CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 30 octobre 2025, n° 24/14045
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ezavin (SCP)
Défendeur :
JB Patrimoine (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Youl-Pailhes
Conseillers :
M. Catteau, Mme Boyer
Avocats :
Me Juston, Me Agnetti, Me Alligier, SCP Klein
Faits, procédure, prétentions :
Une ordonnance du 29 novembre 2022 du juge de l'exécution de [Localité 8] autorisait monsieur [B] [M] à pratiquer une saisie conservatoire à hauteur de 872 035 € sur le compte bancaire de la société Bleb dans les livres de la SMC et sur tous les autres comptes détenus par ladite société que l'autorisation permettra de révéler notamment par l'accès au fichier Ficoba.
Le 2 décembre 2022, monsieur [M] faisait délivrer à la SMC une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de la Sarl Bleb aux fins de garantie de paiement de la somme de 872 035 € outre les frais, ladite saisie ayant pour effet de rendre indisponible une somme de 37 55,04 €. Elle était dénoncée, le 6 décembre 2022, à la société Bleb.
Le 2 décembre 2022, monsieur [M] faisait délivrer à la Banque Populaire Méditerranée, une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de la Sarl Bleb aux fins de garantie de paiement de la somme de 872 035 € outre les frais, ladite saisie étant sans objet en l'absence de compte au nom de la société Bleb. Elle était dénoncée, le 6 décembre suivant, à la société Bleb.
Le 2 décembre 2022, monsieur [M] faisait délivrer à la Caisse d'Epargne de la Cote d'Azur, une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de la Sarl Bleb aux fins de garantie de paiement de la somme de 872 035 € outre les frais, ladite saisie ayant pour effet de rendre indisponible une somme de 7 630, 69 €. Elle était dénoncée, le 6 décembre suivant, à la société Bleb.
Une ordonnance du 22 décembre 2022 du juge de l'exécution de [Localité 8] autorisait monsieur [B] [M] à pratiquer une saisie conservatoire des loyers dus par la société Pronice aux fins de garantie de paiement du solde de 826 649,27 €.
Le 26 décembre 2022, monsieur [M] faisait délivrer à la société Pronice une saisie conservatoire des loyers dus à la Sarl Bleb aux fins de garantie de paiement de la somme de 826 649,27 €. Elle était régulièrement dénoncée à la société Bleb.
Un jugement du 18 janvier 2024 du tribunal de commerce de Nice déboutait monsieur [B] [M] de sa demande de condamnation de la société Bleb à lui payer la somme de 872 035 €. Il en formait appel dont l'instance est en cours.
Le 25 juillet 2023, la SCP Ezavin-[X] représentée par maître [C] [X] en qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la Sarl Bleb, faisait assigner monsieur [B] [M] devant le juge de l'exécution de Nice aux fins de mainlevée des saisies conservatoires autorisées par ordonnances des 29 novembre et 22 décembre 2022 du juge de l'exécution de Nice et de condamnation au paiement d'une somme de 5 182,11 € de dommages et intérêt ainsi que d'une indemnité de 3 500 € pour frais irrépétibles.
Un jugement du 18 novembre 2024 du juge précité :
- déboutait la SCP Ezavin-[X] représentée par maître [C] [X] en qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la Sarl Bleb de toutes ses demandes,
- condamnait la SCP Ezavin-[X] représentée par maître [C] [X] en qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la Sarl Bleb aux dépens de l'instance,
- rejetait toutes demandes plus amples ou contraires.
Ledit jugement était notifié par voie postale à la SCP Ezavin -[X] es qualité par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 20 novembre 2024. Par déclaration du 21 novembre 2024 au greffe de la cour, la SCP Ezavin -[X] représentée par maître [C] [X] en qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la Sarl Bleb, formait appel du jugement précité.
Aux termes de leurs dernières écritures du 10 juin 2025, notifiées à nouveau par RPVA le 4 août 2025, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la SCP Ezavin-[X] en qualité d'administrateur provisoire de la société Bleb demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé et en conséquence,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens,
Et statuant à nouveau :
- ordonner la mainlevée des saisies conservatoires autorisées par les ordonnances du juge de l'exécution de [Localité 8] des 29 novembre et 22 décembre 2022,
- condamner monsieur [B] [M] au paiement de la somme de 5.182,11 € au titre du préjudice subi par la société Bleb,
- condamner monsieur [B] [M] au paiement de la somme de 3.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens en première instance,
En tout état de cause :
- débouter monsieur [B] [M] de toutes ses demandes,
- condamner monsieur [B] [M] au paiement de la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
- condamner monsieur [B] [M] aux entiers dépens d'appel.
Elle procède à un historique de la société Bleb dont les deux associés, [L] [M] (55 % des parts) et son fils, [B] [M] (45 % des parts) disposaient d'un compte courant d'un montant respectif de 2 488 077 € et 2 502 034 €.
Monsieur [B] [P] a procédé à deux prélèvements en date des 27 octobre et 26 novembre 2020 d'un montant total de 1 663 105,27 € alors que les comptes des exercices 2019 et 2020 n'étaient pas approuvés et monsieur [L] [P] a procédé à deux prélèvements en date des 7 et 11 janvier 2021 d'un montant total de 770 000 €.
Le 1er juin 2022, monsieur [L] [M] est redevenu le nouveau et seul gérant de la société Bleb et [B] [M] a été autorisé par ordonnances des 29 novembre et 22 décembre 2022 a procédé à des saisies conservatoires de comptes bancaires et des loyers dus par la société Pronice.
Une ordonnance du 21 mars 2023 a désigné la SCP Ezavin-[X] en qualité d'administrateur provisoire de la Sarl Bleb et par assignation du 22 novembre 2023, elle a assigné messieurs [L] et [B] [M] en restitution des sommes indûment prélevées pour un montant respectif de 1 270 000 € et 1 663 169 €.
Enfin, un jugement du 18 janvier 2024, frappé d'un appel en cours, a rejeté les demandes de monsieur [B] [M] de remboursement de sa créance en compte-courant et de conversion des saisies conservatoires et saisie-attribution.
Elle conteste l'existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance aux motifs qu'elle s'est trouvée dépourvue de trésorerie en raison des saisies conservatoires délivrées sur ses comptes bancaires puis entre les mains du locataire, lesquelles ont empêché son exploitation courante.
Or, les actifs immobilisés sont d'un montant de 3 710 205 € selon les bilans clos au 31 décembre 2019,2020 et 2021 d'un montant supérieur au montant des emprunts et dettes de la société (dont les avances en compte-courant) de 2 855 859 € au 31 décembre 2021.
Elle soutient que la société Bleb est en capacité de rembourser monsieur [B] [M] si les dispositions statutaires sont respectées, notamment le délai de préavis de trois mois dès lors qu'elle perçoit des loyers très élevés (650 000 € ht par an) et que ses charges courantes sont très faibles.
De plus, elle invoque une convention de séquestre ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations d'un montant de 827 077,25 € conclue avec la société Pronice et homologuée par ordonnance du 7 janvier 2025 dans l'attente d'une décision définitive du juge du fond.
Elle fonde sa demande indemnitaire sur l'article 1240 du code civil au motif qu'il n'est pas nécessaire qu'une saisie soit invalidée pour réparer un dommage subi et sur l'article L 111-2 CPCE qui sanctionne une saisie abusive ou inutile. Tel est le cas en l'espèce puisque monsieur [M] n'a pas respecté le délai de trois mois et qu'elle s'est trouvée privée des loyers dus depuis le 1er janvier 2023, ne pouvant plus faire face à son exploitation courante. Elle conteste toute négligence pour obtenir la restitution des sommes prélevées par [L] [M] en l'état d'une désignation par ordonnance du 21 mars 2023 et d'une assignation du 22 novembre 2023 après une demande amiable du 14 juin 2023 restée infructueuse. Elle invoque un préjudice financier de 5 182,11 € au titre des frais d'huissier générés par les saisies contestées.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 avril 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [B] [M] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCP Ezavin- [X] représentée par maître [X] en qualité d'administrateur judiciaire provisoire de la Sarl Bleb de ses demandes de, mainlevée des saisies conservatoires autorisées par ordonnances des 29 novembre et 22 décembre 2022, dommages et intérêts, indemnité pour frais irrépétibles et en ce qu'il l'a condamné aux dépens,
- débouter maître [X] es-qualités de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau,
- condamner maître [X] es qualité au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et de celle de 5.000 € à hauteur d'appel outre des entiers dépens de première instance et de l'appel.
Il soutient que sa créance de compte-courant est certaine selon les termes du jugement du 18 janvier 2024 et n'est pas contestée peu important qu'elle ne soit pas exigible.
Au titre des circonstances de nature à menacer son recouvrement, il rappelle qu'il demande depuis deux ans le remboursement de son compte-courant par courrier simple, puis par lettre recommandée puis par voie d'assignation alors que les statuts prévoient un délai de préavis limité à trois mois.
Il invoque le comportement totalement défaillant de [L] [M] à l'origine de la désignation d'un mandataire ad hoc et qui justifie le maintien des saisies conservatoires dès lors qu'il a prélevé 710 000 € en janvier 2021 et 500 000 € le 30 novembre 2022. Malgré une mise en demeure de restituer du 25 octobre 2023 de maître [X], son conseil a refusé, par courrier du 27 octobre 2023, de restituer des fonds qui ont été placés à l'étranger.
Il souligne que le patrimoine immobilier de la Sarl Bleb n'est ni liquide, ni disponible et que la détention et la gestion de biens immobiliers constitue son objet social de sorte que la cession des immeubles provoquerait sa dissolution. La valeur du patrimoine immobilier de la société Bleb ne suffit pas à elle seule à exclure l'existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance.
De plus, il invoque les termes du courrier du 24 octobre 2023 de maître [X] portant demande de restitution des prélèvements sous peine de cessation des paiements et de difficultés financières de la société Bleb. Il considère que la seule évocation des bilans des exercices 2019,2020 et 2021 ne suffit pas à démontrer que le recouvrement de sa créance en compte-courant n'est pas en péril.
Il conteste la demande indemnitaire fondée sur l'article 1240 du code civil au motif qu'aucune faute n'est caractérisée en l'état de saisies autorisées par le juge de l'exécution alors que maître [X] a tardé à demander par assignation du 21 novembre 2023 à monsieur [L] [M] la restitution des sommes détournées par lui.
Aux termes de ses écritures notifiées le 31 juillet 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [L] [M] et la société JB Patrimoine demandent à la cour de :
- déclarer recevable leur intervention volontaire,
- infirmer le jugement déféré notamment en ce qu'il a débouté la SCP Ezavin-[X] de toutes ses demandes,
- faisant droit aux demandes de la SCP Ezavin-[X] es qualité,
- ordonner la mainlevée des saisies conservatoires.
- condamner monsieur [B] [M] aux entiers dépens.
Il fonde son intervention volontaire sur l'article 330 du code de procédure civile et son intérêt à intervenir volontairement en appel en sa qualité d'associé de la société Bleb. Il a apporté ses 50 parts à sa holding JB Patrimoine.
Il conteste toute menace dans le recouvrement de la créance de son fils aux motifs que la société Bleb est propriétaire d'un actif immobilier qui lui assure une rente annuelle de plus de 400 000€ et a pour seule dette les comptes-courant d'associé.
Il considère que l'intention de son fils n'est pas de garantir le paiement de sa créance mais de s'attribuer tous les revenus locatifs de la société pour bénéficier d'un remboursement préférentiel de son compte-courant au préjudice de son père dont la créance est de 1 218 077€. Il relève l'absence de risque de non-recouvrement puisque les loyers saisis sont désormais d'un montant de 1 350 000 € et que le patrimoine immobilier de la société Bleb permet de garantir le paiement des créances en compte-courant.
L'instruction de la procédure était close par ordonnance du 19 août 2025.
Aux termes de ses écritures notifiées le 11 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, monsieur [L] [M] et la société JB Patrimoine demandent à la cour de :
- déclarer recevable leur intervention volontaire,
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture du 19 août 2025 et déclarer recevables et admettre les présentes écritures et nouvelles pièces,
- infirmer le jugement déféré notamment en ce qu'il a débouté la SCP Ezavin-[X] de toutes ses demandes,
- faisant droit aux demandes de la SCP Ezavin-[X] es qualité,
- ordonner la mainlevée des saisies conservatoires.
- condamner monsieur [B] [M] aux entiers dépens.
Il reprenait les moyens déjà développés dans ses précédentes écritures et citait les nouvelles pièces communiquées.
Par note RPVA du 9 septembre 2025, la cour demandait la production d'un décompte des loyers dus par la société Pronice depuis le 1er janvier 2023.
Par note RPVA du 16 septembre 2025, le conseil de la SCP Ezavin-[X] communiquait un relevé du compte-séquestre portant mention d'un crédit de 827 077,25 € au 16 septembre 2025.
Par note RPVA du 16 septembre 2025, le conseil de monsieur [B] [P] demandait le renvoi de l'affaire pour répliquer aux conclusions d'intervention volontaire de monsieur [L] [M].
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Monsieur [L] [M] et la société JP Patrimoine à laquelle il a apporté ses parts dans la société Bleb, étaient ni parties, ni représentées en première instance de sorte que leur intervention volontaire en appel est recevable.
- Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
L'article 803 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue....
En l'espèce, monsieur [L] [M] doit justifier d'une cause grave intervenue depuis l'ordonnance de clôture du 19 août 2025 et susceptible de fonder sa révocation.
Or, il a notifié des conclusions d'intervention volontaire le 31 juillet 2025 de sorte qu'il a été en mesure d'exposer son argumentation similaire à celle de l'administrateur provisoire de la société Bleb. Il lui appartenait de se mettre en état et de notifier ses pièces en temps utile alors qu'il a connaissance de la procédure en cours depuis au moins le courrier recommandé du 10 octobre 2023 de l'administrateur. Il ne justifie donc d'aucune cause grave et les autres parties ont eu la faculté de répondre à ses écritures entre le 31 juillet 2025 et la clôture du 19 août suivant.
Par conséquent, il sera dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture.
- Sur la demande principale de mainlevée des saisies conservatoires,
L'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
* Sur l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe,
Le droit positif considère qu'un créancier peut agir contre son débiteur et solliciter l'autorisation de prendre une mesure conservatoire avant que sa créance ne soit exigible (Com 1er mars 2016 n°14-20.553).
En l'espèce, les saisies conservatoires contestées ont pour finalité de garantir le paiement de la créance en compte courant de [B] [M] à l'égard de la société Bleb. Cette créance est mentionnée dans les comptes de cette société clos au 31 décembre 2019 pour un montant de 2 502 035 € avant un prélèvement de 1 630 000 €.
En outre, elle est mentionnée pour un montant de 872 035 € dans les comptes clos au 31 décembre 2020 et 31 décembre 2021, versés au débat, au titre des éléments de passif détaillés 'emprunts et dettes' et 'associés-c/c [B] [M]'.
Le principe de créance de [B] [M] à l'égard de la société Bleb pour un montant de 872 035 € résulte donc des documents comptables établis par cette société. Il n'est pas contesté par l'administrateur provisoire qui fonde exclusivement sa demande de mainlevée sur l'absence de péril dans le recouvrement de la créance.
Si le jugement au fond du 18 janvier 2024 a débouté monsieur [B] [M] de sa demande de condamnation de la société Bleb à lui payer la somme de 872 035 €, ce débouté est exclusivement fondé sur l'absence d'exigibilité de la créance au motif du non-respect du délai de préavis de trois mois imposé par l'article 8 des statuts de la société. Or, le défaut d'exigibilité de la créance ne prive pas le créancier du droit de prendre une mesure conservatoire pour en garantir le paiement. De plus, le jugement du 18 janvier 2024 précise que ' le tribunal dira que la créance en compte-courant de monsieur [B] [M] est certaine'.
Il s'en déduit que monsieur [B] [M] établit l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe d'un montant 872 035 € à l'égard de la société Bleb au titre du remboursement de son compte-courant d'associé.
- Sur l'existence de circonstances de nature à menacer son recouvrement,
Il appartient à la cour de tenir compte de l'évolution du litige et d'examiner l'existence d'un péril dans le recouvrement de la créance de monsieur [B] [M] évaluée à 872 025 € en principal au jour où elle statue. Ce dernier a la charge de la preuve des circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance.
A titre liminaire, la gestion de la société Bleb depuis plusieurs années est simple en l'état d'un seul bien immobilier générateur d'un loyer très important et de très faibles charges de fonctionnement. Les données comptables sont constantes d'une année sur l'autre sauf la réduction de la trésorerie consécutive aux prélèvements non autorisés et aux effets de la saisie des loyers.
Or, la société Bleb dispose d'actifs immobiliers immobilisés évalués à 3 710 205 € dans ses comptes clos au 31 décembre 2021. Ces actifs sont constitutifs d'un bien immobilier unique, local commercial de 3 406 m2 (dont elle est propriétaire indivis à concurrence de 56,94 % avec la SCI Armée des Alpes), objet d'un bail commercial du 1er juillet 2018, conclu avec la société Pronice à enseigne 'Super U'.
La vente de ce bien, seul actif de la société Bleb et sa seule source de revenus, suppose l'accord des associés alors que leur intérêt est de conserver ledit bien en ce qu'il génère une forme de rente locative de 650 000 € ht par an à compter de la quatrième année d'exploitation. Ainsi, sa valeur permet de garantir le paiement de la créance en compte-courant de [B] [M]. En tout état de cause, si les associés s'accordaient sur le principe d'une vente, cette cession à un prix de 3 700 000 € environ permettrait de désintéresser ses deux associés dès lors que les comptes précités ne font pas apparaître d'autres dettes sociales.
Par ailleurs, le bilan comptable au 31 décembre 2021 établit un résultat net bénéficiaire de 96 935 € au 31 décembre 2020 et de 82 067 € au 31 décembre 2021.
Le passif de 2 855 859 au 31 décembre 2021 est essentiellement constitué par le montant des comptes-courants d'associés de 2 710 554 €. Le montant des autres dettes est donc très faible.
Monsieur [B] [M] a prélevé la somme de 1 663 165 € avant que les comptes des exercices 2019 et 2020 de la société Bleb ne soient approuvés, tandis que monsieur [L] [M] a prélevé 1 270 000 € en janvier 2021 (770 000 €) et novembre 2022 (500 000 €).
Si les prélèvements précités non autorisés étaient susceptibles de mettre en péril l'équilibre financier de la société Bleb, et ont réduit sensiblement le montant de ses disponibilités financières, il a été mis un terme à ces agissements par la désignation de maître [X] en qualité d'administrateur de la société. Cette dernière, désignée par ordonnance du 21 mars 2023, justifie avoir été diligente et avoir formé en juin 2023 des demandes amiables de remboursement des sommes prélevées indûment par les deux associés avant de les assigner en restitution. Ainsi, la gouvernance de la société Bleb marqué par la disparition de l'affectio sociétatis de ses associés n'est plus de nature à menacer le recouvrement de la créance en compte-courant de [B] [M].
Outre l'actif immobilier immobilisé pour un montant de 3 710 205 €, la société Bleb perçoit un loyer annuel payé par la société Pronice à concurrence de ses droits (56,94 %) sur le montant annuel fixé à 650 000 € ht. En l'absence d'incident établi de paiement du loyer par la société précitée, son montant constitue une rente locative de nature à exclure toute menace dans le recouvrement de la créance de [B] [M].
Enfin, au cours de l'instance d'appel, maître [X] en qualité d'administrateur provisoire de la société Bleb et la société Pronice, titulaire d'un bail commercial, ont signé une convention de séquestre du 14 novembre 2024 homologuée par ordonnance de référé du 7 janvier 2025, laquelle contient une erreur matérielle sur la date de la convention homologuée.
Dans la convention précitée, les parties conviennent de la consignation des loyers arrivés à échéance depuis le 1er janvier 2023 dans la limite du montant de la saisie conservatoire délivrée pour un montant de 827 077,25 €, sur un compte séquestre qui sera ouvert à cet effet auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations par maître [X], agissant en qualité de séquestre et qui s'engage à les conserver jusqu'à une décision définitive, de rejet de la demande de monsieur [B] [M], ou de condamnation.
Le décompte sollicité et produit confirme que la société Pronice a payé ladite somme entre les mains du séquestre conventionnel de sorte que sa capacité financière à payer un loyer annuel très important ne peut être contestée et que le montant du loyer dû (650 000 € ht par an) est de nature à garantir la remboursement de la créance en compte-courant de [B] [M].
Par conséquent, monsieur [B] [M] ne rapporte pas la preuve de circonstances de nature à menacer le recouvrement de sa créance liquidée à 872 035 €. Le jugement déféré sera donc infirmé et la mainlevée des deux saisies conservatoires contestées sera ordonnée. La rétractation de l'ordonnance ne peut émaner que du juge signataire de sorte qu'elle ne peut être prononcée par la cour.
- Sur la demande de dommages et intérêts de la SCP Ezavin-[X] es qualité,
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.
En l'espèce, maître [X] es qualité fonde exclusivement sa demande indemnitaire correspondant aux frais de saisie sur la faute délictuelle de monsieur [B] [M] et le caractère inutile ou abusif des saisies contestées, lequel s'apprécie au jour de la délivrance des saisies contestées. Or, il résulte des motifs précités que les saisies étaient fondées sur un principe de créance et un péril dans son recouvrement établi, au jour de la signature de l'ordonnance, en l'état notamment des dysfonctionnements graves de la gouvernance de la société Bleb, auxquels la désignation ultérieure de l'administrateur provisoire a mis un terme. Ainsi, la preuve d'une faute délictuelle ou de saisies inutile ou abusive n'est pas rapportée par l'appelante.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCP Ezavin-[X] es qualité.
- Sur les demandes accessoires,
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties.
Monsieur [B] [M], partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant après débats en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE recevable les interventions volontaires de monsieur [L] [M] et de la société JB Patrimoine,
DIT n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
ECARTE des débats les conclusions et pièces communiquées le 11 septembre 2025 par monsieur [L] [M] et la société JB Patrimoine,
INFIRME le jugement déféré sauf sur le rejet de la demande de dommages et intérêts de la SCP Ezavin-[X] es qualité,
STATUANT à nouveau des chefs infirmés,
ORDONNE la mainlevée des saisies conservatoires de comptes bancaires autorisées par l'ordonnance du 29 novembre 2022,
ORDONNE la mainlevée de la saisie conservatoire, des loyers dus par la société Pronice, autorisée par l'ordonnance du 22 décembre 2022,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur [B] [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel.