CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 30 octobre 2025, n° 25/03026
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
N° 2025/438
Rôle N° RG 25/03026 N° Portalis DBVB-V-B7J-BOQRU
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES PROFESSIONS JURIDIQUES DE
C/
[K] [L]
Syndic. de copro. [Adresse 4]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Charles TOLLINCHI
Me Christophe NANI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 27 Février 2025 enregistré au répertoire général sous le n° 25/00046.
APPELANTE
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES PROFESSIONS JURIDIQUES DE GESTION ET DE CONSEIL,
Société Coopérative à responsabilité immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le numéro 353 610 561,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Marie-Christine CAPIA de la SELARL LESTRADE-CAPIA, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au bareau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [K] [L]
né le [Date naissance 7] 1970 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Dominique GARELLI, avocat au barreau de NICE
Syndicat de copropriété de l'ensemble immobilier [Adresse 6],
poursuites et diligences en la personne de son syndic en exercice la société «FONCIA [Localité 9] », société anonyme à conseil d'administration immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le N° B 380 007 773, elle même prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]
représenté et assisté par Me Christophe NANI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Pascale BOYER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Mme Pascale BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025,
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 5 décembre 2005, Monsieur [L], exerçant la profession d'avocat, a acquis un appartement situé à [Localité 9] moyennant le prix de 91 500 euros, financé partiellement par un prêt de 55 000 euros souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil.
Le remboursement du prêt devait s'effectuer par échéances mensuelles pendant 240 mois au taux de 3.90 % l'an. Il était garanti par le privilège du prêteur et une caution solidaire.
Un commandement de payer valant saisie de l'immeuble ainsi acquis a été délivré le 19 avril 2016 par la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil à Monsieur [L] en vue de l'exécution forcée de l'acte de prêt après déchéance du terme.
Cet acte a été publié le 2 mai 2016 puis un rectificatif le 18 mai 2016.
Le 2 novembre 2017, le juge de l'exécution immobilier du tribunal de grande instance de Nice a ordonné la vente forcée.
Le 8 février 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de Monsieur [L] par le tribunal de grande instance de Digne les Bains, juridiction limitrophe saisie en raison de la profession du débiteur. Maître [P] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Le créancier poursuivant a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire
Le 12 avril 2018, le juge de l'exécution a ordonné la prorogation des effets du commandement pendant deux ans. Cette décision a été publiée en marge du commandement le 3 mai 2018.
Le 17 mai 2018, le juge de l'exécution de [Localité 9], sur les demandes concordantes du débiteur saisi et du saisissant, a ordonné la suspension de la saisie immobilière en raison de l'ouverture de la procédure collective au profit de Monsieur [L]. Ce jugement a été publié le 18 juin 2018.
Le 2 août 2018, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Maître [P] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Cette décision a fait l'objet d'une publication le 9 septembre 2018.
Dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, plusieurs renvois successifs ont été prononcés dans l'attente de la décision sur le sort du bien saisi dans le cadre de la procédure collective.
Le 14 mars 2019, le juge commissaire a admis la créance de la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil qui avait été contestée par Monsieur [L].
La cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé la décision de conversion en liquidation judiciaire par arrêt du 6 juin 2019.
Le liquidateur judiciaire a sollicité, le 14 juin 2019, du juge commissaire, l'autorisation de poursuivre l'adjudication du bien saisi.
Par décision du 12 décembre 2019, le juge commissaire a rejeté cette demande au motif que le bien saisi constituait la résidence principale du débiteur et était donc insaisissable par les créanciers professionnels.
Maître [P], ès qualités de liquidateur judiciaire, a fait appel de cette décision.
L'appel a été déclaré caduc par la cour d'appel d'Aix en Provence, statuant sur déféré, le 14 mars 2024.
La Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil a demandé le 14 mai 2024, la reprise de la procédure de saisie immobilière.
Par jugement du tribunal judiciaire de Digne les Bains du 16 mai 2024, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [L] a été prononcée pour insuffisance d'actif.
Après avoir sollicité par décision du 14 novembre 2024, la justification de la publication des jugements d'orientation, de prorogation et de suspension, le juge de l'exécution immobilier du tribunal judiciaire de Nice, par jugement du 27 février 2025, rendu en présence du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], a notamment :
- Débouté Monsieur [L] de sa demande de prescription de la créance
- Prononcé l'annulation du commandement signifié le 19 avril 2016 et publié le 2 mai 2016 au 2ème bureau du service de la publicité foncière de [Localité 9] (Volume 2016 S N° 41) avec une publication rectificative (Volume 2016 S N° 44), au motif que le créancier n'avait pas recouvré le droit de poursuites individuelles contre le débiteur saisi après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ;
- Ordonné la mention de la nullité en marge du commandement publié, et la radiation de ce commandement
- Débouté la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil aux dépens et frais de la procédure de saisie immobilière,
- Dit n'y avoir lieu de statuer sur le surplus des demandes formées par les parties.
La Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques de Gestion et de Conseil a formé appel de cette décision le 12 mars 2025.
L'appelante a conclu pour la première fois le 12 mars 2025.
Le 20 mars 2025, les parties constituées ont été avisées par le greffe de l'orientation de la procédure devant la chambre 1-9 et de la fixation à plaider à l'audience du 17 septembre 2025 selon la procédure à bref délai.
Par actes de commissaires de justice du 27 mars 2025, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel et l'avis de fixation à Monsieur [L], par dépôt à l'étude, et au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], par remise à personne habilitée.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], intimé, a constitué avocat le 31 mars 2025.
Le même jour, l'appelante a notifié à son conseil la déclaration d'appel et l'avis de fixation et ses conclusions.
Monsieur [L] a constitué avocat le 2 avril 2025.
L'appelante a notifié le 3 avril 2025 à l'avocat constitué la déclaration d'appel, l'avis de fixation et ses premières conclusions.
Par ses dernières écritures, l'appelante demande à la cour de :
Sur l'annulation du jugement entrepris :
- Dire et juger que le jugement entrepris a jugé ultra petita et a manqué au principe du contradictoire en invoquant la nullité du commandement de saisie-vente sans inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations
- Dire et juger que le juge de l' exécution immobilier a violé le principe de l'autorité de la chose jugée en annulant le commandement aux fins de saisie immobilière et l'ensemble de la procédure subséquente.
- Annuler le jugement du 27 février 2025 en toutes ses dispositions
- Dire et juger que le Crédit Mutuel n'a pas perdu le droit de poursuivre individuellement Monsieur [L] nonobstant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif,
- Dire et juger que le Crédit Mutuel est recevable et bien fondée à solliciter la reprise de la poursuite de la procédure de saisie,
- En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
- Renvoyer les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] aux fins de :
« Ordonner la reprise de la procédure de vente forcée,
Dans l'hypothèse où la vente forcée serait ordonnée, en fixer la date conformément à l'article R.322-26 du code des procédures civiles d'exécution,
Désigner la SELARL TMBA (anciennement SCP [E] Tomas Trullu), commissaires de justice, qui a établi le procès-verbal de description des biens pour la visite des biens saisis à raison de deux fois une heure en se faisant assister si besoin et d'un serrurier et de la force publique.
Dans le cas où le dossier technique où sont regroupés tous les documents d'information à fournir en cas de vente n'aurait pas été établi lors de l'établissement du procès-verbal de description des lieux ou s'il est nécessaire de les réactualiser, ledit huissier pourra se faire assister lors d'une de ces visites d'un professionnel agréé chargé d'établir les différents diagnostics immobiliers prévus par la réglementation en vigueur.
Autoriser la parution d'une publicité de la vente sur un site Internet spécialisé en matière d'enchères immobilières, précision faite que ladite parution comprendra des photographies du bien et les éléments de la publicité prévus par l'article R.322-32 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, la taxation de cette parution ne pouvant intervenir que dans la limite de 400 € HT sur justificatif.
Dire que la décision à intervenir désignant l'huissier de justice pour assurer les visites devra être signifiée trois jours au moins avant les visites aux occupants des biens saisis.
En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
Ordonner l'emploi des dépens et des frais privilégiés de vente qui comprendront le coût de tous les actes de procédure, procès-verbal descriptif, urbanisme, diagnostic, visites et divers diagnostics dont distraction au profit de Maître Capia aux offres de droit.»
- Condamner Monsieur [K] [L] à verser au Crédit Mutuel la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dire et juger que Monsieur [L] supportera les entiers frais et dépens de l' instance.
Sur la réformation du jugement entrepris :
- Infirmer le jugement rendu le 27 février 2025 par le juge de l'exécution immobilier en ce qu'il a jugé :
« Prononce l'annulation du commandement signifié le 19 avril 2016 et publié le 2 mai 2016 au 2ème bureau du service de la publicité foncière de [Localité 9] (Volume 2016 S N° 41) avec une publication rectificative (Volume 2016 S N° 44),
Ordonne la mention de la nullité en marge du commandement publié,
Ordonne la radiation de ce commandement,
Déboute la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil aux dépens et frais de la procédure de saisie immobilière,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur le surplus des demandes formées par les parties.»
- Dire et juger que le Crédit Mutuel n'a pas perdu le droit de poursuivre individuellement Monsieur [L] nonobstant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif,
- Dire et juger que le Crédit Mutuel est recevable et bien fondée à solliciter la reprise de la poursuite de la procédure de saisie,
- En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
- Renvoyer les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] aux fins de :
« Ordonner la reprise de la procédure de vente forcée,
Dans l'hypothèse où la vente forcée serait ordonnée, en fixer la date conformément à l'article R.322-26 du Code des Procédures Civiles d'Exécution,
Désigner la SELARL TMBA (anciennement SCP [E] Tomas Trullu), Commissaires de justice, qui a établi le procès-verbal de description des biens pour la visite des biens saisis à raison de deux fois une heure en se faisant assister si besoin et d'un serrurier et de la force publique.
Dans le cas où le dossier technique où sont regroupés tous les documents d'information à fournir en cas de vente n'aurait pas été établi lors de l'établissement du procès-verbal de description des lieux ou s'il est nécessaire de les réactualiser, ledit huissier pourra se faire assister lors d'une de ces visites d'un professionnel agréé chargé d'établir les différents diagnostics immobiliers prévus par la réglementation en vigueur.
Autoriser la parution d'une publicité de la vente sur un site Internet spécialisé en matière d'enchères immobilières, précision faite que ladite parution comprendra des photographies du bien et les éléments de la publicité prévus par l'article R.322-32 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, la taxation de cette parution ne pouvant intervenir que dans la limite de 400 € HT sur justificatif.
Dire que la décision à intervenir désignant l'huissier de justice pour assurer les visites devra être signifiée trois jours au moins avant les visites aux occupants des biens saisis.
En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
Ordonner l'emploi des dépens et des frais privilégiés de vente qui comprendront le coût de tous les actes de procédure, procès-verbal descriptif, urbanisme, diagnostic, visites et divers diagnostics dont distraction au profit de Maître Capia aux offres de droit. »
- Condamner Monsieur [K] [L] à verser au Crédit Mutuel la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dire et juger que Monsieur [L] supportera les entiers frais et dépens de l'instance.
Elle soutient que Monsieur [L] n'a jamais sollicité l'annulation du commandement et que le juge de l'exécution a, dès lors, statué au-delà de ce qui était demandé.
Elle ajoute que le juge a soulevé un moyen d'ordre public sans mettre le créancier poursuivant en mesure d'y répondre afin de respecter le principe du contradictoire.
A titre subsidiaire, elle soutient que le jugement d'orientation de 2017 a définitivement validé le commandement et la procédure de saisie. Elle ajoute que la suspension d'ordre public de la mesure d'exécution en raison de l'ouverture d'une procédure collective maintient valables les actes de procédure et juridictionnels antérieurs à l'ouverture.
Elle en déduit qu'après le rejet définitif de la demande du liquidateur judiciaire de faire procéder à la vente forcée du bien saisi, elle était en droit de reprendre la procédure de saisie immobilière au stade où elle se trouvait avant l'ouverture de la procédure collective, soit à la fixation d'une date pour la vente forcée.
Elle soutient que le bien saisi qui constituait la résidence principale du débiteur n'est pas entré dans le gage commun des créanciers de la procédure collective et qu'en qualité de créancier personnel auquel l'insaisissabilité de cette résidence est inopposable, elle conserve son droit de poursuite individuelle sur ce bien même après clôture pour insuffisance d'actif.
Elle s'oppose à la prescription de sa créance au motif que, même si l'insaisissabilité du domicile personnel lui était inopposable, la procédure de saisie immobilière a été suspendue de plein droit du fait de l'ouverture d'une procédure collective. Elle ajoute que cette suspension a aussi été prononcée par le juge de l'exécution.
Elle précise qu'elle n'a pu reprendre les poursuites qu'à compter de l'arrêt du 14 mars 2024 ayant rendu définitive la décision du juge commissaire portant exclusion du bien saisi du gage des créanciers de la procédure collective.
Aux termes de ses conclusions, Monsieur [L] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
Y ajoutant,
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil aux dépens de l'instance.
Il réplique que le juge n'a pas statué ultra petita car il n'a fait que répondre à la prétention de la banque qui sollicitait la prorogation du commandement de 2016.
Il rappelle que la créance de la banque, titulaire d'une sûreté réelle sur sa résidence principale en vertu d'une créance non professionnelle, était hors procédure collective et que la suspension des poursuites en raison de l'ouverture ne s'appliquait pas à ce créancier auquel l'insaisissabilité du domicile n'est pas opposable.
Il en déduit que la procédure de saisie immobilière pouvait être poursuivie à compter de la date à laquelle la créance du poursuivant était définitivement admise par le juge commissaire, sans qu'il soit besoin d'attendre une décision définitive sur la demande du liquidateur de procéder à la vente forcée.
Il soutient que faute pour la banque d'avoir fait des actes de poursuite depuis le 14 mars 2019, le commandement est périmé depuis le 14 mars 2021.
A titre subsidiaire, s'il était jugé que le créancier poursuivant relevait de la procédure collective, il soutient qu'il ne relève pas d'une des exceptions prévues par l'article L. 643-11 du code de commerce interdisant la reprise des poursuites individuelles après clôture pour insuffisance d'actif, de sorte qu'il n'était pas en droit de poursuivre la procédure de saisie immobilière.
Il réplique que la banque ne peut pas soutenir, à la fois, avoir été contrainte d'attendre la fin de la procédure collective pour pouvoir reprendre la saisie immobilière et, à la fois, se trouver dans l'un des cas permettant la reprise des poursuites individuelles en cas de clôture pour insuffisance d'actif.
Le syndicat des copropriétaires n'a pas communiqué de conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur la question de la prescription de la créance
L'article 542 du code de procédure civile prévoit que « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. »
La cour est saisie d'une demande, à titre principal, d'annulation du jugement critiqué et, à titre subsidiaire, de réformation de plusieurs chefs du jugement, à l'exception de celui par lequel le juge de l'exécution a «débouté Monsieur [L] de sa demande de prescription de la créance».
Dans ses conclusions devant la cour, Monsieur [L] ne sollicite pas la réformation de ce chef du jugement. Au contraire, il demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sans mentionner d'exception.
Il convient d'en déduire que la question de la prescription de la créance du Crédit Mutuel n'est pas dévolue à la cour.
La décision de première instance de débouter Monsieur [L] de sa demande relative à la prescription est donc devenue définitive.
Sur la demande d'annulation du jugement
Il ressort des termes du jugement que le créancier poursuivant a sollicité du juge de l'exécution qu'il rejette la demande concernant la péremption du commandement ; qu'il le déclare recevable et bien fondé à solliciter la reprise de la saisie ; qu'il juge que Monsieur [L] n'avait pas réalisé de déclaration d'insaisissabilité ; que la saisie ne pouvait être poursuivie avant la décision définitive sur la requête du liquidateur de procéder à la vente forcée ; que sa créance n'est pas prescrite et qu'il ordonne la reprise de la saisie.
Monsieur [L] avait sollicité du juge des demandes alternatives telles qu'il les présente devant la cour :
- soit juger que la créance est prescrite pour le cas où il serait jugé que la suspension des poursuites résultant de l'ouverture de la procédure collective n'était pas opposable au créancier poursuivant,
- soit juger que la créance est purgée par l'effet de la clôture pour insuffisance d'actif s'il était jugé que le créancier poursuivant faisait partie de la masse des créanciers de la procédure collective.
Il sollicitait aussi le rejet des demandes adverses et l'indemnisation au titre des frais irrépétibles de procédure.
Le premier juge a écarté la prescription de la créance mais a décidé que la saisie immobilière était désormais infondée car le créancier poursuivant n'avait pas retrouvé son droit de poursuites individuelles après clôture pour insuffisance d'actif. En conséquence, il a prononcé l'annulation du commandement et ordonné sa radiation.
Il est établi qu'il n'était pas saisi d'une prétention tendant à faire annuler le commandement qui avait été validé dans le jugement d'orientation du 2 novembre 2017. Les moyens soulevés par le débiteur concernant la procédure postérieure à la délivrance et la publication du commandement ne pouvaient avoir pour effet d'entraîner l'annulation de cet acte.
En outre, le juge qui a relevé d'office la question de l'annulation du commandement, ne l'a pas soumise au contradictoire des parties.
Il a statué ultra petita et sans respecter le principe du contradictoire. La décision de première instance sera donc annulée.
Sur les prétentions de l'appelant
Lorsque l'annulation de la décision de première instance n'est pas fondée sur l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, l'effet dévolutif opère et la cour doit se prononcer sur les prétentions au fond de l'appelant.
Selon l'article L. 622-21 du code de commerce applicable à la date d'ouverture de la procédure collective :
«I. - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II. - Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III. - Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.»
Selon l'article L. 526-1 du même code, dans sa version applicable à la date d'ouverture de la procédure collective :
«Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. (')»
Le bien insaisissable de plein droit ou déclaré insaisissable n'entre pas dans le gage commun des créanciers professionnels dans le cadre d'une procédure collective selon arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 novembre 2018 (n° 17-20.432).
Le créancier auquel l'insaisissabilité est inopposable peut faire procéder à la saisie et la vente du bien sans avoir à recueillir l'autorisation du juge commissaire, telle que prévue par l'article L. 643-2, au terme d'un arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 5 avril 2016 (n° 14-24.640).
Il ressort des articles R 321-20 et R 321-22 code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction applicable à la date de la prorogation du commandement, que celui-ci produit effet pendant deux ans à compter de sa publication et que ce délai est suspendu par la mention en marge de la copie du commandement publié, d'une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d'exécution.
La suspension des effets du commandement dure tant que la décision de suspension produit ses effets.
L'article L. 643-2 du code de commerce dispose que : « Les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire. (') ». Dans ce cas, le prix est fixé par le juge commissaire qui peut autoriser la vente amiable ou de gré à gré et le liquidateur procède à la répartition du prix.
En effet, il résulte de l'article L. 642-18 du même code une exception concernant la saisie immobilière :
« (') Lorsqu'une procédure de saisie immobilière engagée avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire a été suspendue par l'effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue.(') »
En l'espèce, le juge de l'exécution de [Localité 9] a ordonné, le 17 mai 2018, la suspension de la procédure de saisie immobilière en raison de l'ouverture d'une procédure collective au profit de Monsieur [L]. Cette décision a été publiée au service de la publicité foncière le 18 juin 2018.
Le jugement de suspension a produit ses effets jusqu'à ce que le créancier recouvre le droit de poursuivre la vente forcée du bien ayant fait l'objet du commandement.
Monsieur [L] a été placé en redressement judiciaire dans le cadre de sa profession libérale d'avocat. Il est constant qu'il avait établi son cabinet dans le bien acquis grâce au prêt souscrit en 2005. Lors de l'ouverture de cette procédure, il n'a pas fait état de l'insaisissabilité par les créanciers professionnels du bien saisi. Au contraire, il a demandé l'arrêt de la mesure d'exécution.
Il a invoqué l'insaisissabilité du bien par les créanciers de la procédure collective uniquement lorsque le liquidateur a sollicité l'autorisation de poursuivre la vente forcée de l'immeuble.
A défaut de contestation en ce sens, lorsque la procédure collective a été ouverte, le bien saisi a été considéré comme faisant partie du gage commun des créanciers professionnels. Dès lors, le créancier saisissant était tenu de déclarer sa créance à la procédure collective et d'attendre la décision du juge commissaire sur la demande du liquidateur judiciaire de poursuivre la procédure de saisie immobilière, dans la mesure où il n'avait pas sollicité lui-même l'autorisation de pratiquer la vente forcée.
En conséquence, au contraire de ce qu'a jugé le premier juge, le créancier poursuivant ne pouvait reprendre la procédure de saisie immobilière qu'à compter de la date à laquelle la demande du liquidateur de reprendre les poursuites pour le compte de la masse des créanciers avait été rejetée définitivement.
Cette date est celle à laquelle l'appel contre l'ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la demande du liquidateur judiciaire à cette fin a été déclaré caduc à l'issue d'une instance en déféré par la cour d'appel d'Aix en Provence, soit le 14 mars 2024.
Le créancier dispose du droit de poursuivre la saisie malgré la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif car il a été jugé irrévocablement par le juge commissaire que le bien saisi n'entrait pas dans le gage des créanciers de cette procédure, en application des dispositions de l'article L. 526-1 du code de commerce.
Le délai de validité du commandement qui était de deux ans s'est écoulé du 3 mai 2018 (date de la publication du jugement de prorogation) jusqu'au 18 juin 2018 (date de publication du jugement de suspension) soit pendant 1 mois et 2 semaines. A compter du 14 mars 2024, il a recommencé à courir pour le temps restant, soit 22 mois et 2 semaines jusqu'au 28 janvier 2026. La demande de reprise de la procédure a été présentée par le créancier poursuivant avant cette date.
La procédure de saisie immobilière se poursuivra donc au stade où elle a été suspendue, les actes antérieurs demeurant valables.
Il convient, en conséquence, statuant à nouveau, de juger que la caisse de Crédit Mutuel dispose du droit de poursuivre la saisie et de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] aux fins qu'il fixe la date de la vente forcée et les modalités de la vente conformément notamment à l'article R.322-26 du Code des Procédures Civiles d'Exécution.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'intégralité des chefs du jugement ayant été mis à néant par l'annulation de cette décision, il convient de juger qu'il n'y a pas lieu d'accorder à l'une ou l'autre des parties une somme au titre des frais irrépétibles de procédure et que les dépens de première instance feront partie des frais privilégiés de poursuite.
Les dépens d'appel seront aussi compris dans les frais de la saisie et il convient de condamner Monsieur [L] qui a invoqué l'insaisissabilité de l'immeuble acquis grâce au prêt seulement à la fin de la procédure pour échapper à la poursuite de la saisie et a fait plaider ensuite que le créancier hors procédure collective ne disposerait pas du droit de reprendre la procédure de saisie, à verser à l'appelante la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge au titre de l'instance d'appel.
La demande au titre des frais irrépétibles de procédure de Monsieur [L] sera rejetée car il n'est pas inéquitable de les laisser à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Annule le jugement du juge de l'exécution de [Localité 9] du 27 février 2025 ;
Statuant à nouveau,
Juge que les effets du commandement du 19 avril 2016 prorogé le 12 avril 2018 et publiée le 3 mai 2018 sont valables jusqu'au 28 janvier 2026 ;
Juge que la Caisse de Crédit Mutuel des Professions juridiques de gestion et de conseil dispose du droit de reprendre la procédure de saisie immobilière ;
Renvoie la cause et les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] afin qu'il fixe une date de vente forcée et les modalités de la vente et accomplisse tous actes de la procédure nécessaires;
Dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles relatifs à la procédure de première instance ;
Juge que les dépens de la procédure de première instance feront partie des frais privilégiés de vente ;
Y ajoutant,
Juge que les dépens d'appel seront inclus aux frais de la saisie immobilière ;
Condamne Monsieur [K] [L] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure d'appel ;
Rejette la demande de Monsieur [L] au titre de ces frais.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 30 OCTOBRE 2025
N° 2025/438
Rôle N° RG 25/03026 N° Portalis DBVB-V-B7J-BOQRU
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES PROFESSIONS JURIDIQUES DE
C/
[K] [L]
Syndic. de copro. [Adresse 4]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Agnès ERMENEUX
Me Charles TOLLINCHI
Me Christophe NANI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 27 Février 2025 enregistré au répertoire général sous le n° 25/00046.
APPELANTE
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DES PROFESSIONS JURIDIQUES DE GESTION ET DE CONSEIL,
Société Coopérative à responsabilité immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le numéro 353 610 561,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Marie-Christine CAPIA de la SELARL LESTRADE-CAPIA, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au bareau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [K] [L]
né le [Date naissance 7] 1970 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Dominique GARELLI, avocat au barreau de NICE
Syndicat de copropriété de l'ensemble immobilier [Adresse 6],
poursuites et diligences en la personne de son syndic en exercice la société «FONCIA [Localité 9] », société anonyme à conseil d'administration immatriculée au R.C.S. de [Localité 9] sous le N° B 380 007 773, elle même prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]
représenté et assisté par Me Christophe NANI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Pascale BOYER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
Mme Pascale BOYER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Octobre 2025,
Signé par Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 5 décembre 2005, Monsieur [L], exerçant la profession d'avocat, a acquis un appartement situé à [Localité 9] moyennant le prix de 91 500 euros, financé partiellement par un prêt de 55 000 euros souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil.
Le remboursement du prêt devait s'effectuer par échéances mensuelles pendant 240 mois au taux de 3.90 % l'an. Il était garanti par le privilège du prêteur et une caution solidaire.
Un commandement de payer valant saisie de l'immeuble ainsi acquis a été délivré le 19 avril 2016 par la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil à Monsieur [L] en vue de l'exécution forcée de l'acte de prêt après déchéance du terme.
Cet acte a été publié le 2 mai 2016 puis un rectificatif le 18 mai 2016.
Le 2 novembre 2017, le juge de l'exécution immobilier du tribunal de grande instance de Nice a ordonné la vente forcée.
Le 8 février 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de Monsieur [L] par le tribunal de grande instance de Digne les Bains, juridiction limitrophe saisie en raison de la profession du débiteur. Maître [P] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Le créancier poursuivant a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire
Le 12 avril 2018, le juge de l'exécution a ordonné la prorogation des effets du commandement pendant deux ans. Cette décision a été publiée en marge du commandement le 3 mai 2018.
Le 17 mai 2018, le juge de l'exécution de [Localité 9], sur les demandes concordantes du débiteur saisi et du saisissant, a ordonné la suspension de la saisie immobilière en raison de l'ouverture de la procédure collective au profit de Monsieur [L]. Ce jugement a été publié le 18 juin 2018.
Le 2 août 2018, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. Maître [P] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Cette décision a fait l'objet d'une publication le 9 septembre 2018.
Dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, plusieurs renvois successifs ont été prononcés dans l'attente de la décision sur le sort du bien saisi dans le cadre de la procédure collective.
Le 14 mars 2019, le juge commissaire a admis la créance de la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil qui avait été contestée par Monsieur [L].
La cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé la décision de conversion en liquidation judiciaire par arrêt du 6 juin 2019.
Le liquidateur judiciaire a sollicité, le 14 juin 2019, du juge commissaire, l'autorisation de poursuivre l'adjudication du bien saisi.
Par décision du 12 décembre 2019, le juge commissaire a rejeté cette demande au motif que le bien saisi constituait la résidence principale du débiteur et était donc insaisissable par les créanciers professionnels.
Maître [P], ès qualités de liquidateur judiciaire, a fait appel de cette décision.
L'appel a été déclaré caduc par la cour d'appel d'Aix en Provence, statuant sur déféré, le 14 mars 2024.
La Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil a demandé le 14 mai 2024, la reprise de la procédure de saisie immobilière.
Par jugement du tribunal judiciaire de Digne les Bains du 16 mai 2024, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [L] a été prononcée pour insuffisance d'actif.
Après avoir sollicité par décision du 14 novembre 2024, la justification de la publication des jugements d'orientation, de prorogation et de suspension, le juge de l'exécution immobilier du tribunal judiciaire de Nice, par jugement du 27 février 2025, rendu en présence du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], a notamment :
- Débouté Monsieur [L] de sa demande de prescription de la créance
- Prononcé l'annulation du commandement signifié le 19 avril 2016 et publié le 2 mai 2016 au 2ème bureau du service de la publicité foncière de [Localité 9] (Volume 2016 S N° 41) avec une publication rectificative (Volume 2016 S N° 44), au motif que le créancier n'avait pas recouvré le droit de poursuites individuelles contre le débiteur saisi après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ;
- Ordonné la mention de la nullité en marge du commandement publié, et la radiation de ce commandement
- Débouté la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil aux dépens et frais de la procédure de saisie immobilière,
- Dit n'y avoir lieu de statuer sur le surplus des demandes formées par les parties.
La Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques de Gestion et de Conseil a formé appel de cette décision le 12 mars 2025.
L'appelante a conclu pour la première fois le 12 mars 2025.
Le 20 mars 2025, les parties constituées ont été avisées par le greffe de l'orientation de la procédure devant la chambre 1-9 et de la fixation à plaider à l'audience du 17 septembre 2025 selon la procédure à bref délai.
Par actes de commissaires de justice du 27 mars 2025, l'appelante a fait signifier la déclaration d'appel et l'avis de fixation à Monsieur [L], par dépôt à l'étude, et au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], par remise à personne habilitée.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], intimé, a constitué avocat le 31 mars 2025.
Le même jour, l'appelante a notifié à son conseil la déclaration d'appel et l'avis de fixation et ses conclusions.
Monsieur [L] a constitué avocat le 2 avril 2025.
L'appelante a notifié le 3 avril 2025 à l'avocat constitué la déclaration d'appel, l'avis de fixation et ses premières conclusions.
Par ses dernières écritures, l'appelante demande à la cour de :
Sur l'annulation du jugement entrepris :
- Dire et juger que le jugement entrepris a jugé ultra petita et a manqué au principe du contradictoire en invoquant la nullité du commandement de saisie-vente sans inviter, au préalable, les parties à présenter leurs observations
- Dire et juger que le juge de l' exécution immobilier a violé le principe de l'autorité de la chose jugée en annulant le commandement aux fins de saisie immobilière et l'ensemble de la procédure subséquente.
- Annuler le jugement du 27 février 2025 en toutes ses dispositions
- Dire et juger que le Crédit Mutuel n'a pas perdu le droit de poursuivre individuellement Monsieur [L] nonobstant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif,
- Dire et juger que le Crédit Mutuel est recevable et bien fondée à solliciter la reprise de la poursuite de la procédure de saisie,
- En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
- Renvoyer les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] aux fins de :
« Ordonner la reprise de la procédure de vente forcée,
Dans l'hypothèse où la vente forcée serait ordonnée, en fixer la date conformément à l'article R.322-26 du code des procédures civiles d'exécution,
Désigner la SELARL TMBA (anciennement SCP [E] Tomas Trullu), commissaires de justice, qui a établi le procès-verbal de description des biens pour la visite des biens saisis à raison de deux fois une heure en se faisant assister si besoin et d'un serrurier et de la force publique.
Dans le cas où le dossier technique où sont regroupés tous les documents d'information à fournir en cas de vente n'aurait pas été établi lors de l'établissement du procès-verbal de description des lieux ou s'il est nécessaire de les réactualiser, ledit huissier pourra se faire assister lors d'une de ces visites d'un professionnel agréé chargé d'établir les différents diagnostics immobiliers prévus par la réglementation en vigueur.
Autoriser la parution d'une publicité de la vente sur un site Internet spécialisé en matière d'enchères immobilières, précision faite que ladite parution comprendra des photographies du bien et les éléments de la publicité prévus par l'article R.322-32 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, la taxation de cette parution ne pouvant intervenir que dans la limite de 400 € HT sur justificatif.
Dire que la décision à intervenir désignant l'huissier de justice pour assurer les visites devra être signifiée trois jours au moins avant les visites aux occupants des biens saisis.
En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
Ordonner l'emploi des dépens et des frais privilégiés de vente qui comprendront le coût de tous les actes de procédure, procès-verbal descriptif, urbanisme, diagnostic, visites et divers diagnostics dont distraction au profit de Maître Capia aux offres de droit.»
- Condamner Monsieur [K] [L] à verser au Crédit Mutuel la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dire et juger que Monsieur [L] supportera les entiers frais et dépens de l' instance.
Sur la réformation du jugement entrepris :
- Infirmer le jugement rendu le 27 février 2025 par le juge de l'exécution immobilier en ce qu'il a jugé :
« Prononce l'annulation du commandement signifié le 19 avril 2016 et publié le 2 mai 2016 au 2ème bureau du service de la publicité foncière de [Localité 9] (Volume 2016 S N° 41) avec une publication rectificative (Volume 2016 S N° 44),
Ordonne la mention de la nullité en marge du commandement publié,
Ordonne la radiation de ce commandement,
Déboute la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil aux dépens et frais de la procédure de saisie immobilière,
Dit n'y avoir lieu de statuer sur le surplus des demandes formées par les parties.»
- Dire et juger que le Crédit Mutuel n'a pas perdu le droit de poursuivre individuellement Monsieur [L] nonobstant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif,
- Dire et juger que le Crédit Mutuel est recevable et bien fondée à solliciter la reprise de la poursuite de la procédure de saisie,
- En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
- Renvoyer les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] aux fins de :
« Ordonner la reprise de la procédure de vente forcée,
Dans l'hypothèse où la vente forcée serait ordonnée, en fixer la date conformément à l'article R.322-26 du Code des Procédures Civiles d'Exécution,
Désigner la SELARL TMBA (anciennement SCP [E] Tomas Trullu), Commissaires de justice, qui a établi le procès-verbal de description des biens pour la visite des biens saisis à raison de deux fois une heure en se faisant assister si besoin et d'un serrurier et de la force publique.
Dans le cas où le dossier technique où sont regroupés tous les documents d'information à fournir en cas de vente n'aurait pas été établi lors de l'établissement du procès-verbal de description des lieux ou s'il est nécessaire de les réactualiser, ledit huissier pourra se faire assister lors d'une de ces visites d'un professionnel agréé chargé d'établir les différents diagnostics immobiliers prévus par la réglementation en vigueur.
Autoriser la parution d'une publicité de la vente sur un site Internet spécialisé en matière d'enchères immobilières, précision faite que ladite parution comprendra des photographies du bien et les éléments de la publicité prévus par l'article R.322-32 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, la taxation de cette parution ne pouvant intervenir que dans la limite de 400 € HT sur justificatif.
Dire que la décision à intervenir désignant l'huissier de justice pour assurer les visites devra être signifiée trois jours au moins avant les visites aux occupants des biens saisis.
En tant que de besoin, Ordonner la prorogation des effets du commandement délivré le 19/04/2016 et publié le 02/05/2016 volume [Immatriculation 1] et rectificatif du 18/05/2016 vol [Immatriculation 2] auprès du deuxième bureau du service de publicité foncière de [Localité 9].
Ordonner l'emploi des dépens et des frais privilégiés de vente qui comprendront le coût de tous les actes de procédure, procès-verbal descriptif, urbanisme, diagnostic, visites et divers diagnostics dont distraction au profit de Maître Capia aux offres de droit. »
- Condamner Monsieur [K] [L] à verser au Crédit Mutuel la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Dire et juger que Monsieur [L] supportera les entiers frais et dépens de l'instance.
Elle soutient que Monsieur [L] n'a jamais sollicité l'annulation du commandement et que le juge de l'exécution a, dès lors, statué au-delà de ce qui était demandé.
Elle ajoute que le juge a soulevé un moyen d'ordre public sans mettre le créancier poursuivant en mesure d'y répondre afin de respecter le principe du contradictoire.
A titre subsidiaire, elle soutient que le jugement d'orientation de 2017 a définitivement validé le commandement et la procédure de saisie. Elle ajoute que la suspension d'ordre public de la mesure d'exécution en raison de l'ouverture d'une procédure collective maintient valables les actes de procédure et juridictionnels antérieurs à l'ouverture.
Elle en déduit qu'après le rejet définitif de la demande du liquidateur judiciaire de faire procéder à la vente forcée du bien saisi, elle était en droit de reprendre la procédure de saisie immobilière au stade où elle se trouvait avant l'ouverture de la procédure collective, soit à la fixation d'une date pour la vente forcée.
Elle soutient que le bien saisi qui constituait la résidence principale du débiteur n'est pas entré dans le gage commun des créanciers de la procédure collective et qu'en qualité de créancier personnel auquel l'insaisissabilité de cette résidence est inopposable, elle conserve son droit de poursuite individuelle sur ce bien même après clôture pour insuffisance d'actif.
Elle s'oppose à la prescription de sa créance au motif que, même si l'insaisissabilité du domicile personnel lui était inopposable, la procédure de saisie immobilière a été suspendue de plein droit du fait de l'ouverture d'une procédure collective. Elle ajoute que cette suspension a aussi été prononcée par le juge de l'exécution.
Elle précise qu'elle n'a pu reprendre les poursuites qu'à compter de l'arrêt du 14 mars 2024 ayant rendu définitive la décision du juge commissaire portant exclusion du bien saisi du gage des créanciers de la procédure collective.
Aux termes de ses conclusions, Monsieur [L] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Débouter la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
Y ajoutant,
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
- Condamner la Caisse de Crédit Mutuel des Professions Juridiques Gestion Conseil aux dépens de l'instance.
Il réplique que le juge n'a pas statué ultra petita car il n'a fait que répondre à la prétention de la banque qui sollicitait la prorogation du commandement de 2016.
Il rappelle que la créance de la banque, titulaire d'une sûreté réelle sur sa résidence principale en vertu d'une créance non professionnelle, était hors procédure collective et que la suspension des poursuites en raison de l'ouverture ne s'appliquait pas à ce créancier auquel l'insaisissabilité du domicile n'est pas opposable.
Il en déduit que la procédure de saisie immobilière pouvait être poursuivie à compter de la date à laquelle la créance du poursuivant était définitivement admise par le juge commissaire, sans qu'il soit besoin d'attendre une décision définitive sur la demande du liquidateur de procéder à la vente forcée.
Il soutient que faute pour la banque d'avoir fait des actes de poursuite depuis le 14 mars 2019, le commandement est périmé depuis le 14 mars 2021.
A titre subsidiaire, s'il était jugé que le créancier poursuivant relevait de la procédure collective, il soutient qu'il ne relève pas d'une des exceptions prévues par l'article L. 643-11 du code de commerce interdisant la reprise des poursuites individuelles après clôture pour insuffisance d'actif, de sorte qu'il n'était pas en droit de poursuivre la procédure de saisie immobilière.
Il réplique que la banque ne peut pas soutenir, à la fois, avoir été contrainte d'attendre la fin de la procédure collective pour pouvoir reprendre la saisie immobilière et, à la fois, se trouver dans l'un des cas permettant la reprise des poursuites individuelles en cas de clôture pour insuffisance d'actif.
Le syndicat des copropriétaires n'a pas communiqué de conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur la question de la prescription de la créance
L'article 542 du code de procédure civile prévoit que « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. »
La cour est saisie d'une demande, à titre principal, d'annulation du jugement critiqué et, à titre subsidiaire, de réformation de plusieurs chefs du jugement, à l'exception de celui par lequel le juge de l'exécution a «débouté Monsieur [L] de sa demande de prescription de la créance».
Dans ses conclusions devant la cour, Monsieur [L] ne sollicite pas la réformation de ce chef du jugement. Au contraire, il demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sans mentionner d'exception.
Il convient d'en déduire que la question de la prescription de la créance du Crédit Mutuel n'est pas dévolue à la cour.
La décision de première instance de débouter Monsieur [L] de sa demande relative à la prescription est donc devenue définitive.
Sur la demande d'annulation du jugement
Il ressort des termes du jugement que le créancier poursuivant a sollicité du juge de l'exécution qu'il rejette la demande concernant la péremption du commandement ; qu'il le déclare recevable et bien fondé à solliciter la reprise de la saisie ; qu'il juge que Monsieur [L] n'avait pas réalisé de déclaration d'insaisissabilité ; que la saisie ne pouvait être poursuivie avant la décision définitive sur la requête du liquidateur de procéder à la vente forcée ; que sa créance n'est pas prescrite et qu'il ordonne la reprise de la saisie.
Monsieur [L] avait sollicité du juge des demandes alternatives telles qu'il les présente devant la cour :
- soit juger que la créance est prescrite pour le cas où il serait jugé que la suspension des poursuites résultant de l'ouverture de la procédure collective n'était pas opposable au créancier poursuivant,
- soit juger que la créance est purgée par l'effet de la clôture pour insuffisance d'actif s'il était jugé que le créancier poursuivant faisait partie de la masse des créanciers de la procédure collective.
Il sollicitait aussi le rejet des demandes adverses et l'indemnisation au titre des frais irrépétibles de procédure.
Le premier juge a écarté la prescription de la créance mais a décidé que la saisie immobilière était désormais infondée car le créancier poursuivant n'avait pas retrouvé son droit de poursuites individuelles après clôture pour insuffisance d'actif. En conséquence, il a prononcé l'annulation du commandement et ordonné sa radiation.
Il est établi qu'il n'était pas saisi d'une prétention tendant à faire annuler le commandement qui avait été validé dans le jugement d'orientation du 2 novembre 2017. Les moyens soulevés par le débiteur concernant la procédure postérieure à la délivrance et la publication du commandement ne pouvaient avoir pour effet d'entraîner l'annulation de cet acte.
En outre, le juge qui a relevé d'office la question de l'annulation du commandement, ne l'a pas soumise au contradictoire des parties.
Il a statué ultra petita et sans respecter le principe du contradictoire. La décision de première instance sera donc annulée.
Sur les prétentions de l'appelant
Lorsque l'annulation de la décision de première instance n'est pas fondée sur l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, l'effet dévolutif opère et la cour doit se prononcer sur les prétentions au fond de l'appelant.
Selon l'article L. 622-21 du code de commerce applicable à la date d'ouverture de la procédure collective :
«I. - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II. - Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III. - Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.»
Selon l'article L. 526-1 du même code, dans sa version applicable à la date d'ouverture de la procédure collective :
«Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. (')»
Le bien insaisissable de plein droit ou déclaré insaisissable n'entre pas dans le gage commun des créanciers professionnels dans le cadre d'une procédure collective selon arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 7 novembre 2018 (n° 17-20.432).
Le créancier auquel l'insaisissabilité est inopposable peut faire procéder à la saisie et la vente du bien sans avoir à recueillir l'autorisation du juge commissaire, telle que prévue par l'article L. 643-2, au terme d'un arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 5 avril 2016 (n° 14-24.640).
Il ressort des articles R 321-20 et R 321-22 code des procédures civiles d'exécution, dans leur rédaction applicable à la date de la prorogation du commandement, que celui-ci produit effet pendant deux ans à compter de sa publication et que ce délai est suspendu par la mention en marge de la copie du commandement publié, d'une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d'exécution.
La suspension des effets du commandement dure tant que la décision de suspension produit ses effets.
L'article L. 643-2 du code de commerce dispose que : « Les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire. (') ». Dans ce cas, le prix est fixé par le juge commissaire qui peut autoriser la vente amiable ou de gré à gré et le liquidateur procède à la répartition du prix.
En effet, il résulte de l'article L. 642-18 du même code une exception concernant la saisie immobilière :
« (') Lorsqu'une procédure de saisie immobilière engagée avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire a été suspendue par l'effet de cette dernière, le liquidateur peut être subrogé dans les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués, lesquels sont réputés accomplis pour le compte du liquidateur qui procède à la vente des immeubles. La saisie immobilière peut alors reprendre son cours au stade où le jugement d'ouverture l'avait suspendue.(') »
En l'espèce, le juge de l'exécution de [Localité 9] a ordonné, le 17 mai 2018, la suspension de la procédure de saisie immobilière en raison de l'ouverture d'une procédure collective au profit de Monsieur [L]. Cette décision a été publiée au service de la publicité foncière le 18 juin 2018.
Le jugement de suspension a produit ses effets jusqu'à ce que le créancier recouvre le droit de poursuivre la vente forcée du bien ayant fait l'objet du commandement.
Monsieur [L] a été placé en redressement judiciaire dans le cadre de sa profession libérale d'avocat. Il est constant qu'il avait établi son cabinet dans le bien acquis grâce au prêt souscrit en 2005. Lors de l'ouverture de cette procédure, il n'a pas fait état de l'insaisissabilité par les créanciers professionnels du bien saisi. Au contraire, il a demandé l'arrêt de la mesure d'exécution.
Il a invoqué l'insaisissabilité du bien par les créanciers de la procédure collective uniquement lorsque le liquidateur a sollicité l'autorisation de poursuivre la vente forcée de l'immeuble.
A défaut de contestation en ce sens, lorsque la procédure collective a été ouverte, le bien saisi a été considéré comme faisant partie du gage commun des créanciers professionnels. Dès lors, le créancier saisissant était tenu de déclarer sa créance à la procédure collective et d'attendre la décision du juge commissaire sur la demande du liquidateur judiciaire de poursuivre la procédure de saisie immobilière, dans la mesure où il n'avait pas sollicité lui-même l'autorisation de pratiquer la vente forcée.
En conséquence, au contraire de ce qu'a jugé le premier juge, le créancier poursuivant ne pouvait reprendre la procédure de saisie immobilière qu'à compter de la date à laquelle la demande du liquidateur de reprendre les poursuites pour le compte de la masse des créanciers avait été rejetée définitivement.
Cette date est celle à laquelle l'appel contre l'ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la demande du liquidateur judiciaire à cette fin a été déclaré caduc à l'issue d'une instance en déféré par la cour d'appel d'Aix en Provence, soit le 14 mars 2024.
Le créancier dispose du droit de poursuivre la saisie malgré la clôture de la procédure collective pour insuffisance d'actif car il a été jugé irrévocablement par le juge commissaire que le bien saisi n'entrait pas dans le gage des créanciers de cette procédure, en application des dispositions de l'article L. 526-1 du code de commerce.
Le délai de validité du commandement qui était de deux ans s'est écoulé du 3 mai 2018 (date de la publication du jugement de prorogation) jusqu'au 18 juin 2018 (date de publication du jugement de suspension) soit pendant 1 mois et 2 semaines. A compter du 14 mars 2024, il a recommencé à courir pour le temps restant, soit 22 mois et 2 semaines jusqu'au 28 janvier 2026. La demande de reprise de la procédure a été présentée par le créancier poursuivant avant cette date.
La procédure de saisie immobilière se poursuivra donc au stade où elle a été suspendue, les actes antérieurs demeurant valables.
Il convient, en conséquence, statuant à nouveau, de juger que la caisse de Crédit Mutuel dispose du droit de poursuivre la saisie et de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] aux fins qu'il fixe la date de la vente forcée et les modalités de la vente conformément notamment à l'article R.322-26 du Code des Procédures Civiles d'Exécution.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'intégralité des chefs du jugement ayant été mis à néant par l'annulation de cette décision, il convient de juger qu'il n'y a pas lieu d'accorder à l'une ou l'autre des parties une somme au titre des frais irrépétibles de procédure et que les dépens de première instance feront partie des frais privilégiés de poursuite.
Les dépens d'appel seront aussi compris dans les frais de la saisie et il convient de condamner Monsieur [L] qui a invoqué l'insaisissabilité de l'immeuble acquis grâce au prêt seulement à la fin de la procédure pour échapper à la poursuite de la saisie et a fait plaider ensuite que le créancier hors procédure collective ne disposerait pas du droit de reprendre la procédure de saisie, à verser à l'appelante la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge au titre de l'instance d'appel.
La demande au titre des frais irrépétibles de procédure de Monsieur [L] sera rejetée car il n'est pas inéquitable de les laisser à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Annule le jugement du juge de l'exécution de [Localité 9] du 27 février 2025 ;
Statuant à nouveau,
Juge que les effets du commandement du 19 avril 2016 prorogé le 12 avril 2018 et publiée le 3 mai 2018 sont valables jusqu'au 28 janvier 2026 ;
Juge que la Caisse de Crédit Mutuel des Professions juridiques de gestion et de conseil dispose du droit de reprendre la procédure de saisie immobilière ;
Renvoie la cause et les parties devant le juge de l'exécution immobilier de [Localité 9] afin qu'il fixe une date de vente forcée et les modalités de la vente et accomplisse tous actes de la procédure nécessaires;
Dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles relatifs à la procédure de première instance ;
Juge que les dépens de la procédure de première instance feront partie des frais privilégiés de vente ;
Y ajoutant,
Juge que les dépens d'appel seront inclus aux frais de la saisie immobilière ;
Condamne Monsieur [K] [L] à verser à la Caisse de Crédit Mutuel des professions juridiques de gestion et de conseil la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure d'appel ;
Rejette la demande de Monsieur [L] au titre de ces frais.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE