CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 30 octobre 2025, n° 25/03331
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Neto
Conseillers :
Mme Mogilka, Mme Reparaz
Avocats :
Me M'Hamdi, Me Bensalem, Me Passet, Me Beluch
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d'une occupation sans droit ni titre de son appartement situé dans l'ensemble immobilier La Denise, [Adresse 2] à [Localité 4], Mme [B] [P] a fait assigner M. [W] [K], par acte de commissaire de justice en date du 22 juillet 2024, devant le juge des contentieux de la protection du pôle de proximité du tribunal d'Aix-en-Provence afin d'ordonner son expulsion et sa condamnation à lui verser une indemnité d'occupation.
Par ordonnance en date du 24 janvier 2025, ce magistrat a ;
- rejeté la demande de nullité de l'assignation de M. [K] ;
- rejeté la fin de non-recevoir de M. [K] au titre du défaut de tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative ;
- rejeté la fin de non-recevoir de M. [K] au titre du défaut d'intérêt à agir ;
- débouté M. [K] de sa demande de sursis à statuer ;
- ordonné, à défaut de départ volontaire ou de meilleur accord entre les parties, l'expulsion de M. [K] ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux susvisés avec au besoin le concours de la force publique, laquelle expulsion ne pourrait intervenir que dans le délai de deux mois après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux prévu par les articles L 411-1 et L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution et, passé ce délai, sous astreinte, limitée à 4 mois, de 40 euros par jour de retard ;
- dit qu'il serait procédé conformément à l'article L 433-1 du code des procédures civiles d'exécution à la remise des meubles se trouvant sur les lieux aux frais de la personne expulsée, en un lieu désigné par celle-ci et, qu'à défaut, ils seraient laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par le commissaire de justice chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer ;
- rappelé en outre que, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et, malgré l'expiration des délais accordés au locataire, il devait être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille ;
- condamné M. [K] à verser à Mme [P] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
Suivant déclaration transmise au greffe le 18 mars 2025, M. [K] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions dûment reprises.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 5 septembre 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, il demande à la cour de :
- constater la nullité de l'ordonnance entreprise ;
- à titre subsidiaire, l'infirmer en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau,
- juger nulle et de nul effet l'assignation délivrée le 19 juillet 2024 ;
- rejeter les demandes de Mme [P] en raison de l'existence de contestations sérieuses tenant à l'existence d'un titre et à l'absence de troubles anormaux de voisinage ;
- à titre infiniment subsidiaire, lui octroyer les plus larges délais de grâce au visa de l'article 1244-1 du code civil ;
- condamner Mme [P] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, y compris l'article 10 du décret réglementant le statut des huissiers de justice.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 20 mai 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, Mme [P] sollicite de la cour qu'elle :
- prononce l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel ;
- juge que la cour n'est saisie d'aucune demande ;
- dise et juge n'y avoir lieu à nullité de l'ordonnance entreprise ;
- déboute M. [K] de ses demandes ;
- confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de paiement d'une indemnité d'occupation ;
- statuant à nouveau,
- juge que l'assignation signifiée à M. [K] n'est nullement entachée de nullité ;
- juge recevables l'assignation signifiée à M. [K] et l'action introduite ;
- juge que M. [K] est occupant sans droit ni titre de son logement ;
- ordonne l'expulsion de M. [K] et de tous occupants de son chef au besoin avec le recours de la force publique ;
- fixe l'indemnité d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été exigibles, soit à la somme de 1 500 euros par mois ;
- condamne M. [K], à titre de provision, au paiement de cette indemnité jusqu'à la date de la réception de la mise en demeure de quitter les lieux, soit le 30 mai 2024, jusqu'à la dlibération effective des lieux ;
- déboute M. [K] de ses demandes ;
- le condamne à lui verser la somme de 3 000 euros en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût des commandements.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 septembre 2025.
Par un soit-transmis en date du 26 septembre 2025, la cour informe les parties que la confirmation de l'ordonnance entreprise en ses dispositions critiquées, en ce qu'elle a débouté M. [K] de ses fins de non-recevoir et de sa demande de sursis à statuer, se pose pour non-respect de ce dernier des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, faute pour le dispositif de ses dernières conclusions, d'indiquer expressément qu'il demande à ce que les demandes de Mme [P] soient déclarées irrecevables et qu'il soit sursis à statuer.
S'agissant d'un point de procédure que la cour entend soulever d'office soumis au contradictoire des parties, la cour a imparti aux parties un délai expirant le lundi 6 octobre à minuit pour transmettre leurs éventuelles observations sur ce point précis par une note en délibéré (articles 444 et 445 du code de procédure civile).
Par note en délibéré transmise le 6 octobre 2025, le conseil de l'appelant indique que les demandes en question ont été omises par erreur dans le dispositif de ses conclusions et demande, dès lors, la révocation de l'ordonnande de clôture et la réouverture des débats.
Par notes en délibéré transmises les 3 et 6 octobre 2025, le conseil de l'intimée demande à la cour de confirmer les chefs de l'ordonnance entreprise en question et de déclarer irrecevables les conclusions transmises le 6 octobre 2025 par l'appelant, soit en cours de délibéré, après l'audience des plaidoiries.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel
En application de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version applicable en la cause, la déclaration d'appel, qui peut comporter une annexe, est faite par acte contenant, à peine de nullité :
6° L'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou l'annulation du jugement ;
7° Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2, limité, sauf, si l'appel tend à l'annulation du jugement.
L'article 915-2 du même code énonce que l'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Toutefois, la dévolution opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.
Le non-respect des dispositions de l'article 901 7° du code de procédure civile susvisé, qui exigent la mention des chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, peut conduire la cour à apprécier l'étendue de la dévolution du litige et considérer, le cas échéant, qu'elle n'est saisie d'aucun appel.
Le non-respect des dispositions de l'article 901 6° du même code susvisé, qui exigent la mention de l'objet de l'appel en ce qu'il tend à l'infirmation ou l'annulation du jugement, entraîne la nullité de la déclaration d'appel. Toutefois, s'agissant d'un vice de forme, il résulte de l'alinéa 2 de l'article 114 du même code que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, la déclaration d'appel, qui n'est accompagnée d'aucune annexe, indique dans l'encadré réservé à l'objet et/ou portée de l'appel :
Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : - rejeté sa demande de nullité de l'assignation, - rejeté sa demande de fin de non recevoir au titre du défaut de tentative de conciliation, - rejeté sa demande de fin de non recevoir au titre du défaut d'intérêt à agir, - rejeté sa demande de sursis à statuer, - rejeté sa demande de délais pour quitté les lieux, - prononcé son expulsion, - condamné aux dépens de l'instance, Condamné à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC ;
Ainsi, cette déclaration d'appel énonce bien les chefs de la décision de première instance qui sont critiqués, de sorte que l'intimée ne peut valablement se prévaloir de l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
En revanche, si l'appelant ne mentionne pas, dans sa déclaration d'appel, l'objet de l'appel, faute de préciser s'il tend à l'annulation et/ou l'infirmation de l'ordonnance entreprise, il s'agit d'un vice de forme pouvant entraîner la nullité de la déclaration d'appel à la condition pour l'intimée d'apporter la preuve du grief que lui cause l'irrégularité.
En l'occurrence, aux termes de ses premières conclusions transmises le 18 avril 2025, soit dans le délai qui lui était imparti, l'appelant indique expressément dans le dispositif, outre les chefs critiqués du dispositif de l'ordonnance, que l'objet de son appel tend à l'annulation et, à défaut, à l'infirmation de l'ordonnance entreprise.
Dès lors que ces conclusions dissipent toute ambiguite sur l'objet de l'appel, l'intimée ne rapporte pas la preuve d'un grief justifiant d'annuler la déclaration d'appel pour vice de forme.
En conséquence, étant donné que la déclaration d'appel précise les chefs du dispositif l'ordonnance qui sont critiqués, il doit être retenu que l'effet dévolutif a opéré par l'effet de la déclaration d'appel, de même que sa nullité n'est pas encourue eu égard à l'objet de l'appel résultant du dispositif des premières conclusions de l'appelant.
Mme [P] sera donc déboutée de sa demande formée de ce chef.
Sur l'étendue de la saisine de la cour au regard des prétentions des parties
En vertu de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Il résulte de ces dispositions que si l'appelant se borne, dans le dispositif de ses conclusions, à conclure à l'annulation ou l'infirmation d'une ordonnance, sans formuler de prétentions sur les demandes tranchées dans cette décision, la cour n'est pas saisie de prétentions relatives à ces demandes.
En l'espèce, si l'appelant sollicite, dans le dispositif de ses dernières conclusions, l'annulation de l'ordonnance entreprise et, à défaut, son infirmation en ce qu'elle a rejeté ses demandes de nullité de l'assignation, de fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, de sursis à statuer, de délais pour quitter les lieux, a ordonné son expulsion et l'a condamné à des frais irrépétibles et aux dépens de l'instance, il ne formule aucune prétention tendant à voir déclarer l'action de Mme [P] irrecevable pour non respect des dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile et pour défaut d'intérêt à agir, de même qu'il ne sollicite plus le sursis à statuer.
En effet, M. [K] se contente de solliciter la nullité de l'ordonnance entreprise et, à défaut, la nullité de l'assignation et, à défaut, le rejet des demandes de Mme [P] et, à défaut, les plus larges délais de grâce.
Une note en délibéré et des conclusions transmises en cours de délibéré suite à un soit-transmis adressé par la cour ne peut avoir pour effet de régulariser des points de procédure que la cour a, en respectant le principe de la contradiction, entendu soulever d'office.
Or, dès lors que cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, l'ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de M. [K] tendant à voir déclarer irrecevable l'action de Mme [P] et à obtenir un sursis à statuer.
Sur la nullité de l'ordonnance entreprise
En application de l'article 447 du code de procédure civile, il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer. Ils doivent être en nombre au moins égal à celui que prescrivent les règles relatives à l'organisation judiciaire.
Il résulte de l'article 458 du même code que ce qui est prescrit par cet article, en ce qui concerne la mention du nom des juges, doit être observé à peine de nullité.
L'article 459 du même code énonce que l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, de fait, observées.
L'article 19 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que les auditeurs participent sous la responsabilité des magistrats à l'activité juridictionnelle sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature. Ils peuvent notamment siéger en surnombre et participer avec voix consultative aux délibérés des juridictions civiles et correctionnelles.
En l'espèce, l'ordonnance entreprise indique que l'affaire a été présidée par M. Philippe Assonion, magistrat à titre temporaire chargé des contentieux de la protection du pôle de proximité du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, lequel a signé la décision.
Il n'est pas contesté que l'affaire a été instruite par une auditrice de justice, conformément à ce que le greffe a indiqué par courriel en date du 25 mars 2025 en réponse à la demande du conseil de l'appelant.
Si son nom n'est pas mentionné dans l'ordonnance entreprise, il n'avait pas à y figurer. En effet, bien qu'ayant conduit les débats, elle l'a fait en surnombre, aux côtés et sous la responsabilité du président de l'audience, M. Assonion. Son statut ne lui permettant pas de décider, mais uniquement de participer aux délibérés avec voie consultative, seul le président de l'audience, M. Assonion, pouvait signer l'ordonnance entreprise après en avoir délibéré.
En conséquence, M. [K] sera débouté de sa demande tendant à déclarer nulle l'ordonnance entreprise.
Sur la nullité de l'acte introductif d'instance
En application de l'article 54 5° du code de procédure civile, l'acte introductif d'instance doit mentionner, à peine de nullité, lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
L'article 750-1 du même code énonce qu'en application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l'obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
2° Lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
3° Si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d'un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l'article L. 125-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Il est de principe que la tentative de résolution amiable du litige n'étant pas, par principe, exclue en matière de référé, l'absence de recours à un mode de résolution amiable dans une telle hypothèse peut, le cas échéant, être justifiée par un motif légitime au sens de l'article 750-1 alinéa 2 3°, et notamment par un motif tenant à l'urgence.
Il est également admis qu'en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent, les dispositions instituant une tentative de résolution amiable du litige obligatoire et préalable ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés.
En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme M. [K], les demandes d'expulsion et de paiement à une indemnité provisionnelle d'occupation formées à son encontre par Mme [P] sont fondées sur le fait qu'il occupe son appartement sans aucun droit ni titre. En aucun cas, la mesure d'expulsion est sollicitée pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de troubles normaux de voisinage. Si Mme [P] en fait état dans ses écritures, elle n'en tire aucune conséquence juridique.
Ce faisant, Mme [P] a saisi le juge des référés afin de faire cesser un trouble manifestement illicite entendu comme toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Or, la notion de trouble manifestement illicite tenant à une occupation sans droit ni titre étant attachée à l'idée de l'urgence manifeste, raison pour laquelle le juge des référés n'a pas à caractériser une quelconque urgence pour ordonner une mesure destinée à faire cesser un trouble manifestement illicite, Mme [P] n'était pas tenue, préalablement à la saisine du juge des référés, d'entreprendre des démarches en vue d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative.
Dans ces conditions, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [K] tendant à voir déclarer nulle l'acte introductif d'instance pour non-respect des dispositions de l'article 54 5° du code de procédure civile susvisé.
Sur l'occupation sans droit ni titre
Il résulte de l'article 834 du code de procédure civile que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'urgence est caractérisée chaque fois qu'un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier non seulement l'urgence mais également l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ces moyens.
Par ailleurs, il résulte de l'article 835 alinéa 1 que le président peut toujours, même en cas de contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
L'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.
La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.
L'occupation sans droit ni titre d'un immeuble est ainsi de nature à constituer un trouble manifestement illicite et, à tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.
En l'espèce, si Mme [P] fait état du trouble anormal de voisinage causé par M. [K], ayant conduit l'assemblée générale des copropriétaires, le 9 janvier 2025, à donner mandat au syndic d'ester en justice à l'encontre de Mme [P] pour non respect du règlement de copropriété par l'occupant de son lot n° 9, il n'en demeure pas moins qu'elle fonde son action en référé-expulsion sur l'occupation sans droit ni titre de M. [K].
Contestant occuper le logement de manière illicite, M. [K] se prévaut d'un droit d'occuper les lieux en raison d'un commodat que lui a consenti le fils de Mme [P]. Il verse aux débats une attestation dressée par M. [P], le 28 octobre 2015, aux termes de laquelle il indique héberger à titre gratuit M. [K] dans le logement litogieux.
Mme [P], qui affirme que son fils ne détient aucun droit sur son logement qu'il a quitté depuis plusieurs années, conteste avoir prêté à M. [K] son appartement.
Or, dès lors qu'il est acquis que M. [K] se maintient dans les lieux depuis plusieurs années à titre gratuit, l'occupation du logement de Mme [P] par ce dernier relève de toute évidence du prêt à usage.
En application de l'article 1888 du code civil, le prêteur ne peut retirer la chose qu'après le terme convenu ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée.
Il est admis que, lorsque aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable.
En l'occurrence, Mme [P] justifie avoir sommé M. [K], par courrier recommandé en date du 29 mai 2024, de déguerpir. Elle y indique vouloir mettre un terme à [son] occupation du bien dont elle est propriétaire et [le] mets donc en demeure dans un délai de 15 jours de déguerpir et de restituer les lieux dans l'état dans lequel ils étaient avant [son] arrivée, avant de l'assigner, par acte de commissaire de justice en date du 22 juillet 2024, afin d'obtenir son expulsion pour occupation sans droit ni titre.
Il s'ensuit que Mme [P] manifesté son intention, le 29 mai 2024, de mettre fin à l'occupation de son appartement par M. [K]. De plus, le délai de près de deux mois qui lui a été consenti pour le libérer, compte tenu de la date à laquelle il a été assigné en référé-expulsion, peut être considéré, avec l'évidence requise en référé, comme un délai raisonnable.
C'est donc à bon droit, sans statuer ultra petita, comme le soutient M. [K], qui s'est lui-même prévalu d'un prêt à usage, que le premier juge a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant d'une occupation sans droit ni titre en application de l'article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le prêt en question, à supposer qu'il existe, ayant pris fin suite à la sommation de déguerpir notifiée le 29 mai 2024 par le conseil de Mme [P].
De même, alors même que l'obligation de M. [K] de quitter les lieux ne se heurte à aucune contestation sérieuse, compte tenu de la fin du prêt à usage indéterminé portant sur une chose d'un usage permanent, dont il se prévaut lui-même, le fait pour ce dernier de se maintenir dans les lieux, près de 15 mois après, justifie également d'ordonner son expulsion pour occupation sans droit ni titre sur le fondement de l'article 834 du code de procédure civile.
Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de M. [K] ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux susvisés avec au besoin le concours de la force publique.
En revanche, dès lors que cette expulsion pourra intervenir avec le concours de la force publique, il n'y a pas lieu de l'ordonner sous astreinte.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef.
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
L'article L 412-1 du code des procédure civile d'exécution dispose que si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
Ce délai ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate que la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manoeuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
L'article L 412-2 du même code dispose que lorsque l'expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d'une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l'année considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai prévu à l'article L. 412-1 peut être prorogé par le juge pour une durée n'excédant pas trois mois.
L'article L 412-3 du même code énonce que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manoeuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
L'article L 412-4 dispose que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
L'article L 412-6 du même code dispose que nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
En l'espèce, M. [K] est en droit de solliciter des délais complémentaires pour quitter les lieux, dès lors qu'il n'y est pas entré à l'aide de manoeuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Il reste que, s'il justifie avoir été victime d'un accident du travail le 13 décembre 2022, à la suite de quoi il a été arrêté jusqu'au mois de mars 2025, et expose ne plus percevoir d'indemnités journalières depuis le mois de mai 2025, il n'allègue ni ne démontre avoir entrepris des démarches pour se reloger.
De plus, nonobstant les difficultés rencontrées par M. [K], ce dernier, qui n'est pas expulsable avant le 31 mars 2026, occupera les lieux, à cette date, sans droit ni titre depuis plus 20 mois, et ce, sans verser la moindre indemnité.
En l'état de ces éléments, les circonstances de l'affaire ne commandent pas de faire droit à la demande de délais supplémentaires sur le fondement des articles L 412-3 et L 412-4 susvisés pour un logement occupé indûment depuis le mois d'août 2024.
Dès lors que l'ordonnance entreprise n'a pas repris dans le dispositif de sa décision le rejet de la demande de délais complémentaires pour quitter les lieux formée par M. [K], il y a lieu d'y ajouter en le déboutant de cette demande.
Sur la demande d'indemnité d'occupation à titre de provision
Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.
En application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des chises de la mmanière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.
Il résulte de l'article 1240 du même code que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est admis que le maintien dans le bien d'autrui sans droit ni titre constitue une faute civile de nature délictuelle ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien le prive de sa jouissance.
En l'espèce, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que M. [K] occupe sans droit ni titre le bien appartenant à Mme [P] depuis le mois d'août 2024, compte tenu du préavis de près deux mois qui a été retenu pour qu'il libère les lieux, son obligation de régler, à titre provisionnel, une indemnité pour occupation illicite du bien d'autrui ne se heurte à aucune contestation sérieuse.
Le bien en question étant un appartement de type F3 se situant au sein d'une résidence soumis au statut de la copropriété aux [Localité 6], il est de juste appréciation de fixer l'indemnité d'occupation due par M. [K], à titre provisionnel, à la somme mensuelle de 800 euros à compter du mois d'août 2024, et ce, jusqu'à ce qu'il libère les lieux caractérisés par la remise des clés.
L'ordonnance entreprise n'ayant pas repris dans le dispositif de sa décision le rejet de la demande formée par Mme [P] au titre de l'indemnité d'occupation, il y a lieu d'y ajouter en condamnant M. [K] à verser à Mme [P] la somme provisionnelle susvisée.
Sur la demande de délais de paiement
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l'espèce, M. [K] reconnaît ses difficultés financières. Partant, il ne démontre pas sa capacité financière à régler l'arriéré d'indemnités d'occupation, qui s'élève à plus de 10 000 euros, en plusieurs mensualités.
Sa demande de délais de paiement n'est donc pas fondée.
Dès lors que l'ordonnance entreprise a considéré que cette demande était devenue sans objet, il y a lieu d'y ajouter en déboutant M. [K] de sa demande formée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [K], succombant en appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a condamné aux dépens et à verser la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par Mme [P] en appel non compris dans les dépens.
Il sera également condamné aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande en outre de le condamner à verser à Mme [P] la somme de 2 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [K], en tant partie tenue aux dépens, sera débouté de sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déboute Mme [B] [P] de sa demande tendant à voir dire que la cour n'est saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel ;
Déboute M. [W] [K] de sa demande tendant à annuler l'ordonnance entreprise ;
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de M. [W] [K] sous astreinte ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [B] [P] de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion de M. [W] [K] sous astreinte ;
Déboute M. [W] [K] de sa demande de délais supplémentaires pour quitter les lieux ;
Déboute M. [W] [K] de sa demande de délais de paiement ;
Condamne M. [W] [K] à verser à Mme [B] [P], à titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle de 800 euros à compter du mois d'août 2024, et ce, jusqu'à ce qu'il libère les lieux caractérisés par la remise des clés ;
Condamne M. [W] [K] à verser à Mme [B] [P] la somme de 2 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [W] [K] de sa demande formée sur le même fondement ;
Condamne M. [W] [K] aux dépens d'appel.