CA Lyon, 8e ch., 29 octobre 2025, n° 20/03041
LYON
Autre
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Jardins de l'ouest (SARL), Detente (SAS)
Défendeur :
Jardins de l'ouest (SARL), Detente (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Drahi, Mme Laurent
Avocats :
Me Werquin, Me Benoit, Me Froget
Par devis accepté du 27 avril 2015, Mme [O] [I] et M. [Y] [U], propriétaires à [Localité 4], ont confié à la société Les Jardins de l'Ouest la réalisation d'une piscine en bois octogonale hors sol sur dalle béton pour un montant de 11 000 € TTC.
Le liner devait être fourni par la société Détente.
La mise en eau a eu lieu le 19 juillet 2015.
[O] [I] et [Y] [U] ont réglé la somme de 9 400 € sur le prix convenu.
Se plaignant de malfaçons, ils ont fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier le 28 juillet 2015, puis ont mandaté un expert qui a établi un rapport le 5 octobre 2015, aux termes duquel celui-ci retient que les désordres proviennent d'un mauvais montage et que le seul remède aux désordres est la dépose complète de la piscine.
Par acte du 29 avril 2016, Mme [I] et M. [U] ont assigné la société Jardins de l'Ouest devant le Tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir, au visa de l'article 1184 du code civil, ordonner la résolution judiciaire du contrat, voir condamner la société Les Jardins de l'Ouest à leur rembourser la somme de 9 400 € et à procéder à la dépose de la piscine et à la remise en état de leur terrain, et obtenir des dommages et intérêts.
A titre subsidiaire, ils ont sollicité une expertise judiciaire.
La société Jardins de l'Ouest a assigné en intervention forcée la société Détente, fournisseur du liner.
Elle s'est opposée à la demande de résolution judiciaire du contrat et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation des consorts [I]-[U] à lui verser la somme de 1 500 € au titre du solde du contrat.
La société Détente a demandé quant à elle sa mise hors de cause aux motifs qu'aucune demande n'était formée à son encontre.
Par jugement en date du 28 mai 2020, le Tribunal judiciaire de Lyon a :
Mis hors de cause la société Détente ;
Rejeté les demandes des consorts [I]-[U] tendant à la résolution judiciaire du contrat d'entreprise les liant à la société Les Jardins de l'Ouest, au remboursement des sommes versées en exécution de ce contrat et à la remise en état de leur terrain ;
Rejeté la demande de dommages et intérêts des consorts [I]-[U] ;
Rejeté la demande reconventionnelle de la société Les Jardins de l'Ouest ;
Partagé les dépens de l'instance par moitié entre les consorts [I]-[U], d'une part, et la société Les Jardins de l'Ouest, d'autre part ;
Condamné la société Les Jardins de l'Ouest à payer à la société Détente une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et rejeté le surplus des demandes présentées sur ce fondement ;
Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties.
Par ordonnance du 3 février 2021, le conseiller de la mise en état de la 8ème chambre de la cour, saisi par la société Détente d'une demande de mise hors de cause et par les consorts [I]-[U] d'une demande d'expertise judiciaire, a :
déclaré l'appel des consorts [I]-[U] à l'encontre de la société Détente irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, ceux-ci ne présentant aucune demande à son encontre ;
s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'expertise judiciaire des consorts [I]-[U], aux motifs qu'une telle demande relevait de la compétence de la Cour.
Le 31 mars 2021, [E] [K], ancien gérant de la société Les Jardins de l'Ouest, a informé la cour que la société avait fait l'objet d'une liquidation amiable par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2019 et qu'il avait été désigné comme liquidateur amiable de la société liquidée.
Par acte du 16 avril 2021, les consorts [I]-[U] ont appelé en intervention forcée [E] [K], en sa qualité de liquidateur amiable de la société Les Jardins de l'Ouest.
La S.A.R.L. Les Jardins de l'Ouest et M. [E] [K] ès-qualités de liquidateur de la S.A.R.L. Les Jardins de l'Ouest étaient défaillants.
