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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 30 octobre 2025, n° 25/02367

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/02367

30 octobre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2025

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/02367 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKYNX

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Octobre 2024 -Président du TJ de [Localité 7] - RG n° 24/00601

APPELANTE

S.A.S.U. BOULANGERIE MIROOSH, RCS de [Localité 7] sous le n°843 318 635, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Roger VOYE de l'EURL VOYE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0449

INTIMÉE

S.A. L'ENTREPRISE SOCIALE POUR L'HABITAT DE [Localité 8], RCS de [Localité 7] sous le n°572 182 905, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle DE MELLIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025, en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, chargée du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte en date du 10 novembre 2017, l'Office Public de l'Habitat de [Localité 8] renouvelait le bail commercial consenti à la société Flad portant sur des locaux situés [Adresse 5], destinés à exploiter une boulangerie-pâtisserie, moyennant un loyer annuel de 16.823,76 euros en principal, payable mensuellement soit la somme de 1.401,98 euros hors charges, à terme échu.

Par acte du 21 décembre 2017, l'Office Public de l'Habitat de [Localité 8] cédait le bien loué à la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8].

Par acte du 13 novembre 2018, la société Flad cédait son fonds de commerce à la société Boulangerie Miroosh.

Le 30 janvier 2024, la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à la société Miroosh, pour une somme de 4 044,22 euros au titre de l'arriéré locatif au 26 janvier 2024.

Par acte du 13 mars 2024, la société L'entreprise sociale pour l'habitat de Maisons-Alfort a fait assigner la société Miroosh devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir :

Concilier les parties si faire se peut, et à défaut :

A titre principal : constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

A titre subsidiaire : prononcer la résiliation du bail ;

En tout état de cause,

Dire que le bail conclu est résilié ;

Ordonner l'expulsion de la société Miroosh et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et jusqu'à la libération des locaux et remise des clefs ;

Ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde meuble qu'il plaira au bailleur aux frais, risques et périls de la société Miroosh ;

Condamner la société Miroosh à payer à la société Entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] la somme provisionnelle de 6.006,33 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au mois de février 2024 inclus ;

Condamner la société Miroosh au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale au montant du dernier loyer en vigueur augmenté des charges, jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera et la remise des clefs ;

Dire que l'indemnité d'occupation sera indexée selon les dispositions du contrat de bail lié par les parties ;

Rendre opposable la décision à intervenir aux créanciers inscrits au fond ;

Condamner la société Miroosh au paiement d'une somme de 2.880 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et de l'assignation.

Par ordonnance réputée contradictoire du 31 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la daté du 1er mars 2024 ;

Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Miroosh et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 2] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique ;

Dit qu'en cas de besoin les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code de procédure civile sur ce point ;

Fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Miroosh à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires, indexable dans les conditions du bail commercial, et condamné la société Miroosh à la payer ;

Condamné par provision la société Miroosh à payer à la société entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] la somme de 2.959,18 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 1er octobre 2024 ;

Condamné la société Miroosh aux entiers dépens listés par l'article 695 du code de procédure civile, en ce compris le coût du commandement et de la signification de la décision à intervenir ;

Condamné la société Miroosh à payer à la société entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 23 janvier 2025, la société Miroosh a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 1er septembre 2025 elle demande à la cour, sur le fondement des articles 488 du code de procédure civile, L.145-41, alinéa 2 du code de commerce et L.1343-5 du code civil, de :

Infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la daté du 1er mars 2024 ;

Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Miroosh et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 3] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique ;

Dit qu'en cas de besoin les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code de procédure civile sur ce point ;

Fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Miroosh à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires, indexable dans les conditions du bail commercial, et condamné la société Miroosh à la payer ;

Condamné par provision la société Miroosh à payer à la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] la somme de 2.959,18 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 1er octobre 2024 ;

Condamné la société Miroosh aux entiers dépens listés par l'article 695 du code de procédure civile, en ce compris le coût du commandement et de la signification de la décision à intervenir ;

Condamné la société Miroosh à payer à la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

Statuant à nouveau,

Débouter la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, la déclarant mal fondée ;

Octroyer rétroactivement au 14 janvier 2025 un délai à la société Miroosh ;

Constater qu'à cette date, les causes du commandement délivré le 30 janvier 2024 ont été respectées ;

Dire et juger dès lors que la clause résolutoire incluse dans le bail du 10 novembre 2017 n'a pu jouer ;

Déclarer nul et de nul effet le commandement délivré le 30 janvier 2024 ;

En tout état de cause,

Condamner la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] à payer à la société Miroosh la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] aux entiers dépens.

L'appelante soutient avoir soldé sa dette en totalité le 14 janvier 2025, dès que l'ordonnance entreprise lui a été signifiée, et être jour du règlement de ses loyers et charges. Elle sollicite des délais de paiement rétroactifs et suspensifs des effets de la clause résolutoire, faisant valoir que les difficultés financières qu'elle a connues par le passé sont révolues et qu'elle jouit désormais d'une bonne santé financière avec un chiffre d'affaires annuel de 524.793 euros et un bénéfice de 12.152 euros.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2025, la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] demande à la cour, sur le fondement de l'article L.145-41 du code de commerce et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence, à titre principal :

Confirmer purement et simplement en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 31 octobre 2024 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil dont appel ;

En conséquence :

Ordonner l'expulsion immédiate de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce, au besoin, avec le concours de la force publique ;

Ordonner la séquestration et le transport du mobilier qui sera sur place, aux frais, risques et périls de la locataire, au garde-meuble du choix du propriétaire ;

En tout état de cause :

Débouter la société Miroosh de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

Condamner la société Miroosh à payer à la société L'entreprise sociale de l'habitat de [Localité 8] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Miroosh aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Elle s'oppose aux délais de paiement sollicités, arguant de la mauvaise foi de sa locataire : une précédente ordonnance de référé a été rendue le 7 février 2023 constatant la résiliation du bail pour impayés, que la bailleresse a renoncé à exécuter compte tenu du paiement de la dette locative ; les impayés ont vite repris et la dette s'est reconstituée ; la société Miroosh a comme la fois précédente attendu la signification de l'ordonnance de référé pour solder sa dette ; ses difficultés financières perdurent comme en atteste la faiblesse de son bénéfice.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2025.

SUR CE, LA COUR

L'existence et le montant de la dette locative à la date de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire n'est pas contestée par l'appelante, pas plus que sa régularisation après l'expiration du délai d'un mois imparti, de sorte que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail sont réunies comme l'a dit à bon droit le premier juge.

Sont sollicités par la société Miroosh des délais de paiement rétroactifs et suspensifs des effets de cette clause au motif que la dette a été soldée au mois de janvier 2025 et que le loyer et les charges sont désormais régulièrement payés, sa situation financière le permettant désormais.

L'article 1343-5 du code civil prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Les éléments du dossier permettent de relever :

Que depuis 2022 la société Miroosh est déficiente dans le paiement régulier du loyer et des charges comme il ressort de l'extrait de compte produit par l'intimée en pièce 6 ;

Qu'une précédente action aux fins de voir constater la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire a été engagée par la bailleresse en octobre 2022, qui a donné lieu à une ordonnance réputée contradictoire du juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil en date du 7 février 2023 (pièce 16 de l'intimée), qui a constaté la résiliation du bail avec toutes conséquences de droit et condamné la société Boulangerie Miroosh au paiement d'une provision de 4.513,27 euros au titre de la dette locative arrêtée au 22 décembre 2022 ;

Que la société Boulangerie Miroosh ayant soldé sa dette suite à cette décision, la bailleresse a renoncé à l'exécuter ;

Qu'en novembre 2023 les impayés ont repris, en janvier 2024 la dette était de 4.004,22 euros et en avril 2024 elle était de 6.000,33 euros, ce qui a conduit la bailleresse à engager une nouvelle procédure aux fins de résiliation du bail, donnant lieu à l'ordonnance dont appel ;

Qu'à nouveau la société Boulangerie Miroosh a attendu la signification de cette ordonnance pour solder sa dette locative en janvier 2025 ;

Que dès le mois d'août 2025 un nouvel impayé est apparu, qui ressort du relevé de compte produit en pièce 18 par l'intimée, de sorte que l'appelante n'est pas à jour du paiement des loyers et charges contrairement à ce qu'elle soutient ;

Qu'elle ne justifie pas que sa situation financière s'est améliorée depuis 2022, ne produisant son bilan qu'au titre de l'année 2024, lequel fait ressortir un bénéfice net de 12.152 euros ;

Que ce faible bénéfice et le nouvel impayé apparu dès le mois d'août 2025 démontrent que la société Boulangerie Miroosh n'est toujours pas en capacité de faire face de manière pérenne au règlement de son loyer et de ses charges ;

Que dans ces conditions il ne saurait lui être accordé un délai de paiement suspensif des effets de la clause résolutoire, sa capacité à le respecter n'étant pas établie.

En conséquence l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dont il a été fait une juste appréciation.

Perdant en appel, la société Boulangerie Miroosh sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la société intimée la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société Boulangerie Miroosh de sa demande de délais de paiement,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne la société Boulangerie Miroosh aux dépens de l'instance d'appel,

La condamne à payer à la société L'entreprise sociale pour l'habitat de [Localité 8] la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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