Livv
Décisions

Cass. 3e civ., 6 novembre 2025, n° 23-21.334

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

Cass. 3e civ. n° 23-21.334

5 novembre 2025

CIV. 3

CL

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 6 novembre 2025

Cassation partielle

Mme TEILLER, présidente

Arrêt n° 518 FS-B

Pourvoi n° Q 23-21.334

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025

La société Vitton 17, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-21.334 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2023 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [L],

2°/ à M. [R] [L],

3°/ à M. [Z] [L],

4°/ à Mme [N] [V], veuve [L],

tous quatre domiciliés chez le cabinet Pierre Rivoire, [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseillère référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Vitton 17, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de MM. [Z], [C] et [R] [L] et de Mme [L], et l'avis de Mme Compagnie, avocate générale, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Aldigé, conseillère référendaire rapporteure, Mme Proust, conseillère doyenne, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Pic, Oppelt, conseillers, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Compagnie, avocate générale, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 juin 2023), Mme [N] [V], veuve [L], et MM. [Z], [C] et [R] [L] (les bailleurs), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société Vitton 17 (la locataire), lui ont délivré, le 5 juillet 2013, une sommation de se mettre en conformité, dans un délai d'un mois, aux clauses du bail interdisant au locataire de procéder à des travaux, transformations ou installations nouvelles sans autorisation écrite du bailleur en remettant les locaux loués dans leur état initial, cette sommation visant la clause résolutoire insérée au bail commercial, laquelle mentionnait un délai de quinze jours.

2. Le 17 septembre 2013, les bailleurs ont refusé le renouvellement du bail sollicité par la locataire le 19 juin 2013 sans offre de paiement de l'indemnité d'éviction.

3. Le 15 septembre 2015, la locataire a assigné en paiement de l'indemnité d'éviction les bailleurs, lesquels ont demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail liant les parties à compter du 5 août 2013, de la condamner à payer aux bailleurs à compter de cette date et jusqu'au 3 octobre 2019 une indemnité d'occupation et de rejeter ses demandes en paiement de l'indemnité d'éviction et en dommages-intérêts, alors « que l'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours dans les instances introduites après l'entrée en vigueur de cette loi ; que la cour d'appel a constaté que l'instance dans laquelle les consorts [L] sollicitaient l'application de la clause résolutoire avait été introduite le 15 septembre 2015 ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter le moyen de la société Vitton 17 tendant à voir cette clause réputée non écrite, que la loi du 18 juillet 2014 était inapplicable, au motif inopérant que le commandement avait été délivré le 5 juillet 2013, soit avant l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel a violé les articles 2 du code civil et L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 du code civil, L. 145-15, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et L. 145-41, alinéa 1er, du code de commerce :

5. Aux termes du dernier de ces textes, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

6. Selon le deuxième, sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont notamment pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce.

7. Il résulte du premier que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées.

8. Une clause résolutoire insérée dans un bail commercial prévoyant un délai inférieur à un mois après commandement resté infructueux a pour effet de faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 145-41 du code de commerce et doit être réputée non écrite si le bail est en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014.

9. Dès lors que l'instance, ayant pour objet de faire constater l'acquisition d'une clause résolutoire dont la validité est contestée au regard de cette loi, est en cours, les effets du commandement délivré au visa de cette clause ne sont pas définitivement réalisés, de sorte que la validité de la clause doit être appréciée au regard de cette loi nouvelle.

10. Pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt constate que le commandement a été délivré avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et en déduit que seule la nullité de la clause du bail prévoyant un délai de quinze jours était encourue aux termes de la législation alors en vigueur et que la sanction du réputé non écrit instaurée par cette loi à l'article L. 145-15 du code de commerce n'est pas applicable.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate la résiliation du bail liant les parties à compter du 5 août 2013, condamne la société Vitton 17 à payer à Mme [L] et MM. [Z], [C] et [R] [L] à compter de cette date et jusqu'au 3 octobre 2019 une indemnité d'occupation égale au montant du loyer outre charges, déboute la société Vitton 17 de ses demandes en paiement des indemnités d'éviction, de remploi, de licenciement et de la contribution versée à Pôle emploi, des frais de déménagement, des frais de réinstallation, des frais de publicité juridique et d'indemnité pour trouble commercial, ainsi que de dommages-intérêts, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne Mme [L] et MM. [Z], [C] et [R] [L] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et MM. [Z], [C] et [R] [L] et les condamne à payer à la société Vitton 17 la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site