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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 30 octobre 2025, n° 25/02742

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Prime Stone (SAS)

Défendeur :

Matsuri Restaurant Marbeuf (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rispe

Conseillers :

Mme Bianconi-Dulin, Mme Georget

Avocats :

Me Crosnier, Me Klenschi, Me Mutelet

TJ [Localité 12], du 8 nov. 2024, n° 24/…

8 novembre 2024

Suivant acte sous seing privé du 9 janvier 2014, la société civile Sodie a donné à bail à la société Matsuri Restaurant Marbeuf un local commercial situé [Adresse 5] [Localité 1], d'une surface d'environ 168 m² au rez-de-chaussée et 76 m² en sous-sol, moyennant un loyer annuel de 100 000 euros hors taxes (HT), payable par trimestre échu, pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2013. Le 18 août 2014, la société Prime Stone, venant aux droits de la société Sodie, et la société Matsuri Restaurant Marbeuf ont conclu un avenant au dit contrat.

Par un jugement du 9 juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Matsuri Restaurant Marbeuf. La même juridiction a arrêté un plan de sauvegarde par décision du 12 juillet 2016, le modifiant par la suite suivant jugement du 1er décembre 2020.

Par acte de commissaire de justice du 29 février 2024, la société Prime Stone a fait délivrer à la société Matsuri Restaurant Marbeuf un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail et reproduisant les dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce, au titre de la créance, afin de lui payer la somme de 108 553, 53 euros, en principal, correspondant au solde dû au titre de l'arriéré locatif.

Par acte de commissaire de justice du 24 juin 2024, la société Prime Stone a fait assigner la société Matsuri Restaurant Marbeuf devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de l'entendre notamment :

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties ;

prononcer l'expulsion de la société Matsuri Restaurant Marbeuf ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte de 150 euros par jour de retard;

prononcer le transport des meubles garnissant les lieux loués dans un garde meubles désigné par le bailleur en garantie des sommes dues, au frais de la société Matsuri Restaurant Marbeuf ;

condamner la société Matsuri Restaurant Marbeuf à payer à la requérante à titre provisionnel, la somme de 148 121,76 euros avec intérêts au taux légal appliqué par la BCE majoré de 10 points, correspondant au montant des loyers, charges, taxes et indemnités d'occupation demeurés impayés au titre des échéances exigibles ;

prononcer la capitalisation des intérêts ;

condamner la société Matsuri Restaurant Marbeuf au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation trimestrielle d'un montant de 2 807,90 euros par jour à compter du 3 mai 2024 ;

condamner la Matsuri Restaurant Marbeuf au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Par ordonnance contradictoire du 8 novembre 2024, rectifiée par décision du 19 décembre 2024, le dit juge des référés a :

condamné la société Matsuri Restaurant Marbeuf à payer à la société Prime Stone une provision de 218 320, 79 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 1er octobre 2024, terme d'octobre 2024 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;

accordé à la société Matsuri Restaurant Marbeuf un délai de grâce pour se libérer et dit qu'elle devra s'en acquitter par 24 paiements mensuels successifs d'un montant de 9 096 euros en sus du loyer et des charges en cours, payables le 10 de chaque mois, le premier règlement devant intervenir le 10 novembre 2024, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette ;

rappelé que, pendant le cours du délai accordé, les effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre les parties sont suspendus et que, si les modalités du paiement précité sont intégralement respectées par la défenderesse, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué ;

dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité ou du loyer courant, la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

en tant que de besoin, dans l'hypothèse du non-respect des délais de paiement,

constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail et dit que la société Matsuri Restaurant Marbeuf devra quitter les lieux et rendre libre de toute occupation les lieux loués sis [Adresse 4], en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clefs ;

ordonné à défaut, l'expulsion de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce au besoin avec le concours de la force publique, avec le cas échéant la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert au garde meuble aux frais avancés par la défenderesse ;

condamné en cas de résiliation la société Photo studio DV, prise en la personne de son représentant légal à payer à la société Prime Stone une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges normalement dus en cas de continuation des baux à compter jusqu'à la date de son départ effectif;

débouté la société Prime Stone de sa demande d'astreinte ;

dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de majoration du loyer ;

dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de majoration du taux d'intérêt ;

dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de clause pénale ;

condamné la société Matsuri Restaurant Marbeuf au paiement à la société Prime Stone de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la présente ordonnance bénéficie de droit de l'exécution provisoire en vertu des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 31 janvier 2025, la société Prime Stone a relevé appel de cette décision, élevant critique contre celle-ci en ce qu'elle a : 'accordé à la SARL Matsuri Restaurant Marbeuf un délai de grâce pour se libérer de sa dette et dit qu'elle devra s'en acquitter par 24 paiements mensuels successifs d'un montant de 9 096 euros (neuf mille quatre-vingt-seize euros) en sus du loyer et des charges en cours, payables le 10 de chaque mois, le premier règlement devant intervenir le 10 novembre 2024,la dernière échéance étant majorée du solde de la dette ; rappelé que, pendant le cours du délai accordé, les effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre les parties sont suspendus et que, si les modalités du paiement précité sont intégralement respectées par la défenderesse, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué ; dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité ou du loyer courant, la clause résolutoire reprendra son plein effet ; débouté la SAS Prime Stone de sa demande d'astreinte ; dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de majoration du loyer ; dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de majoration du taux d'intérêt ; dit n'y avoir lieu à référés sur la demande de clause pénale'.

Par ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 mars 2025, au visa du contrat de bail et des articles L.145-1 et suivants, L.441-10 et D.441-5 du code de commerce, 1193 et suivants et 1343-2 du code civil, R.631-4 du code de la consommation, 700, 834 et 835 du code de procédure civile, la société Prime stone a demandé à la cour de :

déclarer son appel recevable et bien fondé ;

infirmer l'ordonnance du 8 novembre 2024 en ce qu'elle a :

accordé à la société Matsuri Restaurant Marbeuf un délai de grâce pour se libérer et dit qu'elle devra s'en acquitter par 24 paiements mensuels successifs d'un montant de 9 096 euros en sus du loyer et des charges en cours, payables le 10 de chaque mois, le premier règlement devant intervenir le 10 novembre 2024, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette ;

rappelé que, pendant le cours du délai accordé, les effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre les parties sont suspendus et que, si les modalités du paiement précité sont intégralement respectées par la défenderesse, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais joué ;

dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité ou du loyer courant, la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

débouté la société Prime Stone de sa demande d'astreinte ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de majoration du loyer ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de majoration du taux d'intérêt ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de clause pénale ;

statuant à nouveau,

rejeter toute demande de délais formée par la société Matsuri Restaurant Marbeuf;

constater la résiliation du bail de plein droit à compter du 3 mai 2024 ;

dire et juger que la société Matsuri Restaurant Marbeuf est occupante sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 3] [Localité 7], [Adresse 13] depuis le 3 mai 2024;

ordonner l'expulsion de la société Matsuri restaurant Marbeuf et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;

ordonner la restitution, à la société Prime Stone, des clés des locaux détenues par la société Matsuri restaurant Marbeuf, sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard ;

condamner la société Matsuri restaurant Marbeuf à payer à la société Prime stone une indemnité provisionnelle d'occupation d'un montant de 2 807,90 euros par jour à compter du 3 mai 2024 et jusqu'à complète restitution des locaux ;

condamner la société Matsuri restaurant Marbeuf à payer à la société Prime stone une provision de 520 euros au titre des frais de recouvrement visés par l'article L.441-10 du code de commerce ;

assortir provisoirement l'ensemble des sommes auxquelles la société Matsuri restaurant Marbeuf sera condamnée des intérêts de retard au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points à compter du 24 juin 2024, conformément à l'article L. 441-10 du code de commerce ;

ordonner provisoirement la capitalisation des intérêts échus pour une année entière;

en tout état de cause :

débouter la société Matsuri restaurant Marbeuf de ses conclusions plus amples ou contraires ;

confirmer l'ordonnance du 8 novembre 2024 pour le surplus ;

condamner la société Matsuri restaurant Marbeuf à payer à la société Prime stone la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux frais et dépens de la présente instance, y compris les honoraires de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 mai 2025, la société Matsuri Restaurant Marbeuf demande à la cour, de :

déclarer la société Prime stone mal fondée en son appel et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

déclarer la société Matsuri restaurant Marbeuf recevable et bien fondée en ses demandes ;

infirmer les ordonnances rendues le 8 novembre 2024 et le 19 décembre 2024 par la Présidente du tribunal judiciaire de Paris uniquement en ce qu'elles ont :

condamné la société Matsuri Restaurant Marbeuf à payer à la société Prime Stone une provision de 218 320, 79 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 1er octobre 2024, terme d'octobre 2024 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;

condamné la Matsuri Restaurant Marbeuf aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 29 février 2024 ;

débouté la société Prime Stone de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

condamner la société Matsuri restaurant Marbeuf à payer à la société Prime stone la somme de 206 159,12 euros TTC au titre de l'arriéré locatif impayé au 1er octobre 2024 échéance du 4ème trimestre 2024 incluse ;

condamner la société Prime stone au paiement des dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2025.

Sur ce,

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

A titre liminaire, il sera relevé qu'alors que le premier juge a constaté que les causes du commandement de payer du 29 février 2024 sus-visé n'ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance et en a déduit l'acquisition de principe de la clause résolutoire insérée au bail, il n'est élevé aucune critique à hauteur d'appel à cet égard. Reste que les parties s'opposent sur la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais pour apurer la dette locative, sur le montant de la provision accordée à ce titre ainsi que sur celui de l'indemnité d'occupation.

Sur la suspension de la clause résolutoire et les délais accordés

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Selon l'article 835, alinéa 1er, du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend de celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation dénoncée perdure.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Ainsi, l'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite, alors qu'une telle perturbation s'analyse manifestement en une violation évidente de la règle de droit (cf. Cass. 3ème Civ., 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-25.469, Bull. 2017, III, n° 145).

Les articles L.145-1 à L.145-60 du code de commerce régissent les baux commerciaux. En particulier, il résulte de l'article L.145-41 de ce code que 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'.

L'article 1343-5 du code civil prévoit que 'Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.'.

Au cas présent, pour motiver la suspension des effets de la clause résolutoire, le premier juge a retenu que la société Matsuri Restaurant Marbeuf justifiait d'un programme de travaux de rénovation engagés depuis le rachat par les nouveaux actionnaires et de résultats très positifs de ce programme dans les restaurants de la même marque.

A hauteur d'appel, poursuivant l'infirmation de ce chef de l'ordonnance entreprise, la société Prime Stone fait valoir que la société Matsuri Restaurants Marbeuf est demeurée inerte lorsqu'elle lui a adressé de nombreuses relances, demeurées sans réponse. Elle souligne qu'au moment où la procédure a été initiée la société Matsuri Restaurants Marbeuf avait déjà bénéficié de larges délais de paiement qu'elle s'était de facto et unilatéralement accordé, en l'absence de tout règlement intervenu depuis juin 2023. Elle observe que les travaux invoqués par la société Matsuri Restaurants Marbeuf pour justifier de son retard ont effectivement été réalisés et qu'ils sont d'ampleur, en ce qu'ils concernent 10 des 12 restaurants du groupe. Elle en déduit que la société Matsuri Restaurant Marbeuf a une capacité d'investissement extrêmement importante, ce qui est confirmé par le fait qu'elle a manifesté sa volonté de se porter acquéreur du bien immobilier dans lequel se trouve le restaurant, pour un prix de 1 500 000 euros, en exerçant son droit de préférence. Elle ajoute que la presse évoque un fort développement du chiffre d'affaires du groupe Matsuri, citant deux articles, l'un tiré de Forbes France du 13 mars 2025 relatant que 'le CA annuel est passé de 16 à 23 M euros', l'autre issu de Franchise du 9 septembre 2024 qui indique : 'Nos chiffres d'affaires sont entre +20% et plus +35% depuis les transformations des restaurants'. Elle en déduit que rien ne justifie que des délais de paiement aient été accordés à la société Matsuri Restaurant Marbeuf, ce d'autant que sa propre situation financière s'est dégradée et qu'elle a dû solliciter un report de paiement du prêt auquel elle a eu recours pour acquérir l'immeuble et a du mal à régler les charges de copropriété.

S'opposant à la demande de la société Prime Stone, la société Matsuri Restaurant Marbeuf explique qu'elle a dû faire face, depuis 2015, à des difficultés conjoncturelles liées aux attentats, fermetures administratives pendant la crise sanitaire, développement du télétravail, ainsi qu'à d'importants travaux dans la [Adresse 14] dus à la construction d'un immeuble de bureaux depuis le début de l'année 2023, engendrant la fermeture de celle-ci à la circulation à de multiples reprises pour laisser travailler les engins de chantier et entraînant une diminution significative de fréquentation du restaurant. Soulignant que le local exploité est situé au fond d'une cour, sans vitrine sur rue, que la décoration n'avait pas été rénovée depuis 2011, elle précise que le chiffre d'affaires obtenu est insuffisant pour faire face aux charges, avec en 2023, un montant réalisé de 1 256 829 euros contre des charges d'exploitation de 1 399 664 euros. Elle indique qu'en 2024, la situation s'est légèrement améliorée, avec un chiffre d'affaires de 1 349 049 euros contre des charges d'exploitation de 1 309 480 euros , sans que la trésorerie soit suffisante pour faire face au règlement du loyer à bonne date. Elle expose les mesures qu'elle a mises en 'uvre pour remédier à ces difficultés, en particulier au moyen d'un ambitieux programme de travaux mené par les nouveaux actionnaires depuis son rachat, afin de rénover et moderniser les établissements de la marque.

Selon elle, ce programme se traduit par de très bons résultats dans les restaurants qui en ont fait l'objet, avec une croissance des chiffres d'affaires après travaux comprise entre + 20% et + 50 %, étant précisé que les travaux ont été réalisés dans le restaurant litigieux entre la fin de l'année 2024 et le début de l'année 2025. Elle fait état de prévisions encourageantes pour les deux prochains exercices, mais soutient qu'un étalement de la dette locative s'impose alors que l'augmentation du chiffre d'affaires devrait être progressive. Elle précise encore que si elle a effectivement exercé son droit de préférence dans le cadre de la vente des lieux, elle a mentionné avoir l'intention de recourir à un prêt, qu'elle n'a pas obtenu à ce jour. Elle retient des articles de presse produits par la société Prime Stone que ceux-ci font aussi état des difficultés que le groupe rencontre dans les termes suivants : 'Mais la cuisine de la douzaine de restaurants Matsuri disséminés sur [Localité 12], [Localité 11] et [Localité 10] ne s'est pas beaucoup renouvelée et la décoration a vieilli. A tel point que l'activité se cantonne essentiellement à la livraison ou « à emporter ». D'où l'essoufflement du groupe [...] Peu avant le Covid, il croise la route du propriétaire de Matsuri dont l'étoile a considérablement pâli au cours des dernières années'. Enfin, elle souligne que la résolution du bail aurait des conséquences catastrophiques et excessives pour elle alors qu'elle est en voie de résoudre ses difficultés mais se trouverait notamment contrainte de licencier ses huit salariés. Elle conclut à la nécessité de l'octroi des délais de 24 mois pour régler sa dette locative, en sus du règlement des échéances contractuelles à bonne date, afin de lui permettre de préserver la trésorerie et d'assurer la pérennité de son activité.

La cour constate que les difficultés invoquées par la société Matsuri Restaurant Marbeuf ne sont pas contestées par la société Prime Stone. De plus, celle-ci ne démontre pas que la société Matsuri Restaurant Marbeuf se serait abstenue d'exécuter de mauvaise foi son obligation de lui régler le loyer. En effet, les éléments qu'elle avance pour en déduire la prétendue importance de la capacité financière dont sa locataire disposerait n'apparaissent ni pertinents, ni probants, outre que la réalité contraire est attestée par les pièces comptables et financières produites par celle-ci.

L'existence d'actions fortes engagées par la société Matsuri Restaurant Marbeuf pour remédier aux difficultés qu'elle a rencontrées et de perspectives de redressement encourageantes n'est pas davantage discutée.

En outre, comme l'observe la société Matsuri Restaurant Marbeuf, il n'est pas contesté qu'elle a respecté l'échéancier fixé par le premier juge.

Enfin, s'agissant de la réalité et du caractère sérieux des difficultés que la société Prime Stone invoque, il convient de constater que les pièces qu'elle produit à ce titre sont insuffisantes pour en rapporter la preuve, s'agissant d'une attestation établie par son directeur financier qui évoque un surcoût lié à l'aménagement d'un prêt bancaire ainsi que d'un commandement de payer les charges de copropriété d'un montant de 3 682,09 euros qui lui a été signifié le 24 février 2025.

