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CA Colmar, ch. 1 a, 29 octobre 2025, n° 24/00194

COLMAR

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CA Colmar n° 24/00194

29 octobre 2025

MINUTE N° 434/25

Copie exécutoire à

- Me Julie HOHMATTER

- Me Camille ROUSSEL

- Me Guillaume HARTER

Le 29.10.2025

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 29 Octobre 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 24/00194 - N° Portalis DBVW-V-B7I-IG34

Décision déférée à la Cour : 01 Décembre 2023 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - Chambre commerciale

APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. CED BATI FACADE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Julie HOHMATTER, avocat à la Cour

INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT :

S.A.R.L. LA CASA [V] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

Représentée par Me Guillaume HARTER de la SELARL LX COLMAR, avocat à la Cour

INTIMEES :

S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

Société MMA ASSURANCES MUTUELLES prise en la personne de son représentant légal [Adresse 1]

Représentées par Me Camille ROUSSEL, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, cadre greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 5'mai 2022 par laquelle la SARL La Casa [V] a fait citer la SARL CED Bati Façade devant le tribunal judiciaire de Mulhouse,

Vu l'assignation en intervention forcée de la SA MMA IARD devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse, délivrée par la SARL La Casa [V] le 9'novembre 2022,

Vu la jonction des deux procédures prononcée par ordonnance du 6 décembre 2022 du tribunal judiciaire de Mulhouse,

Vu le jugement rendu le 1er décembre 2023, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse, à compétence commerciale,'a statué comme suit':

'CONDAMNE la SARL CED BATI FACADE à verser à la SARL CASA [V] la somme de 9.232,80 euros TTC au titre de la reprise des désordres affectant l'ouvrage, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

DIT n'y avoir lieu à indexer cette somme sur l'indice BT01 ;

CONDAMNE la SARL CED BATI FACADE à verser à la SARL CASA [V] une indemnité de 1.800 euros au titre de son préjudice de jouissance, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

DIT que l'appel en intervention forcée de la compagnie d'assurance MMA IARD est recevable mais mal fondé ;

DIT que la garantie de la compagnie d'assurance MMA IARD n'est pas mobilisable ;

DIT que la société MMA IARD n'a pas à garantir la SARL CED BATI FACADE des condamnations prononcées à son encontre ;

CONDAMNE la SARL CED BATI FACADE à payer à la SARL CASA [V] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la SARL CED BATI FACADE faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SARL CED BATI FACADE aux dépens y compris ceux relatifs à la procédure de référé RG 21/00079 ;

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire.'

Vu la déclaration d'appel formée par la SARL CED Bati Façade contre ce jugement et déposée le 27'décembre 2023,

Vu la constitution d'intimée de la SARL La Casa [V] en date du 14'février 2024,

Vu la constitution d'intimées de la SA MMA IARD et de la société MMA ASSURANCES MUTUELLES en date du 12'avril 2024,

Vu les dernières conclusions en date du 6'mai 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SARL CED Bati Façade demande à la cour de':

'DECLARER l'appel formé par la SARL CED BATI FACADE recevable et bien-fondé ;

En conséquence,

INFIRMER, voir REFORMER le jugement du 1er décembre 2023 de la chambre commerciale après le tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu'il a :

- Condamné la SARL CED BATI FACADE a versé à la SARL CASA [V] la somme de 9 232,80 € TTC au titre de la reprise des désordres affectant l'ouvrage, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

- Dit n'y avoir lieu à indexer cette somme sur l'indice BT01 ;

- Condamné la SARL CED BATI FACADE à verser à la SARL CASA [V] une indemnité de 1'800 € au titre de son préjudice de jouissance, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

- Dit que l'appel en intervention forcée de la compagnie d'assurance et recevable mais mal fondé ;

- Dit que la garantie de la compagnie d'assurance n'est pas mobilisable ;

- Dit que la société MMA IARD n'a pas à garantir la SARL CED BATI FACADE des condamnations prononcées à son encontre ;

- Condamné la SARL CED BATI FACADE à payer à la SARL CASA [V] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté la demande de la SARL CED BATI FACADE faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société SARL CED BATI FACADE aux dépens y compris ceux relatifs à la procédure de référé RG/00079 ;

- Rappelé que le jugement est assorti de l'exécution provisoire.

Statuant à nouveau,

DEBOUTER la SARL CASA [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident

Subsidiairement,

REDUIRE le montant au titre de la reprise des désordres à plus justes proportions ;

DIRE ET JUGER que la garantie de la compagnie d'assurance MMA IARD est mobilisable ;

DIRE ET JUGER que la SA MMA IARD doit garantir la SARL CED BATI FACADE de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

DEBOUTER la MMA IARD et la MMA ASSURANCES MUTUELLES de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions et de leur appel incident

En tout état de cause,

CONDAMNER la SA MMA IARD à payer à la SARL CED BATI FACADE la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SARL CASA [V] à payer à la SARL CED BATI FACADE la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SA MMA IARD à payer les entiers frais et dépens y compris ceux relatifs à la procédure de référé RG/00079, ceux de la procédure de première instance et ceux de la

procédure d'appel'

et ce, en invoquant notamment':

- des désordres, survenus plus d'un an après les travaux réalisés et sans lien avec ceux-ci, lesquels se seraient déroulés sans difficulté en lien avec le support existant, dans le cadre de prestations discutées entre les parties, sans trace de problématique d'humidité nécessitant l'intervention d'une entreprise spécialisée au moment du devis et aucune réserve n'étant mentionnée au procès-verbal de réception, de sorte que la responsabilité de la concluante ne saurait être engagée du fait de sa prétendue acceptation du support, objet des travaux,

- l'absence de justification du préjudice mis à sa charge, en l'absence de nécessité d'un échafaudage pour la reprise des zones affectées par les désordres, outre que la concluante ne serait pas redevable de la somme de 680 euros HT, correspondant au traitement des remontées de salpêtre, dès lors que, non seulement, le mur ne présentait aucune trace au moment des travaux, mais que de plus, ce type d'intervention ne relèverait pas de la qualification de la concluante et aurait dû être commandité en amont par l'intimée, mais encore que l'évaluation de la reprise de l'encadrement ne serait pas justifiée au regard des conclusions de l'expert et enfin, que le préjudice de jouissance invoqué par l'intimée ne serait pas établi, faute de démonstration d'un manque à gagner ou d'une perte de chiffre d'affaires et compte tenu de la localisation des désordres, en l'absence, en tout état de cause, de lien de causalité avec les prestations de la concluante,

- une garantie de la compagnie MMA IARD, qui paraît 'évidente' dans le présent litige, alors que la concluante serait bien assurée au titre des dommages intermédiaires et notamment ceux issus des travaux de réparation des dommages matériels causés à un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance, survenus après réception et au délai de 10 ans à compter de ladite réception, s'agissant de dommages matériels affectant l'ouvrage et qui ne sont pas soumis à la garantie décennale et qui ne compromettent pas sa solidité et/ou de nature à le rendre impropre à sa destination, sachant que la concluante a également souscrit une garantie responsabilité civile professionnelle et pas uniquement une garantie décennale et alors que seraient bien en cause des 'travaux de construction d'un ouvrage', notamment du fait de l'application d'un ragréage avec les produits type MAXIT 280, les distinguant d'une simple remise en peinture ou de rénovations 'légères', sachant encore que les primes payées par la concluante sont calculées sur un chiffre d'affaires HT total, ce qui signifierait que tous les travaux mentionnés sur l'attestation seraient bien garantis ou en décennale, ou en intermédiaire, le délai de parfait achèvement étant, par ailleurs, largement écoulé.

Vu les dernières conclusions en date du 18'février 2025, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SARL La Casa [V] demande à la cour de':

'SUR L'APPEL PRINCIPAL DE LA SARL CED BATI FACADE :

DEBOUTER la SARL CED BATI FACADE de l'intégralité de ses fins et conclusions sauf s'agissant des demandes portant sur la garantie de la SA MMA IARD ;

SUR L'APPEL INCIDENT DE LA SARL LA CASA [V] :

Le JUGER recevable et bien fondé ;

Y faire droit

En conséquence :

INFIRMER partiellement la décision dont appel en ce qu'elle :

- DIT n'y avoir lieu à indexer la somme sur l'indice BT01 ;

- CONDAMNE la SARL CED BATI FACADE à verser à la SARL CASA [V] une indemnité de 1.800 euros au titre de son préjudice de jouissance, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

Et statuant à nouveau :

JUGER que la somme due au titre de la reprise des désordres affectant l'ouvrage sera indexée sur l'indice BT01 ;

CONDAMNER la SARL CED BATI FACADE à verser à la SARL LA CASA [V] la somme de 17 500 €, sauf à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir, au titre du préjudice de jouissance subi ;

Subsidiairement, CONDAMNER la SARL CED BATI FACADE à verser à la SARL LA CASA [V] la somme de 9 000 €, sauf à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir, au titre du préjudice de jouissance subi ;

CONFIRMER la décision entreprise pour le surplus ;

En tout état de cause :

DEBOUTER la SARL CED BATI FACADE de l'intégralité de ses fins et conclusions sauf s'agissant des demandes de la SARL CED BATI FACADE portant sur la garantie de la SA MMA IARD ;

DEBOUTER la SA MMA IARD et la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de leur demande tendant à voir rejeter l'intégralité des demandes régularisées par les parties à leur encontre ;

CONDAMNER la SARL CED BATI FACADE aux entiers frais et dépens des deux instances ;

CONDAMNER la SARL CED BATI FACADE à payer à la SARL LA CASA [V] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'

et ce, en invoquant notamment':

- la responsabilité contractuelle de l'appelante à l'égard de la concluante, compte tenu des graves manquements commis dans l'exécution des prestations, eu égard aux désordres relevés par l'expert et qui lui sont exclusivement imputables et alors qu'il revenait à l'appelante, au titre de son devoir de conseil en tant que professionnel, de suggérer et proposer les travaux nécessaires pour la bonne réalisation du ravalement,

- une juste estimation des dommages proposée par l'expert et retenue par les premiers juges, prenant en compte la surface à reprendre, sans meilleure estimation de la société CED Bati Façade, de même que la présence d'un échafaudage, figurant dans le devis de reprise,

- des désordres de nature esthétique constituant bien, par leur ampleur et leur visibilité plus grande que ne le prétend l'appelante, un trouble de jouissance, de surcroît au regard de l'activité de restauration de l'établissement, ce trouble, distinct de la perte d'exploitation, devant être réévalué,

- la recevabilité de sa demande 'tendant à débouter la SARL CED BATI FACADE de l'intégralité de ses fins et conclusions sauf s'agissant de ses demandes portant sur la garantie de la SA MMA IARD', notamment au regard de la lettre de l'article 566 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions en date du 25 juin 2024, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties et par lesquelles la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent à la cour de':

'Vu l'article 1792 et suivants du Code Civil,

Vu les polices de la compagnie MMA

DIRE ET JUGER l'appel formé par la société CED BATI FACADE mal fondé,

L'en DEBOUTER

CONFIRMER en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er décembre 2023 par la Chambre Commerciale du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE sous le n° RG 22/00373

REJETER l'intégralité des demandes de la SARL CED BATI FACADE,

REJETER l'intégralité des demandes régularisées par les parties à l'encontre de la SA MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, tant irrecevables que mal fondées

CONDAMNER la SARL CED BATI FACADE à payer à la compagnie MMA IARD la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de Cour

CONDAMNER enfin la SARL CED BATI FACADE aux entiers dépens d'instance et d'appel'

et ce, en invoquant notamment':

- l'existence de désordres purement esthétiques, comme l'indique elle-même la société CED Bati Façade et comme retenu formellement par l'expert judiciaire, ces désordres ne compromettant pas la solidité des éléments de façade en cause et n'entrant donc pas dans le champ de la garantie responsabilité civile, dont bénéficie cette société auprès de la concluante, s'agissant d'une garantie décennale relevant de l'article 1792 du code civil,

- l'absence de mobilisation de la garantie dommages intermédiaires, telle que définie dans les conventions spéciales MMA BTP Entreprise de Construction, en l'absence, en l'espèce, de réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 précité, s'agissant de simples travaux de ravalement à visée esthétique et non d'étanchéité ou de protection thermique, les dommages dénoncés par constat d'huissier du 20 janvier 2021 étant donc apparus dans l'année de parfait achèvement, clause d'exclusion de la garantie dommages intermédiaires,

- l'irrecevabilité de la demande de la société La Casa [V] portant sur la mobilisation de sa garantie au profit de la société CED Bati Façade, comme étant nouvelle.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27'août 2025,

Vu les débats à l'audience du 17'septembre 2025,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la responsabilité de la société CED Bati Façade :

Les désordres affectant les façades de l'établissement exploité par la société La Casa [V] sont établis par le rapport d'expertise judiciaire déposé le 7 avril 2022, venant corroborer et analyser les constatations préalablement effectuées par ministère d'huissier.

Ils se traduisent par des fissures, traces de salpêtre et décollements d'enduit, affectant l'aspect général du bâtiment.

Plus précisément, comme l'ont rappelé les premiers juges, ont été relevés deux types de désordres de nature purement esthétique, à savoir d'une part des désordres dégradant visuellement la façade et les éléments de mur par des fissurations localisées et en lien avec le mode de traitement des points singuliers et des traces de salpêtre ou de calcification, en lien soit avec le coté purement décoratif des murs (extérieurs), le mode de traitement des couvertines, des migrations ponctuelles d'humidité sur un élément extérieur, d'autre part des désordres pouvant gêner le rendu visuel et montrant un début de dégradation de l'enduit ou peinture mis en 'uvre. Un troisième type de désordre portant sur la teinte ou la finition des travaux de ravalement, que l'expert a considéré comme visibles à la réception, sont hors du champ du présent litige.

Ces désordres sont apparus peu de temps après la réception du chantier intervenue le 10 décembre 2019 et traduisent une mauvaise préparation du support, ainsi qu'une absence de traitement adapté aux pathologies existantes, préalablement à la pose du nouvel enduit,

L'expert relève que la société CED Bati Façade, chargée des travaux de ravalement, a accepté le support sans formuler de réserve ni d'observation, alors qu'il lui appartenait, en sa qualité de professionnelle du bâtiment, d'apprécier l'état du support et plus particulièrement, d'en vérifier la compatibilité avec les produits appliqués et d'alerter le maître d'ouvrage sur les précautions à prendre et notamment sur la nécessité d'un traitement préalable contre les remontées d'humidité.

L'argumentation tirée par la société CED Bati Façade, de ce que les désordres seraient imputables à un vice antérieur du bâtiment, ne peut être retenue, aucune pièce ne démontrant que le support présentait, avant les travaux, des désordres rendant impossible l'exécution de la prestation dans les conditions convenues, ni que l'entreprise ait émis la moindre réserve lors de la réception du chantier, ce qui n'exonère pas l'entrepreneur des vices apparus postérieurement, dès lors qu'ils sont imputables à une faute d'exécution.

Or, en l'espèce, ces désordres trouvent directement leur origine dans une exécution défectueuse de ses prestations par la société appelante, comme cela résulte des constatations motivées et étayées de l'expert.

La responsabilité de la société CED Bati Façade est donc engagée sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges.

Sur le préjudice de la société La Casa [V] :

Le montant des travaux de reprise a été évalué par l'expert à 9 232,80 € TTC, soit 7'694 euros HT, ainsi ventilés':

- 2'014 euros HT au titre de la reprise des encadrements de fenêtres,

- 4'580 euros HT pour le traitement des remontées de salpétre. pour la préparation et la protection des éléments existants.

- 800 euros HT pour un échafaudage ponctuel,

- 4'200 euros HT pour le traitement d'une surface d'environ 100 m2.

Ce chiffrage, qui tient ainsi compte du traitement des zones altérées, de la réfection des encadrements et de la pose d'un échafaudage pour l'accès aux parties hautes, apparaît précis, motivé et proportionné à la nature des désordres.

Les critiques formulées par la société appelante, tenant au caractère prétendument inutile de l'échafaudage ou à la minime étendue des fissures, ne sont appuyées par aucun devis contradictoire, ni élément technique de nature à remettre en cause les préconisations de l'expert qui prend en compte le besoin ponctuel d'échafaudage et le fait que les zones les plus affectées par les désordres ne nécessitent pas d'échafaudage, étant accessibles de plain-pied, étant rappelé que la partie appelante a été mise à même de faire valoir ses observations à l'expert et de faire établir, le cas échéant, un devis alternatif.

Il y a donc lieu à confirmation du jugement entrepris à ce titre.

En vertu du principe de réparation intégrale, les sommes précitées seront actualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 7'avril 2022, date du dépôt du rapport d'expertise, jusqu'à la date du jugement entrepris et ce en infirmation de ce dernier.

S'agissant du préjudice de jouissance, il apparaît que les désordres, bien que principalement esthétiques, ont porté atteinte à l'image et au confort d'exploitation du restaurant. Les photographies produites montrent une altération visible de la façade depuis la terrasse, mais également, pour partie, depuis l'extérieur de l'établissement.

Le préjudice de jouissance est réel mais limité, dès lors que le fonds de commerce a été cédé le 30'juin 2022 et que l'établissement a pu continuer son activité pendant la période considérée.

Il convient également de rappeler que les premiers juges, qui ont justement retenu comme point de départ de la période de trouble la date du constat d'huissier relevant les dommages, ont tenu compte, dans leur appréciation de ce chef de préjudice, de l'absence de perte avérée de chiffre d'affaires et de l'amélioration résultant malgré tout des travaux, par rapport à la situation antérieure, tout en retenant l'amélioration attendue d'un point de vue commercial à la suite des travaux.

Le montant de 1'800 euros alloué par le tribunal apparaît ainsi justifié, au regard de la durée et de l'intensité du trouble subi, de sorte qu'il y a lieu à confirmation du jugement entrepris, également, de ce chef.

Sur la garantie de la SA MMA IARD :

S'agissant, tout d'abord, de l'irrecevabilité pour nouveauté de la demande de la société La Casa [V] à ce titre, telle que soulevée par l'assureur, il convient d'observer que cette demande constitue, au sens des articles 565 et 566 du code de procédure civile, l'accessoire, la conséquence ou le complément de sa demande en condamnation de la société appelante, de sorte qu'elle est recevable, étant rappelé que la société CED Bati Façade sollicite également la mobilisation de cette garantie.

À ce titre, la société CED Bati Façade soutient que les désordres constatés relèvent de la garantie de son assureur, la société MMA IARD, au titre de son contrat d'assurance professionnelle, couvrant notamment la responsabilité décennale et la garantie dite des dommages intermédiaires.

Elle fait valoir que les travaux de ravalement réalisés constituent un véritable ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, dès lors qu'ils comportent l'application d'enduits et produits assurant une fonction d'étanchéité et de protection et que les désordres constatés trouvent leur origine dans une malfaçon d'exécution relevant de l'assurance construction.

Elle invoque également la garantie de responsabilité civile professionnelle pour couvrir les conséquences pécuniaires de sa condamnation.

La société MMA IARD conteste toute mobilisation de ses garanties. Elle soutient que les désordres constatés sont purement esthétiques, sans atteinte à la solidité ni à la destination de l'ouvrage et qu'ils sont apparus durant la période de parfait achèvement.

Elle rappelle que les travaux de ravalement effectués, consistant en la pose d'enduits et de peintures à seule fin esthétique, ne constituent pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.

Elle ajoute que la garantie des dommages intermédiaires, prévue par les conventions spéciales 'MMA BTP Entreprise de Construction', exclut expressément les dommages survenus ou signalés pendant la période de parfait achèvement et que la société CED Bati Façade ne démontre pas être couverte au titre d'une responsabilité civile professionnelle, applicable à ce type de travaux.

Les pièces produites établissent que les travaux confiés à la société CED Bati Façade consistaient en un simple ravalement de façades par application d'enduits et de peintures, sans fonction d'étanchéité, d'isolation ou de protection structurelle du bâtiment.

Les désordres décrits par l'expert et le constat d'huissier se limitent à des décollements et décolorations altérant l'aspect visuel des façades, sans compromettre la solidité de l'immeuble, ni sa destination.

Ces désordres, purement esthétiques, ne relèvent pas de la garantie décennale prévue par l'article 1792 du code civil, réservée aux désordres graves affectant la solidité de l'ouvrage ou son usage.

Par ailleurs, la réception étant intervenue le 10 décembre 2019 et les désordres ayant été dénoncés le 20 janvier 2021, ils se situent dans la période de parfait achèvement, expressément exclue de la garantie 'dommages intermédiaires' par les conditions particulières du contrat.

La société CED Bati Façade ne justifie pas davantage que les dommages en cause puissent être assimilés à un sinistre couvert par la responsabilité civile professionnelle, celle-ci ne s'appliquant pas à des désordres contractuels n'ayant causé aucun dommage à un tiers.

Dès lors, aucune des garanties souscrites auprès de la société MMA IARD n'est mobilisable pour le sinistre litigieux.

Le jugement entrepris a, à juste titre, débouté la société CED Bati Façade de son appel en garantie et déclaré la compagnie d'assurance non tenue de la couvrir des condamnations prononcées à son encontre. Il sera donc confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'appelante, succombant pour l'essentiel, sera tenue des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande, en outre, de mettre à la charge de l'appelante une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 3'000 euros au profit de la SARL La Casa [V] et de 2'000 euros au profit de la compagnie MMA IARD, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de ces dernières et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2023 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse, sauf en ce qu'il a 'dit n'y avoir lieu à indexer cette somme sur l'indice BT01',

L'infirme de ce seul chef,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Dit que la somme figurant au dispositif du jugement au titre de la reprise des désordres affectant l'ouvrage, sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 7'avril 2022, jusqu'à la date du jugement,

Condamne la SARL CED Bati Façade aux dépens de l'appel,

Condamne la SARL CED Bati Façade à payer à la SARL La Casa [V] la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL CED Bati Façade à payer à la SA MMA IARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SARL CED Bati Façade.

Le cadre greffier : le Président :

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