CA Paris, Pôle 1 - ch. 13, 3 novembre 2025, n° 25/03533
PARIS
Autre
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 03 NOVEMBRE 2025
(n° , 7 pages)
N°de répertoire général : N° RG 25/03533 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK3ZL
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière, lors des débats et de Rubis RABENJAMINA, Greffière, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 27 Février 2025 par Monsieur [H] [E] né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 4] (SERBIE), domicilié au cabinet de Me [B] [S] - [Adresse 2] ;
Non comparant
Représenté par Maître Thibaud COTTA, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 01 Septembre 2025 ;
Entendu Maître Thibaud COTTA représentant Monsieur [H] [E],
Entendu Maître Colin MAURICE de la SELARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [H] [E], né le [Date naissance 1] 1995, de nationalité serbe, a été mis en examen le 06 novembre 2021 des chefs d'extorsion de fonds par violence et d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes par un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Créteil, puis placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Villepinte par ordonnance du même jour du juge des libertés et de la détention.
Par ordonnance du 02 novembre 2022, le magistrat instructeur a remis en liberté le requérant et l'a placé sous contrôle judiciaire à compter du 05 novembre 2022.
Par jugement du 14 octobre 2024, la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil a renvoyé des fins de la poursuite M. [E] et cette décision est devenue définitive à l'égard du requérant, comme en atteste le certificat de non-appel du 4 décembre 2024.
Le 27 février 2025, M. [E] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire en application de l'article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
Déclarer recevable la demande d'indemnisation ;
Constater l'existence des préjudices moral et matériel de M. [E] à raison de la détention provisoire injustifiée qu'il a subi ;
Allouer à M. [E] la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ;
Allouer à M. [E] la somme de 3 600 euros au titre de son préjudice matériel ;
Soit un total de 103 600 euros d'indemnisation ;
Allouer la somme de 2 400 euros à M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 23 juin 2025 et soutenues oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de la Cour d'appel de Paris :
Allouer à M. [E] la somme de 3 600 euros e réparation de son préjudice matériel ;
Allouer à M. [E] une somme 27 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 1 000 euros le montant de l'indemnité octroyée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2025 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries, conclut :
A la recevabilité de la requête pour une durée de 362 jours ;
A la réparation du préjudice moral en tenant compte du choc carcéral, de la durée de la détention et de la primo-incamération ;
A la réparation du préjudice matériel en tenant compte des frais de défense.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l'espèce, M. [E] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 27 février 2025, qui est dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe prononcée par la 10e chambre correctionnelle du tribunal judicaire de Créteil est devenue définitive. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non-appel en date du 4 décembre 2024 qui est produit aux débats, est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de 362 jours.
Sur l'indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant indique qu'il a subi un préjudice moral particulièrement important en raison de la durée de sa détention, à savoir 362 jours, du choc de l'incarcération alors qu'il a toujours clamé son innocence, qu'il demeurait chez sa mère sur le territoire national et que son casier judiciaire français ne portait trace d'aucune condamnation ni incarcération.
Il y a lieu de retenir également l'angoisse ressentie en raison de l'importance de la peine criminelle encourue pour des faits d'extorsion de fonds avec violence et d'association de malfaiteurs en vue de la commission d'un crime, à savoir 20 ans de réclusion criminelle.
Il a, en outre, souffert, de conditions de détention difficiles qui sont attestées par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du mois d'avril 2017 faisant état d'une surpopulation carcérale qui était de 162% en janvier 2021, des conditions d'hébergement indignes, de la saleté des installations, des sanitaires et des cours de promenade, ainsi que par un compte-rendu de la commission d'enquête parlementaire de novembre 2021 et un article de presse.
C'est pourquoi, M. [E] sollicite une somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.
L'agent judiciaire de l'Etat considère qu'il y a lieu de prendre en compte la demande d'indemnisation du préjudice moral, bien fondée en son principe mais ne saurait être accueillie à hauteur de la somme sollicitée. L'absence de passé judiciaire du requérant dont le casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation pénale et d'aucune incarcération fait que son choc carcéral est plein et entier.
Par contre, les conditions de détention difficiles ne seront pas prises en compte car le rapport du [3] date de 2017 et les auditions devant la commission d'enquête et l'article de presse n'ont pas de valeur probante et le requérant ne démontre pas avoir souffert personnellement de conditions de détention indignes qu'il dénonce. M. [E] n'a pas davantage fait application des dispositions de l'article 803-8 du code de procédure civile. Ces éléments ne seront donc pas retenus au titre de l'aggravation du préjudice moral.
Il y a lieu de retenir la durée de la détention, soit 558 jours. L'angoisse de la peine criminelle encourue sera retenue au titre d'un facteur d'aggravation du préjudice moral.
Compte-tenu de ce qui précède, l'AJE se propose d'allouer au requérant une somme de 27 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Pour le Ministère Public, il convient de retenir l'absence de passé carcéral du requérant, la durée de la détention et l'âge du requérant au jour de son placement en détention. Le choc carcéral est donc plein et entier. L'aggravation du préjudice moral du requérant sera retenue en raison de l'angoisse liée à l'importance de la peine criminelle encourue, à savoir 20 ans de réclusion criminelle pour extorsion de fonds avec violences et association de malfaiteurs.
Les conditions de détention difficiles ne seront pas retenues dans la mesure où le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est pas concomitant à la période de détention subie. Le sentiment d'injustice est lié à la procédure pénale et non pas au placement en détention et ne peut donc pas être retenu.
En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [E] avait 26 ans, était célibataire et n'avait pas d'enfants. Par ailleurs, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation pénale ni incarcération. C'est ainsi que son choc carcéral a important.
La durée de la détention provisoire, soit 362 jours qui est importante, sera prise en compte.
Le sentiment d'injustice et le fait qu'il ait toujours clamé son innocence sont liés à la procédure pénale elle-même et non pas à la détention et ne peuvent être retenus.
L'importance de la peine criminelle encourue pour des faits d'extorsion de fonds avec violences et d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, soit 20 ans de réclusion criminelle, est de nature à entraîner une légitime angoisse pour M. [E].
Par contre, les conditions de détention difficiles au sein de la maison d'arrêt de [Localité 5] ne seront pas prises en compte dans la mesure où le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est pas concomitant à la période de détention du requérant puisqu'il date de novembre 2017. Le compte-rendu de la commission d'enquête parlementaire publié le 06 novembre 2021 ne constitue qu'un simple compte-rendu et non pas le rapport définitif de cette commission sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française. Par contre, les statistiques officiels qui font état d'un taux d'occupation de 175,2% au sein de la maison d'arrêt de [Localité 5] qui mérite d'être retenu, mais le requérant ne démontre pas en quoi il aurait personnellement souffert des conditions qu'il dénonce.
C'est ainsi qu'il sera alloué à M. [E] une somme de 28 500 euros au titre du préjudice moral.
Sur le préjudice matériel
Sur les frais de défense
M.[E] indique qu'il a engagé des frais pour la défense de ses intérêts dans le cadre de cette détention injustifiés et que ses frais ne sauraient être valablement lissés à sa charge. Ses frais se sont élevés à la somme de 3 600 euros TTC et concernent les 4 visites en détention, les audiences devant la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la liberté.
Il sollicite donc l'allocation d'une somme de 3 600 euros TTC en réparation de son préjudice matériel.
L'agent judiciaire de l'Etat conclue à l'acceptation de la demande à hauteur de la somme sollicitée qui correspond à la facture d'honoraires de son conseil et qui fait état de diligences en lien avec le contentieux de la détention provisoire.
Le Ministère Public conclue à la recevabilité et au bien-fondé de l'indemnisation des frais de défense s'agissant de diligences strictement en lien avec le contentieux de la détention.
Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de Réparation des Détentions, les frais de défense ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d'honoraires permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.
En l'espèce, M. [E] produit aux débats une facture d'honoraires de son conseil relative à ses frais de défense pour un montant de 3 600 euros TTC en date du 05 novembre 2022. Cette facture détaille les différentes diligences accomplies en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention comme les 3 visites en détention pour préparer les demandes de mises en liberté demandes de mise en liberté et les 3 mémoires et les audiences devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. Ces diligences sont bien en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention.
C'est ainsi qu'il sera alloué une somme de 3 600 euros à M. [E] en réparation de son préjudice matériel au titre de ses frais de défense.
- Sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS la requête de M. [H] [E] recevable ;
ALLOUONS la somme suivante à M. [H] [E] ;
- 28 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 3 600 euros en réparation de son préjudice matériel ;
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTONS M. [H] [E] du surplus de ses demandes ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Décision rendue le 03 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 03 NOVEMBRE 2025
(n° , 7 pages)
N°de répertoire général : N° RG 25/03533 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CK3ZL
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière, lors des débats et de Rubis RABENJAMINA, Greffière, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 27 Février 2025 par Monsieur [H] [E] né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 4] (SERBIE), domicilié au cabinet de Me [B] [S] - [Adresse 2] ;
Non comparant
Représenté par Maître Thibaud COTTA, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 01 Septembre 2025 ;
Entendu Maître Thibaud COTTA représentant Monsieur [H] [E],
Entendu Maître Colin MAURICE de la SELARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [H] [E], né le [Date naissance 1] 1995, de nationalité serbe, a été mis en examen le 06 novembre 2021 des chefs d'extorsion de fonds par violence et d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes par un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Créteil, puis placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Villepinte par ordonnance du même jour du juge des libertés et de la détention.
Par ordonnance du 02 novembre 2022, le magistrat instructeur a remis en liberté le requérant et l'a placé sous contrôle judiciaire à compter du 05 novembre 2022.
Par jugement du 14 octobre 2024, la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil a renvoyé des fins de la poursuite M. [E] et cette décision est devenue définitive à l'égard du requérant, comme en atteste le certificat de non-appel du 4 décembre 2024.
Le 27 février 2025, M. [E] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire en application de l'article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
Déclarer recevable la demande d'indemnisation ;
Constater l'existence des préjudices moral et matériel de M. [E] à raison de la détention provisoire injustifiée qu'il a subi ;
Allouer à M. [E] la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ;
Allouer à M. [E] la somme de 3 600 euros au titre de son préjudice matériel ;
Soit un total de 103 600 euros d'indemnisation ;
Allouer la somme de 2 400 euros à M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 23 juin 2025 et soutenues oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de la Cour d'appel de Paris :
Allouer à M. [E] la somme de 3 600 euros e réparation de son préjudice matériel ;
Allouer à M. [E] une somme 27 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 1 000 euros le montant de l'indemnité octroyée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2025 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries, conclut :
A la recevabilité de la requête pour une durée de 362 jours ;
A la réparation du préjudice moral en tenant compte du choc carcéral, de la durée de la détention et de la primo-incamération ;
A la réparation du préjudice matériel en tenant compte des frais de défense.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l'espèce, M. [E] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 27 février 2025, qui est dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe prononcée par la 10e chambre correctionnelle du tribunal judicaire de Créteil est devenue définitive. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non-appel en date du 4 décembre 2024 qui est produit aux débats, est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de 362 jours.
Sur l'indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant indique qu'il a subi un préjudice moral particulièrement important en raison de la durée de sa détention, à savoir 362 jours, du choc de l'incarcération alors qu'il a toujours clamé son innocence, qu'il demeurait chez sa mère sur le territoire national et que son casier judiciaire français ne portait trace d'aucune condamnation ni incarcération.
Il y a lieu de retenir également l'angoisse ressentie en raison de l'importance de la peine criminelle encourue pour des faits d'extorsion de fonds avec violence et d'association de malfaiteurs en vue de la commission d'un crime, à savoir 20 ans de réclusion criminelle.
Il a, en outre, souffert, de conditions de détention difficiles qui sont attestées par un rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du mois d'avril 2017 faisant état d'une surpopulation carcérale qui était de 162% en janvier 2021, des conditions d'hébergement indignes, de la saleté des installations, des sanitaires et des cours de promenade, ainsi que par un compte-rendu de la commission d'enquête parlementaire de novembre 2021 et un article de presse.
C'est pourquoi, M. [E] sollicite une somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.
L'agent judiciaire de l'Etat considère qu'il y a lieu de prendre en compte la demande d'indemnisation du préjudice moral, bien fondée en son principe mais ne saurait être accueillie à hauteur de la somme sollicitée. L'absence de passé judiciaire du requérant dont le casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation pénale et d'aucune incarcération fait que son choc carcéral est plein et entier.
Par contre, les conditions de détention difficiles ne seront pas prises en compte car le rapport du [3] date de 2017 et les auditions devant la commission d'enquête et l'article de presse n'ont pas de valeur probante et le requérant ne démontre pas avoir souffert personnellement de conditions de détention indignes qu'il dénonce. M. [E] n'a pas davantage fait application des dispositions de l'article 803-8 du code de procédure civile. Ces éléments ne seront donc pas retenus au titre de l'aggravation du préjudice moral.
Il y a lieu de retenir la durée de la détention, soit 558 jours. L'angoisse de la peine criminelle encourue sera retenue au titre d'un facteur d'aggravation du préjudice moral.
Compte-tenu de ce qui précède, l'AJE se propose d'allouer au requérant une somme de 27 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Pour le Ministère Public, il convient de retenir l'absence de passé carcéral du requérant, la durée de la détention et l'âge du requérant au jour de son placement en détention. Le choc carcéral est donc plein et entier. L'aggravation du préjudice moral du requérant sera retenue en raison de l'angoisse liée à l'importance de la peine criminelle encourue, à savoir 20 ans de réclusion criminelle pour extorsion de fonds avec violences et association de malfaiteurs.
Les conditions de détention difficiles ne seront pas retenues dans la mesure où le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est pas concomitant à la période de détention subie. Le sentiment d'injustice est lié à la procédure pénale et non pas au placement en détention et ne peut donc pas être retenu.
En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [E] avait 26 ans, était célibataire et n'avait pas d'enfants. Par ailleurs, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation pénale ni incarcération. C'est ainsi que son choc carcéral a important.
La durée de la détention provisoire, soit 362 jours qui est importante, sera prise en compte.
Le sentiment d'injustice et le fait qu'il ait toujours clamé son innocence sont liés à la procédure pénale elle-même et non pas à la détention et ne peuvent être retenus.
L'importance de la peine criminelle encourue pour des faits d'extorsion de fonds avec violences et d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, soit 20 ans de réclusion criminelle, est de nature à entraîner une légitime angoisse pour M. [E].
Par contre, les conditions de détention difficiles au sein de la maison d'arrêt de [Localité 5] ne seront pas prises en compte dans la mesure où le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté n'est pas concomitant à la période de détention du requérant puisqu'il date de novembre 2017. Le compte-rendu de la commission d'enquête parlementaire publié le 06 novembre 2021 ne constitue qu'un simple compte-rendu et non pas le rapport définitif de cette commission sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française. Par contre, les statistiques officiels qui font état d'un taux d'occupation de 175,2% au sein de la maison d'arrêt de [Localité 5] qui mérite d'être retenu, mais le requérant ne démontre pas en quoi il aurait personnellement souffert des conditions qu'il dénonce.
C'est ainsi qu'il sera alloué à M. [E] une somme de 28 500 euros au titre du préjudice moral.
Sur le préjudice matériel
Sur les frais de défense
M.[E] indique qu'il a engagé des frais pour la défense de ses intérêts dans le cadre de cette détention injustifiés et que ses frais ne sauraient être valablement lissés à sa charge. Ses frais se sont élevés à la somme de 3 600 euros TTC et concernent les 4 visites en détention, les audiences devant la chambre de l'instruction relatives au contentieux de la liberté.
Il sollicite donc l'allocation d'une somme de 3 600 euros TTC en réparation de son préjudice matériel.
L'agent judiciaire de l'Etat conclue à l'acceptation de la demande à hauteur de la somme sollicitée qui correspond à la facture d'honoraires de son conseil et qui fait état de diligences en lien avec le contentieux de la détention provisoire.
Le Ministère Public conclue à la recevabilité et au bien-fondé de l'indemnisation des frais de défense s'agissant de diligences strictement en lien avec le contentieux de la détention.
Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de Réparation des Détentions, les frais de défense ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d'honoraires permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.
En l'espèce, M. [E] produit aux débats une facture d'honoraires de son conseil relative à ses frais de défense pour un montant de 3 600 euros TTC en date du 05 novembre 2022. Cette facture détaille les différentes diligences accomplies en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention comme les 3 visites en détention pour préparer les demandes de mises en liberté demandes de mise en liberté et les 3 mémoires et les audiences devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris. Ces diligences sont bien en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention.
C'est ainsi qu'il sera alloué une somme de 3 600 euros à M. [E] en réparation de son préjudice matériel au titre de ses frais de défense.
- Sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS la requête de M. [H] [E] recevable ;
ALLOUONS la somme suivante à M. [H] [E] ;
- 28 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 3 600 euros en réparation de son préjudice matériel ;
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTONS M. [H] [E] du surplus de ses demandes ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Décision rendue le 03 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