CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 30 octobre 2025, n° 24/11298
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/11298 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJUGO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 avril 2024 - Juge des contentieux de la protection de [Localité 7] - RG n° 23/01778
APPELANTS
Madame [S] [G] épouse [N]
née le 13 juin 1980 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
Monsieur [F] [N]
né le 15 avril 1980 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et assistée de Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère pour la Présidente empêchée et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 24 mai 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [F] [N] a signé avec la société AMC Confort Energie un bon de commande n° 26219 portant sur une installation photovoltaïque, un onduleur Schneider, un boitier parafoudre, une éolienne, un ballon thermodynamique et un régulateur de tension au prix de 26 000 euros.
Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le 20 juin 2012 par M. [N] et Mme [S] [G] épouse [N] auprès de la société Banque Solfea aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance, d'une durée de 167 mois et remboursable en 156 mensualités : 3 de 122 euros et 153 de 247 euros hors assurance au taux contractuel annuel de 5,32 %, soit un TAEG de'5,45 %.
Les panneaux photovoltaïques ont été installés, le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité a été revendue à EDF.
Par jugement en date du 6 mai 2014, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société AMC Confort Energie et prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif le 11 mai 2016.
Par acte du 3 février 2023, M.et Mme [N] ont fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du tribunal judiciaire de Paris :
- en constat des irrégularités du bon de commande et donc du contrat de vente,
- en condamnation à leur verser la somme de 26 000 euros correspondant au prix de vente de l'installation, la somme de 11 951 euros équivalent aux intérêts conventionnels et frais payés, la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 22 avril 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré irrecevable l'action de M. et Mme [N] contre la société BNP Paribas Personal Finance,
- condamné in solidum M. et Mme [N] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné in solidum M. et Mme [N] aux dépens.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité d'un consommateur pour faute de sa banque devait s'apprécier en fonction du moment où le créancier titulaire du droit d'agir avait eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi mais encore du fait générateur de responsabilité, c'est à dire pour les époux [N] à la date de la première facture de leur fournisseur d'énergie, et non à compter de la date de l'expertise sur la rentabilité du 21 novembre 2020 comme le soutenaient les demandeurs.
Il a considéré que soit la facturation était au réel et donc bimensuelle, soit après régularisation en cas de mensualisation et donc semestrielle, que dans le premier cas les époux [N] pouvaient connaître le défaut de rentabilité le 19 septembre 2012 et dans le second cas le 19 janvier 2013.
S'agissant du fait générateur de responsabilité, le juge a souligné que les incohérences manifestes affectant le bon de commande étaient à même d'interroger tout consommateur même non initié sur la régularité de l'acte, en particulier la différence de taux de TVA sur le même document, l'absence de quantité de produits, l'absence de coût pour chaque produit et de la main d'oeuvre qui sont des caractéristiques essentielles s'agissant du prix et de la désignation du produit, que dès la conclusion du contrat le 20 juin 2012 les acquéreurs auraient dû se rendre compte des irrégularités.
Il en a conclu que l'action était prescrite au 19 janvier 2018.
Par déclaration électronique du 19 juin 2024, M. et Mme [N] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance uniquement.
Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 déposées électroniquement le 22 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter, ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable leur action, en ce qu'il les a condamnés in solidum à payer la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et in solidum aux dépens de l'instance,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- de constater les irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat de vente conclu entre la société AM Confort Energie et eux,
- de déclarer que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur payer les sommes de :
- 26 000 euros correspondant au capital emprunté en raison de la privation de la créance de restitution,
- 11 951,23 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du prêt souscrit,
- en tout état de cause, de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur payer les sommes de :
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur verser l'ensemble des intérêts d'ores et déjà versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé des intérêts,
- de débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea et la société AM Confort Energie de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à supporter les dépens de l'instance en ce compris de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions déposées électroniquement le 5 décembre 2024 auxquelles il convient de se reporter, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- en conséquence de déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [N],
subsidiairement au fond,
- de débouter M. et Mme [N] de toutes leurs demandes,
à titre subsidiaire, si une faute de la banque Solfea était retenue,
- de surseoir à statuer sur l'évaluation du préjudice des époux [N],
- d'ordonner au besoin sous astreinte la production par les époux [N] des justificatifs du crédit d'impôt perçu en application des dispositions de l'article 200 quater du code général des impôts dans sa version en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat, du contrat de vente d'électricité produite à EDF et des factures de vente à EDF de l'électricité produite depuis l'origine,
en tout état de cause,
- de débouter M. et Mme [N] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- de condamner in solidum M. et Mme [N] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et admettre Me Edgard Vincensini, avocat, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
- que le contrat de crédit affecté conclu le 29 juin 2012 entre M. et Mme [N] d'une part et la société Solfea d'autre part est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la demande de constat des irrégularités affectant le bon de commande et le contrat de vente
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il résulte en outre des articles 1 et 2 du code de procédure civile que les parties qui introduisent seules l'instance la conduisent sous les charges qui leur incombent et de l'article 14 du même code que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
C'est donc à celui qui entend voir constater des irrégularités affectant le contrat de vente d'assigner son co-contractant puis de démontrer que le contrat est irrégulier voire nul.
Or M. et Mme [N] n'ont jamais mis en cause le vendeur ce qui les rend irrecevables à former de telles demandes.
Sur la recevabilité des demandes faites contre la banque
- pour fautes liées à la participation au dol et à la délivrance des fonds
M. et Mme [N] sollicitent l'infirmation du jugement de première instance s'agissant de la prescription de l'action qu'ils intentent pour fautes liées à la participation de la banque au dol du vendeur à la délivrance des fonds sans vérification préalable de la validité et de l'exécution du contrat de vente, ce à quoi la banque s'oppose.
Il font valoir :
- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [H] [Y] et [D] [E],
- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le créancier, titulaire du droit d'agir, a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,
- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier résultant d'une absence de mention, mais que le point de départ de la prescription s'entend de la connaissance effective de l'irrégularité et qu'ils ne l'ont su que lorsqu'ils ont consulté un avocat qui a attiré leur attention sur ce point, une simple lecture du document contractuel ne le permettant pas,
- qu'ils n'étaient pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,
- que pour que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,
- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, la date de signature du contrat au motif qu'il contiendrait la reproduction des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5 et suivants du code de la consommation alors qu'elle n'est pas de nature à caractériser une connaissance par les consommateurs profanes qu'ils sont, des irrégularités, d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,
- que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la première facture de leur fournisseur d'énergie ne leur permettait pas d'apprécier les performances des biens soit deux mois après l'installation soit six mois après la facture de régularisation en cas de mensualisation des paiements, alors qu'ils n'avaient aucune connaissance technique en matière de droit de la consommation et de panneaux photovoltaïques et ne pouvaient donc avoir conscience du défaut total de rentabilité,
- que ce n'est en réalité qu'à la lecture du rapport d'expertise sur investissement que l'impossibilité pour les appelants d'autofinancer l'opération a été objectivée, et donc qu'ils ont été véritablement en mesure d'apprécier les performances réelles de leur centrale photovoltaïque et donc les mensonges de la société venderesse,
- que leur préjudice ne résulte pas seulement dans un défaut de rentabilité de l'installation litigieuse mais aussi dans le non-respect des dispositions protectrices du code de la consommation, notamment s'agissant des caractéristiques des biens, qui ne leur a pas permis d'être correctement informés sur le matériel acheté et sur les modalités d'exécution du contrat tandis que la déconfiture du vendeur leur cause un préjudice financier puisqu'ils ne peuvent plus récupérer le prix de vente en cas de nullité du contrat,
- qu'à supposer qu'ils aient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats ou même dès le déblocage des fonds, il aurait fallu en plus qu'ils démontrent l'existence d'une faute de la part de la banque pour engager sa responsabilité,
- que la banque n'apporte pas la preuve d'une information portée à leur connaissance s'agissant des nullités du bon de commande et échoue donc à prouver qu'ils « avaient nécessairement connaissance » des dits vices au jour de la signature du bon,
- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.
Répondant sur l'absence de mise en cause du vendeur, ils expliquent ne pas se fonder sur une éventuelle nullité du bon de commande mais sur une action en responsabilité de la banque.
La banque quant à elle répond que :
- les époux [N] ont saisi le juge onze ans après la conclusion des contrats et que dès lors leur action est prescrite en application de l'article 2224 du code civil,
- reprenant les motifs du juge de première instance, la prescription commence à courir en matière de dol à compter de la réception de la première facture de vente à EDF de l'électricité produite, soit au plus tard en janvier 2014 puisque l'installation est achevée depuis le 19 juillet 2012, que l'action en nullité pour dol -non engagée- étant prescrite, l'action en responsabilité de la banque pour complicité de dol l'est aussi,
- seule une absence des mentions obligatoires sur le bon de commande permet d'agir en responsabilité contre elle et que cette absence étant parfaitement visible, le point de départ de la prescription est la date de signature du contrat de vente et non la date de la connaissance juridique des conséquences de l'absence, que les demandes de dommages et intérêts sont prescrites car fondées sur l'octroi d'un crédit accessoire à une opération nulle,
- la validité du contrat n'étant pas contestée, les époux [N] sont mal fondés à reprocher à la banque une défaillance quelconque dans le contrôle du bon de commande,
- l'attestation de fin de travaux a été signée le 19 juillet 2012 et est claire, sans ambiguïté, conforme au bon de commande, puisqu'elle vise la réalisation des travaux prévus à l'exclusion des autorisations administratives et du raccordement au réseau qui ne relèvent pas des obligations à la charge du vendeur.
Dès lors que le contrat de vente n'est pas annulé, le contrat de crédit ne peut l'être par application de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation.
En conséquence il n'existe pas de créance de restitution, le crédit se poursuivant.
M. et Mme [N] ne peuvent non plus reprocher à la banque d'avoir financé un contrat nul sans que la nullité dudit contrat ait été préalablement constatée ce qui n'est pas le cas. Ils ne peuvent non plus lui reprocher d'avoir participé au dol du vendeur dès lors que ce dol n'a pas été reconnu.
En tout état de cause, il convient de rappeler que selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.
Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
Il n'est pas non plus démontré d'atteinte au principe d'égalité dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.
'Dès lors que M. et Mme [N] invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, comme leur méconnaissance de la productivité effective de l'installation, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.
Or cette connaissance ne résulte ni du fait qu'ils aient consulté un avocat ni de la production de ce qu'ils qualifient d'"expertise sur investissement" réalisée par "[R] [A], expertise mathématique et financière" laquelle n'a, au surplus, aucun caractère contradictoire, est établie par une personne dont les qualifications ne sont ni mentionnées ni justifiées et procède à des calculs de rentabilité financière à partir de données de production solaire dont l'exactitude ne peut avoir été débattue et la source est inconnue, et prend en outre pour acquis qu'il y aurait une promesse d'autofinancement.
Il résulte des propres écritures de M. et Mme [N] qui se plaignent de la faiblesse des productions depuis 2012 et produisent le contrat d'achat de l'énergie électrique signé le 6 février 2014 et une facture pour l'année 2014/2015 qu'ils connaissaient cette production plus de cinq ans avant d'assigner le prêteur en 2023 sans avoir aucunement besoin d'une expertise puisque cette facture, comme les suivantes assurément, mentionne très précisément le montant que la société EDF allait leur reverser, dès lors cette demande est prescrite.
Pour le surplus, le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé bien plus de cinq ans avant la délivrance de l'assignation, la date n'étant pas communiquée mais la première mensualité ayant été payée en août 2013, après un différé d'amortissement ; 'M. et Mme [N] ne pouvaient donc ignorer que les fonds avaient été débloqués puisqu'ils ont commencé à rembourser et ce bien plus de cinq ans avant d'avoir assigné.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que ces demandes contre la banque étaient prescrites.
- liée à la déchéance du droit aux intérêts contractuels
La banque fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et par ailleurs prescrite, que cette demande est comme telle irrecevable ce à quoi M. et Mme [N] répondent que leur demande est recevable et non prescrite car en tant que consommateurs profanes, ils n'ont eu connaissance des dispositions spécifiques relatives aux obligations pesant sur la banque dans l'octroi d'un crédit qu'en consultant un avocat et ont ainsi appris que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde et de conseil.
Il résulte de l'article 564 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait mais l'article 565 du même code permet effectivement aux parties de présenter des demandes nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leu fondement juridique est différent.
Il est constant qu'aucune demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels n'a été présentée en première instance.
Une demande en nullité vise à l'anéantissement d'un contrat et à la remise en état antérieur. Une demande en déchéance du droit aux intérêts contractuels vise à rendre le crédit gratuit. Elle n'implique pas l'anéantissement du contrat et en conséquence aucune remise en l'état antérieur ni restitution du capital à la banque mais seulement la suppression des intérêts voire leur remboursement. Elle ne tend donc pas aux mêmes fins.
Elle est donc irrecevable de ce seul fait sans qu'il soit besoin d'examiner sa prescription.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
M. et Mme [N] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel in solidum.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels irrecevable comme nouvelle en appel ;
Condamne M. [F] [N] et Mme [S] [G] épouse [N] in solidum à payer la somme de 1 500 euros à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [F] [N] et Mme [S] [G] épouse [N] aux dépens d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2025
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/11298 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJUGO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 avril 2024 - Juge des contentieux de la protection de [Localité 7] - RG n° 23/01778
APPELANTS
Madame [S] [G] épouse [N]
née le 13 juin 1980 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
Monsieur [F] [N]
né le 15 avril 1980 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 542 097 902 04319
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et assistée de Me Edgard VINCENSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0496
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère pour la Présidente empêchée et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 24 mai 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [F] [N] a signé avec la société AMC Confort Energie un bon de commande n° 26219 portant sur une installation photovoltaïque, un onduleur Schneider, un boitier parafoudre, une éolienne, un ballon thermodynamique et un régulateur de tension au prix de 26 000 euros.
Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le 20 juin 2012 par M. [N] et Mme [S] [G] épouse [N] auprès de la société Banque Solfea aux droits de laquelle vient désormais la société BNP Paribas Personal Finance, d'une durée de 167 mois et remboursable en 156 mensualités : 3 de 122 euros et 153 de 247 euros hors assurance au taux contractuel annuel de 5,32 %, soit un TAEG de'5,45 %.
Les panneaux photovoltaïques ont été installés, le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité a été revendue à EDF.
Par jugement en date du 6 mai 2014, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société AMC Confort Energie et prononcé la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif le 11 mai 2016.
Par acte du 3 février 2023, M.et Mme [N] ont fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité du tribunal judiciaire de Paris :
- en constat des irrégularités du bon de commande et donc du contrat de vente,
- en condamnation à leur verser la somme de 26 000 euros correspondant au prix de vente de l'installation, la somme de 11 951 euros équivalent aux intérêts conventionnels et frais payés, la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 22 avril 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré irrecevable l'action de M. et Mme [N] contre la société BNP Paribas Personal Finance,
- condamné in solidum M. et Mme [N] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné in solidum M. et Mme [N] aux dépens.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité d'un consommateur pour faute de sa banque devait s'apprécier en fonction du moment où le créancier titulaire du droit d'agir avait eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi mais encore du fait générateur de responsabilité, c'est à dire pour les époux [N] à la date de la première facture de leur fournisseur d'énergie, et non à compter de la date de l'expertise sur la rentabilité du 21 novembre 2020 comme le soutenaient les demandeurs.
Il a considéré que soit la facturation était au réel et donc bimensuelle, soit après régularisation en cas de mensualisation et donc semestrielle, que dans le premier cas les époux [N] pouvaient connaître le défaut de rentabilité le 19 septembre 2012 et dans le second cas le 19 janvier 2013.
S'agissant du fait générateur de responsabilité, le juge a souligné que les incohérences manifestes affectant le bon de commande étaient à même d'interroger tout consommateur même non initié sur la régularité de l'acte, en particulier la différence de taux de TVA sur le même document, l'absence de quantité de produits, l'absence de coût pour chaque produit et de la main d'oeuvre qui sont des caractéristiques essentielles s'agissant du prix et de la désignation du produit, que dès la conclusion du contrat le 20 juin 2012 les acquéreurs auraient dû se rendre compte des irrégularités.
Il en a conclu que l'action était prescrite au 19 janvier 2018.
Par déclaration électronique du 19 juin 2024, M. et Mme [N] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance uniquement.
Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 déposées électroniquement le 22 mai 2025 auxquelles il convient de se reporter, ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable leur action, en ce qu'il les a condamnés in solidum à payer la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et in solidum aux dépens de l'instance,
statuant à nouveau et y ajoutant,
- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- de constater les irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat de vente conclu entre la société AM Confort Energie et eux,
- de déclarer que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur payer les sommes de :
- 26 000 euros correspondant au capital emprunté en raison de la privation de la créance de restitution,
- 11 951,23 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du prêt souscrit,
- en tout état de cause, de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur payer les sommes de :
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à leur verser l'ensemble des intérêts d'ores et déjà versés par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt en conséquence de la déchéance du droit aux intérêts prononcée et lui enjoindre de produire un nouveau tableau d'amortissement expurgé des intérêts,
- de débouter la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea et la société AM Confort Energie de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,
- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea à supporter les dépens de l'instance en ce compris de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions déposées électroniquement le 5 décembre 2024 auxquelles il convient de se reporter, la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- en conséquence de déclarer irrecevables les demandes de M. et Mme [N],
subsidiairement au fond,
- de débouter M. et Mme [N] de toutes leurs demandes,
à titre subsidiaire, si une faute de la banque Solfea était retenue,
- de surseoir à statuer sur l'évaluation du préjudice des époux [N],
- d'ordonner au besoin sous astreinte la production par les époux [N] des justificatifs du crédit d'impôt perçu en application des dispositions de l'article 200 quater du code général des impôts dans sa version en vigueur à l'époque de la conclusion du contrat, du contrat de vente d'électricité produite à EDF et des factures de vente à EDF de l'électricité produite depuis l'origine,
en tout état de cause,
- de débouter M. et Mme [N] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- de condamner in solidum M. et Mme [N] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et admettre Me Edgard Vincensini, avocat, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 2 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
- que le contrat de crédit affecté conclu le 29 juin 2012 entre M. et Mme [N] d'une part et la société Solfea d'autre part est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la demande de constat des irrégularités affectant le bon de commande et le contrat de vente
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Il résulte en outre des articles 1 et 2 du code de procédure civile que les parties qui introduisent seules l'instance la conduisent sous les charges qui leur incombent et de l'article 14 du même code que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.
C'est donc à celui qui entend voir constater des irrégularités affectant le contrat de vente d'assigner son co-contractant puis de démontrer que le contrat est irrégulier voire nul.
Or M. et Mme [N] n'ont jamais mis en cause le vendeur ce qui les rend irrecevables à former de telles demandes.
Sur la recevabilité des demandes faites contre la banque
- pour fautes liées à la participation au dol et à la délivrance des fonds
M. et Mme [N] sollicitent l'infirmation du jugement de première instance s'agissant de la prescription de l'action qu'ils intentent pour fautes liées à la participation de la banque au dol du vendeur à la délivrance des fonds sans vérification préalable de la validité et de l'exécution du contrat de vente, ce à quoi la banque s'oppose.
Il font valoir :
- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [H] [Y] et [D] [E],
- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le créancier, titulaire du droit d'agir, a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,
- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier résultant d'une absence de mention, mais que le point de départ de la prescription s'entend de la connaissance effective de l'irrégularité et qu'ils ne l'ont su que lorsqu'ils ont consulté un avocat qui a attiré leur attention sur ce point, une simple lecture du document contractuel ne le permettant pas,
- qu'ils n'étaient pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,
- que pour que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,
- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, la date de signature du contrat au motif qu'il contiendrait la reproduction des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5 et suivants du code de la consommation alors qu'elle n'est pas de nature à caractériser une connaissance par les consommateurs profanes qu'ils sont, des irrégularités, d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,
- que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la première facture de leur fournisseur d'énergie ne leur permettait pas d'apprécier les performances des biens soit deux mois après l'installation soit six mois après la facture de régularisation en cas de mensualisation des paiements, alors qu'ils n'avaient aucune connaissance technique en matière de droit de la consommation et de panneaux photovoltaïques et ne pouvaient donc avoir conscience du défaut total de rentabilité,
- que ce n'est en réalité qu'à la lecture du rapport d'expertise sur investissement que l'impossibilité pour les appelants d'autofinancer l'opération a été objectivée, et donc qu'ils ont été véritablement en mesure d'apprécier les performances réelles de leur centrale photovoltaïque et donc les mensonges de la société venderesse,
- que leur préjudice ne résulte pas seulement dans un défaut de rentabilité de l'installation litigieuse mais aussi dans le non-respect des dispositions protectrices du code de la consommation, notamment s'agissant des caractéristiques des biens, qui ne leur a pas permis d'être correctement informés sur le matériel acheté et sur les modalités d'exécution du contrat tandis que la déconfiture du vendeur leur cause un préjudice financier puisqu'ils ne peuvent plus récupérer le prix de vente en cas de nullité du contrat,
- qu'à supposer qu'ils aient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats ou même dès le déblocage des fonds, il aurait fallu en plus qu'ils démontrent l'existence d'une faute de la part de la banque pour engager sa responsabilité,
- que la banque n'apporte pas la preuve d'une information portée à leur connaissance s'agissant des nullités du bon de commande et échoue donc à prouver qu'ils « avaient nécessairement connaissance » des dits vices au jour de la signature du bon,
- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.
Répondant sur l'absence de mise en cause du vendeur, ils expliquent ne pas se fonder sur une éventuelle nullité du bon de commande mais sur une action en responsabilité de la banque.
La banque quant à elle répond que :
- les époux [N] ont saisi le juge onze ans après la conclusion des contrats et que dès lors leur action est prescrite en application de l'article 2224 du code civil,
- reprenant les motifs du juge de première instance, la prescription commence à courir en matière de dol à compter de la réception de la première facture de vente à EDF de l'électricité produite, soit au plus tard en janvier 2014 puisque l'installation est achevée depuis le 19 juillet 2012, que l'action en nullité pour dol -non engagée- étant prescrite, l'action en responsabilité de la banque pour complicité de dol l'est aussi,
- seule une absence des mentions obligatoires sur le bon de commande permet d'agir en responsabilité contre elle et que cette absence étant parfaitement visible, le point de départ de la prescription est la date de signature du contrat de vente et non la date de la connaissance juridique des conséquences de l'absence, que les demandes de dommages et intérêts sont prescrites car fondées sur l'octroi d'un crédit accessoire à une opération nulle,
- la validité du contrat n'étant pas contestée, les époux [N] sont mal fondés à reprocher à la banque une défaillance quelconque dans le contrôle du bon de commande,
- l'attestation de fin de travaux a été signée le 19 juillet 2012 et est claire, sans ambiguïté, conforme au bon de commande, puisqu'elle vise la réalisation des travaux prévus à l'exclusion des autorisations administratives et du raccordement au réseau qui ne relèvent pas des obligations à la charge du vendeur.
Dès lors que le contrat de vente n'est pas annulé, le contrat de crédit ne peut l'être par application de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation.
En conséquence il n'existe pas de créance de restitution, le crédit se poursuivant.
M. et Mme [N] ne peuvent non plus reprocher à la banque d'avoir financé un contrat nul sans que la nullité dudit contrat ait été préalablement constatée ce qui n'est pas le cas. Ils ne peuvent non plus lui reprocher d'avoir participé au dol du vendeur dès lors que ce dol n'a pas été reconnu.
En tout état de cause, il convient de rappeler que selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.
Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
Il n'est pas non plus démontré d'atteinte au principe d'égalité dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.
'Dès lors que M. et Mme [N] invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, comme leur méconnaissance de la productivité effective de l'installation, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.
Or cette connaissance ne résulte ni du fait qu'ils aient consulté un avocat ni de la production de ce qu'ils qualifient d'"expertise sur investissement" réalisée par "[R] [A], expertise mathématique et financière" laquelle n'a, au surplus, aucun caractère contradictoire, est établie par une personne dont les qualifications ne sont ni mentionnées ni justifiées et procède à des calculs de rentabilité financière à partir de données de production solaire dont l'exactitude ne peut avoir été débattue et la source est inconnue, et prend en outre pour acquis qu'il y aurait une promesse d'autofinancement.
Il résulte des propres écritures de M. et Mme [N] qui se plaignent de la faiblesse des productions depuis 2012 et produisent le contrat d'achat de l'énergie électrique signé le 6 février 2014 et une facture pour l'année 2014/2015 qu'ils connaissaient cette production plus de cinq ans avant d'assigner le prêteur en 2023 sans avoir aucunement besoin d'une expertise puisque cette facture, comme les suivantes assurément, mentionne très précisément le montant que la société EDF allait leur reverser, dès lors cette demande est prescrite.
Pour le surplus, le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé bien plus de cinq ans avant la délivrance de l'assignation, la date n'étant pas communiquée mais la première mensualité ayant été payée en août 2013, après un différé d'amortissement ; 'M. et Mme [N] ne pouvaient donc ignorer que les fonds avaient été débloqués puisqu'ils ont commencé à rembourser et ce bien plus de cinq ans avant d'avoir assigné.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que ces demandes contre la banque étaient prescrites.
- liée à la déchéance du droit aux intérêts contractuels
La banque fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et par ailleurs prescrite, que cette demande est comme telle irrecevable ce à quoi M. et Mme [N] répondent que leur demande est recevable et non prescrite car en tant que consommateurs profanes, ils n'ont eu connaissance des dispositions spécifiques relatives aux obligations pesant sur la banque dans l'octroi d'un crédit qu'en consultant un avocat et ont ainsi appris que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde et de conseil.
Il résulte de l'article 564 du code de procédure civile qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait mais l'article 565 du même code permet effectivement aux parties de présenter des demandes nouvelles si elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leu fondement juridique est différent.
Il est constant qu'aucune demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels n'a été présentée en première instance.
Une demande en nullité vise à l'anéantissement d'un contrat et à la remise en état antérieur. Une demande en déchéance du droit aux intérêts contractuels vise à rendre le crédit gratuit. Elle n'implique pas l'anéantissement du contrat et en conséquence aucune remise en l'état antérieur ni restitution du capital à la banque mais seulement la suppression des intérêts voire leur remboursement. Elle ne tend donc pas aux mêmes fins.
Elle est donc irrecevable de ce seul fait sans qu'il soit besoin d'examiner sa prescription.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
M. et Mme [N] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel in solidum.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels irrecevable comme nouvelle en appel ;
Condamne M. [F] [N] et Mme [S] [G] épouse [N] in solidum à payer la somme de 1 500 euros à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Solfea sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [F] [N] et Mme [S] [G] épouse [N] aux dépens d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente