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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 30 octobre 2025, n° 22/02782

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Wolfcraft (SARL)

Défendeur :

Kenda Deutschland GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boudy

Conseillers :

M. Figerou, Mme Jarnevic

Avocats :

Me Fonrouge, Me Endrös, Me Janoueix, Me Braun, Me Giard, Me Leroy, Me Cadain, Me Sparano

TJ Localité 5, 6e ch., du 11 mai 2022, n…

11 mai 2022

EXPOSE DU LITIGE

1 - Le 16 décembre 2009, Monsieur [B] [L] a fait l'acquisition, auprès du magasin Leroy Merlin de [Localité 7] d'un diable de marque Wolfcraft, dont les deux roues ont été fabriquées par la société Starco, devenue la société Kenda Deutschland GmbH.

Schéma issu des conclusions de M. [L]

2 - Le 09 mai 2015, alors qu'il procédait au gonflage du pneu de la roue gauche, préalablement démontée, de ce diable à la station Feu [Localité 10] de [Localité 8], la jante a explosé en trois morceaux, blessant M. [L] à la main gauche.

Après sa prise en charge par les pompiers jusqu'au CHU de [Localité 5], il été orienté vers le service de chirurgie de la main du centre [Localité 6]-Xavier Michelet. Il s'en est suivi plusieurs interventions chirurgicales et de nombreuses séances de rééducation.

3 - Le 18 juin 2015, Monsieur [L] a procédé à une déclaration d'accident corporel auprès de son assureur, la Matmut, afin de faire intervenir sa protection juridique.

4 - A la demande du magasin Leroy Merlin, une réunion d'expertise amiable contradictoire a été organisée le 27 juillet 2015 afin d'examiner les morceaux de jante présentés par Monsieur [L].

5 - Par acte du 7 novembre 2017, Monsieur [L] a fait assigner les sociétés Leroy Merlin, Wolfcraft et Starco en référé afin de voir désigner un expert judiciaire ayant notamment pour mission de se prononcer sur l'origine de son dommage.

6 - Par ordonnance en date du 23 avril 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a ordonné une expertise judiciaire.

7 - Le 10 septembre 2019, l'expert judiciaire a déposé son rapport définitif.

8 - Par actes délivrés les 3, 5 et 16 juin 2020, Monsieur [L] a assigné la Sarl Wolfcraft, la Sas Starco, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et la mutuelle UNEO devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir juger au fond son droit à indemnisation.

9 - Par jugement du 11 mai 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- mis hors de cause la Sas Starco France ;

- donné acte à la Starco GbmH de son intervention volontaire ;

- déclaré Starco GbmH et la Sarl Wolfcraft solidairement responsables du préjudice de Monsieur [B] [L] suite à l'explosion de la jante en date du 9 mai 2015 ;

- débouté la Sarl Wolfcraft de son appel en garantie contre Starco GbmH ;

- ordonné une mesure d'expertise et commis pour y procéder le docteur [D] avec comme mission :

- le cas échéant, se faire communiquer le dossier médical complet du blessé avec l'accord de celui-ci ou de ses ayants-droit ;

- en tant que besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise avec l'accord susvisé ;

- déterminer l'état du blessé avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs) ;

- relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation ;

- noter les doléances du blessé ;

- examiner le blessé et décrire les constatations faites (y compris taille et poids) ;

- déterminer, compte tenu de l'état du blessé ainsi que des lésions initiales et de leur évolution, la ou les période pendant laquelle celui-ci a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'une part d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

- proposer la date de consolidation des lésions ; si la consolidation n'est pas acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seule préjudices qui peuvent l'être en l'état ;

- dire si chacune des anomalies constatées est la conséquence de l'accident ou d'un état ou d'un accident antérieur ou postérieur ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser si cet état :

- état révélé avant l'accident ;

- a été aggravé ou a été révélé par lui ;

- s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident, dans l'affirmative, estimer le taux d'incapacité alors existant ;

- si en l'absence de l'accident, il aurait entraîné un déficit fonctionnel, dans l'affirmative, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux ;

- décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel global actuel du blessé, tous éléments confondus, état antérieur inclus ;

- se prononcer sur la nécessité pour la victime d'être assisté par une tierce personne avant et après la consolidation ; dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne a dû et doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles ;

- donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité, temporaire ou définitive, pour le blessé de :

- poursuivre l'exercice de sa scolarité ou de sa profession ;

- opérer une reconversion ;

- continuer à s'adonner aux sports et activités de loisir qu'il déclare avoir pratiqués ;

