articles 74 et 75 du code de procédure civile,
Vu les articles 32, 117 et 122 du code de procédure civile,
Vu l'article L 622-21 du code de l'organisation judiciaire,
- annuler le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021 des chefs suivants: violation des règles de procédure civile,
A défaut,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021 du chef suivant: erreur sur la personne du défendeur,
- juger irrecevables les demandes de la société Locam à l'encontre de M. [X] [F],
Statuant à nouveau,
- débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de M. [X] [F],
En tout état de cause,
- condamner la société Locam à payer la somme de 2.000 € à M. [X] [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Locam aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj, sur son offre de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Locam, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 avril 2022, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
Vu le contrat de location et notamment son article 12,
Vu l'article 8 du contrat de location,
Vu l'absence de respect des dispositions des articles 1216 et suivants du code civil,
Vu l'absence d'autorisation de la SAS Locam ,concernant l'apport tout autant que le tribunal estime que le contrat de location est un élément du fonds artisanal tel que soutenu par l'appelant,
- débouter M. [X] [F] de sa demande d'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer,
- juger que la SAS Locam a un intérêt à agir dans le cadre du contrat n° 1333003 n° d'ordre 2704330 à l'encontre de M. [F],
En conséquence,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire pour non paiement des loyers,
- condamner M. [X] [F] à régler à la SAS Locam les sommes suivantes:
* loyers impayés: 7.440,72 €,
* accessoires: 744,07 €
avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021,
- condamner M. [X] [F] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [X] [F] aux dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 1er juillet 2025.
MOTIFS
Sur l'annulation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon le 29 octobre 2021
M. [X] [F] conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement frappé d'appel aux motifs que:
- il a été radié du registre du commerce et des sociétés à effet du 30 juin 2018, radiation publiée le 16 octobre 2018 suite à l'apport de son entreprise ( donc de ses dettes) à la SARL La Carrosserie,
- à compter de cette date, le débiteur de la société Locam, suite à cette opération d'apport, est la SARL La Carrosserie,
- à compter de cette date, il n'avait plus qualité à ester en justice et, dès lors, ne pouvait plus l'être,
- la procédure d'injonction de payer diligentée par la SAS Locam à son encontre est nulle pour défaut du défendeur principal à être assigné en justice compte tenu de sa radiation et de l'apport de son entreprise à la SARL La Carroserie.
La SAS Locam, pour sa part, considère que la procédure est régulière en ce que les contrats de location longue durée ne font pas partie des éléments de l'entreprise individuelle qu'elle soit artisanale ou commerciale et qu'il ne peut donc être invoqué un apport de l'entreprise de M. [F] englobant les contrats de location. Elle ajoute que cet apport doit respecter les conditions contractuelles liant les parties, qu'en application de l'article 8 du contrat, la cession gratuite ou onéreuse est interdite sauf autorisation du bailleur et qu'en l'espèce, l'apport s'analysant en un acte de cession, le contrat litigieux est resté personnel à l'appelante, faute de respect des conditions générales du contrat.
En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou son annulation par la cour d'appel.
L'article 562 du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose que Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Toutefois, lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, la dévolution pour le tout ne peut s'opérer si le premier juge n'a pas été valablement saisi. Tel est le cas si l'irrégularité de la saisine du premier juge tient au défaut d'existence du défendeur ou lorsque la cour d'appel prononce l'annulation de l'acte introductif d'instance à raison d'un vice qui ne peut pas être couvert.
Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
- le défaut de capacité d'ester en justice ;
- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Il ressort des pièces produites que le contrat de location litigieux a été régularisé le 4 juillet 2017 entre la SAS Locam, bailleur, et 'M. [X] [F], locataire, RCS n° 338 155 591".
Au soutien de sa demande d'annulation du jugement querellé, M. [X] [F] se prévaut des éléments suivants :
- un extrait K Bis de la SARL La Carrosserie en date du 21 septembre 2018 faisant état de l'apport en date du 30 juin 2018 de l'activité carrosserie, tôlerie, peinture,
- la publication de cet apport de société dans un journal d'annonces légales du département du Var le 20 juillet 2018,
- un extrait K Bis de M. [X] [F], exerçant en nom personnel, inscrit sous le numéro de RCS 338 155 591, mentionnant la radiation de ce dernier de son activité à compter du 13 août 2018 du fait de l'apport de la société à la SARL La Carrosserie par acte du 30 juin 2018,
- la publication au BODACC des 15 et 16 août 2018 de la radiation de M. [X] [F] du registre du commerce et des sociétés de Toulon,
- la publication au BODACC du même jour de la modification du capital de la SARL La Carrosserie.
Ces pièces établissent que le 30 juin 2018, M. [X] [F] a apporté son entreprise individuelle de carrosserie, tôlerie, peinture en intégralité, avec tous ses éléments d'actif et de passif, incluant ainsi les dettes, à la SARL La Carrosserie. Toutes les formalités ont été effectuées tant au niveau de la publication de cet apport dans un journal local d'annonces légales que du greffe du tribunal de commerce chargé de la publication au BODACC. M. [X] [F] a ainsi été radié de ce fait du registre du commerce et des sociétés à compter du 13 août 2018, la société La Carrosserie bénéficiant de l'apport en société.
Il ressort par ailleurs des mentions figurant sur le contrat de location que la créance initiale de la société Locam détenue à l'encontre de M. [X] [F] était liée à l'activité commerciale de ce dernier et ne peut donc être considérée comme une dette personnelle.
Cette dette a donc bien été transmise lors de l'apport d'entreprise individuelle à la SARL La Carrosserie, qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 25 septembre 2018, convertie en liquidation judiciaire le 11 décembre 2018.
La société Locam ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 8 des conditions générales du contrat litigieux qui stipulent que ' Sont interdits toute cession gratuite ou onéreuse, prêt, gage, sous-location, déplacement du lieu d'utilisation initial, sauf autorisation expresse du loueur. En cas de cession ou de nantissement de son fonds de commerce, le locataire devra veiller ,à ce que le bien loué ne soit pas compris dans cette cession (...)' dès lors que :
- l'apport en propriété fait à une société, en contrepartie, duquel sont attribués des droits sociaux, n'est pas une vente,
- il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2018 et des statuts de la SARL La Carrosserie que M. [X] [F] n'a pas reçu d'argent en contrepartie de l'apport de son entreprise individuelle à la société La Carrosserie mais uniquement des droits sociaux,
- il n'y a donc pas eu de cession mais uniquement un apport de société et donc une transmission de dettes à la société La Carrosserie, ladite transmission étant opposable à la SAS Locam.
Par voie de conséquence, depuis le 30 juin 2018, la société Locam ne peut plus poursuivre sa créance contre M. [X] [F] à titre personnel et c'est bien la qualité du débiteur qui fait défaut.
A compter de cette date, M. [F] n'avait plus la capacité d'ester en justice. La procédure diligentée à l'initiative de la SAS Locam à l'encontre de l'appelant par le dépôt d'une requête en injonction de payer le 2 janvier 2021 auprès du tribunal judiciaire de Toulon est donc nulle pour défaut de qualité du défendeur principal à être assigné en justice.
Le premier juge n'ayant pas été valablement saisi , la cour ne peut qu'annuler le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021.
A l'examen des écritures de M. [X] [F], l'appelant a conclu, à titre principal, à l'annulation du jugement, et à titre subsidiaire, au fond en demandant la réformation de la décision de première instance.
Or, dans cette hypothèse, l'effet dévolutif de l'appel énoncé à l'article 562 du code de procédure civile ne joue pas, dès lors que le premier degré de juridiction n'a jamais existé et que l'instance est atteinte dans son principe.
En conséquence, la cour ne peut ni statuer au fond, ni renvoyer l'affaire devant les premiers juges. Il appartiendra aux plaideurs, le cas échéant, de prendre l'initiative d'introduire une nouvelle instance.
Vu l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Annule le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021,
Constate que l'effet dévolutif ne joue pas et qu'en conséquence, la cour ne peut pas statuer sur le fond,
Renvoie les parties à mieux se pourvoir,
Condamne la SAS Locam à payer à M. [X] [F] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
Rôle N° RG 21/16532 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIN6G
[X] [F]
C/
S.A.S. LOCAM
Copie exécutoire délivrée
le : 30 Octobre 2025
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ
Me Alain KOUYOUMDJIAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 29 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01892.
APPELANT
Monsieur [X] [F]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012948 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 3]), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Jean-philippe MONTERO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Nathalie BARBIER de la SELARL SAJEF AVOCATS, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE
S.A.S. LOCAM
, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente
Madame Laetitia VIGNON, Conseillère
Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 avril 2017, la SAS Locam a consenti à M. [X] [F] un contrat de location longue durée concernant du matériel téléphonique de la société Ashtel pour une durée irrévocable de 63 mois et moyennant le versement d'un loyer mensuel de 169,20 € TTC hors assurance.
Le matériel a fait l'objet d'un procès-verbal de réception le 20 avril 2017.
Par lettre du 16 juillet 2019, la SAS Locam mettait M. [F] en demeure de lui régler les loyers impayés depuis le mois de février 2019.
Par ordonnance d'injonction de payer en date du 21 janvier 2021 du président du tribunal judiciaire de Toulon, M. [X] [F] était condamné au paiement de la somme de 7.440,72 € avec intérêts légaux à compter du jour de l'ordonnance, outre 744,07 € de clause pénale au profit de la société Locam.
Cette ordonnance a été signifiée à l'intéressé le 26 février 2021 selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
M. [F] a formé opposition par déclaration auprès du greffe du tribunal judiciaire de Toulon le 10 mars 2021.
Par jugement en date du 29 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a:
- confirmé la validité de l'ordonnance d'injonction de payer du 21 janvier 2021,
- confirmé que les parties à l'instance ont qualité et intérêt à agir,
- déclaré recevable l'opposition de M. [X] [F] à l'ordonnance d'injonction de payer du 21 janvier 2021,
En conséquence,
- constaté sa mise à néant et statuant à nouveau,
- dit recevable et bien fondée la demande de la SAS Locam à l'encontre de M. [X] [F],
Y faisant droit,
- condamné M. [X] [F] à payer à la SAS Locam la somme de 7.440,72 € avec intérêts taux aux légal à compter du 21 janvier 2021 en paiement des loyers échus et à échoir jusqu'à la dernière échéance contractuelle du 10 juillet 2022,
- condamné M. [X] [F] à payer à la SAS Locam la somme de 744,07 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021 en paiement de la clause pénale,
- condamné M. [X] [F] à payer à la SAS Locam la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [X] [F] aux dépens de l'instance,
- débouté M. [X] [F] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Pour statuer ainsi, le tribunal a, notamment, retenu que:
- la procédure d'injonction de payer n'est pas nulle pour défaut de qualité du défendeur principal en ce que le contrat a bien été signé entre la SAS Locam et M. [X] [F] et que la créance litigieuse a une cause contractuelle s'élevant à un montant déterminé,
- s'il ressort des pièces versées aux débats que M. [F] a apporté le 30 juin 2018 son activité à la SARL La Carosserie et a été de ce fait radié du registre du commerce et des sociétés, il n'en demeure pas moins que M. [F] ne pouvait pas céder ou transférer le contrat qui le liait à la SAS Locam conformément à l'article 8 des conditions générales du contrat de location financière,
- il ne peut être refusé à M. [F] une personnalité juridique à titre personnel et le contrat du 4 avril 2017 a bien été souscrit à son nom,
- les deux parties au litige ont bien qualité et intérêt à agir,
- la créance qu'avait la SAS Locam sur M. [X] [F] est donc restée en possession de la SAS Locam, peu important que la SARL La Carrosserie ait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 25 septembre 2018, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 11 décembre 2018.
