CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 30 octobre 2025, n° 24/02809
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Société Internationale de Transit (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Lestournelle, Me Bonan, Me Bedrossian
FAITS ET PROCÉDURE
La SA Société internationale de transit (SIT) est une société familiale créée en 1963 par M. [Y] [R].
À la date de l'introduction de l'instance, son capital était détenu par M. [Y] [R] et ses trois enfants dans les proportions suivantes :
- M. [Y] [R] : 2700 actions soit 54 %,
- M. [D] [R] : 2168 actions soit 43,36 %,
- M. [I] [R] : 126 actions soit 2,52 %,
- Mme [H] [R] épouse [W] : 6 actions soit 0,12 %.
La SIT a délaissé dans le courant des années 2000 son activité de transport pour développer une activité de gestion de son important patrimoine immobilier.
La famille [R] détient également la SCI Les Mûriers et la SCI La Station.
Un mésentente oppose depuis de nombreuses années M. [D] [R] aux autres associés, donnant lieu à plusieurs procédures judiciaires.
Par acte en date du 6 novembre 2018, M. [D] [R] a fait assigner la société SIT et les trois autres associés devant le tribunal de commerce de Marseille aux fins d'entendre prononcer l'annulation des résolutions des assemblées générales de juin 2015, 2016, 2017 et 2018 ayant décidé l'affectation des bénéfices en réserves ainsi que la résolution de l'assemblée générale du 28 juin 2018 ayant refusé d'externaliser la gestion de la société, et condamner les défendeurs à lui payer 50000 euros de dommages et intérêts.
Par jugement du 5 décembre 2019, le tribunal de commerce de Marseille a :
- Donné acte à la Société internationale de transit (SIT) S.A. de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les questions relatives au conflit entre ses associés ;
- Prononcé la nullité des résolutions des assemblées générales de la Société internationale de transit (SIT) S.A. des :
- 25 juin 2015 ayant décidé l'affectation de 139 839 euros aux réserves
- 24 juin 2016 ayant décidé l'affectation de 168 590 euros aux réserves
- 29 juin 2017 ayant décidé l'affectation de 189 524 euros aux réserves
- 28 juin 2018 ayant décidé l'affectation de 211 820 euros aux réserves ;
- Déclaré valable la résolution de l'assemblée générale de la Société internationale de transit (SIT) S.A. du 28 juin 2018 ayant refusé d'externaliser la gestion des biens immobiliers ;
- Condamné solidairement la Société internationale de transit (SIT) S.A., M. [Y] [R], M. [I] [R] et Mme [H] [R] épouse [W] à payer à M. [D] [R] la somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamné conjointement la Société internationale de transit (SIT) S.A., M. [Y] [R], M. [I] [R] et Mme [H] [R] épouse [W] à payer à M. [D] [R] la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné conjointement la Société internationale de transit (SIT) S.A., M. [I] [R] et Mme [H] [R] épouse [W] aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 137,54 euros TTC;
- Ordonné pour le tout l'exécution provisoire ;
- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions
du présent jugement.
Le tribunal a retenu à cet effet :
- que les mises en réserve systématiques depuis de nombreuses années, sans projet d'investissement ou nécessité de gestion, alors que la société possède des réserves de plus de
1 500 000 euros, ne sont justifiées par aucun intérêt social et ont pour effet de priver M. [D] [R] de son droit aux dividendes,
- que la politique de mise en réserve systématique aboutit à une politique de pure thésaurisation non productive de revenus et devient donc contraire à l'intérêt social,
- que les résolutions litigieuses sont prises au profit exclusif des trois associés majoritaires qui perçoivent des salaires et/ou avantages de la société à la différence de M. [D] [R] et entraînent une rupture d'égalité entre les associés,
- que l'abus de majorité ainsi caractérisé a causé à M. [D] [R] un préjudice justifiant l'octroi d'une somme de 20000 euros de dommages et intérêts,
- que M. [D] [R] ne rapporte pas la preuve de ses allégations concernant l'intérêt pour la société de mettre en place une gestion externe et ne démontre pas en quoi la gestion actuelle par les salariés de la société SIT serait contraire à l'intérêt social et privilégierait les associés majoritaires à ses dépens.
M. [Y] [R], M. [I] [R], Mme [H] [R] épouse [W] et la SIT ont interjeté appel de cette décision le 9 janvier 2020.
M. [Y] [R] est décédé le [Date décès 9] 2021.
Par arrêt du 14 septembre 2023, la cour, statuant sur la demande conjointe des parties, a ordonné le retrait du rôle de l'affaire.
L'affaire a été réinscrite au rôle le 4 mars 2024 à la demande des appelants.
Entre temps, l'assemblée générale mixte de la SIT réunie le 31 janvier 2023 a décidé la dissolution de la société et la désignation de Mme [H] [W] épouse [R] en qualité de liquidatrice.
L'affaire a été fixée une première fois pour plaidoiries au 1er octobre 2024.
À cette date, le renvoi de l'affaire a été ordonné au 1er avril 2025 avec clôture au 11 mars 2025.
À l'audience du 1er avril 2025, l'affaire a été à nouveau renvoyée au 9 septembre 2025, les parties étant invitées à conclure sur la décision de sursis à statuer envisagée par la cour, en l'état de l'instance pendante devant la Cour de cassation entre les mêmes parties, portant sur un litige similaire.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 septembre 2025, M. [I] [R], Mme [H] [R] épouse [W] et la SIT demandent à la cour, de :
Avant dire droit au fond :
- prononcer le sursis à statuer dans l'instance RG 24/02809 dans l'attente de l'arrêt sur pourvoi rendu par la Cour de cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 22 novembre [Immatriculation 6]/01180,
- en conséquence, ordonner le retrait du rôle,
- dire et juger qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de rétablir l'affaire par simples conclusions de réenrôlement remises au greffe,
Subsidiairement au fond :
- ordonner la reprise d'instance après arrêt de retrait du rôle du 14 septembre 2023,
- donner acte à la Sté SIT qu'elle s'en rapporte à justice sur les questions relatives à l'abus de majorité, - infirmer cependant le jugement à son égard en ce qui concerne la condamnation à payer des dommages-intérêts et un article 700 à M. [D] [R],
- confirmer le jugement du 5 décembre 2019 en ce qui concerne la délibération du 28 juin 2018 sur l'externalisation de la gestion,
- infirmer le jugement sur l'annulation des délibérations relatives à l'affectation des résultats, aux dommages-intérêts et à l'article 700,
- débouter en conséquence M. [D] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - condamner M. [D] [R] à payer à [Y] [R], à [I] [R] et à [H] [W] née [R] une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts notamment pour abus de procédure,
- le condamner à payer à chacun des appelants on ceux y compris la Sté SIT une somme de 4000 euros au titre de l'article 700,
- le condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 4 septembre 2025, M. [D] [R] demande à la cour de :
In limine litis :
- prononcer le sursis à statuer dans l'instance RG 24/02809 dans l'attente de l'arrêt sur pourvoi n°2510740 rendu par la Cour de cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Nîmes le 22 novembre [Immatriculation 6]/01180,
Vu les articles 1833 du code civil,
- débouter M. [Y] [R], M. [I] [R] et Mme [H] [R] de toutes leurs demandes.
- confirmer en partie la décision dont appel.
- annuler pour abus de majorité la résolution de l'assemblées générales du 25 juin 2015 ayant décidé l'affectation de 139 839 euros aux réserves.
- annuler pour abus de majorité la résolution de l'assemblées générales du 24 juin 2016 ayant décidé l'affectation de 168 590 euros aux réserves.
- annuler pour abus de majorité la résolution de l'assemblées générales du 29 juin 2017 ayant décidé l'affectation de 189 524 euros aux réserves.
- annuler pour abus de majorité la résolution de l'assemblées générales du 28 juin 2018 ayant décidé l'affectation de 211 820 euros aux réserves.
- annuler pour abus de majorité la résolution de l'Assemblée Générale du 28 juin 2018 ayant refusé d'externaliser la gestion des biens immobiliers de la SIT.
- condamner solidairement M. [Y] [R], M. [I] [R], Mme [H] [R] épouse [W] et la Société internationale de transit (SIT) à verser à M. [D] [R] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts.
- condamner solidairement M. [Y] [R], M. [I] [R], Mme [H] [R] épouse [W] et la Société internationale de transit (SIT) à verser à M. [D] [R] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner solidairement M. [Y] [R], M. [I] [R], Mme [H] [R] épouse [W] et la Société internationale de transit (SIT) aux dépens.
MOTIFS
Les parties exposent la situation procédurale suivante :
En 2014, M. [D] [R] avait déjà saisi le tribunal de commerce de Marseille d'une demande d'annulation, pour abus de majorité, d'assemblées générales ou de résolutions d'assemblées générales ayant décidé l'affectation des bénéfices en réserves.
Le tribunal de commerce de Marseille avait débouté M. [D] [R] de ses demandes par jugement du 3 septembre 2015.
Ce jugement avait été infirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence par arrêt du 8 février 2018 prononçant l'annulation de la délibération de mise en réserves pour abus de majorité.
Cet arrêt a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2020 qui a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Montpellier.
Par arrêt du 12 octobre 2021, la cour d'appel de Montpellier a infirmé le jugement dont appel et prononcé l'annulation de la délibération litigieuse pour abus de majorité.
Cet arrêt a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 30 août 2023 qui a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes.
Par arrêt du 22 novembre 2024, la cour d'appel de Nîmes a infirmé le jugement dont appel et prononcé l'annulation de la délibération litigieuse pour abus de majorité.
Un nouveau pourvoi a été introduit contre ce dernier arrêt.
La problématique de ce premier litige étant identique à celle de l'affaire faisant l'objet de la présente procédure, il est de l'intérêt d'une bonne justice de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir.
Les conditions d'un retrait du rôle ne sont en revanche pas réunies.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Sursoit à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu entre les mêmes parties par la cour d'appel de Nîmes le 22 novembre 2024,
Dit n'y avoir lieu à retrait du rôle,
Réserve le surplus des demandes ainsi que les dépens.