CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 31 octobre 2025, n° 21/15023
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2025
N°2025/298
N°RG 21/15023
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJCN
[BR] [ZT]
C/
S.A.S. BRIGNOLDIS
Copie exécutoire délivrée
le : 31/10/2025
à :
- Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
- Me Julien MEUNIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 23 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00164.
APPELANT
Monsieur [BR] [ZT], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
S.A.S. BRIGNOLDIS, sise [Adresse 3]
représentée par Me Julien MEUNIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marie PELLAN, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, et Madame Audrey BOITAUD, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Audrey BOITAUD, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Audrey BOITAUD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2025.
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
1. M. [BR] [ZT] a été embauché en qualité d'employé libre-service par contrat à durée indéterminée à compter du 20 août 2014, au sein de la SAS BRIGNOLDIS, exploitant un supermarché sous l'enseigne LECLERC. Dès le 1er novembre suivant, il a été promu au poste de responsable du drive, avec un statut d'agent de maîtrise et a signé une délégation de pouvoirs émanant de M. [XS], président de la société employeuse. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
2. Le 1er décembre 2014, M. [ZT] ne s'est pas présenté à son poste de travail et le lendemain, il était placé en arrêt de travail pour maladie. Il a été déclaré « inapte à son poste mais apte à un autre, similaire dans un autre établissement, même si de la même entreprise » le 20 janvier 2015 par le médecin du travail, qui a confirmé l'inaptitude du salarié lors de la seconde visite de reprise en date du 9 février 2015.
3. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mars 2015, M. [ZT] a été licencié pour inaptitude d'origine non-professionnelle dans les termes suivants :
« Nous faisons suite à notre entretien du 18 Mars à 15h30, auquel vous ne vous vous êtes pas présenté et nous vous informons que nous sommes dans 1'obligation de procéder à votre licenciement de votre poste d'Employé Libre-Service, pour impossibilité de reclassement.
En effet, la Médecine du Travail vous a déclaré, le 9 février 2015, lors de votre visite de reprise « inapte au poste, apte à un autre poste : similaire dans un autre établissement même si dans la même entreprise ».
Après consultation avec les délégués du personnel, et avis favorable de leur part, nous avons parmi les postes disponibles dans l'entreprise ceux qui pourraient vous être proposés au titre d'un reclassement ou qui pourraient être adaptés aux prescriptions de la Médecine du Travail :
- Responsable bazar
- Responsable poissonnerie
- Responsable traiteur
- Employé commercial épicerie
- Employé commercial bazar
Cependant, vous n'avez pas répondu à notre courrier du 26 février 2015 dans lequel nous vous avons proposé ces différents postes.
De ce fait, compte tenu de l'impossibilité qui est désormais la nôtre de procéder à votre reclassement, nous nous voyons contraints de mettre fin à votre contrat de travail à la date de la présente. »
4. Entre-temps, le 19 décembre 2014, M. [ZT] avait déposé plainte auprès du procureur de la République pour harcèlement moral à l'encontre M. [XS], président directeur général de la société Brignoldis et par jugement du 26 juin 2019, le tribunal correctionnel de Draguignan a condamné celui-ci pour des faits de harcèlement moral commis à l'encontre de divers salariés dont M. [ZT] en ces termes :
« Attendu que le 25/ 10/2008, Mesdames [F] [K] et [L] [GZ], toutes deux comptables au centre commercial Leclerc de [Localité 2] rédigeaient un courrier à Monsieur le procureur de la république de Draguignan pour dénoncer les agissements de leur directeur Monsieur [XS], qu'elles accusaient d'exercer un harcèlement moral dans le but de les licencier ;
Qu'une enquête était ouverte par le parquet de Draguignan qui connaît l'enquête à la brigade de gendarmerie qui consistait à entendre les deux plaignantes, mais aussi Mesdames [T] chef de caisse de Brignoldis depuis 2008, [YF] comptable à Brignoldis depuis 2002, [G] responsable adjointe du service literie du Leclerc, [JN] [AU] responsable du service literie, Mesdames [O], employée principale du service comptable, [VE] chef de rayon depuis 20 ans, [AX] secrétaire comptable, [ZF] comptable, [CK] secrétaire comptable depuis 1992 et Monsieur [EL], directeur ;
Qu'il ressortait de ces auditions que les plaignantes dénonçaient les critiques, les diverses réflexions y compris devant tout le personnel et les changements continuels de planning, que Madame [R] en arrêt de maladie se plaignant du changement de son travail par Monsieur [XS] toutes les 20 minutes et de remarques incessantes qui l'ont conduite à quitter l'entreprise alors qu'elle prenait son travail a coeur de même que Madame [T] qui indiquait qu'aucun syndicat n'avait été créé du fait que Monsieur [XS] menaçait de supprimer la prime bilan, Madame [YF] qui a constaté que Madame [R] était souvent convoquée par Monsieur [XS] et faisait ' tampon ' avec la direction, qui dénonçait elle aussi des réflexions déplacées et pensait que la direction avait poussé Madame [F] a quitter son poste, Madame [G] qui faisait état des reproches infondés de la direction à l'encontre de Monsieur [JN], elle a été licenciée et Monsieur [JN] qui déclarait aussi subir des déclarations désobligeantes de [XS], des taches imposées et qui précisait que lorsque la direction veut licencier une personne, elle s'acharne dessus, lui trouve des fautes et attend que la personne craque, il s'est quant à lui mis en congé de maladie et à l'issue a quitté l'entreprise avec un accord amiable avec la direction,Madame [O] qui était sous la direction de Madame [R] et a travaillé 14 ans au sein de Brignoldis, elle a eu une évolution de poste sous Monsieur [XS] qui lui a donné des charges de travail de plus en plus importantes à tel point qu'elle a demandé à retourner à son poste d'origine, elle décrit une pression de la part de Monsieur [XS] qui se traduisait par des réflexions, elle en venait à se réveiller dans son sommeil, elle pense que M.[XS] faisait traîner la situation pour la licencier, la situation devenant insupportable pour elle, elle a fait un abandon de poste et a été licenciée ;
Attendu qu'il est vrai que Monsieur [XS] n'avait pas que des détracteurs, ainsi Madame [VE] n'est au courant de discriminations et a toujours perçu ses primes, elle pense que les personnes qui ont rencontré des problèmes avec Monsieur [XS] n'ont pas supporté le changement, elle reconnaît que le rythme de travail de travail a augmenté mais avant il y avait un véritable laxisme, Madame [AX] qui est en poste depuis 9 ans qui dit que Monsieur [XS] est une personne à l'écoute, conciliant pour les problèmes personnels et que tout travail est récompensé, que Madame [CK] qui a évolué dans l'entreprise dans laquelle elle travaille depuis 1992 réfute les accusations à l'encontre de [XS] qu'elle dit être une personne ouverte au dialogue et polie, elle est satisfaite de ses conditions de travail et dit que [XS] a laissé au personnel le choix d'accepter ou non sa réforme ou de partir mais l'ampleur du travail n'a pas beaucoup augmenté, et en n le directeur Monsieur [EL] donnait une explication sur les litiges et dit que les personnes qui se sont plaintes sont restées sur des acquis et un laxisme qui régnait dans l'entreprise sous la direction de l'ancien directeur et que toutes les procédures établies à l'encontre des personnels licenciés sont conformes au droit et aux règlements ;
Que [XS] lors de son audition réfutait toutes les accusations portées à son encontre, indiquant qu'il réunit le personnel lorsqu'il y a des plaintes, ne donne pas toujours raison à ses chefs de service, prend en compte tous les avis et tranche, il précise que tous ces problèmes sont survenus lors de la reprise de l'entreprise et à ce jour il n'y a plus de problème ;
Que le dossier envoyé au parquet pour étude restera sans suite judiciaire mais 5 ans plus tard, le 14/12/2013 Monsieur [GM] [M] entré au Leclerc de [Localité 2] depuis 5 ans dépose plainte contre Monsieur [XS] [NC] pdg et Madame [HM] [WS] directrice pour harcèlement et entrave à ses fonctions de syndicaliste puis ce sera au tour de Mademoiselle [FZ] [MB] de déposer plainte 1e 24/07/2014, de Messieurs [KN] [AD] et [SD] [C] de déposer plainte le 28/07/2014, de Monsieur [ZT] [BR] de déposer plainte le 19/12/2014 et enfin Mademoiselle [Y] [MO] de déposer plainte le 08/01/2015, tous dénoncant des pressions, des réflexions désobligeantes, des menaces, du chantage de la part de Monsieur [XS] [NC] pdg et Monsieur [W] [AD] actuel directeur ;
Attendu que dans un premier temps les gendarmes vont auditionner les plaignants, le tribunal y reviendra plus tard pour les parties civiles et ils vont entendre des témoins avant d'entendre les mis en cause ;
Que des témoins auditionnés, [RP] [B] épouse [S], employée depuis 21 ans décrit des menaces non-stop, la pression quotidienne, [CE] [CY] employé depuis 4 ans déclare que toutes les personnes inscrites sur la liste du syndicat ont subi des pressions, il déplore l'absence de dialogue de la part de la direction, [J] [YT] épouse [H], employée depuis 22 ans s'est mise à pleurer au cours de son audition, indiquant qu'elle a des réflexions de la part de Monsieur [XS] qui l'ont blessée, qu'il y a un turn over énorme dans l'entreprise, que les gens ne sont pas contents d'y travailler, [AF] [WE] ancien employé, il a quitté l'entreprise suite aux menaces et au chantage de la part de Monsieur [XS], [Y] [MO], compagne de Monsieur [W], se fait insulter par Monsieur [XS] et subit des réflexions sur son travail, [EL] [A] qui a été directeur de 2000 à 2010 qui précise qu'avec l'arrivée de Monsieur [XS], les conditions de travail se sont dégradées, les gens n'étaient plus contents de travailler chez LECLERC, tous les voyants étaient au rouge (arrêts de travail et accidents du travail), il a subi des pressions de la part de Monsieur [XS] ;
Attendu que Monsieur [W] [V], auditionné le 01/12/2014, reconnaît avoir appliqué à ses début sa méthode « Landaise », la bonne selon le pdg, puis il a été mis fin à sa période d'essai le 14/11/2014, il nie les faits dénoncés par [FZ] [MB] et dénonce les méthodes de Monsieur [XS] qui a droit de vie et de mort sur les familles ; que Madame [HM] [WS] auditionnée le 22/12/2014 nie les faits et est reconnaissante envers Monsieur [XS] de l'avoir « faite telle qu'elle est » ;
Que [NC] [XS] placé en garde à vue le 22 janvier 2015 nie les faits, puis il indique qu'il s'agit de ses méthodes de management mais en fin d'audition il indique : « le harcèlement dont ils parlent peut être ressenti par ces 6 personnes mais sur un effectif de 200 personnes et après 9 ans d'exploitation. Je suis d'accord que c'est toujours trop et que l'on va faire des efforts pour améliorer mais tout est relatif » ;
Attendu que les gendarmes ont contacté l'inspection du travail en la personne de Monsieur [Z] le 10/06/2014 qui leur explique qu'il a connaissance de la gestion « catastrophique » de l'entreprise LECLERC sur Brignoles et la personnalité « maligne » de Monsieur [XS], il déclare recevoir des lettres anonymes de femmes d'employés de l'entreprise dénonçant des faits de harcèlement, le conseil de Prud'hommes de Draguignan possède 32 dossiers en cours depuis l'arrivée de Monsieur [XS] en 2006, et l'on a pu dénombrer 7 directeurs depuis l'arrivée de [NC] [XS] restant de 2 jours à 8 mois ;
Attendu que [C] [SD] né le 31/10/1964 et travaillant au centre LECLERC depuis 1993 indique lors de son audition du 28/07/2014 que dès le début il s'est aperçu que Monsieur [XS] parlait mal aux employés puis a vu les conditions de travail décliner, les avertissements tomber à gogo, les menaces pleuvoir, il y a des chefs de services qui ont démissionné ou ont changé de poste, en un an il a eu 7 ou 8 chefs, il a été harcelé dans ses rayons par [W] et [XS] et avoir été reçus par eux dans le bureau de Monsieur [XS] qui lui ont mis la pression pour qu'il parte ou commette un abandon de poste ;
Que son examen psychologique réalisé par [I] [U] à la demande du parquet il ressort qu'il « s'agit d'un homme ayant reçu une éducation très stricte et capable de bien supporter un niveau de contrainte élevé des lors que ces contraintes ne sont pas l'occasion d'une emprise ou d'une domination sur lui (') M [SD] déclare une dégradation de ses conditions de travail et des pressions subies depuis 2006, soit depuis l'arrivée de M.[XS]'M. [SD] est en dépression et en arrêt de travail depuis le 22/07/2014, maladie dont il n'a jamais souffert auparavant(') Il décrit « une boule au ventre », une forte tension nerveuse, un trouble du sommeil, avec des rêves reprenant à l'identique des situations professionnelles, indiquant un retentissement pour partie traumatique(...) .En conséquence le psychologue constate un retentissement psychique d'une intensité et d'une amplitude très conséquente. L'intégrité et la santé mentale de M.[SD] ont été atteintes au point qu'il a dit engager un suivi avec un psychiatre sans présenter jusqu'alors de pathologie ou de trouble psychiatrique. Le psychologue pense que le retentissement que présente M.[SD] est effectivement évocateur d'un harcèlement moral commis dans le cadre de son travail ;
Attendu que Monsieur [SD] a été en arrêt de travail pendant 7 mois et sous antidépresseurs et il a finalement été licencié pour inaptitude psychologique par LRAR du 23 mars 2015 après que le médecin du travail l'ait déclaré inapte à son poste de travail ;
Attendu que [GM] [M] employé depuis le 25/08/2008, représentant de la CGT depuis juillet 2013 et délégué du personnel depuis 2009, réceptionneur de commandes
indique que M.[XS] lui a fait subir des pressions et des menaces parce qu'il était syndicaliste, avoir eu un avertissement pour une balance pour agneaux qui ne fonctionnait plus alors qu'il avait prévenu son supérieur, avoir eu un changement brutal de ses horaires, avoir eu des remarques alors qu'il n'en avait pas auparavant et il eu des arrêts de maladie alors qu'avant il n'était jamais malade, il a dû prendre un traitement pour se calmer, on lui a refusé une formation d'électricien d'équipement en lui faisant du chantage et finalement il a été licencié le 24/12/2015 pour abandon de poste ;
L'expert [A] [N] psychologue clinicien qui l'a examiné mentionne que : « En résumé, en lien avec les faits en cause, [GM] [M] aurait connu deux épisode d'arrêt maladie. En termes de retentissement observe nous notons aussi :
- un mal-être récurrent en lien avec son environnement
- un état de fatigue morale
- des angoisses associées à son travail ainsi qu'à son devenir professionnel et familial
- un sentiment de régression, de dévalorisation, d'impuissance et d'humiliation
- une perte de repères influençant ses décisions
- des ruminations mentales affectant la qualité de son sommeil
- une atteinte somatique possible
CONCLUSION
Les éléments abordés concernant les faits en cause nous font supposer un phénomène d'usure sur la personne de [GM] [M] qui semblerait avoir perdu toute illusion d'un quelconque apaisement relationnel avec sa direction.
Vivant cette expérience avec un sentiment d'échec, il espérait finalement obtenir l'assentiment de son directeur pour l'accession a une formation plusieurs fois demandée.
Ce qui pour le plaignant, serait entendu comme une réponse en quelque sorte réparatrice.
Qu'il justifie par des attestations de son épouse et de sa fille avoir été très mal et avoir vu son état psychologique se dégrader et aller mieux depuis ;
Attendu que Madame [MO] [Y] qui ne travaillera que 10 mois pour le Leclerc du26/05/2014 au 09/03/2015 et a été licenciée pour faute grave, elle a saisi le conseil des Prud'hommes a dénoncé l'attitude de [XS] avec elle et indique avoir été traitée de «connasse » , « pétasse » et « poufiasse » indique que M. [XS] est hautain, personne ne l'aime et met des avertissements à tour de bras ;
Attendu que l'expert [TR] [P] psychologue clinicien qui l'a examinée
indique :
« En resumé, nous observons que la plaignante aurait vu à partir du mois de novembre 2014 ses conditions de travail se dégrader peu à peu. La plaignante se serait vue retirer des éléments nécessaires au bon accomplissement de ses tâches de travail et aurait d'autre part été isolée par sa direction. Il nous semble que Mlle [Y] [MO] a été soumise à des situations offensantes. Et par ailleurs semble avoir été soumise et reste soumise à une violence morale qui vise à obtenir sa démission.
Nous faisons le pronostic que si la plaignante reste soumise à de telles conditions, cela pourrait avoir des conséquences importantes sur sa santé psychique et physique.
En résumé, nous pensons que les retentissements des faits allégués sur la plaignante bien que relativement silencieux, sont réels et évocateurs de harcèlement moral ;
Attendu que [ZT] [BR] responsable du drive au centre Leclerc, embauché depuis le 19/08/2014 se plaint d'avoir dû signer deux contrats d'embauche dont l'un avec période d'essai, met en cause les pressions de M. [XS] auquel il faut obéir et qui prend un plaisir à ce que les personnes le détestent, lui faisant des demandes incessantes, modifiant ses horaires et il s'est retrouvé en arrêt maladie 3 décembre 2014 soit moins de 4 mois après être entré, pour motif de harcèlement moral, le docteur [NB] indiquant que 2 décembre 2014 qu'il présente un syndrome anxiodépressif sur un harcèlement moral sur son lieu de travail depuis un mois, il ne dort plus, mange peu, a perdu du poids;
Attendu que l'expert [TR] [P] psychologue clinicien qui l'a examiné indique :
« M. [ZT] est «très affecté par la situation, il a été soumis à des situations offensantes et intimidantes et a une surcharge de travail génératrice de stress »
En résumé, le psychologue pense que M. [ZT] a été soumis à une répétition de nuisances qui ont entraîné un stress important, stress qui a eu pour conséquence un ensemble de symptômes invalidants comme la perte d'estime de soi, le crise identitaire, évitement, troubles alimentaire, troubles du sommeil, conséquences familiales, culpabilité, honte, stress et anxiété en lien à la situation de travail. Le psychologue constate un retentissement psychique certain en lien aux faits allégués. Ce retentissement est évocateur de harcèlement moral ;
Attendu que finalement le contrat de travail de [ZT] [BR] prendra fin le
18/03/2015 pour inaptitude physique ;
Attendu que M. [XS] a convenu que 6 personnes avaient pu se sentir victimes de harcèlement mais en outre il déclare dans son audition du 22 février 2015 qu'il a mis en place des fiches de fonctions qui seront détenues par les responsables, elles avaient été mises en place vers 2007-2008 puis moins suivies au décès de M [JA] et à ce jour il n'a plus de contact de subordination avec quiconque sauf avec le directeur ;
Attendu que le tribunal estime que c'est ce qui n'allait pas lors des situations de harcèlement par certains côtés M.[XS] peut-être du fait de sa formation initiale s'est comporté comme un directeur or c'est au directeur de donner des ordres au personnel et de les réprimander si nécessaire en rendant compte au pdg pas au pdg dont le rôle est de gérer l'entreprise et d'aller dans des réunions extérieures ;
Attendu que le docteur [OC], expert psychiatre près la cour d'appel d'Aix en Provence dit dans son rapport du 2 février 2015 que [XS] n'est pas atteint de troubles psychiques ou neuro-psychiques, il n'a pas d'anomalies mentales mais il apparaît présenter tout de même une certaine tendance à vouloir donner de lui-même le meilleur aspect possible, quelque peu à la manipulation chez un sujet présentant également quelques traits de caractère de type egocentrique, apparaissant sans l'ensemble « sûr » de soi. I1 a par ailleurs plutôt tendance à s'exprimer sur le mode de la séduction ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de relaxer [XS] [NC] pour les faits qualifiés de : ENTRAVE A LA LIBRE DESIGNATION D'UN DELEGUE SYNDICAL, faits commis courant juin 2014 à [Localité 2] puisqu'il ressort tant du dossier que des dégâts que c'est la CGT qui a décidé de retirer sa liste faute de voix suffisantes ;
Attendu qu'il y a lieu de relaxer [XS] [NC] pour les faits qualifiés de HARCELEMENT MORAL : PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT ATTENTER AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU A L'AVENIR PROFESSIONNEL D'AUTRUI, faits commis a l'encontre de Madame [MB] [FZ], Monsieur [KN] [AD] courant 2014 et en tout cas jusqu'à courant décembre 2014 à [Localité 2] du fait que dans leur audition madame [FZ] [MB] et Monsieur [AD] [KN] mettent en cause Monsieur [W] et non Monsieur [XS] ;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reproches a [XS] [NC] sous la prévention de HARCELEMENT MORAL : PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT ATTENTER AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU A L'AVENIR PROFESSIONNEL D'AUTRUI, faits commis à l'encontre de Madame [Y] [MO], Madame [M] [GM], Monsieur [SD] [C], Monsieur [ZT] [BR], Madame [J] [YT], Madame [RP] [B], Monsieur [AF] [WE] et Monsieur [SD] [C], courant 2014 et en tout cas jusqu'à courant décembre 2014 a [Localité 2] sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ; »
5. Contestant la validité de la rupture de son contrat de travail, M. [ZT] a saisi, par requête reçue au greffe le 16 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Draguignan qui, par jugement du 23 septembre 2021 a :
Constaté que M. [BR] [ZT] était en absence injustifiée le 1er décembre 2014,
Dit que l'allégation d'une situation de harcèlement moral par M. [BR] [ZT] avait pour seul objectif d'échapper au pouvoir disciplinaire de la société,
Dit que M. [BR] [ZT] n'a pas été confronté à une situation de harcèlement moral,
Débouté M. [BR] [ZT] de sa demande indemnitaire pour licenciement nul
Débouté M. [BR] [ZT] de l'intégralité de ses demandes dont celle de 2.000 euros d'indemnité compensatrice de préavis, de 200 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de 12.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Condamné M. [BR] [ZT] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [BR] [ZT] aux entiers dépens de l'instance.
6. Cette décision n'a pas été régulièrement notifiée à M. [ZT] qui, par déclaration du 22 octobre 2021, en a interjeté appel. L'instruction a été clôturée le 1er août 2025.
7. Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2021 aux termes desquelles M. [ZT] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Draguignan dans toutes ses dispositions,
- Juger qu'il a été victime d'un harcèlement moral,
- Juger que son inaptitude au poste de travail est d'origine professionnelle,
- Prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude physique au poste de travail prononcé le 23 mars 2015,
- Condamner la société BRIGNOLDIS à lui payer les sommes suivantes :
2.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
200 euros au titre des congés payés correspondants
12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- Condamner la société BRIGNOLDIS à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
8. Vu les dernières écritures déposées et notifiées le 21 janvier 2022 aux termes desquelles la SAS BRIGNOLDIS demande à la cour de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [ZT] de l'intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires,
Débouter M. [ZT] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Débouter M. [ZT] de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,
Débouter M. [ZT] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [ZT] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [ZT] aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le harcèlement moral
9. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
10. Le salarié s'appuie d'abord sur la condamnation pénale de M. [XS], président directeur général de la société qui l'emploie, pour des faits de harcèlement moral pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui courant 2014 en tous cas jusqu'en décembre 2014 à Brignoles par le tribunal correctionnel de Draguignan, dont les motifs ont été repris in extenso dans l'exposé du litige, et sur le principe de l'autorité de la décision pénale sur le civil, pour faire valoir que la reconnaissance du harcèlement moral de son supérieur hiérarchique à son égard s'impose.
L'employeur ne réplique rien sur l'autorité de la chose jugée au pénal, mais fait seulement remarquer à propos du jugement du tribunal correctionnel, que celui-ci fait état d'une situation de harcèlement moral en se fondant sur les seules déclarations du salarié, sans prendre soin de décrire précisément la nature des actes et propos déplacés prétendument tenus à plusieurs reprises par M. [XS] à son égard, et en visant le certificat médical du docteur [NB] qui ne peut témoigner de faits qu'il n'a pas personnellement constatés.
11. La cour rappelle qu'il résulte des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, qu'en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé (Cass. 2e civ.17 janvier 2019 n° 18-10.350 ; Cass. 2ème civ., 19 janv. 2023, n° 21-17.024). L'autorité de la chose jugée s'attache ainsi « à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé » (Cass. 1ère civ., 24 oct. 2012, n° 11-20.442).
En l'espèce, il résulte du jugement, rendu par le tribunal correctionnel de Draguignan le 26 juin 2019, dont il n'est pas discuté qu'il est définitif, que M. [XS], a été déclaré coupable de harcèlement moral consistant en des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail pouvant attenter aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui, faits commis à l'encontre de M. [ZT] et d'autres salariés, courant 2014 et en tout cas jusqu'à courant décembre 2014, à Brignoles. Au regard des motifs du jugement pénal, les faits incriminés consistent, conformément à la plainte du salarié, en la signature de deux contrats de travail successifs et une pression au quotidien du fait de demandes incessantes et des changements d'horaires, entraînant, selon certificat médical du docteur [NB], la mise en arrêt de travail du salarié le 2 décembre 2014 pour syndrome anxio-dépressif.
Les faits définitivement qualifiés de harcèlement moral par le juge pénal sont identiques à ceux dont se prévaut le salarié devant le juge civil pour solliciter la nullité de son licenciement. En effet, ce dernier produit son dépôt de plainte en date du 19 décembre 2014 dans lequel il se plaint qu'alors qu'il avait été embauché le 19 août 2014 par contrat à durée indéterminée avec une période d'essai de deux mois, et qu'il devait ainsi être titulaire du poste le 20 octobre suivant, M. [XS] l'a obligé à signer un second contrat de travail mi-novembre avec une période d'essai de trois mois et qu'il a subi d'autres pressions au quotidien, notamment le 1er décembre 2014, alors qu'il était de repos, son adjointe l'ayant appelé sur les directives de M. [XS], pour lui demander de venir faire un inventaire des produits frais sous peine d'avertissement. Il produit également deux attestations de collègues dont celle de Mme [D] [E] dans laquelle celle-ci dénonce des ordres et contre-ordres et des pressions exercées par M. [XS] à l'égard de M. [ZT] au mois de novembre 2014 en ces termes :
« Courant début novembre, j'ai pu constaté que M. [XS] interpellait de plus en plus M. [ZT] que ce soit dans les bureaux, le magasin ou les couloirs et n'hésitait pas à critiquer son travail et sa personne même en ma présence (bien souvent cela me rendait mal à l'aise). J'ai pu entendre de M. [XS] que M. [ZT] n'était qu'un simple exécutant.
A compter de mi-novembre, j'ai vu que M. [ZT] se dégradait physiquement et mentalement.
Au même moment, M. [XS] a commencé à donner des ordres et des contre-ordres à M. [ZT]. Je me souviens qu'au vu du nombre important d'heures que l'ont fesaient (70H/semaine). M. [XS] a exigé que l'ont se répartissent la charge de travail M. [ZT] et moi-même par demi-journée de manière à couvrir l'amplitude horaire d'ouverture du drive.
M. [ZT] m'a fait part du fonctionnement du nouveau planning qu'il a aussitôt mis en place. Au bout d'une semaine, M. [XS] a interpellé M. [ZT] en ma présence au niveau du couloir administratif lui demandant des explications concernant nos horaires de travail par demi-journée et il lui a dit « vous n'avez pas à prendre des initiatives comme celle-ci, vous n'êtes pas digne d'un responsable ».
M. [X], préparateur/livreur, témoigne de l'altercation entre le salarié et le président directeur général de la société employeuse le 2 décembre 2014, en ces termes :
« Le mardi 2 décembre, aux alentours de 17 heures, alors que j'effectuais des livraisons, M. [XS] est arrivé au poste de travail du drive. Je n'ai pas entendu l'intégralité de la discussion mais en passant plusieurs fois à côté d'eux, j'ai le souvenir d'avoir entendu M. [XS] non pas parler, mais crier sur mon ancien responsable M. [ZT] en disant notamment : « De toutes façon vous êtes totalement incompétent comme responsable » ou encore, « On recherche quelqu'un pour vous remplacer ». Après que M. [XS] soit parti et voyant M. [ZT] sur le point de pleurer je lui ai proposé de sortir prendre l'air pour décompresser, il a refusé d'un air blasé. ».
Il est enfin produit le certificat médical du docteur [NB] en date du 2 décembre 2014, duquel il ressort que le salarié a été placé en arrêt de travail pour « syndrome anxio dépressif sévère sur harcèlement moral sur lieu de travail » le jour même de l'altercation avec son supérieur hiérarchique.
Il s'en suit que le salarié a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, condamné pénalement par une décision définitive du tribunal correctionnel de Draguignan pour les mêmes faits que ceux invoqués au soutien de la demande en nullité du licenciement, et sans qu'il soit besoin de vérifier si la société employeuse rapporte la preuve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté que M. [ZT] était en absence injustifiée le 1er décembre 2014 et qu'il n'a pas été confronté à une situation de harcèlement moral.
Sur la nullité du licenciement pour inaptitude
12. En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement pour inaptitude d'un salarié est illicite si l'inaptitude trouve sa véritable cause dans des agissements de harcèlement moral.
13. En l'espèce, le salarié a été placé en arrêt de travail le 2 décembre 2014 à la suite d'une altercation avec son supérieur hiérarchique, pour syndrome anxio-dépressif dans un contexte de harcèlement moral au travail selon certificat médical du docteur [NB] en date du 2 décembre 2014. Sans qu'il n'ait jamais repris son poste, le salarié a ensuite été déclaré inapte à son poste de travail, les 26 janvier et 9 février 2015. La précision du médecin du travail, selon laquelle le salarié demeure apte à un autre poste similaire dans un autre établissement même s'il s'agit de la même entreprise, démontre bien que l'inaptitude du salarié est due au seul comportement harcelant de son supérieur hiérarchique dans l'établissement où il exécute son contrat de travail.
De surcroît, la notification de la décision de la CPAM du Var à la société Brignoldis le 17 août 2015, tendant à prendre en charge le syndrome anxio-dépressif présenté par le salarié à compter du 2 décembre 2014 suite à l'altercation avec son supérieur hiérarchique, au titre de la législation sur les risques professionnels, corrobore le lien entre l'inaptitude du salarié et le harcèlement moral dont il a été victime sur son lieu de travail.
14. Il s'en suit que l'inaptitude du salarié ayant fondé le licenciement trouve son origine dans les faits de harcèlement moral imputables à son supérieur hiérarchique. Il convient donc de déclarer nul le licenciement prononcé pour inaptitude le 23 mars 2015 à l'encontre de M. [ZT] et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
15. Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit même s'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter le préavis, à l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
En application des articles L1234-1 2° du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois.
Bien que l'employeur se prévale d'une ancienneté du salarié de 30 jours seulement à ses fonctions de responsable du drive, la cour retient qu'embauché par la SAS Brignoldis à compter du 20 août 2024, le salarié a une ancienneté de plus de six mois et de moins de deux ans au sein de la société, au jour du licenciement le 23 mars 2015.
16. Aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraînant aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
Au vu des rémunérations moyennes brutes figurant sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2014, correspondant à celles qu'aurait perçu le salarié pendant le préavis, sa demande d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2.000 euros est pleinement justifiée.
L'employeur sera donc condamné à payer au salarié une indemnité de préavis de 2.000 euros, outre la somme de 200 euros au titre des congés payés afférents.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
17. En vertu de l'article L.1235-3-1 du code du travail, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de nullité afférente à des faits de harcèlement moral, si le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
18. Il sera donc fait droit à la demande du salarié de condamner la SAS Brignoldis à lui payer la somme de 12.000 euros, représentant six mois de salaires, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur les frais et les dépens
19. La société intimée, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de la première instance et de l'appel, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile et, en application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer au salarié appelant la somme de 4.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande présentée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que des faits de harcèlement moral par son supérieur hiérarchique sont à l'origine de l'inaptitude au poste de travail de M. [ZT],
Déclare nul le licenciement pour inaptitude prononcé par la SAS BRIGNOLDIS à l'encontre de M. [ZT] le 23 mars 2015,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de préavis,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 200 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité de préavis,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 4.000 euros à titre de frais irrépétibles,
Déboute la SAS BRIGNOLDIS de sa demande en frais irrépétibles,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2025
N°2025/298
N°RG 21/15023
N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJCN
[BR] [ZT]
C/
S.A.S. BRIGNOLDIS
Copie exécutoire délivrée
le : 31/10/2025
à :
- Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
- Me Julien MEUNIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 23 Septembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00164.
APPELANT
Monsieur [BR] [ZT], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Danielle DEOUS, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
S.A.S. BRIGNOLDIS, sise [Adresse 3]
représentée par Me Julien MEUNIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marie PELLAN, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre, et Madame Audrey BOITAUD, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Audrey BOITAUD, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller
Madame Audrey BOITAUD, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2025.
Signé par Monsieur Pascal MATHIS, Président de chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
1. M. [BR] [ZT] a été embauché en qualité d'employé libre-service par contrat à durée indéterminée à compter du 20 août 2014, au sein de la SAS BRIGNOLDIS, exploitant un supermarché sous l'enseigne LECLERC. Dès le 1er novembre suivant, il a été promu au poste de responsable du drive, avec un statut d'agent de maîtrise et a signé une délégation de pouvoirs émanant de M. [XS], président de la société employeuse. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
2. Le 1er décembre 2014, M. [ZT] ne s'est pas présenté à son poste de travail et le lendemain, il était placé en arrêt de travail pour maladie. Il a été déclaré « inapte à son poste mais apte à un autre, similaire dans un autre établissement, même si de la même entreprise » le 20 janvier 2015 par le médecin du travail, qui a confirmé l'inaptitude du salarié lors de la seconde visite de reprise en date du 9 février 2015.
3. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 23 mars 2015, M. [ZT] a été licencié pour inaptitude d'origine non-professionnelle dans les termes suivants :
« Nous faisons suite à notre entretien du 18 Mars à 15h30, auquel vous ne vous vous êtes pas présenté et nous vous informons que nous sommes dans 1'obligation de procéder à votre licenciement de votre poste d'Employé Libre-Service, pour impossibilité de reclassement.
En effet, la Médecine du Travail vous a déclaré, le 9 février 2015, lors de votre visite de reprise « inapte au poste, apte à un autre poste : similaire dans un autre établissement même si dans la même entreprise ».
Après consultation avec les délégués du personnel, et avis favorable de leur part, nous avons parmi les postes disponibles dans l'entreprise ceux qui pourraient vous être proposés au titre d'un reclassement ou qui pourraient être adaptés aux prescriptions de la Médecine du Travail :
- Responsable bazar
- Responsable poissonnerie
- Responsable traiteur
- Employé commercial épicerie
- Employé commercial bazar
Cependant, vous n'avez pas répondu à notre courrier du 26 février 2015 dans lequel nous vous avons proposé ces différents postes.
De ce fait, compte tenu de l'impossibilité qui est désormais la nôtre de procéder à votre reclassement, nous nous voyons contraints de mettre fin à votre contrat de travail à la date de la présente. »
4. Entre-temps, le 19 décembre 2014, M. [ZT] avait déposé plainte auprès du procureur de la République pour harcèlement moral à l'encontre M. [XS], président directeur général de la société Brignoldis et par jugement du 26 juin 2019, le tribunal correctionnel de Draguignan a condamné celui-ci pour des faits de harcèlement moral commis à l'encontre de divers salariés dont M. [ZT] en ces termes :
« Attendu que le 25/ 10/2008, Mesdames [F] [K] et [L] [GZ], toutes deux comptables au centre commercial Leclerc de [Localité 2] rédigeaient un courrier à Monsieur le procureur de la république de Draguignan pour dénoncer les agissements de leur directeur Monsieur [XS], qu'elles accusaient d'exercer un harcèlement moral dans le but de les licencier ;
Qu'une enquête était ouverte par le parquet de Draguignan qui connaît l'enquête à la brigade de gendarmerie qui consistait à entendre les deux plaignantes, mais aussi Mesdames [T] chef de caisse de Brignoldis depuis 2008, [YF] comptable à Brignoldis depuis 2002, [G] responsable adjointe du service literie du Leclerc, [JN] [AU] responsable du service literie, Mesdames [O], employée principale du service comptable, [VE] chef de rayon depuis 20 ans, [AX] secrétaire comptable, [ZF] comptable, [CK] secrétaire comptable depuis 1992 et Monsieur [EL], directeur ;
Qu'il ressortait de ces auditions que les plaignantes dénonçaient les critiques, les diverses réflexions y compris devant tout le personnel et les changements continuels de planning, que Madame [R] en arrêt de maladie se plaignant du changement de son travail par Monsieur [XS] toutes les 20 minutes et de remarques incessantes qui l'ont conduite à quitter l'entreprise alors qu'elle prenait son travail a coeur de même que Madame [T] qui indiquait qu'aucun syndicat n'avait été créé du fait que Monsieur [XS] menaçait de supprimer la prime bilan, Madame [YF] qui a constaté que Madame [R] était souvent convoquée par Monsieur [XS] et faisait ' tampon ' avec la direction, qui dénonçait elle aussi des réflexions déplacées et pensait que la direction avait poussé Madame [F] a quitter son poste, Madame [G] qui faisait état des reproches infondés de la direction à l'encontre de Monsieur [JN], elle a été licenciée et Monsieur [JN] qui déclarait aussi subir des déclarations désobligeantes de [XS], des taches imposées et qui précisait que lorsque la direction veut licencier une personne, elle s'acharne dessus, lui trouve des fautes et attend que la personne craque, il s'est quant à lui mis en congé de maladie et à l'issue a quitté l'entreprise avec un accord amiable avec la direction,Madame [O] qui était sous la direction de Madame [R] et a travaillé 14 ans au sein de Brignoldis, elle a eu une évolution de poste sous Monsieur [XS] qui lui a donné des charges de travail de plus en plus importantes à tel point qu'elle a demandé à retourner à son poste d'origine, elle décrit une pression de la part de Monsieur [XS] qui se traduisait par des réflexions, elle en venait à se réveiller dans son sommeil, elle pense que M.[XS] faisait traîner la situation pour la licencier, la situation devenant insupportable pour elle, elle a fait un abandon de poste et a été licenciée ;
Attendu qu'il est vrai que Monsieur [XS] n'avait pas que des détracteurs, ainsi Madame [VE] n'est au courant de discriminations et a toujours perçu ses primes, elle pense que les personnes qui ont rencontré des problèmes avec Monsieur [XS] n'ont pas supporté le changement, elle reconnaît que le rythme de travail de travail a augmenté mais avant il y avait un véritable laxisme, Madame [AX] qui est en poste depuis 9 ans qui dit que Monsieur [XS] est une personne à l'écoute, conciliant pour les problèmes personnels et que tout travail est récompensé, que Madame [CK] qui a évolué dans l'entreprise dans laquelle elle travaille depuis 1992 réfute les accusations à l'encontre de [XS] qu'elle dit être une personne ouverte au dialogue et polie, elle est satisfaite de ses conditions de travail et dit que [XS] a laissé au personnel le choix d'accepter ou non sa réforme ou de partir mais l'ampleur du travail n'a pas beaucoup augmenté, et en n le directeur Monsieur [EL] donnait une explication sur les litiges et dit que les personnes qui se sont plaintes sont restées sur des acquis et un laxisme qui régnait dans l'entreprise sous la direction de l'ancien directeur et que toutes les procédures établies à l'encontre des personnels licenciés sont conformes au droit et aux règlements ;
Que [XS] lors de son audition réfutait toutes les accusations portées à son encontre, indiquant qu'il réunit le personnel lorsqu'il y a des plaintes, ne donne pas toujours raison à ses chefs de service, prend en compte tous les avis et tranche, il précise que tous ces problèmes sont survenus lors de la reprise de l'entreprise et à ce jour il n'y a plus de problème ;
Que le dossier envoyé au parquet pour étude restera sans suite judiciaire mais 5 ans plus tard, le 14/12/2013 Monsieur [GM] [M] entré au Leclerc de [Localité 2] depuis 5 ans dépose plainte contre Monsieur [XS] [NC] pdg et Madame [HM] [WS] directrice pour harcèlement et entrave à ses fonctions de syndicaliste puis ce sera au tour de Mademoiselle [FZ] [MB] de déposer plainte 1e 24/07/2014, de Messieurs [KN] [AD] et [SD] [C] de déposer plainte le 28/07/2014, de Monsieur [ZT] [BR] de déposer plainte le 19/12/2014 et enfin Mademoiselle [Y] [MO] de déposer plainte le 08/01/2015, tous dénoncant des pressions, des réflexions désobligeantes, des menaces, du chantage de la part de Monsieur [XS] [NC] pdg et Monsieur [W] [AD] actuel directeur ;
Attendu que dans un premier temps les gendarmes vont auditionner les plaignants, le tribunal y reviendra plus tard pour les parties civiles et ils vont entendre des témoins avant d'entendre les mis en cause ;
Que des témoins auditionnés, [RP] [B] épouse [S], employée depuis 21 ans décrit des menaces non-stop, la pression quotidienne, [CE] [CY] employé depuis 4 ans déclare que toutes les personnes inscrites sur la liste du syndicat ont subi des pressions, il déplore l'absence de dialogue de la part de la direction, [J] [YT] épouse [H], employée depuis 22 ans s'est mise à pleurer au cours de son audition, indiquant qu'elle a des réflexions de la part de Monsieur [XS] qui l'ont blessée, qu'il y a un turn over énorme dans l'entreprise, que les gens ne sont pas contents d'y travailler, [AF] [WE] ancien employé, il a quitté l'entreprise suite aux menaces et au chantage de la part de Monsieur [XS], [Y] [MO], compagne de Monsieur [W], se fait insulter par Monsieur [XS] et subit des réflexions sur son travail, [EL] [A] qui a été directeur de 2000 à 2010 qui précise qu'avec l'arrivée de Monsieur [XS], les conditions de travail se sont dégradées, les gens n'étaient plus contents de travailler chez LECLERC, tous les voyants étaient au rouge (arrêts de travail et accidents du travail), il a subi des pressions de la part de Monsieur [XS] ;
Attendu que Monsieur [W] [V], auditionné le 01/12/2014, reconnaît avoir appliqué à ses début sa méthode « Landaise », la bonne selon le pdg, puis il a été mis fin à sa période d'essai le 14/11/2014, il nie les faits dénoncés par [FZ] [MB] et dénonce les méthodes de Monsieur [XS] qui a droit de vie et de mort sur les familles ; que Madame [HM] [WS] auditionnée le 22/12/2014 nie les faits et est reconnaissante envers Monsieur [XS] de l'avoir « faite telle qu'elle est » ;
Que [NC] [XS] placé en garde à vue le 22 janvier 2015 nie les faits, puis il indique qu'il s'agit de ses méthodes de management mais en fin d'audition il indique : « le harcèlement dont ils parlent peut être ressenti par ces 6 personnes mais sur un effectif de 200 personnes et après 9 ans d'exploitation. Je suis d'accord que c'est toujours trop et que l'on va faire des efforts pour améliorer mais tout est relatif » ;
Attendu que les gendarmes ont contacté l'inspection du travail en la personne de Monsieur [Z] le 10/06/2014 qui leur explique qu'il a connaissance de la gestion « catastrophique » de l'entreprise LECLERC sur Brignoles et la personnalité « maligne » de Monsieur [XS], il déclare recevoir des lettres anonymes de femmes d'employés de l'entreprise dénonçant des faits de harcèlement, le conseil de Prud'hommes de Draguignan possède 32 dossiers en cours depuis l'arrivée de Monsieur [XS] en 2006, et l'on a pu dénombrer 7 directeurs depuis l'arrivée de [NC] [XS] restant de 2 jours à 8 mois ;
Attendu que [C] [SD] né le 31/10/1964 et travaillant au centre LECLERC depuis 1993 indique lors de son audition du 28/07/2014 que dès le début il s'est aperçu que Monsieur [XS] parlait mal aux employés puis a vu les conditions de travail décliner, les avertissements tomber à gogo, les menaces pleuvoir, il y a des chefs de services qui ont démissionné ou ont changé de poste, en un an il a eu 7 ou 8 chefs, il a été harcelé dans ses rayons par [W] et [XS] et avoir été reçus par eux dans le bureau de Monsieur [XS] qui lui ont mis la pression pour qu'il parte ou commette un abandon de poste ;
Que son examen psychologique réalisé par [I] [U] à la demande du parquet il ressort qu'il « s'agit d'un homme ayant reçu une éducation très stricte et capable de bien supporter un niveau de contrainte élevé des lors que ces contraintes ne sont pas l'occasion d'une emprise ou d'une domination sur lui (') M [SD] déclare une dégradation de ses conditions de travail et des pressions subies depuis 2006, soit depuis l'arrivée de M.[XS]'M. [SD] est en dépression et en arrêt de travail depuis le 22/07/2014, maladie dont il n'a jamais souffert auparavant(') Il décrit « une boule au ventre », une forte tension nerveuse, un trouble du sommeil, avec des rêves reprenant à l'identique des situations professionnelles, indiquant un retentissement pour partie traumatique(...) .En conséquence le psychologue constate un retentissement psychique d'une intensité et d'une amplitude très conséquente. L'intégrité et la santé mentale de M.[SD] ont été atteintes au point qu'il a dit engager un suivi avec un psychiatre sans présenter jusqu'alors de pathologie ou de trouble psychiatrique. Le psychologue pense que le retentissement que présente M.[SD] est effectivement évocateur d'un harcèlement moral commis dans le cadre de son travail ;
Attendu que Monsieur [SD] a été en arrêt de travail pendant 7 mois et sous antidépresseurs et il a finalement été licencié pour inaptitude psychologique par LRAR du 23 mars 2015 après que le médecin du travail l'ait déclaré inapte à son poste de travail ;
Attendu que [GM] [M] employé depuis le 25/08/2008, représentant de la CGT depuis juillet 2013 et délégué du personnel depuis 2009, réceptionneur de commandes
indique que M.[XS] lui a fait subir des pressions et des menaces parce qu'il était syndicaliste, avoir eu un avertissement pour une balance pour agneaux qui ne fonctionnait plus alors qu'il avait prévenu son supérieur, avoir eu un changement brutal de ses horaires, avoir eu des remarques alors qu'il n'en avait pas auparavant et il eu des arrêts de maladie alors qu'avant il n'était jamais malade, il a dû prendre un traitement pour se calmer, on lui a refusé une formation d'électricien d'équipement en lui faisant du chantage et finalement il a été licencié le 24/12/2015 pour abandon de poste ;
L'expert [A] [N] psychologue clinicien qui l'a examiné mentionne que : « En résumé, en lien avec les faits en cause, [GM] [M] aurait connu deux épisode d'arrêt maladie. En termes de retentissement observe nous notons aussi :
- un mal-être récurrent en lien avec son environnement
- un état de fatigue morale
- des angoisses associées à son travail ainsi qu'à son devenir professionnel et familial
- un sentiment de régression, de dévalorisation, d'impuissance et d'humiliation
- une perte de repères influençant ses décisions
- des ruminations mentales affectant la qualité de son sommeil
- une atteinte somatique possible
CONCLUSION
Les éléments abordés concernant les faits en cause nous font supposer un phénomène d'usure sur la personne de [GM] [M] qui semblerait avoir perdu toute illusion d'un quelconque apaisement relationnel avec sa direction.
Vivant cette expérience avec un sentiment d'échec, il espérait finalement obtenir l'assentiment de son directeur pour l'accession a une formation plusieurs fois demandée.
Ce qui pour le plaignant, serait entendu comme une réponse en quelque sorte réparatrice.
Qu'il justifie par des attestations de son épouse et de sa fille avoir été très mal et avoir vu son état psychologique se dégrader et aller mieux depuis ;
Attendu que Madame [MO] [Y] qui ne travaillera que 10 mois pour le Leclerc du26/05/2014 au 09/03/2015 et a été licenciée pour faute grave, elle a saisi le conseil des Prud'hommes a dénoncé l'attitude de [XS] avec elle et indique avoir été traitée de «connasse » , « pétasse » et « poufiasse » indique que M. [XS] est hautain, personne ne l'aime et met des avertissements à tour de bras ;
Attendu que l'expert [TR] [P] psychologue clinicien qui l'a examinée
indique :
« En resumé, nous observons que la plaignante aurait vu à partir du mois de novembre 2014 ses conditions de travail se dégrader peu à peu. La plaignante se serait vue retirer des éléments nécessaires au bon accomplissement de ses tâches de travail et aurait d'autre part été isolée par sa direction. Il nous semble que Mlle [Y] [MO] a été soumise à des situations offensantes. Et par ailleurs semble avoir été soumise et reste soumise à une violence morale qui vise à obtenir sa démission.
Nous faisons le pronostic que si la plaignante reste soumise à de telles conditions, cela pourrait avoir des conséquences importantes sur sa santé psychique et physique.
En résumé, nous pensons que les retentissements des faits allégués sur la plaignante bien que relativement silencieux, sont réels et évocateurs de harcèlement moral ;
Attendu que [ZT] [BR] responsable du drive au centre Leclerc, embauché depuis le 19/08/2014 se plaint d'avoir dû signer deux contrats d'embauche dont l'un avec période d'essai, met en cause les pressions de M. [XS] auquel il faut obéir et qui prend un plaisir à ce que les personnes le détestent, lui faisant des demandes incessantes, modifiant ses horaires et il s'est retrouvé en arrêt maladie 3 décembre 2014 soit moins de 4 mois après être entré, pour motif de harcèlement moral, le docteur [NB] indiquant que 2 décembre 2014 qu'il présente un syndrome anxiodépressif sur un harcèlement moral sur son lieu de travail depuis un mois, il ne dort plus, mange peu, a perdu du poids;
Attendu que l'expert [TR] [P] psychologue clinicien qui l'a examiné indique :
« M. [ZT] est «très affecté par la situation, il a été soumis à des situations offensantes et intimidantes et a une surcharge de travail génératrice de stress »
En résumé, le psychologue pense que M. [ZT] a été soumis à une répétition de nuisances qui ont entraîné un stress important, stress qui a eu pour conséquence un ensemble de symptômes invalidants comme la perte d'estime de soi, le crise identitaire, évitement, troubles alimentaire, troubles du sommeil, conséquences familiales, culpabilité, honte, stress et anxiété en lien à la situation de travail. Le psychologue constate un retentissement psychique certain en lien aux faits allégués. Ce retentissement est évocateur de harcèlement moral ;
Attendu que finalement le contrat de travail de [ZT] [BR] prendra fin le
18/03/2015 pour inaptitude physique ;
Attendu que M. [XS] a convenu que 6 personnes avaient pu se sentir victimes de harcèlement mais en outre il déclare dans son audition du 22 février 2015 qu'il a mis en place des fiches de fonctions qui seront détenues par les responsables, elles avaient été mises en place vers 2007-2008 puis moins suivies au décès de M [JA] et à ce jour il n'a plus de contact de subordination avec quiconque sauf avec le directeur ;
Attendu que le tribunal estime que c'est ce qui n'allait pas lors des situations de harcèlement par certains côtés M.[XS] peut-être du fait de sa formation initiale s'est comporté comme un directeur or c'est au directeur de donner des ordres au personnel et de les réprimander si nécessaire en rendant compte au pdg pas au pdg dont le rôle est de gérer l'entreprise et d'aller dans des réunions extérieures ;
Attendu que le docteur [OC], expert psychiatre près la cour d'appel d'Aix en Provence dit dans son rapport du 2 février 2015 que [XS] n'est pas atteint de troubles psychiques ou neuro-psychiques, il n'a pas d'anomalies mentales mais il apparaît présenter tout de même une certaine tendance à vouloir donner de lui-même le meilleur aspect possible, quelque peu à la manipulation chez un sujet présentant également quelques traits de caractère de type egocentrique, apparaissant sans l'ensemble « sûr » de soi. I1 a par ailleurs plutôt tendance à s'exprimer sur le mode de la séduction ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de relaxer [XS] [NC] pour les faits qualifiés de : ENTRAVE A LA LIBRE DESIGNATION D'UN DELEGUE SYNDICAL, faits commis courant juin 2014 à [Localité 2] puisqu'il ressort tant du dossier que des dégâts que c'est la CGT qui a décidé de retirer sa liste faute de voix suffisantes ;
Attendu qu'il y a lieu de relaxer [XS] [NC] pour les faits qualifiés de HARCELEMENT MORAL : PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT ATTENTER AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU A L'AVENIR PROFESSIONNEL D'AUTRUI, faits commis a l'encontre de Madame [MB] [FZ], Monsieur [KN] [AD] courant 2014 et en tout cas jusqu'à courant décembre 2014 à [Localité 2] du fait que dans leur audition madame [FZ] [MB] et Monsieur [AD] [KN] mettent en cause Monsieur [W] et non Monsieur [XS] ;
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reproches a [XS] [NC] sous la prévention de HARCELEMENT MORAL : PROPOS OU COMPORTEMENTS REPETES AYANT POUR OBJET OU EFFET UNE DEGRADATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL POUVANT ATTENTER AUX DROITS, A LA DIGNITE, A LA SANTE OU A L'AVENIR PROFESSIONNEL D'AUTRUI, faits commis à l'encontre de Madame [Y] [MO], Madame [M] [GM], Monsieur [SD] [C], Monsieur [ZT] [BR], Madame [J] [YT], Madame [RP] [B], Monsieur [AF] [WE] et Monsieur [SD] [C], courant 2014 et en tout cas jusqu'à courant décembre 2014 a [Localité 2] sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ; »
5. Contestant la validité de la rupture de son contrat de travail, M. [ZT] a saisi, par requête reçue au greffe le 16 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Draguignan qui, par jugement du 23 septembre 2021 a :
Constaté que M. [BR] [ZT] était en absence injustifiée le 1er décembre 2014,
Dit que l'allégation d'une situation de harcèlement moral par M. [BR] [ZT] avait pour seul objectif d'échapper au pouvoir disciplinaire de la société,
Dit que M. [BR] [ZT] n'a pas été confronté à une situation de harcèlement moral,
Débouté M. [BR] [ZT] de sa demande indemnitaire pour licenciement nul
Débouté M. [BR] [ZT] de l'intégralité de ses demandes dont celle de 2.000 euros d'indemnité compensatrice de préavis, de 200 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de 12.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Condamné M. [BR] [ZT] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M. [BR] [ZT] aux entiers dépens de l'instance.
6. Cette décision n'a pas été régulièrement notifiée à M. [ZT] qui, par déclaration du 22 octobre 2021, en a interjeté appel. L'instruction a été clôturée le 1er août 2025.
7. Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 décembre 2021 aux termes desquelles M. [ZT] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Draguignan dans toutes ses dispositions,
- Juger qu'il a été victime d'un harcèlement moral,
- Juger que son inaptitude au poste de travail est d'origine professionnelle,
- Prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude physique au poste de travail prononcé le 23 mars 2015,
- Condamner la société BRIGNOLDIS à lui payer les sommes suivantes :
2.000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
200 euros au titre des congés payés correspondants
12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- Condamner la société BRIGNOLDIS à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
8. Vu les dernières écritures déposées et notifiées le 21 janvier 2022 aux termes desquelles la SAS BRIGNOLDIS demande à la cour de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [ZT] de l'intégralité de ses demandes salariales et indemnitaires,
Débouter M. [ZT] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Débouter M. [ZT] de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,
Débouter M. [ZT] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [ZT] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [ZT] aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le harcèlement moral
9. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
10. Le salarié s'appuie d'abord sur la condamnation pénale de M. [XS], président directeur général de la société qui l'emploie, pour des faits de harcèlement moral pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui courant 2014 en tous cas jusqu'en décembre 2014 à Brignoles par le tribunal correctionnel de Draguignan, dont les motifs ont été repris in extenso dans l'exposé du litige, et sur le principe de l'autorité de la décision pénale sur le civil, pour faire valoir que la reconnaissance du harcèlement moral de son supérieur hiérarchique à son égard s'impose.
L'employeur ne réplique rien sur l'autorité de la chose jugée au pénal, mais fait seulement remarquer à propos du jugement du tribunal correctionnel, que celui-ci fait état d'une situation de harcèlement moral en se fondant sur les seules déclarations du salarié, sans prendre soin de décrire précisément la nature des actes et propos déplacés prétendument tenus à plusieurs reprises par M. [XS] à son égard, et en visant le certificat médical du docteur [NB] qui ne peut témoigner de faits qu'il n'a pas personnellement constatés.
11. La cour rappelle qu'il résulte des articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile, que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, qu'en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé (Cass. 2e civ.17 janvier 2019 n° 18-10.350 ; Cass. 2ème civ., 19 janv. 2023, n° 21-17.024). L'autorité de la chose jugée s'attache ainsi « à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé » (Cass. 1ère civ., 24 oct. 2012, n° 11-20.442).
En l'espèce, il résulte du jugement, rendu par le tribunal correctionnel de Draguignan le 26 juin 2019, dont il n'est pas discuté qu'il est définitif, que M. [XS], a été déclaré coupable de harcèlement moral consistant en des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail pouvant attenter aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui, faits commis à l'encontre de M. [ZT] et d'autres salariés, courant 2014 et en tout cas jusqu'à courant décembre 2014, à Brignoles. Au regard des motifs du jugement pénal, les faits incriminés consistent, conformément à la plainte du salarié, en la signature de deux contrats de travail successifs et une pression au quotidien du fait de demandes incessantes et des changements d'horaires, entraînant, selon certificat médical du docteur [NB], la mise en arrêt de travail du salarié le 2 décembre 2014 pour syndrome anxio-dépressif.
Les faits définitivement qualifiés de harcèlement moral par le juge pénal sont identiques à ceux dont se prévaut le salarié devant le juge civil pour solliciter la nullité de son licenciement. En effet, ce dernier produit son dépôt de plainte en date du 19 décembre 2014 dans lequel il se plaint qu'alors qu'il avait été embauché le 19 août 2014 par contrat à durée indéterminée avec une période d'essai de deux mois, et qu'il devait ainsi être titulaire du poste le 20 octobre suivant, M. [XS] l'a obligé à signer un second contrat de travail mi-novembre avec une période d'essai de trois mois et qu'il a subi d'autres pressions au quotidien, notamment le 1er décembre 2014, alors qu'il était de repos, son adjointe l'ayant appelé sur les directives de M. [XS], pour lui demander de venir faire un inventaire des produits frais sous peine d'avertissement. Il produit également deux attestations de collègues dont celle de Mme [D] [E] dans laquelle celle-ci dénonce des ordres et contre-ordres et des pressions exercées par M. [XS] à l'égard de M. [ZT] au mois de novembre 2014 en ces termes :
« Courant début novembre, j'ai pu constaté que M. [XS] interpellait de plus en plus M. [ZT] que ce soit dans les bureaux, le magasin ou les couloirs et n'hésitait pas à critiquer son travail et sa personne même en ma présence (bien souvent cela me rendait mal à l'aise). J'ai pu entendre de M. [XS] que M. [ZT] n'était qu'un simple exécutant.
A compter de mi-novembre, j'ai vu que M. [ZT] se dégradait physiquement et mentalement.
Au même moment, M. [XS] a commencé à donner des ordres et des contre-ordres à M. [ZT]. Je me souviens qu'au vu du nombre important d'heures que l'ont fesaient (70H/semaine). M. [XS] a exigé que l'ont se répartissent la charge de travail M. [ZT] et moi-même par demi-journée de manière à couvrir l'amplitude horaire d'ouverture du drive.
M. [ZT] m'a fait part du fonctionnement du nouveau planning qu'il a aussitôt mis en place. Au bout d'une semaine, M. [XS] a interpellé M. [ZT] en ma présence au niveau du couloir administratif lui demandant des explications concernant nos horaires de travail par demi-journée et il lui a dit « vous n'avez pas à prendre des initiatives comme celle-ci, vous n'êtes pas digne d'un responsable ».
M. [X], préparateur/livreur, témoigne de l'altercation entre le salarié et le président directeur général de la société employeuse le 2 décembre 2014, en ces termes :
« Le mardi 2 décembre, aux alentours de 17 heures, alors que j'effectuais des livraisons, M. [XS] est arrivé au poste de travail du drive. Je n'ai pas entendu l'intégralité de la discussion mais en passant plusieurs fois à côté d'eux, j'ai le souvenir d'avoir entendu M. [XS] non pas parler, mais crier sur mon ancien responsable M. [ZT] en disant notamment : « De toutes façon vous êtes totalement incompétent comme responsable » ou encore, « On recherche quelqu'un pour vous remplacer ». Après que M. [XS] soit parti et voyant M. [ZT] sur le point de pleurer je lui ai proposé de sortir prendre l'air pour décompresser, il a refusé d'un air blasé. ».
Il est enfin produit le certificat médical du docteur [NB] en date du 2 décembre 2014, duquel il ressort que le salarié a été placé en arrêt de travail pour « syndrome anxio dépressif sévère sur harcèlement moral sur lieu de travail » le jour même de l'altercation avec son supérieur hiérarchique.
Il s'en suit que le salarié a été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, condamné pénalement par une décision définitive du tribunal correctionnel de Draguignan pour les mêmes faits que ceux invoqués au soutien de la demande en nullité du licenciement, et sans qu'il soit besoin de vérifier si la société employeuse rapporte la preuve que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté que M. [ZT] était en absence injustifiée le 1er décembre 2014 et qu'il n'a pas été confronté à une situation de harcèlement moral.
Sur la nullité du licenciement pour inaptitude
12. En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, le licenciement pour inaptitude d'un salarié est illicite si l'inaptitude trouve sa véritable cause dans des agissements de harcèlement moral.
13. En l'espèce, le salarié a été placé en arrêt de travail le 2 décembre 2014 à la suite d'une altercation avec son supérieur hiérarchique, pour syndrome anxio-dépressif dans un contexte de harcèlement moral au travail selon certificat médical du docteur [NB] en date du 2 décembre 2014. Sans qu'il n'ait jamais repris son poste, le salarié a ensuite été déclaré inapte à son poste de travail, les 26 janvier et 9 février 2015. La précision du médecin du travail, selon laquelle le salarié demeure apte à un autre poste similaire dans un autre établissement même s'il s'agit de la même entreprise, démontre bien que l'inaptitude du salarié est due au seul comportement harcelant de son supérieur hiérarchique dans l'établissement où il exécute son contrat de travail.
De surcroît, la notification de la décision de la CPAM du Var à la société Brignoldis le 17 août 2015, tendant à prendre en charge le syndrome anxio-dépressif présenté par le salarié à compter du 2 décembre 2014 suite à l'altercation avec son supérieur hiérarchique, au titre de la législation sur les risques professionnels, corrobore le lien entre l'inaptitude du salarié et le harcèlement moral dont il a été victime sur son lieu de travail.
14. Il s'en suit que l'inaptitude du salarié ayant fondé le licenciement trouve son origine dans les faits de harcèlement moral imputables à son supérieur hiérarchique. Il convient donc de déclarer nul le licenciement prononcé pour inaptitude le 23 mars 2015 à l'encontre de M. [ZT] et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
15. Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit même s'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter le préavis, à l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.
En application des articles L1234-1 2° du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois.
Bien que l'employeur se prévale d'une ancienneté du salarié de 30 jours seulement à ses fonctions de responsable du drive, la cour retient qu'embauché par la SAS Brignoldis à compter du 20 août 2024, le salarié a une ancienneté de plus de six mois et de moins de deux ans au sein de la société, au jour du licenciement le 23 mars 2015.
16. Aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraînant aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
Au vu des rémunérations moyennes brutes figurant sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2014, correspondant à celles qu'aurait perçu le salarié pendant le préavis, sa demande d'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2.000 euros est pleinement justifiée.
L'employeur sera donc condamné à payer au salarié une indemnité de préavis de 2.000 euros, outre la somme de 200 euros au titre des congés payés afférents.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
17. En vertu de l'article L.1235-3-1 du code du travail, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de nullité afférente à des faits de harcèlement moral, si le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, il lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
18. Il sera donc fait droit à la demande du salarié de condamner la SAS Brignoldis à lui payer la somme de 12.000 euros, représentant six mois de salaires, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur les frais et les dépens
19. La société intimée, succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens de la première instance et de l'appel, en vertu de l'article 696 du code de procédure civile et, en application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer au salarié appelant la somme de 4.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande présentée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que des faits de harcèlement moral par son supérieur hiérarchique sont à l'origine de l'inaptitude au poste de travail de M. [ZT],
Déclare nul le licenciement pour inaptitude prononcé par la SAS BRIGNOLDIS à l'encontre de M. [ZT] le 23 mars 2015,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de préavis,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 200 euros à titre de congés payés afférents à l'indemnité de préavis,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS à payer à M. [ZT] la somme de 4.000 euros à titre de frais irrépétibles,
Déboute la SAS BRIGNOLDIS de sa demande en frais irrépétibles,
Condamne la SAS BRIGNOLDIS au paiement des dépens de la première instance et de l'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT