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Décisions

CA Fort-de-France, ch. soc., 21 octobre 2025, n° 24/00143

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Autre

CA Fort-de-France n° 24/00143

21 octobre 2025

ARRET N°25/108

R.G : N° RG 24/00143 - N° Portalis DBWA-V-B7I-CO7A

Association AGS (CGEA DE LA MARTINIQUE)

C/

[R] [B]

S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS YANG-TING

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

Chambre sociale

ARRET DU 21 OCTOBRE 2025

Décision déférée à la cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 3], du 28 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 22/00058

APPELANTE :

Association AGS (CGEA DE LA MARTINIQUE) AGS (CGEA de la Martinique), association soumise à la loi du 1er juillet 1901, SIRENE 314 389 040, agissant en la personne du Directeur Général de l'AGS, Monsieur [Z] [G], dûment habilité à cet effet, domicilié au CGEA de la Martinique sis [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

avocat Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMES :

Monsieur [R] [F] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

défenseur syndical [L] [T]

S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS YANG-TING SELARL MONTRAVERS YANG-TING liquidateur judiciaire de S.A.R.L. AXMT

[Adresse 2]

[Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Juin 2025, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Anne FOUSSE conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne FOUSSE, conseillère présidant l'audience

Mme Nathalie RAMAGE, présidente de chambre

Mme Séverine BLEUSE, conseillère

Les parties ont été avisées de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 21 octobre 2025.

GREFFIER, lors des débats : Carole GOMEZ

ARRET : Réputé contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur [R] [F] [B] a été engagé par la SARML AXMT à compter du 1er octobre 2020 selon contrat à durée déterminée en qualité de cuisinier préparateur livreur.

Par avenant du 31 décembre 2020, ce contrat à durée déterminée a été prolongé en contrat à durée indéterminée , et a prévu une durée de travail de 130 heures par mois moyennant une rémunération mensuelle de 1332,50 euros.

Par avenant au contrat à durée indéterminée en date du 01/02/2021, la durée du travail de Monsieur [R] [F] [B] a été portée à 35 heures par semaine soit 151,67 heures mensuelles pour une rémunération mensuelle brute portée à 1554,62 euros .

Par courrier non daté mais selon Monsieur [R] [F] [B] courant août 2021, l'employeur lui a notifié une mise à pied conservatoire, suivie d'une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par watsap datée du 16 août, prévu pour le 27 août 2021. Il lui a ensuite adressé une 2ème convocation à un entretien préalable pour le 31 août 2021.

Le 28 septembre 2021, La SARL AXMT a notifié à Monsieur [R] [F] [B] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants':

«'Suite à notre entretien qui s'est tenu le 31 août 2021, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants':

- non respect des protocoles de préparation , de conditionnement et des recettes avec pour conséquence des produits non conformes aux standards de qualité requis.

Vous avez fait par ailleurs l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 11 août 2021. Dès lors, la période non travaillée du 11 août au 28 septembre ne sera pas rémunérée. En outre compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise pendant le préavis est impossible. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement....'».

Le 10 octobre 2021, Monsieur [R] [F] [B] a adressé à son employeur un courrier pour contester la faute grave et réclamer ses documents sociaux.

S'estimant lésé, le 21 février 2022 , Monsieur [R] [F] [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Fort-de -France aux fins de contester le licenciement, solliciter l'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sans respect de la procédure de licenciement, en sus de dommages et intérêts pour préjudice financier et pour défaut d'affiliation à une mutuelle pour la prévoyance.

Par jugement en date du 6 septembre 2022 le Tribunal mixte de commerce de Fort-de -France a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de La SARL AXMT.

Monsieur [R] [F] [B] a demandé au greffe du Conseil de Prud'hommes de convoquer les organes de la procédure collective par courriers des 26 septembre 2022 et 2 mars 2023.

Ni la SARL AXMT, représentée par son liquidateur judiciaire ni l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] n'ont comparu en première instance.

Par jugement réputé contradictoire du 28 novembre 2023 , le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

- Dit et juge que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [R] [F] [B] par La SARL AXMT est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Dit et juge fondée la demande au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dit et juge fondée la demande au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- Dit et juge fondée la demande au titre de dommages et intérêts,

- Dit et juge fondée la demande au titre de l''indemnité de congés payés qui est versée à Monsieur [R] [F] [B] en deniers ou quittance,

- En conséquence,

- Condamne La SARL AXMT représentée par l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] à payer à Monsieur [R] [F] [B] les sommes suivantes':

* 2006,92 euros au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2006,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 2006,92 euros au titre de dommages et intérêts,

* 1988', 88 euros au titre de l'indemnité de congés payés en deniers ou en quittance,

Par conséquent,

- Ordonne la remise des documents suivants':

* l'attestation Pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15 ème jour suivant la notification du présent jugement durant 30 jours,

* les fiches de paie des mois manquants,

- Déboute Monsieur [R] [F] [B] du surplus de ses demandes,

- Dit qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne la demande formulée par Monsieur [R] [F] [B],

- et en conséquence,

- Déboute Monsieur [R] [F] [B] de sa demande formulée à ce titre,

- déboute La SARL AXMT représentée par l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] à ce titre,

- Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties,

- Condamne La SARL AXMT représentée par l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] aux dépens,

- Dit que l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] garantira les sommes ainsi fixées dans les limites des plafonds légaux , conformément aux articles L143-1 et suivants du code du travail.

Par déclaration électronique du 16 juillet 2024, l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] a relevé appel dudit jugement dans les délais impartis.

Par ordonnance du 19 novembre 2024, le Président du Tribunal mixte de commerce de Fort-de -France a désigné la SELARL Montravers Yang Ting es qualité de mandataire avec pour mission de représenter La SARL AXMT devant la Cour d'appel de Fort-de -France dans l'affaire enregistrée sous le numéro 24/143.

Après avis à signifier du 26 novembre 2024, l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] a fait signifier sa déclaration d'appel par actes de commissaire de justice du 24 décembre 2024 à Monsieur [R] [F] [B] et à la SELARL Montravers Yang Ting es qualité de mandataire judiciaire de La SARL AXMT.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 avril 2025 et l'affaire fixée à l'audience du plaidoirie du 10 juin 2025 à 14 heures.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2024 et signifiées par actes de commissaire de justice en date du 18 , 22, 23 octobre 2024 respectivement à la Selarl Montravers Yang Ting mandataire judiciaire, Monsieur [R] [F] [B], La SARL AXMT et à M. [T] défenseur syndical, l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 28 novembre 2023 par le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] en ce qu'il :

- Dit et juge que le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [R] [B] par la SARL AXMT est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Dit et juge fondée la demande au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit et juge fondée la demande au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- Dit et juge fondée la demande au titre des dommages et intérêts ;

- Dit et juge fondée la demande au titre de l'indemnité de congés payés qui est versée à Monsieur [R] [B] en deniers ou quittance.

En conséquence ;

- Condamne la SARL AXMT représentée par l'AGS CGEA à payer à Monsieur [R] [B] les sommes suivantes :

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

' 2006,92 euros au titre des dommages et intérêts ;

' 1998,88 euros au titre de l'indemnité de congés payés en deniers ou quittance.

Statuant à nouveau sur ces chefs :

- Annuler sinon infirmer le jugement entrepris en ce qu'il juge ultra petita que l'AGS (CGEA

Martinique) garantira les sommes ainsi fixées, dans la limite des plafonds, légaux,

conformément aux articles L 143-1 et suivants du code du travail.

En conséquence,

- Juger irrecevables les demandes suivantes formulées par Monsieur [R] [B]

directement à l'encontre de la société AXMT, à savoir :

- 2006,92 euros au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

- 2006,92 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2006,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 6020,76 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier ;

- 1998,88 euros au titre des congés payés ;

- 2006,92 euros au titre des dommages et intérêts en raison du défaut d'affiliation de prévoyance mutuelle ;

500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonner la désignation d'un mandataire ad hoc de la SARL AXMT, et au besoin, la SELARL MONTRAVERS YANG TING, demeurant [Adresse 2], avec pour mission de :

' Représenter la société AXMT, notamment en agissant au nom et pour le compte de la société AXMT, notamment pour former des conclusions ou participer aux audiences.

- Débouter Monsieur [R] [B] de toutes ses demandes formulées à l'encontre de « la

SARL AMXT représentée par l'AGS (CGEA de Martinique) dans la mesure où l'AGS n'est pas le représentant légal de la SARL AXMT.

- Condamner Monsieur [R] [B] à payer à l'AGS CGEA la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- Juger qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de l'AGS (CGEA

de la Martinique) et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittances.

- Juger que la garantie de l'AGS (CGEA de la Martinique) ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du Travail qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues, à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de liquidation judiciaire ; étant précisé que la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l'article D 3253-5 du Code du travail, soit le plafond 5.

- Juger que l'AGS (CGEA de la Martinique) ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du Travail.

- Juger que l'obligation de l'AGS (CGEA de la Martinique) de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

- Condamner l'appelant aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] rappelle que la clôture de la liquidation judiciaire met un terme à la mission du liquidateur judiciaire et qu'en l'espèce le jugement de clôture de liquidation judiciaire de La SARL AXMT a été rendu le 6 septembre 2022 par le Tribunal mixte de commerce de Fort-de -France , publié le 25 juin 2024 de sorte qu'à compter de cette date la clôture de la liquidation judiciaire est devenue opposable aux tiers. Il sollicite donc qu'il soit procédé à la désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter La SARL AXMT en cause d''appel suite au dessaisissement du liquidateur judiciaire.

Il soulève ensuite au visa de l'article L 622-21 du code du commerce, l'irrecevabilité des demandes en paiement formées directement contre La SARL AXMT en liquidation.

Par conclusions déposées au greffe le 8 janvier 2025 et notifiées le 9 janvier 2025,par lettre rar à l'Ags, l'intimé demande à la cour de':

- confirmer entièrement la décision prise par le Conseil de Prud'hommes en date du 28 novembre 2023 et ajoutant à nouveau,

A titre subsidiaire,

- juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [R] [F] [B] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] à payer à Monsieur [R] [F] [B] la somme de 700 euros au titre de l'article 559 du code de procédure civile, «'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un montant de 10000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés'»,

A titre reconventionnel,

- condamner l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] à payer à Monsieur [R] [F] [B] la somme de 700 euros au titre de l'article 559 du code de procédure civile' «'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un montant de 10000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui lui seraient réclamés'»,

- condamner les AGS CGEA de la Martinique aux dépens et frais d'exécution des instances,

- ordonner l'exécution provisoire,

Il soutient qu'il n'est pas nécessaire de faire désigner un mandataire, ce qui repousserait les débats et porterait atteinte à ses droits. Il ajoute que l'AGS a un rôle primordial en matière de garantie des salaires impayés et qu'elle doit intervenir lorsque le débiteur est placé en redressement ou en liquidation judiciaire en application de l'article L 3253-8 du code du travail. Il rappelle que les organes de la procédure collective n'ont pas comparu en première instance pour faire valoir leurs droits.

En application de l'article 455 du code de procédure civile , il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

MOTIVATION

- sur la demande de désignation d'un mandataire ad hoc de la SARL AXMT, et au besoin, la SELARL MONTRAVERS YANG TING, demeurant [Adresse 2], avec pour mission de représenter la société AXMT,

Par ordonnance du 19 novembre 2024 du Président du Tribunal mixte de commerce de Fort-de -France la SELARL Montravers Yang Ting a été désigné à la requête de l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] , es qualité de mandataire ad hoc pour représenter La SARL AXMT.

Bien qu'ayant reçu la signification de la DA et les conclusions d'appel de l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] , le mandataire ad hoc n'a pas constitué avocat.

La désignation étant déjà faite et la procédure régularisée à son endroit, la demande est dès lors sans objet.

- sur les demandes principales de l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3]':

1- le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de paiement direct formée contre La SARL AXMT en liquidation judiciaire.

Il est relevé à titre liminaire que l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] ne conteste ni le principe ni le quantum de la créance découlant d'un licenciement pour faute requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse de Monsieur [R] [F] [B], qui ne sont pas discutés devant la Cour.

L'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] rappelle que l'article L 622-21 du code de commerce dispose :

"I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de

tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et

tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2° A

la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces

créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de

distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en

conséquence interrompus."

Il fait valoir que l'impossibilité d'exercer l'action en paiement constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge qui doit la relever d'office (Cass com 1er juillet 2020 n°19-11658) et que la Cour de Cassation précise que ce principe est d'ordre public international (Cass civ 1ère 6 Mai 2009 n°08-10281).