L'affaire a été plaidée à l'audience du 7 mars 2023.
Par arrêt du 10 mai 2023, la présente cour a :
Infirmé la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise judiciaire présentée par consorts [I]-[U] et statuant à nouveau,
Avant-dire droit sur les demandes de résolution du contrat de dommages intérêts présentés par les consorts [U]-[I],
Ordonné au contradictoire de M. [E] [K] en sa qualité de liquidateur amiable de la société Les Jardins de l'Ouest une mesure d'expertise et désigné M. [R] [Z] pour y procéder,
Ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 13 mai 2024 pour conclusions des parties consécutivement au dépôt du rapport d'expertise,
Dans l'attente de celui-ci, réservé les autres demandes d'[Y] [U] et de [O] [I].
Après prorogation du délai de dépôt, l'expert a déposé son rapport le 4 juin 2024.
L'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 30 septembre 2025.
Par conclusions n°4 en ouverture de rapport régularisées le 3 décembre 2024, [O] [I] et [Y] [U] demandent de :
Réformer le jugement rendu le 28 mai 2020 par le Tribunal judiciaire en toutes ses dispositions.
Et statuant à nouveau,
Constater que la Société Les Jardins de l'Ouest a manqué à ses obligations contractuelles,
Ordonner, en conséquence, la résolution judiciaire du contrat liant la Société Les Jardins de L'Ouest et les consorts [U]-[I],
Rejeter toute argumentation contraire et,
Condamner M. [E] [K] es qualité de liquidateur amiable de la Société Les Jardins de l'Ouest :
à rembourser aux consorts [U]-[I] les sommes avancées par eux au titre de la construction de la piscine, soit la somme des deux chèques de 3.300 euros et de 6.100 euros, portant le remboursement à 9.400 euros,
à payer aux consorts [U]-[I] le coût total de démolition et reconstruction à l'identique de la piscine est estimé à 27.750 euros TTC,
au versement de dommages et intérêts au profit des consorts [U]-[I] incluant :
' le remboursement des frais d'électricité, lesquels avaient été omis par la société Les Jardins de L'Ouest, soit un montant de 382,80 euros,
' le remboursement de deux remplissages de la piscine d'un volume de 38,4 m , soit le remboursement de la somme de 208,13 euros,
' le remboursement des intérêts et frais engendrés par le prêt contracté par les consorts [U]-[I] auprès de Banque Populaire Rhône Alpes Auvergne lequel n'a été rendu nécessaire que pour assurer le paiement de la construction et de la mise en route de la piscine par la société Les Jardins de l'Ouest, soit un montant de 2 506,18 euros.
' la somme de 3.000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé aux consorts [U]-[I], du fait des désordres ayant affecté la piscine construite et compte tenu de la mauvaise foi de la société Les Jardins de L'Ouest, lors des tentatives de règlement amiable effectués par les demandeurs.
Condamner M. [E] [K] es qualité de liquidateur amiable de la société Les Jardins de l'Ouest au versement d'une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Débouter M. [E] [K] es qualité de liquidateur amiable de la société Les Jardins de l'Ouest l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires.
Condamner le même aux entiers dépens incluant les frais de constat d'huissier d'un montant de 332,36 euros, dont distraction au profit de la SAS TW & Associés, Avocats sur son affirmation de droit.
Par conclusions au fond et d'intervention volontaire régularisée le 13 décembre 2024, la SAS Détente appelée en intervention forcée et la SELARL EKIP' représentée par Maître [T] [J] ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS Détente demandent :
Recevoir l'intervention volontaire de la SELARL Ekip' représentée par Me [T] [J] ;
Constatant qu'aucune demande n'est formée contre la SAS Détente ;
Dire que la SAS Détente est hors de cause ;
Condamner M. [Y] [U] et Mme [O] [I], in solidum, à payer à la SAS Détente la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner les mêmes aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.
MOTIFS :
Sur l'intervention de la SAS Détente et de la Selarl Ekip' représentée par Me [T] [J] ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS Détente.
La cour rappelle que par ordonnance du 3 février 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel d'[Y] [U] et de [O] [I] à l'encontre de la SAS Détente irrecevable.
Par jugement du tribunal de commerce de date du 2 octobre 2024, la SAS Détente a été déclarée en redressement judiciaire, le tribunal ayant désigné la SELARL EKIP' mandataire judiciaire.
L'intervention volontaire de ce dernier doit être déclarée recevable.
Il doit ensuite être constaté que si la SAS Détente avait été appelée en la cause devant le premier juge par la S.A.R.L. les Jardins de l'Ouest sans demande à son encontre, la cour ne peut que confirmer le premier juge ayant mis hors de cause la SAS Détente.
Sur la demande à l'encontre de M. [K] ès-qualités de liquidateur amiable de la société Les Jardins de l'Ouest :
Sur le principe des demandes à l'encontre du liquidateur amiable :
Par application de l'article L 237'12 du code de commerce, le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises, dans l'exercice de ses fonctions.
Comme la cour l'avait déjà retenu dans son arrêt du 10 mai 2023, M. [K] a justifié en cours de procédure d'appel de la cessation d'activité de la société Les Jardins de l'Ouest au 31 décembre 2019 et d'une liquidation amiable le désignant liquidateur amiable. Pour autant la procédure n'était pas achevée dès lors qu'il n'était pas justifié de sa présentation aux associés du bilan de la liquidation ou de validation du décompte définitif.
Par ailleurs, en sa qualité de liquidateur, M. [K] avait dû provisionner la somme nécessaire pour garantir le paiement d'une éventuelle dette sociale au regard de la procédure en cours initiée par l'assignation du 29 avril 2016, dette dont il avait connaissance.
Ainsi M. [K] engage sa responsabilité puisqu'il était tenu de constituer une provision afin de garantir une éventuelle condamnation.
Sur la demande de résolution de contrat :
Mme [I] et M. [U] indiquent demander la résolution de la vente car selon le rapport d'expertise, l'ouvrage doit être démoli et reconstruit pour remédier aux désordres. Ils ajoutent sur la base du devis du 27 avril 2015 que la société Les Jardins de l'Ouest s'était engagée à livrer une piscine devant être montée en 10 jours alors qu'elle ne fut en eau qu'en juillet 2015 outre que que cette piscine ne peut pas être utilisée en raison des désordres l'affectant.
Sur ce,
Selon l'article 1184 du code civil en sa version ancienne applicable à l'espèce, 'La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'
La cour relève que l'expert a confirmé la réalité de 7 des 8 désordres invoqués :
défauts et pose du liner,
montage de l'ossature madrier,
coupe, montage et altimétrie des margelles,
éclairage entre les abouts des margelles,
le non-respect de l'alignement des parois,
pose et fixation des jambes de forces,
fixation des skimmers d'évacuation,
montage et aspect des canalisations pvc fixes,
montage du tuyau d'évacuation des eaux,
montage et coupe du drain de protection,
intervention d'un tiers électricien pour l'alimentation électrique de la pompe de la piscine.
Il concluait à un ouvrage impropre du fait d'erreurs de conception, du non-respect des règles de l'art et du mauvais choix des matériaux, préconisant la démolition de la piscine et la mise en décharge.
La cour considère que l'inexécution par la société les Jardins de l'Ouest de ses obligations contractuelles justifie la demande de résolution du contrat d'entreprise ayant lié les parties.
Or selon l'article 1183 du code civil, 'La condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation, et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé.
Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement prévu par la condition arrive.'
Mme [I] et M. [U] qui ont choisi d'assigner en résolution du contrat et non sur le fondement de la responsabilité légale des constructeurs ou sur le fondement de l'article 1147 en indemnisation des préjudices causés par les manquements contractuels ne sont fondés qu'à solliciter les sommes remettant les choses dans l'état antérieur à la signature du devis.
Ils sont ainsi fondés à solliciter la restitution de la somme de 9 400 € versée sur le prix du contrat outre le coût de la démolition de la piscine.
L'expert a retenu la somme de 27'750 € comme coût de remise en conformité de l'ouvrage, ce prix comprenant la fourniture et installation d'une piscine pour 13 862,40 €, le radier béton et la démolition/évacuation de l'ouvrage.
Il se réfère à un devis de la société Masse Environnement. Selon cette pièce, le coût de la démolition de la piscine hors sol et évacuation du déblai en décharge contrôlée est de 1 705,20 € TTC. Celui de la démolition de la dalle existante et l'évacuation du déblai en décharge contrôlée est de 2 723,90 € TTC.
La cour retient ainsi un coût de remise en état à la somme de 4 429,10 € TTC.
Du fait de leur demande de résolution du contrat, Mme [I] et M. [U] ne peuvent donc exiger aucune indemnisation d'un préjudice moral non démontré, ni la construction d'une nouvelle piscine conforme.
Il justifient cependant d'un préjudice financier constitué par le coût de remplissage de la piscine d'un volume de 38,4 m soit 208,13 €, le liner ayant été changé, le coût des frais d'électricité d'un montant de 382,80 € outre le remboursement des intérêts et frais engendrés par le prêt qu'ils avaient contracté auprès de la Banque Populaire Rhône-Alpes Auvergne pour payer la construction et mise en route de la piscine réclamée soit la somme de 2 506,18 €, les appelants produisant le tableau d'amortissement du prêt.
M. [K] ès-qualités de liquidateur amiable de la société Les Jardins de l'Ouest est condamné à payer la somme de 9 400 €, celle de 208,13 €, celle de 382,80 € et celle de 2 506,18 €.
Toute autre demande doit être rejetée comme ne découlant pas directement de la résolution du contrat.
Sur les mesures accessoires :
La cour infirme la décision attaquée sur les dépens en ce qu'ils ont été partagés, confirmant la seule condamnation de la SARL les Jardins de l'Ouest avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A hauteur d'appel la cour condamne M. [K] ès-qualités de liquidateur amiable aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SAS TW & Associés, avocat, pour les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
La cour confirme la condamnation de la S.A.R.L. Les Jardins de l'Ouest sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en équité condamne à hauteur d'appel M. [K] ès-qualités à payer à Mme [I] et à M. [U] pris ensemble, la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Si la société Détente et son mandataire judiciaire sollicite à l'encontre de M. [U] et de Mme [I] une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état avait déjà fait application de cet article en déclarant l'appel de M. [U] et Mme [I] irrecevable.
L'équité ne commande pas de faire plus ample application des dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vu l'arrêt du 10 mai 2023,
Statuant après expertise et dans les limites de l'appel,
Infirme la décision attaquée sauf sur l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution du contrat conclu selon devis acceptés le 27 avril 2015 entre d'une part la société Les Jardins de l'Ouest et d'autre part Mme [O] [I] et M. [Y] [U],
Condamne M. [E] [K] ès-qualités de liquidateur amiable de la société Les Jardins de L'Ouest à payer à Mme [O] [I] et M. [Y] [U] :
la somme de 9 400 € en restitution du prix,
la somme 208,13 € en remboursement de la consommation d'eau,
la somme de 382,80 € en remboursement de la consommation d'eau,
la somme de 2506,18 € en remboursement des intérêts et frais découlant du prêt bancaire,
Condamne M. [E] [K] ès-qualités de liquidateur amiable de la société Les Jardins de L'Ouest aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire, ce, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats de Mme [I] et M. [U] tant en première instance qu'à hauteur d'appel,
Condamne M. [E] [K] ès-qualités de liquidateur amiable de la société Les Jardins de L'Ouest à payer à M. [Y] [U] et à Mme [O] [I] pris ensemble la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
Rejette toute autre demande.