Dans ces conditions, au vu des éléments en débat, il apparaît que la décision entreprise doit recevoir confirmation de ce chef.

Sur la demande de provision au titre de l'arriéré locatif

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Ainsi, s'il appartient au demandeur à une provision d'établir l'existence de la créance qu'il invoque, c'est au défendeur de prouver que cette créance est sérieusement contestable.

La société Matsuri Restaurant Marbeuf poursuit l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la société Prime Stone une provision de 218 320,79 euros correspondant aux loyers et charges impayés au 1er octobre 2024, terme d'octobre 2024 inclus. En effet, elle reconnaît ne devoir à ce titre à la société Prime Stone que la somme de 206 159,12 euros toutes taxes comprises (TTC), échéance du 4ème trimestre 2024 incluse. Elle observe que le premier juge a retenu à tort la somme de 218 320,79 euros en prenant en compte une clause pénale dont il a pourtant rejeté l'application pour 11 634,33 euros, ainsi que des frais de commissaire de justice de 527,34 euros qui sont compris dans les dépens, soit en tout à hauteur de 12 161,67 euros.

La société Prime Stone, qui n'a pas répliqué aux prétentions de la société Matsuri Restaurant Marbeuf à ce titre, a précisé dans ses conclusions au soutien de la confirmation de la décision entreprise demandée en ce qu'elle a condamné la société Matsuri Restaurant Marbeuf à lui payer une provision de 218 320,79 euros que règlements sont intervenus depuis l'ordonnance du 8 novembre 2024, de sorte que la dette locative s'élève actuellement à la somme de 209 905,65 euros, se référant à son annexe 24.

Le premier juge a retenu qu'il résultait du décompte locatif produit que l'obligation du preneur au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d'occupation dus n'était pas sérieusement contestable à hauteur de 218 320, 79 euros au 1er octobre 2024, échéance d'octobre incluse.

La seule pièce produite à hauteur d'appel à ce titre correspond à l'extrait de compte établi par le gestionnaire locatif du bien pour la période du 1er janvier 2023 au 24 mars 2025, s'agissant de la pièce n° 24 versée par la société Prime Stone. Or, le solde figurant sur ce décompte au 1er octobre 2024 s'élève bien à de 218 320, 79 euros.

Si la société Matsuri Restaurant Marbeuf ne se réfère à aucune autre pièce, ni ne précise quelles imputations elle vise en particulier, il apparaît que ce décompte contient des sommes qui ne peuvent être vérifiées, soit un solde négatif de 35 354,36 euros antérieur au 1er janvier 2023, ou qui ne correspondent pas à des loyers ou à des charges, s'agissant de frais au titre de relances ou de factures non produites et sans précision apportée quant à leur objet.

Dans ces conditions et alors que la société Matsuri Restaurant Marbeuf reconnaît devoir à la société Prime Stone la somme de 206 159,12 euros toutes taxes comprises (TTC), arrêtée au 1er octobre 2024, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse, la provision à ce titre sera ramenée à ce montant. L'ordonnance sera infirmée par voie de conséquence sur le quantum alloué et la société Matsuri Restaurant Marbeuf sera condamnée, à titre provisionnel, à payer cette somme à la société Prime Stone.

Sur la demande de la société Prime Stone aux fins de majoration de l'indemnité d'occupation, au double du montant du dernier loyer

La cour se réfère aux prescriptions ci-avant rappelées de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile.

Par ailleurs, les articles 1231 à 1231-7 du code civil régissent les modalités de réparation du préjudice résultant de l'inexécution du contrat.

Ainsi, l'article 1231-1 dispose que 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

Selon l'article 1231-2, 'Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après'.

L'article 1231-3 énonce que 'Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive'.

L'article 1231-4 précise que 'Dans le cas même où l'inexécution du contrat résulte d'une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution'.

Selon l'article 1231-5, 'Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.'

Au cas présent, le premier juge a retenu que la clause du bail fixant l'indemnité en majorant le loyer, la demande d'intérêts au taux bancaire majoré s'analysent comme des clauses pénales et leur montant apparaît manifestement excessif au regard des circonstances de la cause, en déduisant n'y avoir lieu à référé sur cette demande, ni sur la clause pénale pour le même motif .

A hauteur d'appel, la société Prime Stone poursuit l'infirmation de la décision entreprise en sollicitant la fixation de l'indemnité d'occupation à hauteur du double du dernier loyer afin que cette indemnité ait un caractère coercitif, incite la locataire à lui restituer rapidement les locaux et l'indemnise du préjudice engendré par l'occupation indue.

La société Matsuri Restaurant Marbeuf fait valoir qu'une telle demande est systématiquement rejetée en référé, même lorsque le doublement du loyer est prévu au contrat de bail, les juges estimant qu'une telle clause s'analyse en une clause pénale par sa finalité comminatoire et indemnitaire, susceptible d'être réduite par le juge du fond, du fait de l'avantage manifestement excessif qu'elle procure au bailleur. Elle ajoute qu'a fortiori, le juge des référés n'a pas le pouvoir de fixer une indemnité d'occupation à un montant différent du loyer en cours alors que cela n'est pas prévu au contrat. Elle conclut à la confirmation de la décision entreprise de ce chef au motif que le premier juge a justement estimé que cette clause s'analyse comme une clause pénale manifestement excessive au regard des circonstances de la cause, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur cette demande.

La cour constate que le contrat de bail ne contient aucune clause afférente à la détermination de l'indemnité d'occupation, la seule sanction qu'il prévoit clairement à défaut d'exécution du locataire de son obligation de paiement du loyer étant une majoration de 10 % de la somme due en cas de non paiement à échéance d'une quittance. La clause résolutoire précise aussi que 'Il suffira d'une simple ordonnance de référé exécutoire par provision nonobstant opposition ou appel pour obtenir l'expulsion des lieux loués et dans ce cas le dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre d'indemnité sans préjudice de son droit à tous dommages intérêts'.

S'il ne pouvait donc être retenu que la demande de doublement de l'indemnité d'occupation était fondée sur une clause pénale manifestement excessive, il apparaît que la société Prime Stone a échoué à caractériser, avec l'évidence requise en référé, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable pour en justifier. Aussi, pour ces motifs substitués à ceux retenus par le premier juge, ce chef de la décision entreprise sera confirmé.

Sur les demandes de la société Prime Stone au titre des intérêts de retard et des frais de recouvrement

La cour se réfère aux dispositions ci-avant rappelées et rappelle que l'article L. 441-10 du code de commerce prévoit :

'I.-Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.

Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d'émission de la facture.

Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois après la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier.

En cas de facture périodique au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours après la date d'émission de la facture.

II.-Les conditions de règlement mentionnées au I de l'article L. 441-1 précisent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due.

III.-Sous réserve de dispositions spécifiques plus favorables au créancier, lorsqu'une procédure d'acceptation ou de vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services au contrat est prévue, la durée de cette procédure est fixée conformément aux bonnes pratiques et usages commerciaux et, en tout état de cause, n'excède pas trente jours à compter de la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation des services, à moins qu'il n'en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-16 ou de l'article L. 442-1. La durée de la procédure d'acceptation ou de vérification ne peut avoir pour effet ni d'augmenter la durée, ni de décaler le point de départ du délai maximal de paiement prévu aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du I, à moins qu'il n'en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive, au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-16 ou de l'article L. 442-1'.

Selon l'article D. 441-5 du même code, 'Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au II de l'article L. 441-10 est fixé à 40 euros'.

En outre, l'article 1231-6 du code civil dispose que 'les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure'. Et, l'article 1343-2 du même code prévoit que 'les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise'.

A hauteur d'appel, la société Prime Stone poursuit l'infirmation de la décision entreprise des chefs afférents aux intérêts moratoires et frais de recouvrement en se prévalant de l'article L. 441-10 précité. Elle soutient que c'est à tort que le premier juge a refusé de faire droit à ses demandes au motif qu'elles s'analysent comme des clauses pénales et que leur montant apparaîtrait manifestement excessif au regard des circonstances de la cause. Elle demande à la cour d'assortir les sommes auxquelles la société Matsuri Restaurant Marbeuf sera condamnée des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, ainsi que de leur capitalisation prévue par l'article 1343-2 du code civil. Elle sollicite aussi l'octroi d'une provision correspondant aux frais de recouvrement prévus par le code de commerce, soit en l'espèce :

' au titre de l'indemnité de l'article D. 441-5 du Code de commerce : 4 x 40 euros = 160 euros

' au titre des honoraires d'avocat engagés jusqu'à l'introduction de la présente procédure: 360 euros.