Par déclaration en date du 24 novembre 2021, M. [X] [F] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 13 octobre 2022, M. [X] [F] demande à la cour de:
Vu les articles 74 et 75 du code de procédure civile,
Vu les articles 32, 117 et 122 du code de procédure civile,
Vu l'article L 622-21 du code de l'organisation judiciaire,
- annuler le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021 des chefs suivants: violation des règles de procédure civile,
A défaut,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021 du chef suivant: erreur sur la personne du défendeur,
- juger irrecevables les demandes de la société Locam à l'encontre de M. [X] [F],
Statuant à nouveau,
- débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'égard de M. [X] [F],
En tout état de cause,
- condamner la société Locam à payer la somme de 2.000 € à M. [X] [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Locam aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Montero Daval-Guedj, sur son offre de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Locam, suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 23 avril 2022, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
Vu le contrat de location et notamment son article 12,
Vu l'article 8 du contrat de location,
Vu l'absence de respect des dispositions des articles 1216 et suivants du code civil,
Vu l'absence d'autorisation de la SAS Locam ,concernant l'apport tout autant que le tribunal estime que le contrat de location est un élément du fonds artisanal tel que soutenu par l'appelant,
- débouter M. [X] [F] de sa demande d'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer,
- juger que la SAS Locam a un intérêt à agir dans le cadre du contrat n° 1333003 n° d'ordre 2704330 à l'encontre de M. [F],
En conséquence,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire pour non paiement des loyers,
- condamner M. [X] [F] à régler à la SAS Locam les sommes suivantes:
* loyers impayés: 7.440,72 €,
* accessoires: 744,07 €
avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2021,
- condamner M. [X] [F] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [X] [F] aux dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 1er juillet 2025.
MOTIFS
Sur l'annulation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon le 29 octobre 2021
M. [X] [F] conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement frappé d'appel aux motifs que:
- il a été radié du registre du commerce et des sociétés à effet du 30 juin 2018, radiation publiée le 16 octobre 2018 suite à l'apport de son entreprise ( donc de ses dettes) à la SARL La Carrosserie,
- à compter de cette date, le débiteur de la société Locam, suite à cette opération d'apport, est la SARL La Carrosserie,
- à compter de cette date, il n'avait plus qualité à ester en justice et, dès lors, ne pouvait plus l'être,
- la procédure d'injonction de payer diligentée par la SAS Locam à son encontre est nulle pour défaut du défendeur principal à être assigné en justice compte tenu de sa radiation et de l'apport de son entreprise à la SARL La Carroserie.
La SAS Locam, pour sa part, considère que la procédure est régulière en ce que les contrats de location longue durée ne font pas partie des éléments de l'entreprise individuelle qu'elle soit artisanale ou commerciale et qu'il ne peut donc être invoqué un apport de l'entreprise de M. [F] englobant les contrats de location. Elle ajoute que cet apport doit respecter les conditions contractuelles liant les parties, qu'en application de l'article 8 du contrat, la cession gratuite ou onéreuse est interdite sauf autorisation du bailleur et qu'en l'espèce, l'apport s'analysant en un acte de cession, le contrat litigieux est resté personnel à l'appelante, faute de respect des conditions générales du contrat.
En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou son annulation par la cour d'appel.
L'article 562 du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose que Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Toutefois, lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, la dévolution pour le tout ne peut s'opérer si le premier juge n'a pas été valablement saisi. Tel est le cas si l'irrégularité de la saisine du premier juge tient au défaut d'existence du défendeur ou lorsque la cour d'appel prononce l'annulation de l'acte introductif d'instance à raison d'un vice qui ne peut pas être couvert.
Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
- le défaut de capacité d'ester en justice ;
- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Il ressort des pièces produites que le contrat de location litigieux a été régularisé le 4 juillet 2017 entre la SAS Locam, bailleur, et 'M. [X] [F], locataire, RCS n° 338 155 591".
Au soutien de sa demande d'annulation du jugement querellé, M. [X] [F] se prévaut des éléments suivants :
- un extrait K Bis de la SARL La Carrosserie en date du 21 septembre 2018 faisant état de l'apport en date du 30 juin 2018 de l'activité carrosserie, tôlerie, peinture,
- la publication de cet apport de société dans un journal d'annonces légales du département du Var le 20 juillet 2018,
- un extrait K Bis de M. [X] [F], exerçant en nom personnel, inscrit sous le numéro de RCS 338 155 591, mentionnant la radiation de ce dernier de son activité à compter du 13 août 2018 du fait de l'apport de la société à la SARL La Carrosserie par acte du 30 juin 2018,
- la publication au BODACC des 15 et 16 août 2018 de la radiation de M. [X] [F] du registre du commerce et des sociétés de Toulon,
- la publication au BODACC du même jour de la modification du capital de la SARL La Carrosserie.
Ces pièces établissent que le 30 juin 2018, M. [X] [F] a apporté son entreprise individuelle de carrosserie, tôlerie, peinture en intégralité, avec tous ses éléments d'actif et de passif, incluant ainsi les dettes, à la SARL La Carrosserie. Toutes les formalités ont été effectuées tant au niveau de la publication de cet apport dans un journal local d'annonces légales que du greffe du tribunal de commerce chargé de la publication au BODACC. M. [X] [F] a ainsi été radié de ce fait du registre du commerce et des sociétés à compter du 13 août 2018, la société La Carrosserie bénéficiant de l'apport en société.
Il ressort par ailleurs des mentions figurant sur le contrat de location que la créance initiale de la société Locam détenue à l'encontre de M. [X] [F] était liée à l'activité commerciale de ce dernier et ne peut donc être considérée comme une dette personnelle.
Cette dette a donc bien été transmise lors de l'apport d'entreprise individuelle à la SARL La Carrosserie, qui a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 25 septembre 2018, convertie en liquidation judiciaire le 11 décembre 2018.
La société Locam ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 8 des conditions générales du contrat litigieux qui stipulent que ' Sont interdits toute cession gratuite ou onéreuse, prêt, gage, sous-location, déplacement du lieu d'utilisation initial, sauf autorisation expresse du loueur. En cas de cession ou de nantissement de son fonds de commerce, le locataire devra veiller ,à ce que le bien loué ne soit pas compris dans cette cession (...)' dès lors que :
- l'apport en propriété fait à une société, en contrepartie, duquel sont attribués des droits sociaux, n'est pas une vente,
- il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2018 et des statuts de la SARL La Carrosserie que M. [X] [F] n'a pas reçu d'argent en contrepartie de l'apport de son entreprise individuelle à la société La Carrosserie mais uniquement des droits sociaux,
- il n'y a donc pas eu de cession mais uniquement un apport de société et donc une transmission de dettes à la société La Carrosserie, ladite transmission étant opposable à la SAS Locam.
Par voie de conséquence, depuis le 30 juin 2018, la société Locam ne peut plus poursuivre sa créance contre M. [X] [F] à titre personnel et c'est bien la qualité du débiteur qui fait défaut.
A compter de cette date, M. [F] n'avait plus la capacité d'ester en justice. La procédure diligentée à l'initiative de la SAS Locam à l'encontre de l'appelant par le dépôt d'une requête en injonction de payer le 2 janvier 2021 auprès du tribunal judiciaire de Toulon est donc nulle pour défaut de qualité du défendeur principal à être assigné en justice.
Le premier juge n'ayant pas été valablement saisi , la cour ne peut qu'annuler le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021.
A l'examen des écritures de M. [X] [F], l'appelant a conclu, à titre principal, à l'annulation du jugement, et à titre subsidiaire, au fond en demandant la réformation de la décision de première instance.
Or, dans cette hypothèse, l'effet dévolutif de l'appel énoncé à l'article 562 du code de procédure civile ne joue pas, dès lors que le premier degré de juridiction n'a jamais existé et que l'instance est atteinte dans son principe.
En conséquence, la cour ne peut ni statuer au fond, ni renvoyer l'affaire devant les premiers juges. Il appartiendra aux plaideurs, le cas échéant, de prendre l'initiative d'introduire une nouvelle instance.
Vu l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Annule le jugement du tribunal judiciaire de Toulon en date du 29 octobre 2021,
Constate que l'effet dévolutif ne joue pas et qu'en conséquence, la cour ne peut pas statuer sur le fond,
Renvoie les parties à mieux se pourvoir,
Condamne la SAS Locam à payer à M. [X] [F] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Locam aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,