CA Paris, Pôle 5 - ch. 10, 30 octobre 2025, n° 23/03276
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2025
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03276 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEKH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2022-Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2021019974
APPELANTES
S.C.E.A. [Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]
N° SIRET : 488 252 909
S.A.S.U. HPA HOLDING
[Adresse 3]
[Localité 6]
N° SIRET : 447 .69 0.6 60
Représentées parMe Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assistées de Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 106
INTIMÉES
S.A.S.U. FP INVEST 1
[Adresse 1]
[Localité 6]
N° SIRET : 852 927 235
S.A.S. FAMILY PARTNERS
[Adresse 1]
[Localité 6]
N° SIRET : 531 204 782
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistées de Me Valérie DESFORGES de la SELAS ADEMA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0540
INTERVENANT VOLONTAIRE
SELARL [H] [X], mandataire judiciaire prise en sa qualité de représentant des créanciers mandataire judiciaire de la SCEA [Adresse 9]
[Adresse 14]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté parMe Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assisté de Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 106
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Madame Solène LORANS, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Solène LORANS, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente, lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société HPA Holding, dirigée par M. [O] [J], développe des programmes immobiliers exploités sous la forme de resorts dans le bassin méditerranéen. Dans ce cadre, elle a entrepris de développer sur la commune de [Localité 12] (Hérault), dans le quartier de la Baraquette, un projet immobilier résidentiel et hôtelier écotouristique tourné autour du vin dénommé « [Localité 11]* La Baraquette ».
La société [Adresse 9] est une société civile d'exploitation agricole, détenue indirectement par M. et Mme [J].
La société Family Partners, est une « multifamily office » spécialisée dans la gestion de fonds privés et a pour activité l'assistance de ses clients dans la structuration, la gestion et le suivi de leur patrimoine. Dans ce contexte, elle met en relation des porteurs de projets en recherche de financements et ses clients.
Afin d'assurer le financement de son projet, la société HPA Holding s'est rapprochée de la société Family Partners. Un montage financier a été mis en place, comportant :
- la création le 30 juillet 2019, par la société Family Partners, d'une filiale dédiée, la société FP Invest 1, qui emprunte, dans le cadre d'une émission obligataire auprès des investisseurs clients de la société Family Partners, des sommes destinées au financement du projet ;
- l'acquisition par la société FP Invest 1 d'une action de la société [Adresse 9] ;
- la conclusion par acte notarié du 13 septembre 2019, par la société FP Invest 1 en qualité de prêteur et la société [Adresse 9] en qualité d'emprunteur, d'une convention de prêt d'un montant maximal de 7 000 000 d' euros au taux d'intérêt de 8,05% l'an, comportant deux tranches, la première de 3 800 000 euros (tranche 1) versée à la signature et l'autre de 3 200 000 euros (tranche 2), remboursable « in fine » au terme d'une durée de 3 ans, le prêt étant notamment garanti par une hypothèque de 3ème rang consentie par la société [Adresse 9] sur des biens immobiliers qu'elle possède à [Localité 15] et [Localité 7] (Hérault) ainsi que par un cautionnement personnel solidaire de M. et Mme [J] dans la limite de 9 100 000 euros ;
- la souscription par la société [Adresse 9] à un emprunt obligataire de 7 000 000 d' euros, comportant également 2 tranches, émis par la société HPA Holding.
A compter du mois de janvier 2020, la société FP Invest 1 a constaté la défaillance de la société [Adresse 9] dans le remboursement des intérêts du prêt. En l'absence d'accord des parties sur un réaménagement de ce prêt, la société FP INVEST 1 en a prononcé l'exigibilité anticipée le 11 mars 2021.
Le 12 avril 2021, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ont fait assigner les sociétés FP Invest 1 et Family Partners devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir l'annulation du prêt du 13 septembre 2019 ainsi que des dommages et intérêts en indemnisation du préjudice qu'elles considèrent avoir subi.
FP Invest 1 a parallèlement engagé à l'encontre de ces sociétés des mesures d'exécution qui ont été contestées devant le tribunal judiciaire de Béziers, lequel a sursis à statuer dans l'attente de la décision.
Par jugement portant la date du 29 novembre 2022, rectifié le 17 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
« - Dit l'action à l'encontre de la SAS FAMILY PARTNERS régulière et recevable ;
- Déboute la SCEA [Adresse 9] et la SASU HPA HOLDING de l'ensemble de leurs demandes ;
- Déboute la SAS FP INVEST 1 de sa demande de règlement de la somme de 3 800 000 euros ;
- Déboute la SAS FP INVEST 1 de sa demande de dommages et intérêts ;
- Condamne in solidum la SCEA [Adresse 9] et Ia SASU HPA HOLDING à payer à la SAS FP INVEST 1 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Ia SCEA [Adresse 9] et la SASU HPA HOLDING aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 111,01 € dont 18,29 € de TVA ;
- Déboute la SCEA [Adresse 9], la SASU HPA HOLDING et la SAS FP INVEST 1 de leurs demandes autres, plus amples ou contraires. »
Par déclaration du 9 février 2023, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ont interjeté appel de ce jugement, l'appel tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 17 mars 2023, les sociétés FP Invest 1 et Family Partners ont également interjeté appel de ce jugement, l'appel tendant à l'annulation, l'infirmation ou la réformation du jugement en ce qu'il dit l'action à l'encontre de la société Family Partners régulière et recevable, débouté la société FP Invest 1 de sa demande de règlement de la somme de 3 800 000 euros, de dommages et intérêts et de ses autres demandes.
Par jugement rectificatif du 17 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
« Dit qu'il convient de rectifier le jugement en date du 29 novembre 2022 de la 7ème chambre, et de lire sur toutes les pages de 1 à 13 :
Jugement prononcé le mardi 25 janvier 2023.
Aux lieux et place de :
Jugement prononcé le 29 novembre 2022.
Le reste demeurant inchangé.
Ordonne que conformément aux articles 462 et 463 du CPC, mention de la présente décision sera portée sur la minute et sur les expéditions du jugement et qu'elle sera notifiée comme celui-ci.
['] »
Par déclaration du 30 mai 2023, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ont interjeté appel de ce jugement, l'appel tendant à l'infirmation du jugement du 17 mai 2023, rectifiant le jugement du 29 novembre 2022.
Par ordonnances des 15 mai et 23 juin 2023, les trois procédures ont été jointes.
Le 30 juin 2023, le tribunal judiciaire de Béziers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [Adresse 9] et désigné la SELARL [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 9].
Par dernières conclusions remises au greffe le 10 octobre 2023, la société [Adresse 9], assistée de la SELARL [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la société HPA Holding, demandent à la cour de :
« DONNER ACTE à la SELARL [H] [X], mandataire judiciaire prise en sa qualité de représentant des créanciers de la SCEA [Adresse 9], de son intervention volontaire et de ce qu'elle s'associe aux demandes présentées par la SCEA [Adresse 9].
RECEVOIR la SCEA [Adresse 9] ET HP HOLDING LA SELARL [X] es qualité en leurs appels,
Au fond,
LES DIRE bien-fondés,
ANNULER les deux décisions entreprises,
A titre subsidiaire,
REFORMER, en leur entièreté, les deux décisions entreprises,
STATUER à nouveau,
Vu l'article L 313-3 du Code Monétaire et Financier,
Vu les dispositions des articles L 511 et suivants du code Monétaire et Financier,
Vu les dispositions de l'article 1137 du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 1162 du Code Civil,
Vu l'article 1304-2 du Code Civil,
- JUGER que FAMILY PARTNERS et FP INVEST 1 ont exercé illégalement la profession de banquier et qu'il en est résulté un préjudice certain pour la SCEA [Adresse 9] et la Société HPA HOLDING,
- JUGER que le contrat de prêt du 13 septembre 2019 déroge aux dispositions d'ordre public précitées que son but est illicite et dès lors prononcer la nullité du contrat de prêt du 13 septembre 2019.
- JUGER le dol commis au préjudice de la SCEA [Adresse 9] et de la Société HPA HOLDING.
- ANNULER le prêt du 13 septembre 2019 avec toutes conséquences de droit en ce compris l'annulation de l'ensemble des garanties consenties et le remboursement de l'ensemble des frais exposés pour les besoins de l'opération, soit 353.929 €.
- JUGER, à titre subsidiaire, l'absence de détermination du taux effectif global du prêt.
- PRONONCER la déchéance du droit à intérêt et l'imputation des intérêts perçus sur le capital.
- JUGER, à titre subsidiaire, la faute commise procédant du non-déblocage de la tranche 2 du contrat de prêt.
- CONDAMNER in solidum FP INVEST 1 et FAMILY PARTNERS à réparer le préjudice subi par la Société HPA HOLDING et la SCEA [Adresse 9] à hauteur de 14.000.000 €.
- DÉSIGNER tel expert judiciaire qu'il plaira avec pour mission de déterminer le préjudice subi par la Société HPA HOLDING et la SCEA [Adresse 9].
- REJETER l'appel formulé par FAMILY PARTNERS et FP INVEST 1
- CONDAMNER FAMILY PARTNERS et FP INVEST 1 au paiement de la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure. »
Elles font notamment valoir que :
* sur la demande d'annulation des deux jugements :
- le jugement soi-disant prononcé le 29 novembre 2022 contient des erreurs sur des éléments essentiels tels que la date de l'audience et du prononcé de la décision qui ne peuvent être considérées comme de simples erreurs de plume tant elles sont nombreuses ;
- le caractère fantaisiste des dates énoncées conduit à s'interroger sur la validité intrinsèque du jugement et son existence même ;
- la décision rectifiée tente maladroitement de pallier ces carences, preuve s'il en est du caractère particulièrement étrange du premier jugement ;
* sur la violation de la loi bancaire
- les sociétés Family Partners et FP Invest 1, qui ne disposent pas d'un agrément bancaire, ont exercé illégalement la profession de banquier ;
- FP Invest, société ad hoc constituée pour collecter des fonds ainsi qu'il résulte d'un aveu judiciaire, s'est fait prêter des fonds du public qu'elle a ensuite prêtés à la société [Adresse 9], la prise de participation d'une action de [Adresse 10] par FP Invest n'ayant pour objet que de détourner la réglementation ; cette fraude corrompt la prise de participation réalisée ;
- le montage consistant à prétendre que [Adresse 9] a un intérêt à prêter à la société HPA Holding au motif d'une convention de partenariat entre les deux est fictif ;
- le contrat de prêt encourt la nullité car il avait pour objet de réaliser une dérogation aux règles d'ordre public règlementant la profession de banquier, des stipulations contraires à la réalité des faits et un but illicite ;
- le caractère habituel résulte de deux opérations de crédit, la collecte et le prêt ;
- l'opération déguise une prise de garantie hypothécaire illicite, le seul objet du prêt étant de permettre à FP Invest d'obtenir une garantie hypothécaire sur le bien dont la société [Adresse 9] est propriétaire mais n'avait aucune utilité sociale pour cette société ;
- le prêt n'a rien à voir avec un apport en compte-courant ;
* sur le dol :
- au moment de la signature du prêt, le prêteur ne disposait pas des fonds et n'avait pas l'intention d'aller au-delà de la première tranche, n'ayant aucune visibilité sur l'intérêt des clients de Family Partners d'apporter les 3,2 millions de la tranche 2, alors que le contrat ne laisse pas supposer son caractère hypothétique ;
- l'assertion de l'article 3 selon laquelle « le prêteur pourra en son entière discrétion faire ou non droit à cette demande ' » est purement potestative et devra être retranchée du contrat ;
- le tribunal ajoute à la lettre de l'acte, qui n'a jamais précisé que le prêt dépendait du montant souscrit par les investisseurs/clients de Family Partners ;
* à titre subsidiaire, sur le TEG : le TEG stipulé au contrat est erroné, étant de 9,31% du montant total du prêt en comptabilisant l'ensemble des coûts ;
* à titre subsidiaire, sur la non libération de la 2ème tranche du prêt et le préjudice subi à ce titre ou sur le terrain de la nullité du prêt :
- en novembre 2019, le déblocage de la 2ème tranche était considéré comme acquis, la société FP Invest 1 ayant fait miroiter l'existence des fonds alors qu'elle n'en disposait pas ;
- les dispositions de l'article 2.4 du prêt n'étaient pas conditionnelles et celles de l'article 3.3 contenaient une condition potestative ;
- ce non-déblocage a entraîné pour la société HPA Holding une série de difficultés, dès lors, notamment que la réalisation du projet immobilier La Baraquette s'est trouvée interrompue du fait du défaut de règlement des fournisseurs et que la société HPA Holding, qui était adjudicataire d'un projet immobilier « Porto Pisa » en Italie a fait défaut faute de financement ;
- un préjudice d'au moins 14 millions lui a été causé ;
* sur l'appel incident
- la société FP Invest 1 est une coquille vide ;
- en agissant sur le fondement d'une délégation de créances, la société FP Invest 1 agit sur le fondement d'une fiction juridique puisque le prêt consenti à [Adresse 9] est une fiction, les fonds allant directement dans la caisse de HPA Holding ;
- l'action oblique se heurte au principe de la suspension des poursuites individuelles résultant du redressement judiciaire de [Adresse 9] et est irrecevable ;
- la société FP Invest 1 n'a pas de droit propre contre la société HPA Holding et doit déclarer sa créance.
Par dernières conclusions remises au greffe le 26 septembre 2023, les sociétés FP Invest 1 et Family Partners demandent à la cour de :
« Vu l'article 562 du code de procédure civile,
Vu la déclaration d'appel,
JUGER irrecevable la demande d'annulation du jugement déféré et subsidiairement la juger mal fondée,
Vu les dispositions des articles L. 312-2 et suivants, L 511-5 et suivants du Code Monétaire et financier,
Vu les dispositions de l'article 1137 du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 146 du Code de Procédure Civile,
A titre principal,
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding de l'ensemble de leurs demandes.
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- Dit l'action à l'encontre de la SAS FAMILY PARTNERS régulière et recevable ;
- Débouté la société FP INVEST 1 de sa demande de règlement de la somme de 3.800.000 €,
- Débouté la société FP INVEST 1 de sa demande de dommages-intérêts ;
- Débouté la société FP INVEST 1 de ses demandes plus amples ou contraires.
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
A titre principal,
Vu les dispositions des articles 32 et suivants du Code de procédure civile,
- Déclarer les sociétés SCEA [Adresse 9] et HPA Holding irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Family Partners, à défaut les en débouter ;
- Débouter les sociétés SCEA [Adresse 9] et HPA Holding de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre la société FP INVEST 1 ;
A titre subsidiaire, si la nullité du prêt devait être prononcée,
- Fixer au passif de la SCEA [Adresse 9] la somme de 3.800.000 € outre les intérêts au taux légal à compter de la date des premières conclusions signifiées devant le Tribunal de commerce de Paris, le 29 juin 2021.
- Ordonner le maintien de l'ensemble des garanties jusqu'au règlement de la créance de la société FP INVEST 1.
En toute hypothèse,
Vu la délégation de créances,
Vu les dispositions des articles 1336 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 1341-1 du même code,
- Déclarer la société FP INVEST 1 recevable et bien fondée en sa demande dirigée contre la société HPA Holding.
- Prononcer l'exigibilité anticipée du prêt obligataire consenti par la SCEA [Adresse 9] à la société HPA Holding.
- Condamner la société HPA Holding à payer à la société FP Invest 1 la somme de 3.800.000 € en principal outre 931.295,56 € au titre des intérêts échus, sauf à parfaire, jusqu'à complet paiement.
Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,
- Condamner in solidum les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding à payer à la société FP Invest 1 la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts
- Condamner in solidum la société SCEA [Adresse 9] et la société HPA Holding à verser à la société FP INVEST 1 et à la société Family Partners la somme de 30.000 € chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître BOCCON GIBOD, avocat, dans les conditions de l'article 696 du Code de procédure civile. »
Ces sociétés font notamment valoir que :
* sur la demande d'annulation du jugement :
- cette demande est irrecevable, l'annulation n'ayant pas été sollicitée dans la déclaration d'appel, ainsi que mal fondée au regard de l'article 459 du code de procédure civile et de la jurisprudence ;
- en effet, le jugement indique clairement et il est établi qu'il a été prononcé le 25 janvier 2023 après une audience de plaidoirie du 29 novembre 2022, la date initiale du 15 novembre 2022 ayant été repoussée ;
- l'erreur purement matérielle a été rectifiée par le jugement du 17 mai 2023 ;
* sur la demande de nullité du prêt :
- la loi bancaire n'a pas été violée, étant donné, d'une part, que les fonds prêtés ne sont pas des fonds publics mais issus des relations contractuelles de la société Family Partners avec ses clients, les appelantes n'ayant pas qualité pour soulever une éventuelle irrégularité de la collecte de ces fonds, et, d'autre part, ce prêt a été consenti en qualité d'associé et ne peut être considéré comme consenti à un tiers ; au surplus, le seul fait qu'une opération de crédit a été conclue en violation de l'article L. 511-5, al. 1er du code monétaire et financier invoqué ne peut avoir pour conséquence son annulation ;
* sur le dol allégué :
- les appelantes procèdent par affirmations en invoquant de surcroît des faits postérieurs à la signature du prêt ;
- le déblocage du prêt a été refusé par FP Invest 1 car la société [Adresse 9] était en défaut au titre du paiement des intérêts trimestriels depuis plus d'un an et cette société et la société HPA Holding étaient parfaitement informées des caractéristiques de la tranche 2 ;
- le tribunal n'a pas ajouté à la lettre du prêt au vu de son article 3.3 prévoyant une procédure de concertation pour la libération de la tranche 2 ;
- l'intérêt du prêt pour la société [Adresse 9] a été justifié par M. [J] lui-même dans son courrier du 9 juillet 2019 ;
- subsidiairement, si le prêt était annulé, la somme débloquée devrait être restituée ;
* Sur le taux effectif global :
- seule la société [Adresse 10] a qualité pour demander la déchéance du droit aux intérêts, le prêt est un prêt d'associé auquel la législation relative à ce taux ne s'applique pas et, à supposer qu'elle s'applique, un écart d'au moins une décimale entre les taux réel et mentionné selon la méthode des taux actuariels n'est pas démontré ;
- il ne s'agit plus d'une sanction automatique, cette sanction devant être prononcée au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur ;
* Sur la demande de dommages et intérêts du fait de la non-libération de la tranche 2 :
- la tranche 2 n'était pas assortie d'une condition potestative, la société [Adresse 9] a souscrit ce prêt en connaissance de cause et le non déblocage n'est pas fautif et la vente de [Localité 13] est intervenue postérieurement à l'ultime déblocage ;
- il démontré ni faute, ni préjudice direct, actuel et certain ni lien de causalité : notamment, le projet à [Localité 13] ne correspond pas à l'affectation (viticole) du prêt ;
* Sur leurs demandes reconventionnelles :
- au terme d'une convention de prêt obligataire (contrat de prise ferme) en date du 13 septembre 2019, la société SCEA [Adresse 9] s'est engagée à souscrire, à concurrence de 3,8 millions d' euros à l'émission des obligations à émettre par la société HPA Holding ; parallèlement, il résulte du contrat de prêt du 30 septembre 2019 que la société HPA Holding a émis à la date de signature un emprunt obligataire d'un montant de 7 millions d' euros, souscrit et libéré à cette date la société [Adresse 9] à concurrence de 3,8 millions d' euros : or, le défaut de paiement d'une échéance constitue un cas d'exigibilité et la société FP Invest 1 bénéficie d'une délégation de créance consentie par la société [Adresse 9] sur toutes les sommes qui seraient dues par la société HPA Holding au titre de l'emprunt obligataire, la société HPA Holding ayant accepté sans réserve ladite délégation, intitulée « Délégation de créance n°2 »
- si le délégant ([Adresse 9]) ne peut exiger l'exécution de la convention le liant au délégué (HPA) que pour la part excédant l'engagement de HPA à l'égard du délégataire (FP Invest 1), il est évident que le délégataire doit pouvoir solliciter l'exécution de son obligation de remboursement par HPA et le constat du prononcé de sa défaillance ;
- le tribunal a méconnu le mécanisme de la délégation de créance prévu à l'article 1339 du code civil ;
- en particulier, HPA Holding a consenti une délégation imparfaite au profit de FP Invest 1 qui est fondée se prévaloir de l'exigibilité du prêt obligataire entre HPA Holding et [Adresse 9] où HPA est en défaut à l'égard de la seconde ;
- à titre subsidiaire, FP Invest 1 est fondée à exercer l'action oblique car l'inaction de son créancier [Adresse 9] envers HPA dans ce cadre lui crée un préjudice.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 juin 2025.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'annulation du jugement
L'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dispose : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
L'article 901, 4°, du même code, dans cette rédaction, prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, « Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
En l'espèce, aux termes de leur déclaration d'appel, qui seule opère l'effet dévolutif, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding n'ont saisi la cour que d'une demande d'infirmation du jugement. Cette déclaration d'appel n'était pas accompagnée d'une annexe et n'a pas été complétée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti aux appelantes pour conclure au fond. Par ailleurs, si la déclaration d'appel des sociétés FP Invest 1 et Family Partners mentionne que leur appel tend à l'annulation, l'infirmation ou la réformation du même jugement, celles-ci n'ont pas saisi la cour d'une telle demande par voie de conclusions. Il s'ensuit que, faute de relever du périmètre de saisine de la cour, la demande d'annulation du jugement de la société [Adresse 9], assistée de son mandataire judiciaire intervenant volontairement à l'instance, et de la société HPA Holding, sera déclarée irrecevable.
Au surplus, il y a lieu d'observer que, si le jugement déféré porte la date du 29 novembre 2022 en première page, reprise sur les en-têtes des hauts de pages, et celle du 10 janvier 2023 en dernière page ainsi qu'une date d'audience du 15 novembre 2022, ses motifs indiquent clairement en page 4 que l'audience de plaidoirie s'est tenue le 29 novembre 2002 et que le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé par mise à disposition le 25 janvier 2023, ce que rappellent les sociétés FP Invest 1 et Family Partners et qui n'est pas contesté, le tribunal ayant été rectifié cette erreur qualifiée d' » erreur matérielle grossière » par jugement rectificatif du 17 mai 2023. Ainsi et dès lors que même une contradiction entre les mentions relatives à une date équivalant à l'omission d'une mention destinée à établir la régularité d'un jugement ne peut entraîner sa nullité s'il est établi par le registre d'audience, ou par tout autre moyen, que les prescriptions légales ont été, en fait, observées, en vertu des articles 454 et 459 du code de procédure civile, aucune nullité du jugement déféré n'est encourue.
Sur les demandes relatives au prêt du 13 septembre 2019
Sur la demande d'annulation du prêt
L'article 1162 du code civil dispose : « Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »
Aux termes de l'article L.511-5 du code monétaire et financier : « Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement. »
Par ailleurs, l'article 1137 du code civil prévoit : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »
L'article 1304-2 de ce code dispose également que : « Est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause. »
Tout d'abord, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding font valoir que le prêt a été conclu dans le cadre d'un exercice illégal par les sociétés FP Invest 1 et Family Partners de l'activité de banquier consistant à se faire remettre des fonds du public et à effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Toutefois, s'agissant de la remise de fonds du public, celles-ci se limitent à faire état de ce que les sociétés FP Invest 1 et Family Partners ont indiqué dans leurs conclusions que « compte-tenu du nombre élevé de clients intéressés pour financer, partiellement, le projet de Monsieur [O] [J], il a été décidé, par souci de simplicité, afin d'éviter l'octroi d'autant de prêts qu'il y a de clients intéressés, de regrouper, au sein d'une même société l'ensemble desdits clients. C'est ainsi que FAMILY PARTNERS a constitué une société, la société FP INVEST 1, dont elle détient l'intégralité du capital, mais qui a emprunté, auprès de ses clients intéressés, les sommes qu'ils étaient disposés à allouer au financement du projet de Monsieur [O] [J], à charge pour FP INVEST de les prêter à la SCEA [Adresse 9]. »
Or, en l'absence d'autre pièce et s'il ressort du contrat de prêt litigieux du 13 septembre 2019 que les fonds prêtés provenaient d'une émission obligataire, il n'en résulte pas la preuve d'une réception par ces sociétés de fonds remboursables du public à titre habituel.
Le fait que la société Family Invest 1 ait ensuite consenti ce prêt à la société [Adresse 9] ne permet pas non plus d'établir que cette dernière et la société Family Partners ont effectué des opérations de crédit à titre habituel, d'autant qu'il s'agit d'un prêt entre associés qui ne peut être considéré comme accordé par un tiers. Par conséquent, l'exercice illégal de la profession de banquier invoqué n'est pas démontré.
Au demeurant, le tribunal a également estimé à juste titre que, même à supposer que ce prêt ait été conclu en méconnaissance de l'interdiction d'effectuer de telles opérations édictée à l'article L.511-5 du code monétaire et financier, ce seul fait n'est pas de nature à en entraîner l'annulation.
Ensuite, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding échouent à démontrer que, comme elles le soutiennent, ce prêt n'avait aucune utilité pour la société [Adresse 9], laquelle était représentée à l'acte par notaire participant en vertu d'une délibération de ses associés annexée et d'une délégation de pouvoirs établie par sa gérante, de même que ses associés, et que sa seule raison d'être était la prise d'une garantie hypothécaire.
En effet, ainsi que l'a relevé le tribunal par des motifs pertinents, la question de l'intérêt social de l'opération pour la société [Adresse 9] avait été discutée entre les parties, ces sociétés s'étant attachées à en justifier la régularité au regard de son intérêt social notamment par un courriel du 9 juillet 2019 intitulé « Intérêt à agir de la SCEA [Adresse 9] », complété par un autre courriel du même jour, provenant de M. [J] et montrant que cette société, d'une part, escomptait un avantage de l'opération dès lors qu'elle partageait déjà une communauté d'intérêts avec la société HPA Holding, qu'elle s'était engagée dans le cadre d'un bail à ferme du 3 mars 2014 à exploiter des immeubles ruraux plantés en Vigne situés à Marseillan, qu'elle entendait dans le cadre de l'opération, développer la vente de sa production de vins en bouteille minoritaire (10%) dans son activité en la doublant et, d'autre part, estimé nul le risque que son existence puisse être mise en jeu dans le cadre de cette opération dès lors qu'elle disposait d'un actif d'une valeur de 11 millions d' euros supérieure à son engagement de 7 millions d' euros.
D'ailleurs, le préambule du contrat de prêt indique que « l'Emprunteur, qui a engagé une stratégie de croissance de son activité d'exploitation de vignobles (au-delà du vignoble qu'il possède et exploite), souhaite concrétiser le Contrat Projet Wine (i) en donnant les moyens financiers à HPA HOLDING SAS de développer le projet [Localité 11]* La Baraquette ainsi que d'autres projets de resort hôteliers écotouristiques offrant une expérience autour du vignoble ainsi qu'en (ii) retirant un intérêt financier en contrepartie de ce financement. »
Or, aucun élément permettant de remettre en cause cette analyse n'est produit.
Enfin, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding invoquent un dol des sociétés FP Invest 1 et Family Partners dans la mesure où, à la date de la signature du prêt litigieux, le prêteur aurait dissimulé qu'il ne disposait pas des fonds de la tranche 2 et savait que cette tranche ne serait probablement jamais financée et où ce prêt contenait une condition potestative.
Cependant, le paragraphe D du préambule du prêt indique que « afin de bénéficier des fonds permettant d'octroyer le prêt, le prêteur a procédé à une émission obligataire ce jour ['] en la forme de [']7 millions obligations d'une valeur nominale d'un euro chacune ['], soit un montant total en principal ['] EUR 7 000 000, souscrites (i) ce jour à hauteur de ['] 3 800 000 obligations ['] et ii) le solde, au plus tard le 30 juin 2020, par certains investisseurs clients de la société Family Partners ['] » et son article 2.1 « Montant et objet du prêt » que le prêteur consent à mettre à disposition de l'emprunteur, qui l'accepte, un prêt d'un montant maximum de 7 millions d' euros composé de deux tranches, la tranche 1, d'un montant maximum de 3,8 millions d' euros devant être mise à disposition en un tirage unique à la date de la signature et « La tranche 2, d'un montant maximum en principal de trois millions deux cent mille euros (3 200 000 euros) devant être mise à disposition en un tirage unique pendant la période de disponibilité tranche 2, selon les termes et conditions prévus à l'article 3 [']. »
En outre, l'article 3.3 de celui-ci, intitulé « Conditions préalables à la mise à disposition de la tranche 2 », stipule : « L'Emprunteur pourra solliciter du Prêteur la mise à disposition de la Tranche 2. Le Prêteur pourra, à son entière discrétion, faire droit ou non à cette demande, étant précisé que la Tranche 2 ne pourra être octroyée postérieurement au 30 juin 2000. A cet effet, l'Emprunteur devra notifier par écrit le Prêteur de son souhait de bénéficier, en tout ou partie, de la mise à disposition de la Tranche 2. Le Prêteur devra faire connaître sa réponse, par écrit, dans un délai de trente (30) Jours Ouvrés à compter de la réception par lui de la notification écrite susvisée de l'Emprunteur. L'Emprunteur disposera ensuite d'un délai de dix (10) Jours Ouvrés à compter de cette confirmation du Prêteur pour solliciter la mise à disposition du montant en principal de la Tranche 2 que ce dernier aura accepté de mettre à sa disposition, en remettant un Avis de Tirage, au moins cinq (5) Jours Ouvrés avant la Date de Tirage souhaitée de la Tranche 2. Le Prêteur ne sera tenu de mettre à disposition le montant convenu de la Tranche 2 que sous réserve qu'à la Date de Tirage concernée, il n'existe aucun Cas d'Exigibilité Anticipée, Cas d'Exigibilité Anticipé Potentiel ou Evénement Significatif Défavorable (et sous réserve que la mise à disposition de la Tranche 2 n'ait pas pour effet d'entraîner la survenance d'un Cas d'Exigibilité Anticipée, Cas d'Exigibilité Anticipé Potentiel ou Evénement Significatif Défavorable).
Il résulte de ces stipulations que, comme l'a relevé le tribunal, les parties ont convenu d'un mécanisme de concertation pour la mise à disposition de la tranche 2, dont la mise en 'uvre était soumise à leur double volonté sans qu'aucune d'elles ne prenne d'engagement quant à son versement, l'emprunteur étant libre de solliciter cette mise à disposition et le prêteur de faire droit à la demande. En outre, une fois cette demande acceptée, seuls certains événements objectifs liés à la situation financière de l'emprunteur mais non au prêteur expressément stipulés au contrat pouvaient dispenser ce dernier de s'exécuter. Par conséquent, le tribunal a exclu à juste titre l'existence d'une condition potestative.
Par ailleurs, comme constaté à juste titre par le tribunal, le contrat de prêt indique que les fonds prêtés proviennent d'une émission obligataire de la société FP Invest 1 dont, au jour de la signature du prêt, les obligations souscrites s'élevaient à la somme de 3,8 millions d' euros, le montant de la tranche 2, d'un montant maximum de 3,2 millions d' euros, devant résulter des souscriptions ultérieures d'autres investisseurs clients de la société Family Partners. Il apparaît donc que le prêteur était à même de réunir ces fonds, sous réserve d'une telle souscription.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est établi ni que le contrat de prêt litigieux aurait eu un objet, un but ou un contenu illicite ni l'existence de man'uvres ou de dissimulations d'informations essentielles à l'emprunteur ni une intention de tromper ce dernier qui permettraient de caractériser un dol, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande d'annulation de ce contrat.
Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l'article L.313-4 du code monétaire et financier : « Les règles relatives au taux effectif global des crédits sont fixées par les articles L. 314-1 à L. 314-5, L. 341-48-1 et L. 341-49 du code de la consommation. »
L'article L. 341-48-1, premier alinéa, du code de la consommation prévoit : « En cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévue à l'article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. »
L'article R.314-2 de ce code dispose : « Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.
Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.
Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.
Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.
Si le crédit prend la forme d'une ouverture de droits de tirage destinée à financer les besoins d'une activité professionnelle, le taux effectif global est calculé sur la totalité des droits mis à la disposition du client.
Les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. »
Les prêts professionnels ne sont pas exclus du champ d'application de ces dispositions.
Par ailleurs, pour les contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 dont cet article L. 341-48-1 est issu, tel le contrat de prêt litigieux, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du TEG dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.
En l'espèce, l'article 6 du contrat de prêt litigieux stipule que les parties reconnaissent expressément que du fait des particularités des stipulations de la convention, il s'avère impossible de déterminer le TEG du prêt mais que pour satisfaire à cet article L.313-4, ce taux, calculé sur la base d'une année de 365 jours selon la méthode proportionnelle à partir d'un taux actuariel, s'établirait, à titre d'exemple à cette date, au taux de 9,63% l'an, en retenant l'hypothèse d'un tirage unique de la totalité du prêt à la date de signature et en prenant notamment en compte les modalités de remboursement prévues à l'article 4.1 et le taux d'intérêt égal à 8,05% l'an pendant toute la durée du prêt, soit le remboursement intégral du prêt à la date d'échéance finale, laquelle est fixée au 12 septembre 2022. Il est ajouté que l'emprunteur reconnaît avoir procédé personnellement à toutes estimations qu'il estimait nécessaires pour apprécier le coût global du prêt et avoir reçu tous renseignements nécessaires du prêteur.
Contrairement à ce que soutiennent les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding, la période et la date d'échéance finale sont bien précisées. En tout état de cause, celles-ci se limitent à affirmer que le TEG stipulé est erroné au motif que l'ensemble des coûts représente la somme de 353 929 euros, soit 9,31% du crédit, sans préciser le détail de leur calcul et s'il repose sur ces mêmes bases en vue d'établir si l'écart entre ce taux et le taux réel est d'au moins une décimale, ni quels frais auraient été omis et, au surplus, sans justifier qu'il a été effectué actuariellement comme l'a relevé le tribunal. En outre et en tout état de cause, le calcul proposé par les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding repose sur l'hypothèse d'un montant total prêté de 3,8 millions d' euros, la somme de 353 929 euros représentant 9,31 % de ce montant, alors que l'acte de prêt stipule, nonobstant les modalités de mise à disposition en deux tranches, que le montant du prêt est de 7 millions d' euros. Dans la mesure où le prêteur n'était pas tenu de ne prendre pour hypothèse de calcul du TEG un versement de la seule première tranche et où, au regard de ce montant de 7 millions d' euros, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ne rapportent pas la preuve, par le calcul, au demeurant approximatif, de l'erreur affectant le TEG mentionné dans le contrat, dont elles se prévalent, cette erreur, qu'au demeurant seul l'emprunteur peut soulever, n'est pas démontrée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts.
Sur les demandes subsidiaires de dommages et intérêts au titre du non déblocage de la tranche 2 du prêt et de désignation d'un expert
L'article 1217 du code civil dispose :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
[']
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »
En l'espèce, pour les motifs déjà indiqués ci-dessus, d'une part, aucune des parties au contrat de prêt litigieux n'avait pris d'engagement quant au versement de la tranche 2, de sorte que la faute invoquée par les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding consistant à n'avoir pas débloqué cette tranche n'est pas démontrée et, d'autre part, ce prêt n'était ni nul ni assorti d'une condition potestative concernant cette tranche. Au surplus, il n'est pas allégué ni établi que les conditions dans lesquelles la faculté du prêteur de refuser la mise à disposition de la tranche 2 a été exercée étaient, en elles-mêmes, fautives, étant relevé, en particulier, qu'il résulte du courrier du 2 mars 2021 et de la mise en demeure du 11 mars 2021 prononçant l'exigibilité anticipée de ce prêt produits par les sociétés FP Invest 1 et Familiy Partners que l'emprunteur n'avait pas honoré toutes les échéances de paiement d'intérêts de l'année 2020, ce qui constituait un cas d'exigibilité anticipé susceptible de dispenser le prêteur de s'exécuter concernant le paiement de cette tranche, et que des négociations sont intervenues entre les parties qui n'ont pas abouti.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité des sociétés FP Invest 1 et Family Partners à ces titres et rejeté les demandes subsidiaires de dommages et intérêts et de désignation d'un expert aux fins de déterminer le préjudice formées par les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding.
Sur les demandes relatives à la délégation de créance et à l'action oblique
L'article 1336 du code civil dispose :
« La délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d'une autre, le délégué, qu'elle s'oblige envers une troisième, le délégataire, qui l'accepte comme débiteur.
Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »
Par ailleurs, aux termes de l'article 1341-1 de ce code :
« Lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »
En l'espèce, à l'appui de sa demande de condamnation de la société HPA Holding à lui verser la somme de 3,8 millions d' euros en principal, la société FP Invest 1 fournit la lettre recommandée avec avis de réception du 11 mars 2021 prononçant l'exigibilité anticipée du prêt litigieux du 13 septembre 2019 ainsi que sa déclaration de créance auprès du mandataire judiciaire de la société [Adresse 9] en date des 3 août et 6 septembre 2023 à hauteur de cette somme.
Or, dans la mesure où la société FP Invest 1 invoque la « Délégation de créance n°2 » telle que figurant à l'article 10.2 du contrat de prêt du 13 septembre 2019, il convient de relever que la société HPA Holding est bien partie à ce contrat en tant qu'intervenante et, selon les points (a) et (b) de cet article, a accepté cette délégation par laquelle « l'Emprunteur, en qualité de délégant, délègue, aux termes du présent article et dans les conditions prévues à l'article 1336 du Code civil, le Holding en qualité de débiteur délégué, au Prêteur, en qualité de délégataire, dans le paiement de toute somme due au titre de l'Emission Obligataire Holding, des Documents de Financement Obligations Holding et de la Délégation de Créance n°2 (pour les besoins du présent Article, les « [Localité 8] Déléguées ». Toutefois, selon le point (g) de cet article, « Le Holding ne s'engage au titre de la Délégation de Créance N°2, que dans la limite et à concurrence des [Localité 8] déléguées et le Holding pourra opposer au Prêteur toute exception tirée de ses rapports avec l'Emprunteur au titre des Documents de Financement Hypothécaires », dont fait partie cet acte, de sorte qu'il existe une stipulation contraire au sens de cet article 1336 et que la société HPA Holding apparaît bien fondée à opposer l'arrêt des poursuites individuelles due à la procédure de redressement judiciaire de la société [Adresse 9].
Au demeurant, la société FP Invest 1, pour justifier de l'éventuelle créance de la société [Adresse 9] à l'égard de la société HPA Holding d'un montant de 3,8 millions d' euros « au titre de l'exigibilité du contrat de prêt obligataire » qu'elle revendique, se limite à produire le contrat de prise ferme du 13 septembre 2019 par lequel la société [Adresse 9] s'est engagée à souscrire des obligations à hauteur dudit montant émises dans le cadre de l'emprunt obligataire par la société HPA Holding et les termes et conditions des obligations et à indiquer que cette dernière « a reconnu être en défaut de paiement à l'égard de la société [Adresse 9] dans le cadre de ses écritures de première instance », ce qui est insuffisant à établir l'exigibilité anticipée du prêt obligataire et la créance qu'elle invoque en l'absence de confirmation de celles-ci.
Au vu notamment de ces pièces, il n'est pas non plus justifié d'une carence du mandataire judiciaire de la société [Adresse 9] pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ni de la réunion des conditions d'engagement de l'action oblique à laquelle, au surplus, la société HPA Holding est également bien fondée à opposer l'arrêt des poursuites individuelles contre la société [Adresse 9].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société FP Invest 1 de sa demande de règlement de la somme de 3,8 millions d' euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose :
« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
En l'espèce, les sociétés FP Invest 1 et Family Partners ne démontrent pas que l'action des sociétés [Adresse 9] et HPA Holding serait constitutive d'une faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, étant rappelé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une telle faute.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne les sociétés [Adresse 9], [H] [X] et HPA Holding, parties perdantes, aux dépens de la procédure de première instance et il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel, avec application de l'article 699 de ce code.
En application de l'article 700 dudit code, le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les frais irrépétibles et la société [Adresse 9] assistée de son mandataire judiciaire et la société HPA Holding seront déboutées de leur demande et condamnées in solidum à payer aux sociétés FP Invest 1 et Familiy Patreners la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare irrecevable la demande d'annulation du jugement formée par la société [Adresse 9], assistée de la société [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire, et la société HPA Holding ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société [Adresse 9], assistée de la société [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire, et la société HPA Holding in solidum aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Boccon Gibod, avocat ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société [Adresse 9], assistée de la société [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire et la société HPA Holding de leur demande et les condamne in solidum à payer aux sociétés FP Invest 1 et Family Partners la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel non compris dans les dépens ;
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2025
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03276 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHEKH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2022-Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2021019974
APPELANTES
S.C.E.A. [Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 4]
N° SIRET : 488 252 909
S.A.S.U. HPA HOLDING
[Adresse 3]
[Localité 6]
N° SIRET : 447 .69 0.6 60
Représentées parMe Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assistées de Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 106
INTIMÉES
S.A.S.U. FP INVEST 1
[Adresse 1]
[Localité 6]
N° SIRET : 852 927 235
S.A.S. FAMILY PARTNERS
[Adresse 1]
[Localité 6]
N° SIRET : 531 204 782
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistées de Me Valérie DESFORGES de la SELAS ADEMA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0540
INTERVENANT VOLONTAIRE
SELARL [H] [X], mandataire judiciaire prise en sa qualité de représentant des créanciers mandataire judiciaire de la SCEA [Adresse 9]
[Adresse 14]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté parMe Jacques MONTA de la SELEURL Jacques MONTA Avocat à la Cour, avocat au barreau de PARIS, toque : D0546
Assisté de Me Jean IGLESIS, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 106
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Madame Solène LORANS, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Solène LORANS, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Sonia JHALLI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Xavier BLANC, Président de chambre et par Madame Sonia JHALLI, greffière, présente, lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société HPA Holding, dirigée par M. [O] [J], développe des programmes immobiliers exploités sous la forme de resorts dans le bassin méditerranéen. Dans ce cadre, elle a entrepris de développer sur la commune de [Localité 12] (Hérault), dans le quartier de la Baraquette, un projet immobilier résidentiel et hôtelier écotouristique tourné autour du vin dénommé « [Localité 11]* La Baraquette ».
La société [Adresse 9] est une société civile d'exploitation agricole, détenue indirectement par M. et Mme [J].
La société Family Partners, est une « multifamily office » spécialisée dans la gestion de fonds privés et a pour activité l'assistance de ses clients dans la structuration, la gestion et le suivi de leur patrimoine. Dans ce contexte, elle met en relation des porteurs de projets en recherche de financements et ses clients.
Afin d'assurer le financement de son projet, la société HPA Holding s'est rapprochée de la société Family Partners. Un montage financier a été mis en place, comportant :
- la création le 30 juillet 2019, par la société Family Partners, d'une filiale dédiée, la société FP Invest 1, qui emprunte, dans le cadre d'une émission obligataire auprès des investisseurs clients de la société Family Partners, des sommes destinées au financement du projet ;
- l'acquisition par la société FP Invest 1 d'une action de la société [Adresse 9] ;
- la conclusion par acte notarié du 13 septembre 2019, par la société FP Invest 1 en qualité de prêteur et la société [Adresse 9] en qualité d'emprunteur, d'une convention de prêt d'un montant maximal de 7 000 000 d' euros au taux d'intérêt de 8,05% l'an, comportant deux tranches, la première de 3 800 000 euros (tranche 1) versée à la signature et l'autre de 3 200 000 euros (tranche 2), remboursable « in fine » au terme d'une durée de 3 ans, le prêt étant notamment garanti par une hypothèque de 3ème rang consentie par la société [Adresse 9] sur des biens immobiliers qu'elle possède à [Localité 15] et [Localité 7] (Hérault) ainsi que par un cautionnement personnel solidaire de M. et Mme [J] dans la limite de 9 100 000 euros ;
- la souscription par la société [Adresse 9] à un emprunt obligataire de 7 000 000 d' euros, comportant également 2 tranches, émis par la société HPA Holding.
A compter du mois de janvier 2020, la société FP Invest 1 a constaté la défaillance de la société [Adresse 9] dans le remboursement des intérêts du prêt. En l'absence d'accord des parties sur un réaménagement de ce prêt, la société FP INVEST 1 en a prononcé l'exigibilité anticipée le 11 mars 2021.
Le 12 avril 2021, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ont fait assigner les sociétés FP Invest 1 et Family Partners devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir l'annulation du prêt du 13 septembre 2019 ainsi que des dommages et intérêts en indemnisation du préjudice qu'elles considèrent avoir subi.
FP Invest 1 a parallèlement engagé à l'encontre de ces sociétés des mesures d'exécution qui ont été contestées devant le tribunal judiciaire de Béziers, lequel a sursis à statuer dans l'attente de la décision.
Par jugement portant la date du 29 novembre 2022, rectifié le 17 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
« - Dit l'action à l'encontre de la SAS FAMILY PARTNERS régulière et recevable ;
- Déboute la SCEA [Adresse 9] et la SASU HPA HOLDING de l'ensemble de leurs demandes ;
- Déboute la SAS FP INVEST 1 de sa demande de règlement de la somme de 3 800 000 euros ;
- Déboute la SAS FP INVEST 1 de sa demande de dommages et intérêts ;
- Condamne in solidum la SCEA [Adresse 9] et Ia SASU HPA HOLDING à payer à la SAS FP INVEST 1 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne in solidum Ia SCEA [Adresse 9] et la SASU HPA HOLDING aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 111,01 € dont 18,29 € de TVA ;
- Déboute la SCEA [Adresse 9], la SASU HPA HOLDING et la SAS FP INVEST 1 de leurs demandes autres, plus amples ou contraires. »
Par déclaration du 9 février 2023, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ont interjeté appel de ce jugement, l'appel tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutées de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 17 mars 2023, les sociétés FP Invest 1 et Family Partners ont également interjeté appel de ce jugement, l'appel tendant à l'annulation, l'infirmation ou la réformation du jugement en ce qu'il dit l'action à l'encontre de la société Family Partners régulière et recevable, débouté la société FP Invest 1 de sa demande de règlement de la somme de 3 800 000 euros, de dommages et intérêts et de ses autres demandes.
Par jugement rectificatif du 17 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
« Dit qu'il convient de rectifier le jugement en date du 29 novembre 2022 de la 7ème chambre, et de lire sur toutes les pages de 1 à 13 :
Jugement prononcé le mardi 25 janvier 2023.
Aux lieux et place de :
Jugement prononcé le 29 novembre 2022.
Le reste demeurant inchangé.
Ordonne que conformément aux articles 462 et 463 du CPC, mention de la présente décision sera portée sur la minute et sur les expéditions du jugement et qu'elle sera notifiée comme celui-ci.
['] »
Par déclaration du 30 mai 2023, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ont interjeté appel de ce jugement, l'appel tendant à l'infirmation du jugement du 17 mai 2023, rectifiant le jugement du 29 novembre 2022.
Par ordonnances des 15 mai et 23 juin 2023, les trois procédures ont été jointes.
Le 30 juin 2023, le tribunal judiciaire de Béziers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [Adresse 9] et désigné la SELARL [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire de la société [Adresse 9].
Par dernières conclusions remises au greffe le 10 octobre 2023, la société [Adresse 9], assistée de la SELARL [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire de cette société, et la société HPA Holding, demandent à la cour de :
« DONNER ACTE à la SELARL [H] [X], mandataire judiciaire prise en sa qualité de représentant des créanciers de la SCEA [Adresse 9], de son intervention volontaire et de ce qu'elle s'associe aux demandes présentées par la SCEA [Adresse 9].
RECEVOIR la SCEA [Adresse 9] ET HP HOLDING LA SELARL [X] es qualité en leurs appels,
Au fond,
LES DIRE bien-fondés,
ANNULER les deux décisions entreprises,
A titre subsidiaire,
REFORMER, en leur entièreté, les deux décisions entreprises,
STATUER à nouveau,
Vu l'article L 313-3 du Code Monétaire et Financier,
Vu les dispositions des articles L 511 et suivants du code Monétaire et Financier,
Vu les dispositions de l'article 1137 du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 1162 du Code Civil,
Vu l'article 1304-2 du Code Civil,
- JUGER que FAMILY PARTNERS et FP INVEST 1 ont exercé illégalement la profession de banquier et qu'il en est résulté un préjudice certain pour la SCEA [Adresse 9] et la Société HPA HOLDING,
- JUGER que le contrat de prêt du 13 septembre 2019 déroge aux dispositions d'ordre public précitées que son but est illicite et dès lors prononcer la nullité du contrat de prêt du 13 septembre 2019.
- JUGER le dol commis au préjudice de la SCEA [Adresse 9] et de la Société HPA HOLDING.
- ANNULER le prêt du 13 septembre 2019 avec toutes conséquences de droit en ce compris l'annulation de l'ensemble des garanties consenties et le remboursement de l'ensemble des frais exposés pour les besoins de l'opération, soit 353.929 €.
- JUGER, à titre subsidiaire, l'absence de détermination du taux effectif global du prêt.
- PRONONCER la déchéance du droit à intérêt et l'imputation des intérêts perçus sur le capital.
- JUGER, à titre subsidiaire, la faute commise procédant du non-déblocage de la tranche 2 du contrat de prêt.
- CONDAMNER in solidum FP INVEST 1 et FAMILY PARTNERS à réparer le préjudice subi par la Société HPA HOLDING et la SCEA [Adresse 9] à hauteur de 14.000.000 €.
- DÉSIGNER tel expert judiciaire qu'il plaira avec pour mission de déterminer le préjudice subi par la Société HPA HOLDING et la SCEA [Adresse 9].
- REJETER l'appel formulé par FAMILY PARTNERS et FP INVEST 1
- CONDAMNER FAMILY PARTNERS et FP INVEST 1 au paiement de la somme de 30.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure. »
Elles font notamment valoir que :
* sur la demande d'annulation des deux jugements :
- le jugement soi-disant prononcé le 29 novembre 2022 contient des erreurs sur des éléments essentiels tels que la date de l'audience et du prononcé de la décision qui ne peuvent être considérées comme de simples erreurs de plume tant elles sont nombreuses ;
- le caractère fantaisiste des dates énoncées conduit à s'interroger sur la validité intrinsèque du jugement et son existence même ;
- la décision rectifiée tente maladroitement de pallier ces carences, preuve s'il en est du caractère particulièrement étrange du premier jugement ;
* sur la violation de la loi bancaire
- les sociétés Family Partners et FP Invest 1, qui ne disposent pas d'un agrément bancaire, ont exercé illégalement la profession de banquier ;
- FP Invest, société ad hoc constituée pour collecter des fonds ainsi qu'il résulte d'un aveu judiciaire, s'est fait prêter des fonds du public qu'elle a ensuite prêtés à la société [Adresse 9], la prise de participation d'une action de [Adresse 10] par FP Invest n'ayant pour objet que de détourner la réglementation ; cette fraude corrompt la prise de participation réalisée ;
- le montage consistant à prétendre que [Adresse 9] a un intérêt à prêter à la société HPA Holding au motif d'une convention de partenariat entre les deux est fictif ;
- le contrat de prêt encourt la nullité car il avait pour objet de réaliser une dérogation aux règles d'ordre public règlementant la profession de banquier, des stipulations contraires à la réalité des faits et un but illicite ;
- le caractère habituel résulte de deux opérations de crédit, la collecte et le prêt ;
- l'opération déguise une prise de garantie hypothécaire illicite, le seul objet du prêt étant de permettre à FP Invest d'obtenir une garantie hypothécaire sur le bien dont la société [Adresse 9] est propriétaire mais n'avait aucune utilité sociale pour cette société ;
- le prêt n'a rien à voir avec un apport en compte-courant ;
* sur le dol :
- au moment de la signature du prêt, le prêteur ne disposait pas des fonds et n'avait pas l'intention d'aller au-delà de la première tranche, n'ayant aucune visibilité sur l'intérêt des clients de Family Partners d'apporter les 3,2 millions de la tranche 2, alors que le contrat ne laisse pas supposer son caractère hypothétique ;
- l'assertion de l'article 3 selon laquelle « le prêteur pourra en son entière discrétion faire ou non droit à cette demande ' » est purement potestative et devra être retranchée du contrat ;
- le tribunal ajoute à la lettre de l'acte, qui n'a jamais précisé que le prêt dépendait du montant souscrit par les investisseurs/clients de Family Partners ;
* à titre subsidiaire, sur le TEG : le TEG stipulé au contrat est erroné, étant de 9,31% du montant total du prêt en comptabilisant l'ensemble des coûts ;
* à titre subsidiaire, sur la non libération de la 2ème tranche du prêt et le préjudice subi à ce titre ou sur le terrain de la nullité du prêt :
- en novembre 2019, le déblocage de la 2ème tranche était considéré comme acquis, la société FP Invest 1 ayant fait miroiter l'existence des fonds alors qu'elle n'en disposait pas ;
- les dispositions de l'article 2.4 du prêt n'étaient pas conditionnelles et celles de l'article 3.3 contenaient une condition potestative ;
- ce non-déblocage a entraîné pour la société HPA Holding une série de difficultés, dès lors, notamment que la réalisation du projet immobilier La Baraquette s'est trouvée interrompue du fait du défaut de règlement des fournisseurs et que la société HPA Holding, qui était adjudicataire d'un projet immobilier « Porto Pisa » en Italie a fait défaut faute de financement ;
- un préjudice d'au moins 14 millions lui a été causé ;
* sur l'appel incident
- la société FP Invest 1 est une coquille vide ;
- en agissant sur le fondement d'une délégation de créances, la société FP Invest 1 agit sur le fondement d'une fiction juridique puisque le prêt consenti à [Adresse 9] est une fiction, les fonds allant directement dans la caisse de HPA Holding ;
- l'action oblique se heurte au principe de la suspension des poursuites individuelles résultant du redressement judiciaire de [Adresse 9] et est irrecevable ;
- la société FP Invest 1 n'a pas de droit propre contre la société HPA Holding et doit déclarer sa créance.
Par dernières conclusions remises au greffe le 26 septembre 2023, les sociétés FP Invest 1 et Family Partners demandent à la cour de :
« Vu l'article 562 du code de procédure civile,
Vu la déclaration d'appel,
JUGER irrecevable la demande d'annulation du jugement déféré et subsidiairement la juger mal fondée,
Vu les dispositions des articles L. 312-2 et suivants, L 511-5 et suivants du Code Monétaire et financier,
Vu les dispositions de l'article 1137 du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 146 du Code de Procédure Civile,
A titre principal,
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding de l'ensemble de leurs demandes.
Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- Dit l'action à l'encontre de la SAS FAMILY PARTNERS régulière et recevable ;
- Débouté la société FP INVEST 1 de sa demande de règlement de la somme de 3.800.000 €,
- Débouté la société FP INVEST 1 de sa demande de dommages-intérêts ;
- Débouté la société FP INVEST 1 de ses demandes plus amples ou contraires.
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
A titre principal,
Vu les dispositions des articles 32 et suivants du Code de procédure civile,
- Déclarer les sociétés SCEA [Adresse 9] et HPA Holding irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Family Partners, à défaut les en débouter ;
- Débouter les sociétés SCEA [Adresse 9] et HPA Holding de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre la société FP INVEST 1 ;
A titre subsidiaire, si la nullité du prêt devait être prononcée,
- Fixer au passif de la SCEA [Adresse 9] la somme de 3.800.000 € outre les intérêts au taux légal à compter de la date des premières conclusions signifiées devant le Tribunal de commerce de Paris, le 29 juin 2021.
- Ordonner le maintien de l'ensemble des garanties jusqu'au règlement de la créance de la société FP INVEST 1.
En toute hypothèse,
Vu la délégation de créances,
Vu les dispositions des articles 1336 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions de l'article 1341-1 du même code,
- Déclarer la société FP INVEST 1 recevable et bien fondée en sa demande dirigée contre la société HPA Holding.
- Prononcer l'exigibilité anticipée du prêt obligataire consenti par la SCEA [Adresse 9] à la société HPA Holding.
- Condamner la société HPA Holding à payer à la société FP Invest 1 la somme de 3.800.000 € en principal outre 931.295,56 € au titre des intérêts échus, sauf à parfaire, jusqu'à complet paiement.
Vu l'article 32-1 du Code de procédure civile,
- Condamner in solidum les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding à payer à la société FP Invest 1 la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts
- Condamner in solidum la société SCEA [Adresse 9] et la société HPA Holding à verser à la société FP INVEST 1 et à la société Family Partners la somme de 30.000 € chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître BOCCON GIBOD, avocat, dans les conditions de l'article 696 du Code de procédure civile. »
Ces sociétés font notamment valoir que :
* sur la demande d'annulation du jugement :
- cette demande est irrecevable, l'annulation n'ayant pas été sollicitée dans la déclaration d'appel, ainsi que mal fondée au regard de l'article 459 du code de procédure civile et de la jurisprudence ;
- en effet, le jugement indique clairement et il est établi qu'il a été prononcé le 25 janvier 2023 après une audience de plaidoirie du 29 novembre 2022, la date initiale du 15 novembre 2022 ayant été repoussée ;
- l'erreur purement matérielle a été rectifiée par le jugement du 17 mai 2023 ;
* sur la demande de nullité du prêt :
- la loi bancaire n'a pas été violée, étant donné, d'une part, que les fonds prêtés ne sont pas des fonds publics mais issus des relations contractuelles de la société Family Partners avec ses clients, les appelantes n'ayant pas qualité pour soulever une éventuelle irrégularité de la collecte de ces fonds, et, d'autre part, ce prêt a été consenti en qualité d'associé et ne peut être considéré comme consenti à un tiers ; au surplus, le seul fait qu'une opération de crédit a été conclue en violation de l'article L. 511-5, al. 1er du code monétaire et financier invoqué ne peut avoir pour conséquence son annulation ;
* sur le dol allégué :
- les appelantes procèdent par affirmations en invoquant de surcroît des faits postérieurs à la signature du prêt ;
- le déblocage du prêt a été refusé par FP Invest 1 car la société [Adresse 9] était en défaut au titre du paiement des intérêts trimestriels depuis plus d'un an et cette société et la société HPA Holding étaient parfaitement informées des caractéristiques de la tranche 2 ;
- le tribunal n'a pas ajouté à la lettre du prêt au vu de son article 3.3 prévoyant une procédure de concertation pour la libération de la tranche 2 ;
- l'intérêt du prêt pour la société [Adresse 9] a été justifié par M. [J] lui-même dans son courrier du 9 juillet 2019 ;
- subsidiairement, si le prêt était annulé, la somme débloquée devrait être restituée ;
* Sur le taux effectif global :
- seule la société [Adresse 10] a qualité pour demander la déchéance du droit aux intérêts, le prêt est un prêt d'associé auquel la législation relative à ce taux ne s'applique pas et, à supposer qu'elle s'applique, un écart d'au moins une décimale entre les taux réel et mentionné selon la méthode des taux actuariels n'est pas démontré ;
- il ne s'agit plus d'une sanction automatique, cette sanction devant être prononcée au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur ;
* Sur la demande de dommages et intérêts du fait de la non-libération de la tranche 2 :
- la tranche 2 n'était pas assortie d'une condition potestative, la société [Adresse 9] a souscrit ce prêt en connaissance de cause et le non déblocage n'est pas fautif et la vente de [Localité 13] est intervenue postérieurement à l'ultime déblocage ;
- il démontré ni faute, ni préjudice direct, actuel et certain ni lien de causalité : notamment, le projet à [Localité 13] ne correspond pas à l'affectation (viticole) du prêt ;
* Sur leurs demandes reconventionnelles :
- au terme d'une convention de prêt obligataire (contrat de prise ferme) en date du 13 septembre 2019, la société SCEA [Adresse 9] s'est engagée à souscrire, à concurrence de 3,8 millions d' euros à l'émission des obligations à émettre par la société HPA Holding ; parallèlement, il résulte du contrat de prêt du 30 septembre 2019 que la société HPA Holding a émis à la date de signature un emprunt obligataire d'un montant de 7 millions d' euros, souscrit et libéré à cette date la société [Adresse 9] à concurrence de 3,8 millions d' euros : or, le défaut de paiement d'une échéance constitue un cas d'exigibilité et la société FP Invest 1 bénéficie d'une délégation de créance consentie par la société [Adresse 9] sur toutes les sommes qui seraient dues par la société HPA Holding au titre de l'emprunt obligataire, la société HPA Holding ayant accepté sans réserve ladite délégation, intitulée « Délégation de créance n°2 »
- si le délégant ([Adresse 9]) ne peut exiger l'exécution de la convention le liant au délégué (HPA) que pour la part excédant l'engagement de HPA à l'égard du délégataire (FP Invest 1), il est évident que le délégataire doit pouvoir solliciter l'exécution de son obligation de remboursement par HPA et le constat du prononcé de sa défaillance ;
- le tribunal a méconnu le mécanisme de la délégation de créance prévu à l'article 1339 du code civil ;
- en particulier, HPA Holding a consenti une délégation imparfaite au profit de FP Invest 1 qui est fondée se prévaloir de l'exigibilité du prêt obligataire entre HPA Holding et [Adresse 9] où HPA est en défaut à l'égard de la seconde ;
- à titre subsidiaire, FP Invest 1 est fondée à exercer l'action oblique car l'inaction de son créancier [Adresse 9] envers HPA dans ce cadre lui crée un préjudice.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 juin 2025.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour l'exposé du surplus de leurs prétentions et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'annulation du jugement
L'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dispose : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
L'article 901, 4°, du même code, dans cette rédaction, prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, « Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »
En l'espèce, aux termes de leur déclaration d'appel, qui seule opère l'effet dévolutif, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding n'ont saisi la cour que d'une demande d'infirmation du jugement. Cette déclaration d'appel n'était pas accompagnée d'une annexe et n'a pas été complétée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti aux appelantes pour conclure au fond. Par ailleurs, si la déclaration d'appel des sociétés FP Invest 1 et Family Partners mentionne que leur appel tend à l'annulation, l'infirmation ou la réformation du même jugement, celles-ci n'ont pas saisi la cour d'une telle demande par voie de conclusions. Il s'ensuit que, faute de relever du périmètre de saisine de la cour, la demande d'annulation du jugement de la société [Adresse 9], assistée de son mandataire judiciaire intervenant volontairement à l'instance, et de la société HPA Holding, sera déclarée irrecevable.
Au surplus, il y a lieu d'observer que, si le jugement déféré porte la date du 29 novembre 2022 en première page, reprise sur les en-têtes des hauts de pages, et celle du 10 janvier 2023 en dernière page ainsi qu'une date d'audience du 15 novembre 2022, ses motifs indiquent clairement en page 4 que l'audience de plaidoirie s'est tenue le 29 novembre 2002 et que le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé par mise à disposition le 25 janvier 2023, ce que rappellent les sociétés FP Invest 1 et Family Partners et qui n'est pas contesté, le tribunal ayant été rectifié cette erreur qualifiée d' » erreur matérielle grossière » par jugement rectificatif du 17 mai 2023. Ainsi et dès lors que même une contradiction entre les mentions relatives à une date équivalant à l'omission d'une mention destinée à établir la régularité d'un jugement ne peut entraîner sa nullité s'il est établi par le registre d'audience, ou par tout autre moyen, que les prescriptions légales ont été, en fait, observées, en vertu des articles 454 et 459 du code de procédure civile, aucune nullité du jugement déféré n'est encourue.
Sur les demandes relatives au prêt du 13 septembre 2019
Sur la demande d'annulation du prêt
L'article 1162 du code civil dispose : « Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »
Aux termes de l'article L.511-5 du code monétaire et financier : « Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement. »
Par ailleurs, l'article 1137 du code civil prévoit : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »
L'article 1304-2 de ce code dispose également que : « Est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause. »
Tout d'abord, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding font valoir que le prêt a été conclu dans le cadre d'un exercice illégal par les sociétés FP Invest 1 et Family Partners de l'activité de banquier consistant à se faire remettre des fonds du public et à effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Toutefois, s'agissant de la remise de fonds du public, celles-ci se limitent à faire état de ce que les sociétés FP Invest 1 et Family Partners ont indiqué dans leurs conclusions que « compte-tenu du nombre élevé de clients intéressés pour financer, partiellement, le projet de Monsieur [O] [J], il a été décidé, par souci de simplicité, afin d'éviter l'octroi d'autant de prêts qu'il y a de clients intéressés, de regrouper, au sein d'une même société l'ensemble desdits clients. C'est ainsi que FAMILY PARTNERS a constitué une société, la société FP INVEST 1, dont elle détient l'intégralité du capital, mais qui a emprunté, auprès de ses clients intéressés, les sommes qu'ils étaient disposés à allouer au financement du projet de Monsieur [O] [J], à charge pour FP INVEST de les prêter à la SCEA [Adresse 9]. »
Or, en l'absence d'autre pièce et s'il ressort du contrat de prêt litigieux du 13 septembre 2019 que les fonds prêtés provenaient d'une émission obligataire, il n'en résulte pas la preuve d'une réception par ces sociétés de fonds remboursables du public à titre habituel.
Le fait que la société Family Invest 1 ait ensuite consenti ce prêt à la société [Adresse 9] ne permet pas non plus d'établir que cette dernière et la société Family Partners ont effectué des opérations de crédit à titre habituel, d'autant qu'il s'agit d'un prêt entre associés qui ne peut être considéré comme accordé par un tiers. Par conséquent, l'exercice illégal de la profession de banquier invoqué n'est pas démontré.
Au demeurant, le tribunal a également estimé à juste titre que, même à supposer que ce prêt ait été conclu en méconnaissance de l'interdiction d'effectuer de telles opérations édictée à l'article L.511-5 du code monétaire et financier, ce seul fait n'est pas de nature à en entraîner l'annulation.
Ensuite, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding échouent à démontrer que, comme elles le soutiennent, ce prêt n'avait aucune utilité pour la société [Adresse 9], laquelle était représentée à l'acte par notaire participant en vertu d'une délibération de ses associés annexée et d'une délégation de pouvoirs établie par sa gérante, de même que ses associés, et que sa seule raison d'être était la prise d'une garantie hypothécaire.
En effet, ainsi que l'a relevé le tribunal par des motifs pertinents, la question de l'intérêt social de l'opération pour la société [Adresse 9] avait été discutée entre les parties, ces sociétés s'étant attachées à en justifier la régularité au regard de son intérêt social notamment par un courriel du 9 juillet 2019 intitulé « Intérêt à agir de la SCEA [Adresse 9] », complété par un autre courriel du même jour, provenant de M. [J] et montrant que cette société, d'une part, escomptait un avantage de l'opération dès lors qu'elle partageait déjà une communauté d'intérêts avec la société HPA Holding, qu'elle s'était engagée dans le cadre d'un bail à ferme du 3 mars 2014 à exploiter des immeubles ruraux plantés en Vigne situés à Marseillan, qu'elle entendait dans le cadre de l'opération, développer la vente de sa production de vins en bouteille minoritaire (10%) dans son activité en la doublant et, d'autre part, estimé nul le risque que son existence puisse être mise en jeu dans le cadre de cette opération dès lors qu'elle disposait d'un actif d'une valeur de 11 millions d' euros supérieure à son engagement de 7 millions d' euros.
D'ailleurs, le préambule du contrat de prêt indique que « l'Emprunteur, qui a engagé une stratégie de croissance de son activité d'exploitation de vignobles (au-delà du vignoble qu'il possède et exploite), souhaite concrétiser le Contrat Projet Wine (i) en donnant les moyens financiers à HPA HOLDING SAS de développer le projet [Localité 11]* La Baraquette ainsi que d'autres projets de resort hôteliers écotouristiques offrant une expérience autour du vignoble ainsi qu'en (ii) retirant un intérêt financier en contrepartie de ce financement. »
Or, aucun élément permettant de remettre en cause cette analyse n'est produit.
Enfin, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding invoquent un dol des sociétés FP Invest 1 et Family Partners dans la mesure où, à la date de la signature du prêt litigieux, le prêteur aurait dissimulé qu'il ne disposait pas des fonds de la tranche 2 et savait que cette tranche ne serait probablement jamais financée et où ce prêt contenait une condition potestative.
Cependant, le paragraphe D du préambule du prêt indique que « afin de bénéficier des fonds permettant d'octroyer le prêt, le prêteur a procédé à une émission obligataire ce jour ['] en la forme de [']7 millions obligations d'une valeur nominale d'un euro chacune ['], soit un montant total en principal ['] EUR 7 000 000, souscrites (i) ce jour à hauteur de ['] 3 800 000 obligations ['] et ii) le solde, au plus tard le 30 juin 2020, par certains investisseurs clients de la société Family Partners ['] » et son article 2.1 « Montant et objet du prêt » que le prêteur consent à mettre à disposition de l'emprunteur, qui l'accepte, un prêt d'un montant maximum de 7 millions d' euros composé de deux tranches, la tranche 1, d'un montant maximum de 3,8 millions d' euros devant être mise à disposition en un tirage unique à la date de la signature et « La tranche 2, d'un montant maximum en principal de trois millions deux cent mille euros (3 200 000 euros) devant être mise à disposition en un tirage unique pendant la période de disponibilité tranche 2, selon les termes et conditions prévus à l'article 3 [']. »
En outre, l'article 3.3 de celui-ci, intitulé « Conditions préalables à la mise à disposition de la tranche 2 », stipule : « L'Emprunteur pourra solliciter du Prêteur la mise à disposition de la Tranche 2. Le Prêteur pourra, à son entière discrétion, faire droit ou non à cette demande, étant précisé que la Tranche 2 ne pourra être octroyée postérieurement au 30 juin 2000. A cet effet, l'Emprunteur devra notifier par écrit le Prêteur de son souhait de bénéficier, en tout ou partie, de la mise à disposition de la Tranche 2. Le Prêteur devra faire connaître sa réponse, par écrit, dans un délai de trente (30) Jours Ouvrés à compter de la réception par lui de la notification écrite susvisée de l'Emprunteur. L'Emprunteur disposera ensuite d'un délai de dix (10) Jours Ouvrés à compter de cette confirmation du Prêteur pour solliciter la mise à disposition du montant en principal de la Tranche 2 que ce dernier aura accepté de mettre à sa disposition, en remettant un Avis de Tirage, au moins cinq (5) Jours Ouvrés avant la Date de Tirage souhaitée de la Tranche 2. Le Prêteur ne sera tenu de mettre à disposition le montant convenu de la Tranche 2 que sous réserve qu'à la Date de Tirage concernée, il n'existe aucun Cas d'Exigibilité Anticipée, Cas d'Exigibilité Anticipé Potentiel ou Evénement Significatif Défavorable (et sous réserve que la mise à disposition de la Tranche 2 n'ait pas pour effet d'entraîner la survenance d'un Cas d'Exigibilité Anticipée, Cas d'Exigibilité Anticipé Potentiel ou Evénement Significatif Défavorable).
Il résulte de ces stipulations que, comme l'a relevé le tribunal, les parties ont convenu d'un mécanisme de concertation pour la mise à disposition de la tranche 2, dont la mise en 'uvre était soumise à leur double volonté sans qu'aucune d'elles ne prenne d'engagement quant à son versement, l'emprunteur étant libre de solliciter cette mise à disposition et le prêteur de faire droit à la demande. En outre, une fois cette demande acceptée, seuls certains événements objectifs liés à la situation financière de l'emprunteur mais non au prêteur expressément stipulés au contrat pouvaient dispenser ce dernier de s'exécuter. Par conséquent, le tribunal a exclu à juste titre l'existence d'une condition potestative.
Par ailleurs, comme constaté à juste titre par le tribunal, le contrat de prêt indique que les fonds prêtés proviennent d'une émission obligataire de la société FP Invest 1 dont, au jour de la signature du prêt, les obligations souscrites s'élevaient à la somme de 3,8 millions d' euros, le montant de la tranche 2, d'un montant maximum de 3,2 millions d' euros, devant résulter des souscriptions ultérieures d'autres investisseurs clients de la société Family Partners. Il apparaît donc que le prêteur était à même de réunir ces fonds, sous réserve d'une telle souscription.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est établi ni que le contrat de prêt litigieux aurait eu un objet, un but ou un contenu illicite ni l'existence de man'uvres ou de dissimulations d'informations essentielles à l'emprunteur ni une intention de tromper ce dernier qui permettraient de caractériser un dol, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande d'annulation de ce contrat.
Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l'article L.313-4 du code monétaire et financier : « Les règles relatives au taux effectif global des crédits sont fixées par les articles L. 314-1 à L. 314-5, L. 341-48-1 et L. 341-49 du code de la consommation. »
L'article L. 341-48-1, premier alinéa, du code de la consommation prévoit : « En cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévue à l'article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur. »
L'article R.314-2 de ce code dispose : « Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d'une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, le taux effectif global est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires. Le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.
Le taux de période est calculé actuariellement, à partir d'une période unitaire correspondant à la périodicité des versements effectués par l'emprunteur. Il assure, selon la méthode des intérêts composés, l'égalité entre, d'une part, les sommes prêtées et, d'autre part, tous les versements dus par l'emprunteur au titre de ce prêt, en capital, intérêts et frais divers, ces éléments étant, le cas échéant, estimés.
Lorsque la périodicité des versements est irrégulière, la période unitaire est celle qui correspond au plus petit intervalle séparant deux versements. Le plus petit intervalle de calcul ne peut cependant être inférieur à un mois.
Lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu'annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d'au moins une décimale.
Si le crédit prend la forme d'une ouverture de droits de tirage destinée à financer les besoins d'une activité professionnelle, le taux effectif global est calculé sur la totalité des droits mis à la disposition du client.
Les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. »
Les prêts professionnels ne sont pas exclus du champ d'application de ces dispositions.
Par ailleurs, pour les contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019 dont cet article L. 341-48-1 est issu, tel le contrat de prêt litigieux, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du TEG dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.
En l'espèce, l'article 6 du contrat de prêt litigieux stipule que les parties reconnaissent expressément que du fait des particularités des stipulations de la convention, il s'avère impossible de déterminer le TEG du prêt mais que pour satisfaire à cet article L.313-4, ce taux, calculé sur la base d'une année de 365 jours selon la méthode proportionnelle à partir d'un taux actuariel, s'établirait, à titre d'exemple à cette date, au taux de 9,63% l'an, en retenant l'hypothèse d'un tirage unique de la totalité du prêt à la date de signature et en prenant notamment en compte les modalités de remboursement prévues à l'article 4.1 et le taux d'intérêt égal à 8,05% l'an pendant toute la durée du prêt, soit le remboursement intégral du prêt à la date d'échéance finale, laquelle est fixée au 12 septembre 2022. Il est ajouté que l'emprunteur reconnaît avoir procédé personnellement à toutes estimations qu'il estimait nécessaires pour apprécier le coût global du prêt et avoir reçu tous renseignements nécessaires du prêteur.
Contrairement à ce que soutiennent les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding, la période et la date d'échéance finale sont bien précisées. En tout état de cause, celles-ci se limitent à affirmer que le TEG stipulé est erroné au motif que l'ensemble des coûts représente la somme de 353 929 euros, soit 9,31% du crédit, sans préciser le détail de leur calcul et s'il repose sur ces mêmes bases en vue d'établir si l'écart entre ce taux et le taux réel est d'au moins une décimale, ni quels frais auraient été omis et, au surplus, sans justifier qu'il a été effectué actuariellement comme l'a relevé le tribunal. En outre et en tout état de cause, le calcul proposé par les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding repose sur l'hypothèse d'un montant total prêté de 3,8 millions d' euros, la somme de 353 929 euros représentant 9,31 % de ce montant, alors que l'acte de prêt stipule, nonobstant les modalités de mise à disposition en deux tranches, que le montant du prêt est de 7 millions d' euros. Dans la mesure où le prêteur n'était pas tenu de ne prendre pour hypothèse de calcul du TEG un versement de la seule première tranche et où, au regard de ce montant de 7 millions d' euros, les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding ne rapportent pas la preuve, par le calcul, au demeurant approximatif, de l'erreur affectant le TEG mentionné dans le contrat, dont elles se prévalent, cette erreur, qu'au demeurant seul l'emprunteur peut soulever, n'est pas démontrée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts.
Sur les demandes subsidiaires de dommages et intérêts au titre du non déblocage de la tranche 2 du prêt et de désignation d'un expert
L'article 1217 du code civil dispose :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
[']
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »
En l'espèce, pour les motifs déjà indiqués ci-dessus, d'une part, aucune des parties au contrat de prêt litigieux n'avait pris d'engagement quant au versement de la tranche 2, de sorte que la faute invoquée par les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding consistant à n'avoir pas débloqué cette tranche n'est pas démontrée et, d'autre part, ce prêt n'était ni nul ni assorti d'une condition potestative concernant cette tranche. Au surplus, il n'est pas allégué ni établi que les conditions dans lesquelles la faculté du prêteur de refuser la mise à disposition de la tranche 2 a été exercée étaient, en elles-mêmes, fautives, étant relevé, en particulier, qu'il résulte du courrier du 2 mars 2021 et de la mise en demeure du 11 mars 2021 prononçant l'exigibilité anticipée de ce prêt produits par les sociétés FP Invest 1 et Familiy Partners que l'emprunteur n'avait pas honoré toutes les échéances de paiement d'intérêts de l'année 2020, ce qui constituait un cas d'exigibilité anticipé susceptible de dispenser le prêteur de s'exécuter concernant le paiement de cette tranche, et que des négociations sont intervenues entre les parties qui n'ont pas abouti.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté la responsabilité des sociétés FP Invest 1 et Family Partners à ces titres et rejeté les demandes subsidiaires de dommages et intérêts et de désignation d'un expert aux fins de déterminer le préjudice formées par les sociétés [Adresse 9] et HPA Holding.
Sur les demandes relatives à la délégation de créance et à l'action oblique
L'article 1336 du code civil dispose :
« La délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d'une autre, le délégué, qu'elle s'oblige envers une troisième, le délégataire, qui l'accepte comme débiteur.
Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »
Par ailleurs, aux termes de l'article 1341-1 de ce code :
« Lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »
En l'espèce, à l'appui de sa demande de condamnation de la société HPA Holding à lui verser la somme de 3,8 millions d' euros en principal, la société FP Invest 1 fournit la lettre recommandée avec avis de réception du 11 mars 2021 prononçant l'exigibilité anticipée du prêt litigieux du 13 septembre 2019 ainsi que sa déclaration de créance auprès du mandataire judiciaire de la société [Adresse 9] en date des 3 août et 6 septembre 2023 à hauteur de cette somme.
Or, dans la mesure où la société FP Invest 1 invoque la « Délégation de créance n°2 » telle que figurant à l'article 10.2 du contrat de prêt du 13 septembre 2019, il convient de relever que la société HPA Holding est bien partie à ce contrat en tant qu'intervenante et, selon les points (a) et (b) de cet article, a accepté cette délégation par laquelle « l'Emprunteur, en qualité de délégant, délègue, aux termes du présent article et dans les conditions prévues à l'article 1336 du Code civil, le Holding en qualité de débiteur délégué, au Prêteur, en qualité de délégataire, dans le paiement de toute somme due au titre de l'Emission Obligataire Holding, des Documents de Financement Obligations Holding et de la Délégation de Créance n°2 (pour les besoins du présent Article, les « [Localité 8] Déléguées ». Toutefois, selon le point (g) de cet article, « Le Holding ne s'engage au titre de la Délégation de Créance N°2, que dans la limite et à concurrence des [Localité 8] déléguées et le Holding pourra opposer au Prêteur toute exception tirée de ses rapports avec l'Emprunteur au titre des Documents de Financement Hypothécaires », dont fait partie cet acte, de sorte qu'il existe une stipulation contraire au sens de cet article 1336 et que la société HPA Holding apparaît bien fondée à opposer l'arrêt des poursuites individuelles due à la procédure de redressement judiciaire de la société [Adresse 9].
Au demeurant, la société FP Invest 1, pour justifier de l'éventuelle créance de la société [Adresse 9] à l'égard de la société HPA Holding d'un montant de 3,8 millions d' euros « au titre de l'exigibilité du contrat de prêt obligataire » qu'elle revendique, se limite à produire le contrat de prise ferme du 13 septembre 2019 par lequel la société [Adresse 9] s'est engagée à souscrire des obligations à hauteur dudit montant émises dans le cadre de l'emprunt obligataire par la société HPA Holding et les termes et conditions des obligations et à indiquer que cette dernière « a reconnu être en défaut de paiement à l'égard de la société [Adresse 9] dans le cadre de ses écritures de première instance », ce qui est insuffisant à établir l'exigibilité anticipée du prêt obligataire et la créance qu'elle invoque en l'absence de confirmation de celles-ci.
Au vu notamment de ces pièces, il n'est pas non plus justifié d'une carence du mandataire judiciaire de la société [Adresse 9] pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ni de la réunion des conditions d'engagement de l'action oblique à laquelle, au surplus, la société HPA Holding est également bien fondée à opposer l'arrêt des poursuites individuelles contre la société [Adresse 9].
Le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute la société FP Invest 1 de sa demande de règlement de la somme de 3,8 millions d' euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose :
« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
En l'espèce, les sociétés FP Invest 1 et Family Partners ne démontrent pas que l'action des sociétés [Adresse 9] et HPA Holding serait constitutive d'une faute ayant fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice, étant rappelé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une telle faute.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne les sociétés [Adresse 9], [H] [X] et HPA Holding, parties perdantes, aux dépens de la procédure de première instance et il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel, avec application de l'article 699 de ce code.
En application de l'article 700 dudit code, le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les frais irrépétibles et la société [Adresse 9] assistée de son mandataire judiciaire et la société HPA Holding seront déboutées de leur demande et condamnées in solidum à payer aux sociétés FP Invest 1 et Familiy Patreners la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Déclare irrecevable la demande d'annulation du jugement formée par la société [Adresse 9], assistée de la société [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire, et la société HPA Holding ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société [Adresse 9], assistée de la société [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire, et la société HPA Holding in solidum aux dépens de la procédure d'appel, dont distraction au profit de Maître Boccon Gibod, avocat ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société [Adresse 9], assistée de la société [H] [X] en qualité de mandataire judiciaire et la société HPA Holding de leur demande et les condamne in solidum à payer aux sociétés FP Invest 1 et Family Partners la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel non compris dans les dépens ;
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT