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Décisions

CA Agen, ch. civ., 3 novembre 2025, n° 24/01057

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 24/01057

3 novembre 2025

ARRÊT DU

03 Novembre 2025

DB/CH

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N° RG 24/01057 -

N° Portalis DBVO-V-B7I-DJHH

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[B] [U]

C/

[V] [Z], S.C.I. SCI [Adresse 7]

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GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Civile

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Madame [B] [U]

née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 10]

de nationalité française,

domiciliée : [Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Guy NARRAN, avocat postulant au barreau d'AGEN

et par Me Ibrahima BANGOURA, SELARL BANGOURA AVOCAT, avocat plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

APPELANTE d'une ordonnance de référé du Juge des Référés du Tribunal Judiciaire d'AUCH en date du 05 Novembre 2024, RG 24/00183

D'une part,

ET :

Monsieur [V] [Z]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 11]

de nationalité française

domicilié : [Adresse 8]

[Localité 3]

S.C.I. SCI [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

RCS DE [Localité 5] 900 929 308

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentés par Me David DUBUISSON, SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau d'AGEN

INTIMÉS

D'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 Septembre 2025 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffière : Catherine HUC

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

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FAITS :

Par acte authentique établi le 28 juin 2021, [V] [Z] et [B] [U], vivant alors en couple, ont constitué la SCI [Adresse 7], dont le siège social a été situé "[Adresse 9] (32).

Le capital a été fixé à 1 500 Euros divisé en 150 parts de 10 Euros chacune ainsi réparti :

- M. [Z] : 149 parts,

- Mme [U] : 1 part.

M. [Z] et Mme [U] ont été désignés en qualité de co-gérants.

Par acte authentique établi le 6 juillet 2021, la SCI [Adresse 7] a acquis une maison d'habitation et un terrain.

Cet achat a été payé comptant, M. [Z] ayant fait un apport en compte courant.

Des travaux de rénovation de l'immeuble ont été engagés, payés à hauteur de 65 217 Euros par Mme [U] au moyen d'un apport en compte courant.

Une assemblée générale du 1er août 2023 a décidé de mettre fin aux fonctions de co-gérante de Mme [U], sur rapport de M. [Z] lui reprochant de souhaiter mettre un terme aux travaux de rénovation.

Une assemblée générale du 6 septembre 2023 a, à l'unanimité, :

- approuvé l'arrêté des comptes au 31 décembre 2022 et donné quitus au gérant de sa gestion,

- arrêté les comptes courants d'associés aux montants suivants :

* M. [Z] : 302 384 Euros,

* Mme [U] : 65 217 Euros,

- inscrit au compte "report à nouveau" une perte de 1 450 Euros,

- approuvé une situation intermédiaire arrêtée au 31 juillet 2023.

Par lettre du 17 janvier 2024, Mme [U] a demandé le remboursement de l'intégralité de son compte courant.

Après discussions entre les associés, une assemblée générale s'est tenue le 4 mars 2024 au cours de laquelle, notamment, un remboursement du compte courant de Mme [U] a été décidé selon les modalités suivantes :

- 15 000 Euros payables le 31 mars 2024 au plus tard,

- 1 500 Euros payables trimestriellement à compter du 10 avril 2024.

Le 16 mai 2024, Mme [U] a retourné les chèques de règlements de ces sommes en indiquant son désaccord sur les modalités de remboursement.

Par actes délivrés le 21 mai 2024, réitérés le 6 août 2024, Mme [U] a fait assigner la SCI [Adresse 7] et M. [Z] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Auch afin de voir condamner la première à lui payer la somme en question à titre de provision.

Par ordonnance rendue le 5 novembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Auch a :

- vu la caducité de l'assignation enrôlée sous le numéro RG 24/00105,

- jugé recevable et bien fondée la demande de Mme [U],

- rejeté la jonction de la procédure enrôlée sous le numéro RG 24/00105 avec la procédure,

- débouté Mme [U] de sa demande,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire,

- condamné Mme [U] à supporter les entiers dépens.

Le juge des référés a relevé que l'article 34 des statuts stipule que les conditions d'intérêt, de remboursement et de retrait de chacun de ces comptes seront déterminés, soit par décision collective du ou des associés, soit par une convention intervenue directement entre la gérance et le déposant et soumise à l'approbation de l'assemblée générale des associés ; que l'unanimité des associés n'est pas requise pour fixer les modalités de remboursement des comptes courants ; et que ces modalités de remboursement ont été valablement décidées par l'assemblée générale du 4 mars 2024, même si Mme [U] l'a quittée avant qu'elle ne se termine.

Par acte du 18 novembre 2024, [B] [U] a déclaré former appel de l'ordonnance en désignant la SCI [Adresse 7] et [V] [Z] en qualité de parties intimées et en indiquant que l'appel porte sur les dispositions de l'ordonnance qui ont :

- débouté Mme [U] de sa demande,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [U] à supporter les entiers dépens.

En application de l'article 905 du code de procédure civile, la clôture a été prononcée le 25 juin 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience de la Cour du 3 septembre 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions d'appelante notifiées le 22 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, [B] [U] présente l'argumentation suivante :

- En vertu de l'article 834 du code civil, le juge des référés peut accorder une provision si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

- Le remboursement d'un compte courant est dû de plein droit à l'associé qui en fait la demande.

- Il existe un refus arbitraire de M. [Z], en position dominante, de discuter des modalités de remboursement de son compte courant et la décision prise le 4 mars 2024 caractérise un abus de majorité manifeste qui l'a pénalisée de manière disproportionnée sans être justifiée ni par un motif légitime ni par l'intérêt social de la SCI [Adresse 7].

- Pourtant, en juin 2023, M. [Z] avait proposé trois options de remboursement, et n'en a finalement retenu aucune alors qu'il a vendu des vignes en décembre 2023 et que la SCI [Adresse 7] dispose des moyens financiers permettant de rembourser le compte courant de son associée.

- La séparation du couple l'a mise dans une situation difficile : elle a dû quitter le domaine avec ses enfants et sa situation financière s'aggrave chaque jour, ce qui va la contraindre à déposer un dossier de surendettement.

- Les modalités de remboursement qui lui sont imposées par l'assemblée générale sont inacceptables : le remboursement est prévu sur 10 ans, est lié à l'activité des gîtes et basé sur une situation financière opaque.

- Les paiements sur le compte CARPA, dépourvus d'autorisations préalables, qui ont été effectués n'ont aucun caractère libératoire pour le créancier.

Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :

- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté ses demandes,

- condamner la SCI [Adresse 7] au paiement d'une provision de 65 217 Euros TTC au titre du compte courant d'associé,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et mettre les dépens à sa charge.

*

* *

Par conclusions d'intimés notifiées le 21 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l'argumentation, la SCI [Adresse 7] et [V] [Z] présentent l'argumentation suivante :

- Le juge des référés ne peut accorder une provision qu'en l'absence de contestation sérieuse et il n'a pas le pouvoir d'interpréter une clause.

- La décision de l'assemblée générale du 4 mars 2024 s'impose à Mme [U] et ne permet aucun remboursement immédiat.

- Cette décision a été prise en application de l'article 34 des statuts, et n'était pas soumise à l'unanimité des associés, l'article 29 stipulant que les décisions sont prises à la majorité des voix présentes ou représentées.

- Le retrait de Mme [U] ne peut se faire que dans des conditions préservant l'intérêt de la société.

- Mme [U] a refusé les paiements par chèques qui lui ont été adressés, ce qui les a contraints à consigner les sommes à la CARPA, où elles sont disponibles sur simple demande.

- C'est Mme [U] qui a mis en péril l'activité de la société en décidant de ne plus verser sa contribution aux travaux.

- Mme [U] dispose de revenus : elle a déclaré 50 000 Euros en 2023, travaille, et perçoit des aides ainsi qu'une pension alimentaire sur un compte bancaire en Italie, son ex-mari étant de nationalité italienne.

Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :

- confirmer l'ordonnance,

- débouter Mme [U] de ses demandes,

- la condamner à payer la somme de 3 000 Euros à la SCI [Adresse 7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mettre les dépens à sa charge.

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MOTIFS :

Vu l'article 835 du code de procédure civile,

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le juge des référés a estimé que la demande de versement d'une provision à valoir sur son compte courant dans les livres de la SCI [Adresse 7] présentée par Mme [U] se heurte à une contestation sérieuse, exclusive de l'octroi de la provision réclamée, compte tenu des stipulations de l'article 34 des statuts de cette société, et de la délibération prise par l'assemblée générale le 4 mars 2024 en exécution de cet article.

Il suffit d'ajouter que cette délibération ne constitue pas un abus de majorité, défini comme une décision contraire à l'intérêt social prise dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires (Com. 24 janvier 1995 n° 93-13273).

En effet, elle ne prive pas Mme [U] du remboursement de son compte courant mais en institue les modalités avec un premier paiement de 15 000 Euros, représentant presque le quart du montant total du compte courant, au plus tard fin mars 2024.

L'ordonnance doit être confirmée, sans que l'équité ne nécessite, en cause d'appel, l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

- CONFIRME l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant,

- DIT n'y avoir lieu, en cause d'appel, à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE [B] [U] aux dépens de l'appel.

- Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Catherine, greffier, auquel la minute a été remise.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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