CA Montpellier, 2e ch. soc., 30 octobre 2025, n° 22/06040
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 30 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/06040 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUC7
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 NOVEMBRE 2022
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE
N° RG F 21/00058
APPELANTE :
Madame [G] [W]
née le 20 Mars 1972 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Sacha CLARY, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
S.A.R.L. DLP
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie MOIROUD de la SELARL CAT'AVOC, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 26 Mai 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey NICLOUX
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Audrey NICLOUX, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [G] [W] a été engagée en qualité de coiffeuse, suivant contrat à durée déterminée du 14 février 2003, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2003, par M. [B], qui exploitait un salon de coiffure sur la commune de [Localité 6].
A compter du 1er novembre 2009, son contrat de travail a été transféré au profit de la société DLP, suite à l'acquisition par cette dernière du fonds de commerce.
Placée continûment en arrêt de travail à compter du 31 décembre 2019, la salariée a été déclarée le 12 octobre 2020, à l'issue d'une visite de reprise, inapte à son poste par le médecin du travail.
Le 3 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Le 15 avril 2021, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes, notamment aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de son inaptitude.
Par jugement du 21 novembre 2022, le conseil l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à verser à la Société DLP la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Le 30 novembre 2022, Mme [W] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 26 mai 2025, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 juin 2025.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 12 juillet 2023, Mme [W] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau:
A titre principal :
Juger que son inaptitude est au moins partiellement d'origine professionnelle et que les règles protectrices relatives aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle devaient s'appliquer au licenciement,
Condamner la Société DLP à lui verser les sommes suivantes :
175,95 euros à titre de rappel de salaire,
906 euros au titre de la prime d'ancienneté,
9 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de non-concurrence,
10471 euros d'indemnité spéciale de licenciement,
3731,42 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 373,14 euros de congés payés afférents,
A titre subsidiaire,
Condamner la société à lui verser la somme de 9 000 euros de dommages et intérêts au titre l'illicéité de la clause de non-concurrence,
A titre infiniment subsidiaire :
Condamner la société à lui verser la somme de 1142,51 euros de complément au titre de l'indemnité légale de licenciement,
En toute hypothèse :
Débouter la société de l'ensemble de ses demandes, la condamner à lui remettre sous astreinte de 30 euros par jour de retard les bulletins de salaire et l'attestation Pôle emploi rectifiés,
Condamner la société à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 20 avril 2023, la Société DLP demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes et la condamner reconventionnellement à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIVATION :
Sur la demande de rappel de salaire au titre des journées des 23 et 30 décembre 2019 :
Mme [W] conclut à la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de deux lundis travaillés, dont elle sollicite le paiement pour un montant de 175,95 euros.
Elle expose avoir exceptionnellement travaillé deux lundis, les 23 et 30 décembre 2019, compte tenu des fêtes de noël, alors qu'il s'agit de jours habituellement chômés. Elle indique que son employeur lui avait indiqué de prendre deux jours de repos compensatoires les jeudi 2 et 3 janvier, qu'elle n'a pas pris compte tenu de son arrêt de travail à compter du 31 décembre.
Elle produit :
Son contrat de travail du 15 mars 2003 qui prévoit une durée de travail de 169H mensuelle, soit 39 heures hebdomadaire,
Un relevé de ses horaires sur deux semaines :
Du lundi 23 au 29 décembre : elle a travaillé 5 jours (à raison de 39H), incluant le lundi 23 décembre (jour habituellement chômé), et excluant le mercredi 25 décembre (jour férié chômé),
Du lundi 30 décembre au dimanche 5 janvier : elle a travaillé 2 jours, les lundis 30 et mardi 31 décembre, puis a été placée en arrêt de travail à compter du mercredi 1er janvier 2020.
Une attestation de Mme [Y], coiffeuse, qui déclare que le salon ouvrait exceptionnellement deux lundis, lors des fêtes de noël, de 8h30 à 19h00.
L'employeur, qui s'oppose à cette demande, objecte que la salariée ne produit aucun élément précis au soutien de sa demande d'heures supplémentaires et a été rempli de ses droits, en étant rémunérée pour un mois complet au titre du mois de décembre 2019.
L'article 10 de la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006, étendue par arrêté du 3 avril 2007 prévoit que :
« Les salariés bénéficieront d'un repos de 24 heures consécutives fixé au dimanche par application de l'article L. 221-5 du code du travail et de 1 journée supplémentaire, attribuée par roulement en accord avec l'employeur et en fonction des nécessités de service.
