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Cass. 2e civ., 6 novembre 2025, n° 23-20.409

COUR DE CASSATION

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Rejet

Cass. 2e civ. n° 23-20.409

6 novembre 2025

CIV. 2

LC12

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 6 novembre 2025

Rejet

Mme MARTINEL, présidente

Arrêt n° 1102 FS-B

Pourvoi n° J 23-20.409

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025

Mme [X] [O], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-20.409 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société L'Equité, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chauve, conseillère, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [O], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société L'Equité, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présents Mme Martinel, présidente, Mme Chauve, conseillère rapporteure, Mme Isola, conseillère doyenne, M. Gervais de Lafond, Mme Cassignard, M. Martin, Mme Chauve, Mme Salomon, conseillers, Mme Brouzes, M. Riuné, Mme Israël, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 juillet 2023), Mme [O] a été victime le 23 mars 2019 d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société l'Equité (l'assureur).

2. Une expertise judiciaire a été ordonnée par un juge des référés le 3 mars 2021.

3. L'expert judiciaire et Mme [O] se sont opposés à la présence aux opérations d'expertise d'un salarié de l'assureur, inspecteur régleur.

4. La difficulté a été soumise au juge du contrôle de l'expertise.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [O] fait grief à l'arrêt de juger que l'expert judiciaire, ne pouvait lors de son accédit, sauf au moment de son examen corporel, s'opposer à la présence du représentant légal de l'assureur, régleur au sein de ladite compagnie dûment mandaté pour ce faire, alors que « le secret médical interdit au juge de contraindre un médecin, expert judiciaire, à accepter, lors de son accédit, la présence d'une partie à l'instance non soumise au secret médical, sans l'accord de la personne bénéficiaire du secret ; qu'en l'espèce, pour juger que l'expert judiciaire ne pouvait, lors de son accédit, sauf au moment de son examen corporel, s'opposer à la présence d'un régleur de l'assureur, la cour d'appel a considéré que le principe du contradictoire impliquait qu'il ne pouvait être fait obstacle à la présence du représentant légal de l'assureur, sauf au moment de l'examen médical de la victime ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle s'opposait à la présence du régleur de la compagnie d'assurance, dès le début ou tout au long de l'expertise dont le seul objet est la manipulation d'informations couvertes par le secret, laquelle était représentée par son médecin-conseil et son avocat, la cour d'appel a violé les articles R. 4127-4 du code de la santé publique, 226-13 du code pénal et 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 160 et 161 du code de procédure civile que les parties, qui sont convoquées à une mesure d'instruction réalisée par un technicien, peuvent se faire assister lors de l'exécution de cette mesure.

7. Selon l'article 162 du même code, celui qui représente ou assiste une partie devant la juridiction qui a ordonné une mesure peut en suivre l'exécution, quel qu'en soit le lieu, formuler des observations et présenter les demandes relatives à cette exécution, même en l'absence de l'autre partie.

8. Ainsi, une partie peut être assistée de son avocat et de son médecin-conseil lors des opérations d'expertise médicale judiciaire.

9. Le pourvoi pose la question de savoir si une partie ou l'expert désigné par le juge peuvent s'opposer à la présence du salarié de l'assureur, inspecteur régleur, aux opérations d'expertise autres que celles relatives à l'examen clinique de la victime.

10. L'article L. 1110-4 du code de la santé publique garantit à toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement de santé, un organisme de prévention ou établissement du secteur médico-social le droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant.

11. Aux termes de l'article R. 4127-4 du même code, le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.

12. En outre, en matière d'exercice de la médecine d'expertise, l'article R. 4127-108 du même code prévoit que dans la rédaction de son rapport, le médecin expert ne doit révéler que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées. Hors de ces limites, il doit taire tout ce qu'il a pu connaître à l'occasion de cette expertise.

13. En application de ces textes, la Cour de cassation juge que l'avocat assiste la partie lors des opérations d'expertise à l'exception de l'examen clinique de la victime.

14. En effet, dès lors que l'avocat de la victime assiste celle-ci lors des opérations d'expertise, et notamment à l'accueil, l'exposé de l'anamnèse, au recueil de doléances et à la discussion médico-légale, et peut être présent lors de la restitution contradictoire, faite par l'expert, de ses constatations cliniques, phase au cours de laquelle des observations peuvent être formulées et des requêtes présentées, l'équilibre est assuré entre le respect des droits de la défense, impliquant le droit pour toute personne d'être assistée de son avocat, en application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit au respect de la vie privée, consacré par l'article 8 de cette même Convention, dont le droit au secret médical est l'une des composantes (2e Civ., 30 avril 2025, pourvoi n° 22-15.762, publié).

15. Les articles précités du code de la santé publique relatifs au secret médical ne concernent que les professionnels de santé énumérés par l'article L. 1110-4 de ce code.

16. Ni le préposé de l'assureur, ni l'avocat qui est soumis à un secret professionnel, ne font partie des personnes visées par ce dernier texte.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le secret médical ne peut faire obstacle à ce qu'une société d'assurance, partie à la procédure, soit représentée par l'un de ses préposés lors des opérations d'expertise, autres que l'examen clinique de la victime. Ce choix du représentant de la personne morale n'est pas subordonné à l'accord de la victime.

18. En conséquence, la cour d'appel a exactement décidé que ni l'expert, ni la victime ne pouvaient s'opposer à la présence du préposé de l'assureur aux opérations d'expertise, à l'exception de celles relatives à l'examen clinique de la victime.

19. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Martinel, présidente, Mme Isola, conseillère doyenne, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, et le greffier, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.

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