Or il soutient en conséquence qu'il existe une exception importante existe pour les créances salariales. Ainsi les salariés peuvent continuer à saisir le Conseil des Prud'hommes pour faire reconnaître leurs droits et inscrire leurs créances au tableau des créanciers et solliciter auprès du Conseil de prud'hommes l'inscription de sa créance salariale au passif de l'entreprise employeur.

Il en déduit que la requête de Monsieur [R] [F] [B] devant le Conseil de Prud'hommes contrevient à ce principe d'exercer une action en paiement à l'encontre d'une entreprise en liquidation judiciaire et demande à la Cour d'infirmer le jugement et de dire irrecevables de telles demandes de condamnation.

Or , il convient de rappeler que la requête de Monsieur [R] [F] [B] devant le Conseil de Prud'hommes est du 21 février 2022, date à laquelle La SARL AXMT son employeur était encore in bonis. Monsieur [R] [F] [B] demandait au Conseil de Prud'hommes de constater que son licenciement pour faute grave était sans cause réelle et sérieuse et sans respect de la procédure de licenciement'; qu'il lui était redevable de la mutuelle de prévoyance et qu'il ne l'avait pas souscrite à son bénéfice . Il sollicitait en conséquence divers dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnités de congés payés et pour défaut d'affiliation à une mutuelle.

Ayant appris en cours d'instance que La SARL AXMT était placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 septembre 2022, Monsieur [R] [F] [B] a régulièrement sollicité du Conseil de Prud'hommes la convocation des organes de la procédure . La SELARL Montravers yang ting es qualité de liquidateur a indiqué par courrier du 30 mai 2023 qu'en raison de l'impécuniosité du dossier , elle ne serait ni présente ni représentée et s'en est rapportée quant au mérite des demandes de Monsieur [R] [F] [B].

L'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] a par courrier du 11 avril 2023, indiqué qu'il ne serait ni présent ni représenté et rappelé que l'Ags ne pouvait en aucun cas être condamnée mais que sa garantie ne pouvait être mise en cause que pour les sommes dues en exécution du contrat de travail , dans les limites et conditions légales prévues par les articles L 3253-6 et suivants du code du travail.

Il est constant en application de l'article L622-21 du code de commerce que les décisions rendues par le Conseil de Prud'hommes ne peuvent avoir pour conséquence que la constatation de créances et la fixation de leur montant. Le salarié ne peut donc obtenir que l'inscription de la créance de salaire ou d'indemnité sur le relevé des créances salariales.

En application de L 625-3 du code de commerce les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective étant poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés, la demande en paiement d'une créance résultant d'un contrat de travail, antérieure au jugement d'ouverture est recevable dès lors que la juridiction prud'homale en est saisie avant l'ouverture de la procédure, et qu'après celle-ci, elle doit, après mise en cause des organes de la procédure, statuer sur son bien fondé et, le cas échéant, constater l'existence de la créance et en fixer le montant au passif de la procédure collective.

Il s'ensuit que bien que le Conseil de Prud'hommes ait été saisi de demande de condamnation en paiement, il lui appartenait de se prononcer d'office sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif «'peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement «' (Soc 10 novembre 2021 n° 20-14529, publié).

Il y a donc lieu de rejeter le moyen d'irrecevabilité des demandes en paiement de Monsieur [R] [F] [B], mais d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné La SARL AXMT représentée par l'AGS à payer à Monsieur [R] [F] [B] les sommes de':

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

' 2006,92 euros au titre des dommages et intérêts ;

' 1998,88 euros au titre de l'indemnité de congés payés en deniers ou quittance ».

Statuant à nouveau et d'office, la Cour dit que que les créances alléguées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de La SARL AXMT désormais représentée par son mandataire ad hoc la Selarl Montravers Yang Ting désigné par ordonnance du président du Tribunal mixte de commerce en date du 19 novembre 2024,

2-sur la demande de l'AGS tendant à dire que dire que les demandes en paiement direct contre La SARL AXMT , étant irrecevables sont de ce fait inopposables .

L'AGS fait valoir que les demandes en paiement formulées directement contre La SARL AXMT étant irrecevables , elle ne peut garantir les sommes ainsi fixées par le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de -France et que ces demandes ne lui sont pas opposables.

La Cour rappelle à l'instar de l' Ags que':

1 - La mise en jeu de la garantie est déterminée selon les dispositions légales et réglementaires prévues par les articles L.3253-8 du Code du Travail et L 3253-17 du Code du Travail et D 3253-5 du Code du Travail (ancien article 143.2 du Code du Travail).

2 - La garantie du CGEA présente un caractère subsidiaire.

L'intervention du C.G.E.A. étant subordonnée à l'absence de fonds disponibles entre les mains du Mandataire Judiciaire de la société, il ne peut donc y avoir à l'encontre du C.G.E.A. aucune condamnation directe mais simplement fixation éventuelle de créances, eu égard aux dispositions prescrites par les articles L 622-21 et L 622-22 du Code du Commerce.

3 - Les sommes garanties par le CGEA sont exclusivement les sommes résultant

de l'exécution du contrat de travail à l'exclusion de toute autre somme, en vertu des articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du Code du Travail ,

1°) l'AGS couvre les sommes dues au salarié à la date de l'ouverture de la procédure de

redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ainsi que les contributions dues par l'employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle,

2 °) Elle garantit aussi les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

- pendant la période d'observation,

- dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de sauvegarde, de redressement ou de

cession,

- dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ou vingt et un jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré

- et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les 15 jours ou 21 jours lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi est élaboré suivant la fin de ce maintien de l'activité ,

3 °) elle garantit également les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle sous réserve que l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur selon le cas ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l'une des périodes indiquées au 2°) y compris les contributions dues par l'employeur dans le cadre de ce contrat et les salaires dus pendant le délai de réponse du salarié,

4 °) les mesures d'accompagnement résultant d'un plan de sauvegarde de l'emploi déterminé par un accord collectif majoritaire ou par un document élaboré par l'employeur, conformément aux articles L 1233-24-1 à L 1233-24-4 dès lors qu'il a été validé ou homologué dans les conditions prévues par l'article L 1233-58 avant ou après l'ouverture du redressement ou de liquidation judiciaire ;

5°) Enfin, lorsque le Tribunal prononce la Liquidation judiciaire, l'AGS couvre, dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail les sommes dues au cours de la période d'observation dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L 621-4 et L 631-9 du Code de Commerce et pendant le maintien de l'activité autorisée par le jugement de liquidation judiciaire et au cours des 15 jours suivant la fin de ce maintien d'activité.

La garantie des sommes et créances mentionnées inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la Loi ,

4 - Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations en application des dispositions de l'article L 622-28 du Code du Commerce

5 - Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, l'avance des créances garanties par le CGEA inclut dorénavant "les cotisations et contributions sociales salariales d'origine légale ou conventionnelle imposée par la Loi" (brut garantissable)

6 - La garantie du CGEA est nécessairement plafonnée, aux termes de l'article L 3253-17 du Code du Travail toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D 3253.5 du Code du Travail,

L'article D 3253-5 du Code du Travail précise que le montant maximum, fixé à l'article L 3253-17 du Code du Travail applicable à compter du 24 juillet 2003 suivant Décret n°2003-884, s'élève à : - six fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage.

- cinq fois ce plafond lorsque le contrat de travail dont résulte la créance a été conclu moins de deux ans et six mois au moins avant la date du jugement d'ouverture de la procédure collective

- quatre fois ce plafond si le contrat dont résulte la créance a été conclu moins de six mois

avant la date du jugement d'ouverture.

Il déduit des éléments et dispositions susvisés que les demandes en paiement formées par Monsieur [R] [F] [B] contre La SARL AXMT directement, ne sont pas jugées irrecevables par la Cour comme indiqué supra et que les créances alléguées par Monsieur [R] [F] [B] sont opposables à l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] qui doit sa garantie dans les limites rappelées ci dessus.

- sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il attribue à tort à l'Ags la qualité de représentant de La SARL AXMT'

Le jugement rendu le 28 Novembre 2023 par le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] statue en ces termes :

« Condamne la SARL AXMT représentée par l'AGS CGEA à payer à Monsieur [R] [B] les sommes suivantes :

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

' 2006,92 euros au titre des dommages et intérêts ;

' 1998,88 euros au titre de l'indemnité de congés payés en deniers ou quittance ».

L'AGS CGEA de [Localité 3] soutient à juste titre qu'elle n'est pas le représentant de La SARL AXMT et ne vient garantir qu'à titre subsidiaire, les créances fixées au passif et ne peut en aucun cas être tenue directement au paiement des condamnations de ladite société. Il convient donc d'infirmer le jugement sur ce point et de juger que les créances alléguées par le salarié seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de La SARL AXMT représentée en cause d'appel par son mandataire ad hoc désigné par ordonnance du président du Tribunal mixte de commerce de Fort-de -France en date du 19 novembre 2024.

- sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il juge ultra petita que l'AGS (CGEA Martinique) garantira les sommes ainsi fixées, dans la limite des plafonds, légaux, conformément aux articles L 143-1 et suivants du code du travail.

L'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] expose que le jugement rendu le 28 Novembre 2023 par le Conseil de prud'hommes de [Localité 3] « dit que l'AGS CGEA garantira les sommes ainsi fixées, dans la limite des plafonds, légaux, conformément aux articles L 143-1 et suivants du code du travail » alors qu'une simple comparaison entre la requête et le jugement permet de constater qu'en disant que l'AGS garantira lesdites sommes, le Conseil de prud'hommes a statué ultra petita dès lors que Monsieur [R] [F] [B] n'a fait aucune demande en ce sens.

Or l'article L 3253-15 du code du travail dispose que «'...

Les décisions de justice sont de plein droit opposables à l'association prévue à l'article L. 3253-14'».

Ainsi même en l'absence de demande expresse du salarié à l'AGS, celle ci a été mise en cause par le greffe du conseil de prud'hommes , de sorte qu'elle doit sa garantie dans les limites prévues aux articles aux articles L3253-17 et D3253-5 du même code.

Le moyen de l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] est écarté et le jugement confirmé en ce qu'il rappelle que l'AGS garantira les sommes ainsi fixées sauf à ajouter que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire seront opposables à l'AGS dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds légaux prévus aux articles aux articles L3253-17 et D3253-5 précités.

- sur la demande reconventionnelle de Monsieur [R] [F] [B],

Au vu de la nécessité d'infirmation partielle du jugement , la demande de condamnation de l'Ags à une amende civile en appel est infondée et rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare que la demande de désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter La SARL AXMT faite par l'AGS, à la suite de la clôture de la liquidation judiciaire dessaisissant le liquidateur, est désormais sans objet au vu de la désignation de la Selarl Montravers Yang Ting es qualité de mandataire ad hoc, faite par ordonnance du Président du Tribunal mixte de commerce de Fort-de -France en date du 19 novembre 2024,

- Infirme le jugement en ce qu'il a condamné La SARL AXMT représentée par l'AGS à payer à Monsieur [R] [F] [B] les sommes de':

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

' 2006,92 euros au titre des dommages et intérêts ;

' 1998,88 euros au titre de l'indemnité de congés payés en deniers ou quittance ».

et aux dépens,

Statuant à nouveau ,

- Rejette le moyen d'irrecevabilité des demandes en paiement de Monsieur [R] [F] [B], contre La SARL AXMT devant le Conseil de Prud'hommes de Fort-de -France,

- Dit que les sommes suivantes non contestées en leur principe et leur montant':

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

' 2006,92 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

' 2006,92 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;

' 1998,88 euros au titre de l'indemnité de congés payés en deniers ou quittance,

sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de La SARL AXMT représentée par la Selarl Montravers Yang Ting son mandataire ad hoc désigné par ordonnance du président du Tribunal mixte de commerce en date du 19 novembre 2024,

- Dit que la présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] et qu'elle devra sa garantie dans les limites prévues par l'article L 3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail';

- Dit qu'en l'espèce, le plafond de garantie applicable aux faits de l'espèce est de 5 fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage,

- Dit que l'obligation de l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] de faire l'avance des sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire de La SARL AXMT compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par la Selarl Montravers Yang Ting , Mandataire ad hoc désigné pour représenter La SARL AXMT et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- Ordonne à la SELARL Montravers Yang Ting es qualité la remise à Monsieur [R] [F] [B] de l'attestation Pôle emploi, mais sans nécessité d'astreinte,

- Déboute Monsieur [R] [F] [B] de sa demande de condamnation de l'Unedic délégation Ags CGEA de [Localité 3] à une amende civile,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que les dépens de la présence instance seront employés en frais privilégiés de procédure collective,

Signé par Anne FOUSSE , présidente, et par Carole GOMEZ , greffier, auquel la minute a été remise

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

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