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CA Caen, 2e ch. civ., 30 octobre 2025, n° 24/02009

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 24/02009

30 octobre 2025

AFFAIRE :N° RG 24/02009

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION en date du 24 Juillet 2024 du Tribunal de Commerce de LISIEUX

RG n°

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2025

APPELANTE :

S.A.R.L. VDH

N° SIRET : 793 021 601

[Adresse 4]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,

Assistée de Me Sylvain NAVIAUX, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [K] [E], prise en la personne de Maître [K] [E], mandataire judiciaire au redressement judiciaire et mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL VDH

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

Non représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme MEURANT, Président de chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

Madame LOUGUET, Conseillère,

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS : A l'audience publique du 04 septembre 2025

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRET prononcé publiquement le 30 octobre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme MEURANT, président, et Mme LE GALL, greffier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL VDH exploite un fonds de commerce sous l'enseigne 'Le restaurant Villa de [Localité 5]' à [Localité 6].

Par acte de commissaire de justice du 29 février 2024, l'URSSAF Normandie, en sa qualité de créancière, a fait assigner ladite société devant le tribunal de commerce de Lisieux en déclaration de redressement judiciaire.

Par jugement du 24 avril 2024, le tribunal a constaté l'état de cessation des paiements, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société VDH, désignant la SELARL [K] [E] en qualité de mandataire judiciaire et ouvert la première période d'observation en précisant que l'affaire serait rappelée à l'audience du 24 juillet 2024 afin de vérifier l'aptitude de la société VDH à financer son activité pendant la période d'observation.

Par jugement du 24 juillet 2024, le tribunal a :

- prononcé la liquidation judiciaire de la société VDH ;

- nommé la SELARL [E] en qualité de mandataire liquidateur ;

- fixé à deux ans le délai au terme duquel la clôture de la procédure devra être examinée en chambre du conseil ;

- ordonné les mesures de publicité légale et l'exécution provisoire du jugement conformément à la loi ;

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le tribunal a constaté que le fonds de commerce exploité par la société VDH était fermé depuis le début de l'année 2023, qu'il n'était justifié d'aucune comptabilité depuis 2021 et qu'aucun élément probant ne permettait d'établir que l'activité pourrait être reprise et financée pour assurer le besoin en fonds de roulement, pour conclure que l'entreprise n'était pas viable et qu'aucune solution de redressement n'était possible.

Par déclaration du 1er août 2024, la société VDH a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par dernières conclusions du 18 septembre 2024, l'appelante demande à la cour de :

- annuler le jugement entrepris,

- dire n'y avoir lieu à statuer sur le fond,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à liquidation judiciaire de la société VDH,

- ouvrir une nouvelle période d'observation pour une durée de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 661-9 du code de commerce,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Lisieux pour poursuite de la procédure de redressement judiciaire,

en toute hypothèse,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La SELARL [K] [E] ès qualités n'a pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant lui aient été signifiées le 27 septembre 2024 à personne morale.

Par avis écrit du 1er octobre 2024, le Ministère public s'en rapporte.

Par ordonnance de référé du 15 octobre 2024, le premier président de la cour d'appel de Caen a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement précité du 24 juillet 2024 à l'égard de la société VDH et dit que les dépens de l'instance de référé seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 juin 2025.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures précitées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'annulation du jugement

La société VDH demande l'annulation du jugement entrepris pour violation des articles L. 631-15, R. 631-24, R 631-3 du code de commerce et du principe du contradictoire prévu à l'article 16 du code de procédure civile, faisant valoir qu'en application de ces textes, lorsqu'il n'est pas saisi par voie de requête, le tribunal qui entend exercer d'office son pouvoir de conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, doit, à moins que les parties intéressées n'aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, faire convoquer le débiteur à comparaître dans le délai qu'il fixe, à la diligence du greffier, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception à laquelle est jointe une note exposant les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de ce pouvoir ; qu'en l'espèce, la liquidation judiciaire n'a été demandée par aucune des parties et que le tribunal de commerce a donc exercé son pouvoir d'office, sans respecter la procédure applicable, les parties n'ayant pas été préalablement invitées à faire valoir leurs observations sur l'éventuelle liquidation envisagée par la juridiction.

Sur ce,

L'article 16 du code de procédure civile dispose que 'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations'.

Par ailleurs, selon l'article L. 631-15 du code de commerce : ' I. - Au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin des capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation.

Le tribunal se prononce au vu d'un rapport, établi par l'administrateur ou, lorsqu'il n'en a pas été désigné, par le débiteur.

II. - A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, et après avoir recueilli l'avis du ministère public.

Lorsque le tribunal prononce la liquidation, il met fin à la période d'observation et, sous réserve des dispositions de l'article L. 641-10, à la mission de l'administrateur '.

L'article R. 631-3 du même code ajoute que : 'En cas de saisine d'office, le président du tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par acte d'huissier de justice, à comparaître dans le délai qu'il fixe.

A la convocation est jointe une note par laquelle le président expose les faits de nature à motiver sa saisine d'office.

Le greffe adresse copie de cette note au ministère public'.

Enfin, concernant la conversion du redressement en liquidation, l'article R. 631-24 alinéa 1er du code précité précise que : 'Aux fins de prononcé de la liquidation judiciaire, le tribunal est saisi par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues aux articles R. 631-3 ou R. 631-4".

En l'espèce, le tribunal après avoir ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société VDH à la demande d'un créancier par jugement du 24 avril 2024, a rappelé l'affaire à l'audience du 24 juillet 2024 et a, par jugement du même jour, converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Cependant, et dans la mesure où il ne ressort ni du jugement ni des éléments de la procédure que le prononcé de la liquidation judiciaire a été demandé par le débiteur, le mandataire ou le ministère public, il s'en suit que le tribunal s'est saisi d'office.

En application des dispositions précitées, il lui appartenait par conséquent de faire convoquer le débiteur à la diligence du greffe, par lettre recommandée avec avis de réception, et de joindre à la convocation une note exposant les faits de nature à motiver l'exercice de ce pouvoir d'office.

Or, il n'est pas justifié que ces modalités ont été observées et le jugement n'en fait nulle mention. Le chef du jugement du 24 avril 2024 prévoyant le rappel de l'affaire à l'audience du 24 juillet 224 et la comparution du débiteur à cette audience ne sont pas susceptibles de suppléer l'absence d'une convocation faite en vue de la conversion d'office du redressement en liquidation dans les formes prévues par l'article R. 631-3 du code de commerce, sans le respect desquelles la saisine du tribunal est irrégulière.

La violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile et des articles L. 631-15 II, R. 631-3 et R. 631-24 du code de commerce justifie l'annulation de la décision déférée.

Il n'y a pas lieu de statuer sur le fond du fait de la saisine irrégulière du tribunal.

Une nouvelle période d'observation sera ouverte pour une durée de trois mois à compter de l'arrêt en application de l'article L. 661-9 du code de commerce et l'affaire sera renvoyée devant le tribunal de commerce de Lisieux pour poursuite de la procédure de redressement judiciaire.

Sur les demandes accessoires

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Annule le jugement rendu le 24 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Lisieux ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société VDH et ayant désigné la SELARL [K] [E] en qualité de mandataire liquidateur ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur le fond ;

Ouvre une nouvelle période d'observation pour une durée de trois mois à compter de l'arrêt ;

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Lisieux pour poursuite de la procédure de redressement judiciaire ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL B. MEURANT

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