CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 30 octobre 2025, n° 24/11797
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier (Sté)
Défendeur :
O (Consorts)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Youl-Pailhes
Conseillers :
M. Catteau, Mme Tormos
Avocats :
Me Ermenneux, Me Samak
Lors de la constitution de la copropriété [9] située à [Localité 7], un pavillon a été détaché au profit des propriétaires originaires, avec maintien à leur profit de la jouissance du parc comprenant tennis et serres.
L'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [9] du 17 juin 2017, a voté une résolution n°12 supprimant cette clause de jouissance.
Cette résolution a été attaquée par les consorts [O] et leurs locataires, M. et Mme [X], devant le tribunal judiciaire de Nice qui par jugement du 23 septembre 2022, assorti de l'exécution provisoire, a entre autres dispositions :
- dit cette résolution inopposable aux époux [X] et aux consorts [O] ;
- ordonné au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] (ci-après, le syndicat des copropriétaires) de rétablir l'accès au parc en ce compris le terrain de tennis et la piscine aux propriétaires, locataires et usagers du pavillon [9], ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement.
- condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens et à payer aux époux [X] et aux consorts [O] chacun, la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par arrêt du 12 septembre 2024, la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant sur l'appel du jugement rendu le 9 octobre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice a :
Déclaré irrecevables les exceptions de nullité de l'acte de signification du jugement du 23 septembre 2022 et du commandement de payer aux fins de saisie vente du 29 novembre 2023, soulevées par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] ;
Liquidé l'astreinte prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Nice en date du 23 septembre 2022 à la somme de 24000 euros pour la période compris entre le 25 novembre 2022 et le 19 juin 2023 ;
Condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] à payer ladite somme à MM. [Z] et [U] [O] ;
Y ajoutant a,
Déclaré irrecevable la demande de liquidation d'astreinte présentée par [J] [N] épouse [X] et [F] [X] ;
Condamné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] à payer à [Z] et [U] [O], à [J] [N] épouse [X], à [F] [X] et à la SCP Benabu-Bauché, chacun la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile soit au total la somme de 5 000 euros accordée globalement aux intimés ;
Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] de sa demande à ce titre ;
L'a condamné aux dépens d'appel.
Par jugement du 16 septembre 2024 le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nice a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir,
- liquidé l'astreinte fixée par le tribunal judiciaire de Nice à la somme de 13800 euros pour la période du 20 juin 2023 au 3 novembre 2023,
- condamné le syndicat des copropriétaires à payer aux époux [X] et aux consorts [O] la somme de 13800 euros,
- débouté les époux [X] et les consorts [O] de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de l'instance.
Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] a formé appel de ce jugement par déclaration du 26 septembre 2024.
Par conclusions notifiées en leur dernier état le 6 décembre 2024, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de ses moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] demande à la cour de :
- réformer le jugement,
Statuant à nouveau, de,
- déclarer irrecevable les époux [X] pour défaut d'intérêt et de qualité à agir,
- débouter les intimés de leur demande de liquidation d'astreinte
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] soulève in limine litis l'irrecevabilité des demandes de [J] [N] épouse [X] et [F] [X] au motif qu'ils ont déménagé au début de l'année 2019 qu'ils ne résidaient plus au pavillon [9] au moment de l'introduction de l'instance, qu'ils n'ont donc ni intérêt ni qualité à agir.
Sur le fond il soutient que :
- l'obligation judiciaire a été accomplie le 3 novembre 2023 ;
- les intimés avaient eux-mêmes condamné un accès au parc [9] dont ils sollicitaient en justice le rétablissement ;
- l'astreinte liquidée à hauteur de 13800 euros est disproportionnée au regard de l'enjeu du litige qui n'existait plus au jour de la liquidation.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 5 février 2025, auxquelles il convient de se reporter en application de l'article 455 du Code de procédure civile, [Z] [O], [U] [O], [J] [V] et [F] [X], demandent à la cour de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions et notamment celles relatives au quantum de la liquidation de l'astreinte fixée à 13800 euros,
Liquider l'astreinte prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Nice en date du 16 septembre 2024 à la somme de 13800 euros pour la période comprise entre 20 juin 2023 au 3 novembre 2023,
Condamner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [9] à payer ladite somme à tout ou partie des intimés,
Rejeter toutes demandes fins et prétention du syndicat,
Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [9] à verser aux intimés la somme globale de 2000 euros chacun en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Le condamner aux entiers dépens.
Ils font valoir que le départ des époux [X] ne prive pas les consorts [O] du droit de demander la liquidation de l'astreinte pour la période allant du 20 juin 2023 au 3 novembre 2023, le dispositif d'accès au parc leur ayant été remis le 9 novembre 2023.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance 19 août 2025.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
* Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et qualité à agir de M. et Mme [X]:
Aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, «l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.» ;
L'article 32 du même code dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ;
[J] [N] épouse [X] et [F] [X] ont assigné le syndicat des copropriétaires aux fins de liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 23 septembre 2022, par acte de commissaire de justice du 29 novembre 2023 ;
A cette date il n'est pas contesté que les époux [X] n'étaient plus locataires de l'appartement des consorts [O] au sein du Pavillon Le [9], et ce dès avant le jugement impartissant l'obligation sous astreinte qui n'a d'ailleurs pas été prononcée expressément à leur bénéfice mais « au profit des propriétaires et locataires » de ce pavillon ;
N'étant plus occupants de ce pavillon depuis le mois de mai 2022, ce qui n'est pas contesté par les intéressés, ils sont irrecevables à agir en liquidation de l'astreinte ;
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fait droit à leur demande de ce chef ;
* Sur la liquidation de l'astreinte :
L'astreinte est une mesure comminatoire de nature judiciaire qui permet d'exercer une pression financière sur le débiteur afin qu'il procède à l'exécution de la décision de justice exécutoire prononcée à son encontre. Cette mesure assure le respect de l'imperium du juge et, par voie de conséquence, la satisfaction du créancier. Elle est indépendante des dommages-intérêts. L'astreinte a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution.
En vertu des dispositions de l'article L.131-4 du Code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement du débiteur de l'obligation et des difficultés qu'il a rencontrées, l'astreinte peut être supprimée en tout ou en partie s'il est établi que l'inexécution de l'obligation ou son retard provient en tout ou partie d'une cause étrangère.
La notion de cause étrangère recouvre toute difficulté insurmontable qui n'est pas de la responsabilité du débiteur.
Il appartient au juge appelé à liquider l'astreinte également d'apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.
Le point de départ de l'astreinte a été fixé au jour de la signification du jugement assorti de l'exécution provisoire qui l'a prononcée, soit le 25 novembre 2022 et il n'est pas discuté que l'obligation n'a été exécutée que postérieurement ;
Le syndicat des copropriétaires avance le comportement des résidents du pavillon Le [9] qui auraient eux-mêmes condamné l'accès au parc Le [9] pour justifier le retard pris dans l'exécution de son obligation ;
S'il produit un procès-verbal de constat de commissaire de justice établi le 16 mai 2023 dont il ressort que deux portails ouvrent sur le pavillon [9] et que celui de gauche est fermé par un antivol dont le code permettant l'ouverture se situe coté de ce pavillon, il en ressort qu'aucune fermeture ne condamne le deuxième portail mentionné comme étant le portail historique de la résidence ;
Ces faits ne dispensaient pas le syndicat des copropriétaires de remplir l'obligation judiciaire mise à sa charge en remettant aux occupants du pavillon les clés et bips comme enjoint par le jugement du 23 septembre 2022 ;
Le syndicat des copropriétaires ne caractérise ni le comportement des intimés ni des difficultés ni l'existence d'une cause étrangère l'ayant empêché d'exécuter son obligation ;
En conséquence comme l'a justement relevé le premier juge le principe de la liquidation de l'astreinte est acquis.
S'agissant du caractère proportionné :
La Cour de cassation a jugé au visé des dispositions de l'article L. 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution et à la lumière du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'il appartient au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, mais également d'apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige ;
En l'espèce l'obligation tardivement exécutée porte sur la remise de clés et bips pour permettre l'accès des consorts [O] et de leurs locataires, au parc de la résidence [9] ;
Cette obligation ne comporte aucune difficulté d'exécution pourtant le syndicat des copropriétaires ne s'est exécuté qu'en novembre 2023 ;
Le montant de l'astreinte liquidée à la somme de 13 800 euros pour la période du 20 juin 2023 au 3 novembre 2023 est proportionné au regard de l'enjeu du litige et de son ancienneté.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné la liquidation de l'astreinte pour la somme de 13 800 euros pour la période du 20 juin 2023 au 3 novembre 2023, et condamné le syndicat des copropriétaires à la payer à [Z] [O], [U] [O].
* Sur les dépens et frais irrépétibles :
Leur sort a été exactement réglé par le premier juge qui sera confirmé de ces chefs.
A hauteur de cour, il convient d'accorder à [Z] [O], [U] [O], contraints d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après.
Les époux [X] irrecevables en leur action et le syndicat des copropriétaires seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Le syndicat des copropriétaires supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir et déclaré [J] [N] épouse [X] et [F] [X], condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] à leur payer la somme de 13800 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,
STATUANT à nouveau,
DÉCLARE [J] [N] épouse [X] et [F] [X] irrecevable à agir,
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,
Y Ajoutant,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] à payer à [Z] [O] et à [U] [O], chacun, la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence [9], [J] [N] épouse [X] et [F] [X] de leurs demandes à ce titre ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] aux dépens d'appel.
AUTORISE la distraction des dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.