- donner un avis sur l'importance des souffrances ;

- donner un avis sur les atteintes esthétiques avant et après la consolidation en les distinguant ;

- dire s'il existe un préjudice sexuel ; dans l'affirmative préciser s'il s'agit de difficultés aux relations sexuelles ou d'une impossibilité de telles relations ;

- préciser la nécessité de l'intervention d'un personnel spécialité, la nature et le coût des soins susceptibles de rester à la charge de la victime en moyenne annuelle, les adaptations des lieux de vie de la victime à son nouvel état et le matériel susceptible de lui permettre de s'adapter à son nouveau mode de vie ou de l'améliorer ainsi, s'il y a lieu, que la fréquence de son renouvellement ;

- dire si le blessé est en mesure de conduire et dans cette hypothèse si son véhicule doit comporter des aménagements ; les décrire ;

- dire s'il y a lieu de placer le blessé en milieu spécialisé et dans quelles conditions ;

- dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 248-1 du code de procédure civile ;

- enjoint aux parties de remettre plusieurs pièces à l'expert et dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état ; que toutefois, il pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayants-droit, par tous tiers toutes les pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire ;

- dit que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunion d'expertise ; que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau récapitulatif ;

- dit que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix ;

- dit que l'expert procédera à l'examen clinique en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise ; qu'à l'issue de l'examen, en application du principe du contradictoire, il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;

- dit que l'expert pourra recueillir des informations orales ou écrites de toute personne susceptible de l'éclairer ;

- dit que l'expert devra ;

- en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise et l'actualiser ensuite dans le meilleur délai selon plusieurs modalités ;

- adresser dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération qu'il actualisera s'il y a lieu, procédant parallèlement aux demandes de provisions complémentaires ;

- adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations ;

- dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement plusieurs éléments ;

- dit que l'original du rapport définitif (2 exemplaires) sera déposé au greffe de la 6ème chambre civile tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil dans un délai de 5 mois à compter de sa saisine, sauf prorogation expresse ;

- fixé à la somme de 1 200 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par demandeur à la régie d'avances et de recettes dans un délai de 2 mois à compter de la date du jugement ;

- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise ;

- condamné solidairement Starco GmbH et la Sarl Wolfcraft à payer à Monsieur [B] [L] une provision de 8 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ;

- sursoit à statuer sur les autres demandes des parties ainsi que sur les dépens ;

- renvoie l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 13 décembre 2022 ;

- condamné Starco GmbH et la Sarl wolfcraft solidairement à payer à Monsieur [B] [L] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

10 - Par déclaration au greffe du 09 juin 2022, la Sarl Wolfcraft a interjeté appel de cette décision.

11 - Dans ses dernières conclusions du 03 mars 2023, la Sarl Wolfcraft demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

À titre principal,

- constater que la preuve certaine du défaut de la jante n'est pas établie ;

- par conséquent, rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [L].

À titre subsidiaire,

- constater que la preuve par présomption du défaut de la jante n'est pas établie ;

- constater qu'en l'état des investigations, la jante litigieuse offre à l'utilisateur la sécurité à laquelle il peut légitimement s'attendre ;

- par conséquent, rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [L].

À titre très subsidiaire,

- constater que le diable n'est pas affecté d'un défaut extrinsèque ;

- constater qu'elle a satisfait à son obligation de conseil et d'information ;

- par conséquent, rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [L].

À titre très très subsidiaire,

- constater que la société Starco CmbH est seule fabricante de la roue litigieuse ;

- par conséquent, condamner la société Starco GmbH à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.

À titre infiniment subsidiaire,

- constater que Monsieur [L] a contribué à la survenance de son propre dommage ;

- constater que seule la perte de chance d'éviter le dommage ne saurait être indemnisée ;

- par conséquent, condamner Monsieur [L] à supporter une part significative de son propre dommage et la condamner solidairement avec la société Starco à réparer la part résiduelle du préjudice de perte de chance de Monsieur [L].

En tout état de cause,

- infirmer sa condamnation au paiement d'une provision à Monsieur [L] ;

- dire qu'en l'absence de responsabilité, il n'y a pas lieu à expertise médicale contradictoire à son égard ;

- rejeter la demande d'appel en garantie formulée par Starco ;

- condamner Monsieur [L] à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [L] à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

12 - Dans ses dernières conclusions du 08 décembre 2022, M. [L] demande à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- condamner conjointement et solidairement Wolfcraft et Starco CmbH à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner conjointement et solidairement ces sociétés aux entiers dépens ;

- débouter les mêmes de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

13 - Dans ses dernières conclusions du 23 juillet 2025, la société Kenda Deutschland GmbH (anciennement Starco GmbH) demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien fondé ;

- infirmer, sauf en ce qu'il l'a mise hors de cause, a jugé recevable son intervention volontaire et débouté la Sarl Wolfcraft de son appel en garantie contre elle, le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- juger que la preuve d'un défaut intrinsèque affectant la jante qu'elle a produite n'est pas rapportée ;

- juger en conséquence que la jante offrait la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre et n'était affectée d'aucun défaut intrinsèque ou extinsèque ;

- juger que seule la Sarl Wolfcraft pourrait être responsable d'un défaut extrinsèque ;

- débouter en conséquence Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son égard.

À titre subsidiaire,

- juger que Monsieur [L] a commis des fautes de nature à exclure, ou à tout le moins réduire, son droit à indemnisation ;

- débouter en conséquence M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son égard ou à tout le moins à hauteur de 50% ou tout autre pourcentage qu'il plaira à la cour ;

- juger que seule la perte de chance d'éviter le dommage peut être indemnisée en cas de défaut extrinsèque ;

- débouter en conséquence M. [L] de sa demande d'indemnisation de l'entier préjudice en cas de défaut extrinsèque ;

- juger l'appel en garantie de la Sarl Wolfcraft infondé ;

- débouter en conséquence la Sarl Wolfcraft de son appel en garantie.

En tout état de cause,

- juger qu'en l'absence de toute responsabilité lui incombant, il n'y a lieu ni à expertise ni à provision à son égard ;

- condamner M. [L] à lui rembourser sa part versée au titre des frais irrépétibles alloués par le tribunal judiciaire ;

- débouter M. [L] de sa demande au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [L] aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire.

14 - L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 septembre 2025.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la société Wolfcraft et de la société Kenda Deutschland GmbH

15 - Aux termes de l'article 1245 du code civil :

'Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.'

16 - Aux termes de l'article 1245-3 du code civil : 'Un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.'

La défectuosité d'un produit s'apprécie in abstracto.

17 - Aux termes de l'article 1245-5 du code civil :

'Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.

Est assimilée à un producteur pour l'application du présent chapitre toute personne agissant à titre professionnel :

1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;

2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.'

Les sociétés Wolfcraft et Kenda Deutschland GmbH ont la qualité de producteurs au sens de l'article 1245-5 du code civil.

18 - Aux termes de l'article 1245-8 du code civil :

'Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.'

19 - La seule imputabilité du dommage au produit défectueux ne suffit pas à établir son défaut, ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. De même, un lien causal ne peut être déduit de la seule implication du produit dans la réalisation du dommage.

20 - Il est constant en droit qu'un produit défectueux n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Il peut avoir pour objet un défaut interne, de fabrication, de conception ou encore d'information.

L'absence de sécurité peut résulter d'une information insuffisante sur les dangers potentiels du produit, sans qu'il soit nécessairement affecté d'un défaut intrinsèque.

- Sur le défaut intrinsèque du produit

Moyens des parties

21 - La société Wolfcraft et la société Kenda Deutschland GmbH font valoir que M. [L] ne rapporte pas la preuve certaine du défaut de la roue Starco. Elles allèguent par ailleurs un défaut d'utilisation de la part de M. [L].

22 - M. [L] réplique que la preuve de la défectuosité d'un produit peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Il soutient que l'éclatement de la jante au moment du gonflage démontre que cette dernière était affectée d'un défaut de sécurité et qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise que le sinistre a pour origine un défaut de fabrication de la jante.

Réponse de la cour

23 - En l'espèce, le tribunal judiciaire a considéré qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise que l'origine du sinistre réside dans la jante et que M. [L] rapporte la preuve du défaut de celle-ci. Il a relevé que rien ne permet d'imputer au comportement de M. [L] l'explosion de la jante et a ainsi écarté une faute exonératoire de la victime.

24 - Le rapport d'expertise amiable n'a pas été communiqué par les parties. Seul un rapport interne à la société Starco a été versé aux débats. Il conclut à l'absence de preuve visuelle d'un défaut de fabrication de la roue.

25 - L'expert judiciaire relève en page 20 de son rapport daté du 10 septembre 2019 les éléments suivants :

- 'l'incident, tel que décrit, est la conséquence d'une lésion de la jante dont nous ne pouvons déterminer l'origine exacte (défaut de fabrication ou lésion suite à choc ou utilisation) ;

- ce défaut peut avoir plusieurs origines.

1°) défaut de fabrication

2°) défaut d'utilisation (surcharge, utilisation inadaptée ou choc)

L'éloignement entre la date d'achat (décembre 2009), la date du sinistre (mai 2015) et la date d'expertise (septembre 2018) sont autant d'éléments qui ne nous permettent pas d'être affirmatif sur l'origine exacte de la lésion.

Nous retiendrons que M. [L] a souligné que, depuis l'achat du diable, il était contraint de gonfler cette roue à chaque utilisation.

Cette annotation invite à la réflexion et sous-entend qu'il y avait un défaut d'étanchéité depuis l'achat du diable.'

26 - En premier lieu, il convient de relever que l'examen microscopique n'a pu être réalisé en raison du mauvais état du faciès des profils des ruptures en raison des conditions de stockage des éléments. L'accident est survenu cinq ans et demi après l'achat du diable et les conditions de conservations n'ont pas permis d'examen approfondi.

27 - En second lieu, les tests pratiqués sur une roue similaire à la jante litigieuse n'ont provoqué aucune détérioration de celle-ci.

28 - Enfin, l'expert n'établit pas avec certitude la défectuosité du produit. En page 13 de son rapport, il relève : 'Tous ces éléments associés ne nous permettent pas d'avoir la pertinence requise pour déterminer avec certitude l'origine du désordre.'

29 - Dès lors, il n'existe pas de preuve certaine du défaut d'étanchéité de la jante, indépendamment de l'existence ou non d'une mauvaise utilisation de la part de M. [L].

30 - A supposer par ailleurs que la jurisprudence sur les produits de santé soit applicable au cas d'espèce, celle-ci suppose des présomptions graves, précises et concordantes.

L'explosion de la jante Staco est manifestement un cas isolé et aucun élément, autre que les dires de M. [L] relatifs à la nécessité de gonfler la roue à chaque utilisation, ne vient corroborer l'existence d'une défectuosité de la jante.

31 - Par conséquent, sans avoir à examiner plus avant les arguments des parties, faute d'éléments suffisants de nature à établir un défaut intrinsèque du produit, il convient d'infirmer la décision du tribunal judiciaire.

- Sur le défaut extrinsèque du produit

Moyens des parties

32 - M. [L] soutient que la notice d'utilisation du diable est incomplète car n'y figurent pas les risques d'éclatement de la jante. Ce défaut d'information constitue selon lui un défaut extrinsèque.

33 - La société Wolfcraft et la société Kenda Deutschland GmbH font valoir que toutes les instructions nécessaires à une bonne utilisation du produit ont été données par le fabricant.

Réponse de la cour

34 - Les instructions générales de sécurité mentionnées dans la notice d'utilisation font notamment référence à la pression des pneus, à la charge admissible et aux modalités de transport. Elles apparaissent claires et complètes et il ne saurait être fait reproche au fabricant de ne pas avoir fait mention d'une mise en garde face à un risque anormal.

35 - Les tests réalisés par le laboratoire LNE dans le cadre de l'expertise judiciaire ont démontré qu'une roue jumelle, soumise à une pression de gonflage supérieure à celle préconisée, n'avait pas éclaté.

Dès lors que le risque d'éclatement n'était pas avéré, il n'avait pas à figurer dans les préconisations d'utilisation du diable.

L'expert a par ailleurs relevé des traces blanchâtres dans le fond de la gorge de la jante, qui témoignent du fait que les propriétés de déformation du polypropylène ont été dépassées. Selon lui, ces marques ne sont pas d'origine et ne peuvent qu'être postérieures à la fabrication.

36 - Enfin, les jurisprudences citées par M. [L] dans ses écritures ne se rapportent pas au cas d'espèce car elles ont trait à la fabrication du béton et à un produit phytosanitaire.

37 - Par conséquent, la preuve d'un défaut intrinsèque ou extrinsèque de la jante n'étant pas rapportée, la responsabilité des sociétés Wolfcraft et Kenda Deutschland GmbH ne saurait être retenue.

Sur les demandes accessoires

38 - Partie succombante, M. [L] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Il sera également condamné à payer à la société Wolfcraft et à la société Kenda Deutschland GmbH la somme de 3 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 11 mai 2022,

Statuant à nouveau,

Rejette l'ensemble des demandes de M. [L],

Condamne M. [L] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

Condamne M. [L] à payer à la société Wolfcraft et à la société Kenda Deutschland GmbH la somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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