Néanmoins, tout salarié peut bénéficier à sa demande de 2 jours de repos consécutifs une fois par mois. Les entreprises ou établissements de coiffure peuvent suspendre et différer le 2e jour de repos hebdomadaire, notamment (') en cas de manifestations commerciales locales, opérations exceptionnelles liées à la promotion de l'entreprise ou établissement ».
En application de ce texte, lorsque le 2ème jour de repos hebdomadaire est exceptionnellement travaillé, il est suspendu et différé.
L'article 14 relatif aux jours fériés précise que :
« Tous les salariés bénéficieront de jours fériés chômés sans réduction de leur rémunération mensuelle le 1er mai, le 25 décembre et le 1er janvier.
(')
Les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne peuvent pas donner lieu à récupération, ni entraîner une réduction de la rémunération habituellement versée.
Les jours fériés chômés ne pourront s'imputer sur les jours de repos hebdomadaire du salarié, sauf si le jour férié coïncide avec le jour de repos habituel du salarié ».
En l'espèce, Mme [W] démontre avoir exceptionnellement travaillé deux lundis habituellement chômés, les 23 et 30 décembre, lesquels n'ont pas été récupérés. Les 25 décembre et 1er janvier, jours fériés chômés, ne peuvent pas être assimilés à des jours de repos compensateurs des lundis travaillés.
En l'absence de récupération, l'employeur aurait dû rémunérer ces deux jours travaillés. Il y a lieu de le condamner à verser à Mme [W] la somme de 175,95 euros à titre de rappel de salaire, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la demande rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté :
Mme [W] conclut à la réformation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté. Elle sollicite la somme de 906 euros à ce titre, soit :
- 16 euros restants dus pour la période de janvier à avril 2019 (elle indique avoir perçu 85 euros par mois au lieu de 89 euros),
- 890 euros pour la période du 1er janvier au 3 novembre 2020, correspondant à sa période d'arrêt de travail, au cours de laquelle le paiement de la prime a été suspendu.
L'employeur objecte qu'en l'absence de maintien de salaire au cours de l'arrêt de travail, la prime d'ancienneté n'était pas due.
La prime d'ancienneté, qui récompense la fidélité du salarié à l'entreprise et non sa présence régulière, est due sans qu'il puisse être tenu compte des absences pour maladie, sauf hypothèse dans laquelle il est conventionnellement prévu que la prime d'ancienneté s'ajoute au salaire réel du travailleur.
Il y a donc lieu de se référer aux dispositions conventionnelles applicables.
L'article 3 de l'avenant n° 42 du 31 mai 2018, à la convention collective nationale de la coiffure en vigueur au 1er janvier 2019, prévoit une prime d'ancienneté, dont le montant est fixé selon le nombre d'année d'ancienneté, (sans autre précision), comme suit :
- A partir de 5 ans : 32 euros,
- A partir de 7 ans : 44 euros,
- A partir de 9 ans : 57 euros,
- A partir de 12 ans : 73 euros,
- A partir de 15 ans, 89 euros.
En application de ce texte, la salariée qui justifiait de 15 années d'ancienneté au 1er janvier 2019 aurait dû bénéficier d'une prime mensuelle de 89 euros, et non de 85 euros. Sa demande de reliquat, non contestée, sera accueillie.
Par ailleurs, il y a lieu de constater que la convention collective ne subordonne pas le versement de la prime d'ancienneté à une condition de présence effective ni à la perception d'un salaire réel. Mme [W] aurait donc dû continuer à percevoir une prime d'ancienneté, en ce compris la période de suspension du contrat de travail pour maladie.
Le montant réclamé par la salariée n'étant pas querellé par l'employeur, il sera fait droit intégralement à sa demande et la Société DLP sera condamnée à lui payer la somme de 906 euros de rappel de salaire sur prime d'ancienneté, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l'indemnité compensatrice de non-concurrence :
Mme [W] critique le jugement qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de non concurrence. Elle expose avoir perçu une prime de non concurrence, d'un montant de 64,20 euros, à deux reprises en novembre et décembre 2009, postérieurement au transfert de son contrat de travail, mais aucune contrepartie à l'issue de son contrat. Elle sollicite la somme de 9 000 euros à ce titre.
La société conteste être redevable d'une indemnité de non concurrence. Elle fait valoir que la clause de non concurrence figurant au contrat du 15 mars 2003, lui est inopposable car d'une part, le contrat ne lui a pas été communiqué et, d'autre part, la clause n'est pas conforme aux dispositions de l'avenant n°39 du 15 juin 2016. Elle ajoute que la salariée ne justifie pas de son préjudice et présente un calcul erroné.
Distincte de l'obligation de loyauté, à laquelle le salarié se trouve soumis pendant la durée d'exécution du contrat de travail, la clause de non-concurrence n'a vocation à s'appliquer qu'après la rupture du contrat. Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
L'avenant n°39 du 15 juin 2016 à la convention collective de la coiffure du 10 juillet 2006 prévoit en son article 2.4 alinéa 2 :
« La clause doit obligatoirement comporter une contrepartie financière de nature salariale, versée mensuellement à compter de la cessation effective des relations de travail. Son montant ne doit pas être dérisoire par rapport à l'engagement de non-concurrence qu'elle rémunère ».
L'article 5 de cet avenant prévoit que « les clauses de non-concurrence, conclues antérieurement, sur la base des anciennes dispositions de l'article 7.2.4 et qui ne respecteraient pas les conditions impératives du présent avenant n°39 sont inopposables au salarié. Afin de disposer d'une clause de non concurrence valable, l'employeur devra rédiger un avenant au contrat de travail de son salarié ».
En l'espèce, aux termes du contrat de travail à durée indéterminée du 15 mars 2003, les parties ont convenu une clause de non-concurrence rédigée comme suit :
« Mme [W] s'interdit en cas de cessation du présent contrat qu'elle qu'en soit la cause d'entrer au service d'une entreprise de coiffure pouvant concurrencer celle-ci et de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que soit à une entreprise exerçant une activité de même nature.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 364 jours commençant le jour de la cessation effective du contrat et couvre le territoire de [Localité 6] et sur un rayon de 10 kilomètres.
En contrepartie, l'employeur versera une indemnité mensuelle de 4% du salaire minimum conventionnel, cette clause du contrat demeure facultative à tout moment elle peut s'annuler ».
Le contrat fixe le montant de la prime de non-concurrence à 50,33 euros par mois.
Sur le moyen tiré de l'inopposabilité de la clause :
En l'espèce, la cour rappelle que le contrat de travail a été transféré à la société DLP à compter du 1er novembre 2009, à l'occasion de l'acquisition par cette dernière du fonds de commerce.
La salariée produit le contrat de travail signé par son ancien employeur, contenant une clause de non-concurrence. Observation faite que suite à la reprise du contrat, la Société DLP a appliqué cette clause en versant la prime de non concurrence convenue en novembre et décembre 2009, la société ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance d'une clause qu'elle a commencé à appliquer. S'agissant d'un transfert légal, elle est tenue par ces stipulations contractuelles. Par ailleurs, conformément à l'avenant conventionnel, l'employeur ne peut se prévaloir de l'inopposabilité d'une clause irrégulière. Le moyen tiré de l'inopposabilité de la clause sera écarté.
En outre, l'employeur, ne justifie pas avoir renoncé à appliquer cette clause de non concurrence, étant observé que la lettre de notification du licenciement n'y fait aucune référence. C'est donc à juste titre que la salariée sollicite le paiement de la contrepartie financière qui y était attachée, lequel n'est pas conditionné à la démonstration d'un préjudice.
Sur le montant de l'indemnité :
La salariée sollicite la somme de 9 000 euros correspondant à 4% de son salaire minimum sur la période de 2010 à novembre 2020.
L'employeur conteste le calcul présenté par la salariée en ce qu'il est fondé sur une période couvrant l'ensemble de la relation de travail. Il présente son propre calcul fondé sur une période de douze mois soit = 1 551 euros (montant du salaire minimum) x 4% X 12 = 744 euros.
En l'espèce, le contrat prévoit une indemnité mensuelle de 4% du salaire minimum conventionnel, dont le montant, non contesté, est de 1 551 euros. La contrepartie aurait dû être versée pendant la durée d'interdiction de non concurrence prévue au contrat, soit pendant 12 mois, à compter de la cessation effective du contrat. L'employeur qui ne justifie pas s'être acquitté de la clause de non concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail sera condamnée à payer à la salariée la somme de 744,48 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur l'origine de l'inaptitude :
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
L'application de ces règles n'est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la caisse primaire d'assurance maladie ou, si cette reconnaissance est intervenue, à la décision de son inopposabilité à l'employeur, que ce soit pour un motif de fond ou de forme.