La société Matsuri Restaurant Marbeuf observe que la bailleresse semble avoir abandonné sa demande de condamnation à la clause pénale, chiffrée à la somme de 13 465,61 euros en première instance mais maintient sa demande de condamnation de lui payer l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue par les articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce. Elle se réfère à une jurisprudence ayant écarté l'application de ces textes à un litige relatif à l'exécution d'un bail (cour d'appel de Paris, pôle 1 ch. 3, 29 mars 2023, n° 22/11626). Elle conteste encore la demande de condamnation au paiement d'intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, alors que le fondement juridique de cette demande n'est pas précisé. Elle conclut à la confirmation de ces chefs de la décision entreprise au motif que le premier juge a justement estimé que la demande d'intérêt au taux bancaire majoré s'analyse comme une clause pénale manifestement excessive au regard des circonstances de la cause, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur cette demande.

La cour observe que les stipulations du contrat de bail ne contiennent aucune précision quant à la détermination du taux d'intérêt moratoire et des frais de recouvrement.

Et, il apparaît que c'est vainement que la société Prime Stone invoque les dispositions de l'article L. 441-10 du code de commerce alors que celles-ci sont insérées dans un chapitre relatif à la transparence des marchés et ne concernent que les relations d'affaires entre un producteur, un prestataire de services, grossiste ou importateur et un acheteur de produit ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle et ne sont pas applicables au présent litige relatif à l'exécution d'un bail.

S'il ne pouvait donc être retenu que la demande d'intérêts au taux bancaire majoré était fondée sur une clause pénale manifestement excessive, la société Prime Stone a échoué à caractériser, avec l'évidence requise en référé, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable pour en justifier. Il en est encore ainsi s'agissant de la créance qu'elle revendique au titre des frais de recouvrement, laquelle n'est pas davantage établie avec l'évidence requise en référé. Aussi, pour ces motifs substitués à ceux retenus par le premier juge, ces chefs de la décision entreprise seront confirmés.

Alors qu'en application des dispositions du code civil précitées, la somme allouée à titre provisionnel porte intérêts au taux légal à compter de la décision, la capitalisation des intérêts étant de droit dès lors qu'elle est demandée et ce même en référé, peu important, que le contrat ne la prévoie pas, il sera fait droit aux prétentions de la société Prime Stone à ce titre et ce, étant ajouté à la décision entreprise.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l'article 696 alinéa 1er du même code, de principe, les dépens doivent être mis à la charge de la partie perdante.

Et, en application de l'article 700 du même code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie, la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Au cas présent, la société Prime Stone prétend à la condamnation de la société Matsuri Restaurant Marbeuf aux dépens 'y compris les honoraires de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996'.

Toutefois, outre que l'article 10 de ce décret portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale a été abrogé par un décret n°2016-230 du 26 février 2016, la définition des dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution résulte des dispositions de l'article 695 du code de procédure civile, sans qu'il appartienne au juge de la modifier ni d'y ajouter, notamment s'agissant d'y inclure tel ou tel frais, notamment s'agissant du coût d'un acte.

Au demeurant, partie perdante dans l'essentiel de ses prétentions, la société Prime Stone sera condamnée aux dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité pas plus que la situation économique des parties ne commandent qu'il soit alloué d'indemnité au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a fixé le montant de la provision correspondant aux loyers et charges impayés au 1er octobre 2024, terme d'octobre 2024 inclus, à 218 320, 79 euros et condamné la société Matsuri Restaurant Marbeuf à payer celle-ci à la société Prime Stone ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Matsuri Restaurant Marbeuf à payer à la société Prime Stone une provision de 206 159,12 euros toutes taxes comprises (TTC), arrêtée au 1er octobre 2024, échéance du 4ème trimestre 2024 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision avec capitalisation conforme aux prévisions de l'article 1343-2 du code civil;

Condamne la société Prime Stone aux dépens d'appel ;

Rejette la demande de la société Prime Stone sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejette toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

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