Il est de droit que l'avis du médecin du travail sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude ne lie pas le juge prud'homal, à qui il appartient de rechercher au vu des éléments de l'espèce, s'il existe un lien, au moins partiel, entre la maladie professionnelle dont le salarié a été victime et l'inaptitude et que l'employeur avait connaissance de ce lien au jour du licenciement.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que :
- Mme [W] a été placée continûment en arrêt de travail à compter du 31 décembre 2019 à la suite d'un accident de trajet, lequel pour bénéficier d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie , ne constitue pas pour autant un accident du travail au regard du droit du travail,
- le 29 janvier 2020, son médecin traitant a déclaré deux maladies professionnelles, à savoir canal carpien droite et gauche,
- A compter du 2 mars 2020, un nouvel arrêt de travail a été délivré au titre de la maladie professionnelle, l'arrêt visant « canal carpien bilatéral, opéré le 2 mars 2020 à droite ». Cet arrêt a été continûment prolongé jusqu'à son licenciement pour inaptitude
- par décisions du 4 juin 2020, la CPAM a reconnu l'origine professionnelle des maladies « syndrome du canal carpien », droite et gauche, inscrite au tableau n°57,
- Le 12 octobre 2020, à l'issue d'une visite de reprise, la salariée a été déclarée inapte à reprendre son poste, par le Dr [P] [F], médecin du travail, en ces termes : « Inapte ' l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
- en date des 23 et 29 octobre 2020, le médecin conseil de la CPAM a respectivement attribué à la salariée/assurée au titre de ces deux maladies professionnelles canal carpien droite et gauche, un taux d'IPP de 10 et 14% ,
- Le 3 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Certes, par courriel du 10 mai 2021, le Dr [F], médecin du travail, interrogé sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude par l'employeur, a répondu le 11 mai, « Je n'ai pas délivré d'ITI, je n'ai donc pas considéré que l'inaptitude était en lien avec une maladie professionnelle déclarée et reconnue comme telle par la CPAM ».
Toutefois, la salariée communique une expertise amiable effectuée par le docteur [R], du Centre hospitalier de [Localité 7] - service santé au travail, qui considère que l'inaptitude médicale du 12 octobre 2020 de Mme [W] est liée au canal carpien maladie professionnelle reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie et que l'intéressée ne pourra plus exercer son métier de coiffeuse à cause de ces troubles musculo squelettiques ayant entraîné cette maladie professionnelle.
Nonobstant l'avis du médecin du travail, au vu des pièces médicales établissant la continuité des soins et des arrêts de travail prescrits à la salariée à compter du 2 mars 2020 au titre des maladies professionnelles (canal carpien à droite et à gauche) et le licenciement pour inaptitude, la cour considère que l'inaptitude de la salariée a, au moins partiellement, pour origine sa maladie professionnelle.
L'employeur ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance du caractère professionnel de la maladie à la date du licenciement alors que la salariée démontre avoir transmis ses arrêts de travail visant la maladie professionnelle par courriel, et que l'employeur a visé la maladie professionnelle sur les bulletins de salaire de juin à octobre 2020.
Enfin, contrairement à ce qui a été relevé par les premiers juges, l'avis du médecin du travail selon lequel l'inaptitude ne serait pas en lien avec une maladie professionnelle, émis postérieurement au licenciement, ne lie pas le juge, lequel reste souverain pour apprécier l'origine de l'inaptitude au regard des pièces du dossier.
Mme [W] est fondée à percevoir les indemnités prévues par l'article L.1226-14 du code du travail.
La salariée a droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement. La salariée sollicite la somme de 10 471 euros en indiquant qu'elle a perçu la somme de 8 186,03 euros au titre l'indemnité légale alors qu'elle aurait dû percevoir la somme de 9 323,54 euros. Le calcul présenté par la salariée, sur la base d'un salaire de référence de 1 865,71 euros, n'étant pas contesté par l'employeur, il y a lieu de faire droit à sa demande.
S'agissant de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14, qui présente une nature indemnitaire et non salariale, elle sera évaluée à la somme de 3 731,42 euros, sans droit à congés payés afférents.
Il sera enjoint à la société DLP de délivrer les documents de fin de contrat rectifiés sans qu'il soit nécessaire de l'assortir d'une astreinte qui n'est pas nécessaire à en garantir l'exécution.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 21 novembre 2022 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Condamne la Société DLP à verser à Mme [G] [W] les sommes suivantes :
- 175, 95 euros à titre de rappel de salaire au titre des journées des 23 et 30 décembre 2019,
- 906 euros de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,
- 744,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de non-concurrence,
- 10 471 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,
- 3 731,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant équivalent à l'indemnité compensatrice de préavis,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Société DLP à remettre à Mme [W] les bulletins de salaire et l'attestation France Travail rectifiés, sans qu'il n'y ait lieu de prononcé une astreinte,
Condamne la Société DLP à verser à Mme [W] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 30 OCTOBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/06040 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PUC7
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 NOVEMBRE 2022
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE
N° RG F 21/00058
APPELANTE :
Madame [G] [W]
née le 20 Mars 1972 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Sacha CLARY, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEE :
S.A.R.L. DLP
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie MOIROUD de la SELARL CAT'AVOC, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 26 Mai 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey NICLOUX
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Audrey NICLOUX, Greffier.
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FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [G] [W] a été engagée en qualité de coiffeuse, suivant contrat à durée déterminée du 14 février 2003, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2003, par M. [B], qui exploitait un salon de coiffure sur la commune de [Localité 6].
A compter du 1er novembre 2009, son contrat de travail a été transféré au profit de la société DLP, suite à l'acquisition par cette dernière du fonds de commerce.
Placée continûment en arrêt de travail à compter du 31 décembre 2019, la salariée a été déclarée le 12 octobre 2020, à l'issue d'une visite de reprise, inapte à son poste par le médecin du travail.
Le 3 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Le 15 avril 2021, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes, notamment aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel de son inaptitude.
Par jugement du 21 novembre 2022, le conseil l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à verser à la Société DLP la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Le 30 novembre 2022, Mme [W] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 26 mai 2025, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 25 juin 2025.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 12 juillet 2023, Mme [W] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau:
A titre principal :
Juger que son inaptitude est au moins partiellement d'origine professionnelle et que les règles protectrices relatives aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle devaient s'appliquer au licenciement,
Condamner la Société DLP à lui verser les sommes suivantes :
175,95 euros à titre de rappel de salaire,
906 euros au titre de la prime d'ancienneté,
9 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de non-concurrence,
10471 euros d'indemnité spéciale de licenciement,
3731,42 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 373,14 euros de congés payés afférents,
A titre subsidiaire,
Condamner la société à lui verser la somme de 9 000 euros de dommages et intérêts au titre l'illicéité de la clause de non-concurrence,
A titre infiniment subsidiaire :
Condamner la société à lui verser la somme de 1142,51 euros de complément au titre de l'indemnité légale de licenciement,
En toute hypothèse :
Débouter la société de l'ensemble de ses demandes, la condamner à lui remettre sous astreinte de 30 euros par jour de retard les bulletins de salaire et l'attestation Pôle emploi rectifiés,
Condamner la société à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 20 avril 2023, la Société DLP demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes et la condamner reconventionnellement à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIVATION :
Sur la demande de rappel de salaire au titre des journées des 23 et 30 décembre 2019 :
Mme [W] conclut à la réformation du jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de deux lundis travaillés, dont elle sollicite le paiement pour un montant de 175,95 euros.
Elle expose avoir exceptionnellement travaillé deux lundis, les 23 et 30 décembre 2019, compte tenu des fêtes de noël, alors qu'il s'agit de jours habituellement chômés. Elle indique que son employeur lui avait indiqué de prendre deux jours de repos compensatoires les jeudi 2 et 3 janvier, qu'elle n'a pas pris compte tenu de son arrêt de travail à compter du 31 décembre.
Elle produit :
Son contrat de travail du 15 mars 2003 qui prévoit une durée de travail de 169H mensuelle, soit 39 heures hebdomadaire,
Un relevé de ses horaires sur deux semaines :
Du lundi 23 au 29 décembre : elle a travaillé 5 jours (à raison de 39H), incluant le lundi 23 décembre (jour habituellement chômé), et excluant le mercredi 25 décembre (jour férié chômé),
Du lundi 30 décembre au dimanche 5 janvier : elle a travaillé 2 jours, les lundis 30 et mardi 31 décembre, puis a été placée en arrêt de travail à compter du mercredi 1er janvier 2020.
Une attestation de Mme [Y], coiffeuse, qui déclare que le salon ouvrait exceptionnellement deux lundis, lors des fêtes de noël, de 8h30 à 19h00.
L'employeur, qui s'oppose à cette demande, objecte que la salariée ne produit aucun élément précis au soutien de sa demande d'heures supplémentaires et a été rempli de ses droits, en étant rémunérée pour un mois complet au titre du mois de décembre 2019.
L'article 10 de la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006, étendue par arrêté du 3 avril 2007 prévoit que :
« Les salariés bénéficieront d'un repos de 24 heures consécutives fixé au dimanche par application de l'article L. 221-5 du code du travail et de 1 journée supplémentaire, attribuée par roulement en accord avec l'employeur et en fonction des nécessités de service.
Néanmoins, tout salarié peut bénéficier à sa demande de 2 jours de repos consécutifs une fois par mois. Les entreprises ou établissements de coiffure peuvent suspendre et différer le 2e jour de repos hebdomadaire, notamment (') en cas de manifestations commerciales locales, opérations exceptionnelles liées à la promotion de l'entreprise ou établissement ».
En application de ce texte, lorsque le 2ème jour de repos hebdomadaire est exceptionnellement travaillé, il est suspendu et différé.
L'article 14 relatif aux jours fériés précise que :
« Tous les salariés bénéficieront de jours fériés chômés sans réduction de leur rémunération mensuelle le 1er mai, le 25 décembre et le 1er janvier.
(')
Les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne peuvent pas donner lieu à récupération, ni entraîner une réduction de la rémunération habituellement versée.
Les jours fériés chômés ne pourront s'imputer sur les jours de repos hebdomadaire du salarié, sauf si le jour férié coïncide avec le jour de repos habituel du salarié ».
En l'espèce, Mme [W] démontre avoir exceptionnellement travaillé deux lundis habituellement chômés, les 23 et 30 décembre, lesquels n'ont pas été récupérés. Les 25 décembre et 1er janvier, jours fériés chômés, ne peuvent pas être assimilés à des jours de repos compensateurs des lundis travaillés.
En l'absence de récupération, l'employeur aurait dû rémunérer ces deux jours travaillés. Il y a lieu de le condamner à verser à Mme [W] la somme de 175,95 euros à titre de rappel de salaire, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la demande rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté :
Mme [W] conclut à la réformation du jugement qui l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté. Elle sollicite la somme de 906 euros à ce titre, soit :
- 16 euros restants dus pour la période de janvier à avril 2019 (elle indique avoir perçu 85 euros par mois au lieu de 89 euros),
- 890 euros pour la période du 1er janvier au 3 novembre 2020, correspondant à sa période d'arrêt de travail, au cours de laquelle le paiement de la prime a été suspendu.
L'employeur objecte qu'en l'absence de maintien de salaire au cours de l'arrêt de travail, la prime d'ancienneté n'était pas due.
La prime d'ancienneté, qui récompense la fidélité du salarié à l'entreprise et non sa présence régulière, est due sans qu'il puisse être tenu compte des absences pour maladie, sauf hypothèse dans laquelle il est conventionnellement prévu que la prime d'ancienneté s'ajoute au salaire réel du travailleur.
Il y a donc lieu de se référer aux dispositions conventionnelles applicables.
L'article 3 de l'avenant n° 42 du 31 mai 2018, à la convention collective nationale de la coiffure en vigueur au 1er janvier 2019, prévoit une prime d'ancienneté, dont le montant est fixé selon le nombre d'année d'ancienneté, (sans autre précision), comme suit :
- A partir de 5 ans : 32 euros,
- A partir de 7 ans : 44 euros,
- A partir de 9 ans : 57 euros,
- A partir de 12 ans : 73 euros,
- A partir de 15 ans, 89 euros.
En application de ce texte, la salariée qui justifiait de 15 années d'ancienneté au 1er janvier 2019 aurait dû bénéficier d'une prime mensuelle de 89 euros, et non de 85 euros. Sa demande de reliquat, non contestée, sera accueillie.
Par ailleurs, il y a lieu de constater que la convention collective ne subordonne pas le versement de la prime d'ancienneté à une condition de présence effective ni à la perception d'un salaire réel. Mme [W] aurait donc dû continuer à percevoir une prime d'ancienneté, en ce compris la période de suspension du contrat de travail pour maladie.
Le montant réclamé par la salariée n'étant pas querellé par l'employeur, il sera fait droit intégralement à sa demande et la Société DLP sera condamnée à lui payer la somme de 906 euros de rappel de salaire sur prime d'ancienneté, par infirmation du jugement entrepris.
Sur l'indemnité compensatrice de non-concurrence :
Mme [W] critique le jugement qui l'a déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de non concurrence. Elle expose avoir perçu une prime de non concurrence, d'un montant de 64,20 euros, à deux reprises en novembre et décembre 2009, postérieurement au transfert de son contrat de travail, mais aucune contrepartie à l'issue de son contrat. Elle sollicite la somme de 9 000 euros à ce titre.
La société conteste être redevable d'une indemnité de non concurrence. Elle fait valoir que la clause de non concurrence figurant au contrat du 15 mars 2003, lui est inopposable car d'une part, le contrat ne lui a pas été communiqué et, d'autre part, la clause n'est pas conforme aux dispositions de l'avenant n°39 du 15 juin 2016. Elle ajoute que la salariée ne justifie pas de son préjudice et présente un calcul erroné.
Distincte de l'obligation de loyauté, à laquelle le salarié se trouve soumis pendant la durée d'exécution du contrat de travail, la clause de non-concurrence n'a vocation à s'appliquer qu'après la rupture du contrat. Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de lui verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.
L'avenant n°39 du 15 juin 2016 à la convention collective de la coiffure du 10 juillet 2006 prévoit en son article 2.4 alinéa 2 :
« La clause doit obligatoirement comporter une contrepartie financière de nature salariale, versée mensuellement à compter de la cessation effective des relations de travail. Son montant ne doit pas être dérisoire par rapport à l'engagement de non-concurrence qu'elle rémunère ».
L'article 5 de cet avenant prévoit que « les clauses de non-concurrence, conclues antérieurement, sur la base des anciennes dispositions de l'article 7.2.4 et qui ne respecteraient pas les conditions impératives du présent avenant n°39 sont inopposables au salarié. Afin de disposer d'une clause de non concurrence valable, l'employeur devra rédiger un avenant au contrat de travail de son salarié ».
En l'espèce, aux termes du contrat de travail à durée indéterminée du 15 mars 2003, les parties ont convenu une clause de non-concurrence rédigée comme suit :
« Mme [W] s'interdit en cas de cessation du présent contrat qu'elle qu'en soit la cause d'entrer au service d'une entreprise de coiffure pouvant concurrencer celle-ci et de s'intéresser directement ou indirectement et sous quelque forme que soit à une entreprise exerçant une activité de même nature.
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de 364 jours commençant le jour de la cessation effective du contrat et couvre le territoire de [Localité 6] et sur un rayon de 10 kilomètres.
En contrepartie, l'employeur versera une indemnité mensuelle de 4% du salaire minimum conventionnel, cette clause du contrat demeure facultative à tout moment elle peut s'annuler ».
Le contrat fixe le montant de la prime de non-concurrence à 50,33 euros par mois.
Sur le moyen tiré de l'inopposabilité de la clause :
En l'espèce, la cour rappelle que le contrat de travail a été transféré à la société DLP à compter du 1er novembre 2009, à l'occasion de l'acquisition par cette dernière du fonds de commerce.
La salariée produit le contrat de travail signé par son ancien employeur, contenant une clause de non-concurrence. Observation faite que suite à la reprise du contrat, la Société DLP a appliqué cette clause en versant la prime de non concurrence convenue en novembre et décembre 2009, la société ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance d'une clause qu'elle a commencé à appliquer. S'agissant d'un transfert légal, elle est tenue par ces stipulations contractuelles. Par ailleurs, conformément à l'avenant conventionnel, l'employeur ne peut se prévaloir de l'inopposabilité d'une clause irrégulière. Le moyen tiré de l'inopposabilité de la clause sera écarté.
En outre, l'employeur, ne justifie pas avoir renoncé à appliquer cette clause de non concurrence, étant observé que la lettre de notification du licenciement n'y fait aucune référence. C'est donc à juste titre que la salariée sollicite le paiement de la contrepartie financière qui y était attachée, lequel n'est pas conditionné à la démonstration d'un préjudice.
Sur le montant de l'indemnité :
La salariée sollicite la somme de 9 000 euros correspondant à 4% de son salaire minimum sur la période de 2010 à novembre 2020.
L'employeur conteste le calcul présenté par la salariée en ce qu'il est fondé sur une période couvrant l'ensemble de la relation de travail. Il présente son propre calcul fondé sur une période de douze mois soit = 1 551 euros (montant du salaire minimum) x 4% X 12 = 744 euros.
En l'espèce, le contrat prévoit une indemnité mensuelle de 4% du salaire minimum conventionnel, dont le montant, non contesté, est de 1 551 euros. La contrepartie aurait dû être versée pendant la durée d'interdiction de non concurrence prévue au contrat, soit pendant 12 mois, à compter de la cessation effective du contrat. L'employeur qui ne justifie pas s'être acquitté de la clause de non concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail sera condamnée à payer à la salariée la somme de 744,48 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur l'origine de l'inaptitude :
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
L'application de ces règles n'est pas subordonnée à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la caisse primaire d'assurance maladie ou, si cette reconnaissance est intervenue, à la décision de son inopposabilité à l'employeur, que ce soit pour un motif de fond ou de forme.
Il est de droit que l'avis du médecin du travail sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude ne lie pas le juge prud'homal, à qui il appartient de rechercher au vu des éléments de l'espèce, s'il existe un lien, au moins partiel, entre la maladie professionnelle dont le salarié a été victime et l'inaptitude et que l'employeur avait connaissance de ce lien au jour du licenciement.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que :
- Mme [W] a été placée continûment en arrêt de travail à compter du 31 décembre 2019 à la suite d'un accident de trajet, lequel pour bénéficier d'une prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie , ne constitue pas pour autant un accident du travail au regard du droit du travail,
- le 29 janvier 2020, son médecin traitant a déclaré deux maladies professionnelles, à savoir canal carpien droite et gauche,
- A compter du 2 mars 2020, un nouvel arrêt de travail a été délivré au titre de la maladie professionnelle, l'arrêt visant « canal carpien bilatéral, opéré le 2 mars 2020 à droite ». Cet arrêt a été continûment prolongé jusqu'à son licenciement pour inaptitude
- par décisions du 4 juin 2020, la CPAM a reconnu l'origine professionnelle des maladies « syndrome du canal carpien », droite et gauche, inscrite au tableau n°57,
- Le 12 octobre 2020, à l'issue d'une visite de reprise, la salariée a été déclarée inapte à reprendre son poste, par le Dr [P] [F], médecin du travail, en ces termes : « Inapte ' l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
- en date des 23 et 29 octobre 2020, le médecin conseil de la CPAM a respectivement attribué à la salariée/assurée au titre de ces deux maladies professionnelles canal carpien droite et gauche, un taux d'IPP de 10 et 14% ,
- Le 3 novembre 2020, elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.
Certes, par courriel du 10 mai 2021, le Dr [F], médecin du travail, interrogé sur l'origine professionnelle ou non de l'inaptitude par l'employeur, a répondu le 11 mai, « Je n'ai pas délivré d'ITI, je n'ai donc pas considéré que l'inaptitude était en lien avec une maladie professionnelle déclarée et reconnue comme telle par la CPAM ».
Toutefois, la salariée communique une expertise amiable effectuée par le docteur [R], du Centre hospitalier de [Localité 7] - service santé au travail, qui considère que l'inaptitude médicale du 12 octobre 2020 de Mme [W] est liée au canal carpien maladie professionnelle reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie et que l'intéressée ne pourra plus exercer son métier de coiffeuse à cause de ces troubles musculo squelettiques ayant entraîné cette maladie professionnelle.
Nonobstant l'avis du médecin du travail, au vu des pièces médicales établissant la continuité des soins et des arrêts de travail prescrits à la salariée à compter du 2 mars 2020 au titre des maladies professionnelles (canal carpien à droite et à gauche) et le licenciement pour inaptitude, la cour considère que l'inaptitude de la salariée a, au moins partiellement, pour origine sa maladie professionnelle.
L'employeur ne peut valablement soutenir ne pas avoir eu connaissance du caractère professionnel de la maladie à la date du licenciement alors que la salariée démontre avoir transmis ses arrêts de travail visant la maladie professionnelle par courriel, et que l'employeur a visé la maladie professionnelle sur les bulletins de salaire de juin à octobre 2020.
Enfin, contrairement à ce qui a été relevé par les premiers juges, l'avis du médecin du travail selon lequel l'inaptitude ne serait pas en lien avec une maladie professionnelle, émis postérieurement au licenciement, ne lie pas le juge, lequel reste souverain pour apprécier l'origine de l'inaptitude au regard des pièces du dossier.
Mme [W] est fondée à percevoir les indemnités prévues par l'article L.1226-14 du code du travail.
La salariée a droit au doublement de l'indemnité légale de licenciement. La salariée sollicite la somme de 10 471 euros en indiquant qu'elle a perçu la somme de 8 186,03 euros au titre l'indemnité légale alors qu'elle aurait dû percevoir la somme de 9 323,54 euros. Le calcul présenté par la salariée, sur la base d'un salaire de référence de 1 865,71 euros, n'étant pas contesté par l'employeur, il y a lieu de faire droit à sa demande.
S'agissant de l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14, qui présente une nature indemnitaire et non salariale, elle sera évaluée à la somme de 3 731,42 euros, sans droit à congés payés afférents.
Il sera enjoint à la société DLP de délivrer les documents de fin de contrat rectifiés sans qu'il soit nécessaire de l'assortir d'une astreinte qui n'est pas nécessaire à en garantir l'exécution.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 21 novembre 2022 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Condamne la Société DLP à verser à Mme [G] [W] les sommes suivantes :
- 175, 95 euros à titre de rappel de salaire au titre des journées des 23 et 30 décembre 2019,
- 906 euros de rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté,
- 744,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de non-concurrence,
- 10 471 euros au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement,
- 3 731,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice d'un montant équivalent à l'indemnité compensatrice de préavis,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la Société DLP à remettre à Mme [W] les bulletins de salaire et l'attestation France Travail rectifiés, sans qu'il n'y ait lieu de prononcé une astreinte,
Condamne la Société DLP à verser à Mme [W] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT