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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 3 novembre 2025, n° 23/05528

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 23/05528

3 novembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2025

N° RG 23/05528 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NRE2

S.A.S. ICARE

c/

Madame [J] [U]

Monsieur [L] [W]

Monsieur [Y] [D]

S.A.S. CASSOUS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 novembre 2023 (R.G. 2022F01018) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 07 décembre 2023

APPELANTE :

S.A.S. ICARE, immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 429 835 317, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]

Représentée par Maître Marie-Valérie FERRO, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Ladislas MAZUR-CHAMPANHAC avocat au barreau de la HAUTE-LOIRE

INTIMÉS :

Madame [J] [U], née le [Date naissance 6] 1941 à [Localité 10], de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Monsieur [L] [W], né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 14] (ALGERIE), de nationalité Française, demeurant [Adresse 13]

S.A.S. CASSOUS, immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 310 776 299, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

Représentés par Maître Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Erwan DINETY, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [Y] [D], né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Maître Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Frédéric CAVEDON, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Bérengère VALLEE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

1. Par acte sous seing privé en date du 1er août 2019, la société Sogefi Diversification, Mme [U], M. [W] et M. [D] (les cédants) ont cédé les 4 000 actions qu'ils détenaient dans la société Phycher Bio-Développement, à la société Icare (la cessionnaire).

Par acte du 5 septembre 2019, la société Sogefi Diversification, Mme [U], M. [W] et M. [D] ont consenti une garantie d'actif et de passif à la société Icare.

Le 30 septembre 2020, la société Phycher Bio-Développement a été absorbée par la société Laboratoire Icare dans le cadre d'une opération de fusion.

Par requêtes du 3 août 2021, M. et Mme [D], tous deux anciens salariés de la société Phycher Bio-Développement, puis de la société Laboratoire Icare en suite de l'absorption de la première par la seconde, ont saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 9] aux fins de contestation et d'indemnisation des causes de leur licenciement par la société Laboratoire Icare.

Par lettre du 2 septembre 2021, la société Icare a notifié à la société Cassous, en qualité de président de la société Sogefi Diversification, la mise en 'uvre de la convention de garantie d'actif et de passif, rappelant qu'aux termes de l'article 2.1.4 de la convention, les cédants avaient mandaté la société Cassous es qualité comme leur représentant aux fins d'agir en leur nom et pour leur compte à l'occasion de toute demande d'indemnisation formulée par le cessionnaire.

Par courrier du 16 septembre 2021, la société Cassous a refusé de mettre en oeuvre la garantie d'actif et de passif au motif que les demandes formées par les époux [D] avaient une origine postérieure à la date d'arrêté des états financiers et ne pouvaient donc constituer des dommages indemnisables au titre de la convention de garantie tels que définis par les stipulations de l'article 2.1 de ladite convention.

Par acte du 4 octobre 2021, la société Sogefi Diversification a été absorbée par la société Cassous.

2. Par acte du 3 juin 2022, la société Icare a assigné la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D] devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins de les voir condamner à la garantir toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre à la suite des requêtes enregistrées auprès du conseil des prud'hommes de Bordeaux.

3. Le 21 juillet 2022, l'assureur de la société Etablissements Pintaud a adressé à la société Icare un courrier préalable à une mise en demeure d'avoir à assumer les conséquences financières d'une analyse incorrectement réalisée par la société Phycher Bio-Développement en 2018.

Par courrier du 27 juillet 2022, la société Icare a notifié à la société Cassous, en qualité de président de la société Sogefi Diversification, la mise en 'uvre de la convention de garantie d'actif et de passif à ce titre.

Dans ses dernières conclusions de première instance, la société Icare a sollicité la condamnation de la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D] :

- à garantir Icare de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à l'encontre de la société Laboratoire Icare à la suite des requêtes enregistrées au conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- à garantir la société Laboratoire Icare au titre de la créance invoquée par les Etablissements Pintaud.

4. Par jugement du 10 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Débouté la société Icare de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et M. [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Icare à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Icare aux dépens.

5. Par déclaration au greffe du 7 décembre 2023, la société Icare a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D].

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

6. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 19 février 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Icare demande à la cour de :

Vu les articles 12 et 16 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail,

Vu les articles 1134 et 1192 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

- Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a statué comme suit :

'Déboute la société Icare de l'ensemble de ses demandes,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et M. [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Icare à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Icare aux dépens.'

Statutant à nouveau,

- Condamner la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D] à garantir par voie de réduction de prix la société Icare de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à l'encontre de la société Laboratoire Icare à la suite des requêtes enregistrées au Conseil de Prud'hommes de Bordeaux : le 3 août 2021 par M. [Y] [D], le 3 août 2021, par Mme [G] [D] et des appels qu'ils ont interjetés devant la présente Cour,

- Condamner la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D] à garantir par voie de réduction de prix la société Icare au titre de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à l'encontre de la société Laboratoire Icare à la suite de l'assignation signifiée par la société Pintaud le 16 octobre 2023,

- Surseoir à statuer quant aux montants des condamnations jusqu'à l'accord amiable ou la transaction intervenue entre M. [D] et/ou Mme [D] et/ou les établissements Pintaud d'une part et la société Laboratoire Icare d'autre part, ou jusqu'à la décision de justice exécutoire ayant pour objet de trancher le litige opposant lesdites personnes à la société Laboratoire Icare ou de mettre fin à la procédure,

En tout état de cause,

- Débouter la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D],

- Condamner ces mêmes à payer et porter à la société Icare la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

7. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 15 mai 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [D] demande à la cour de :

Vu les articles 462 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 1101 et suivants du code civil,

- Déclarer recevable et bien-fondé M. [D] en toutes ses demandes,

- Y faire droit,

En conséquence,

A titre principal,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 novembre 2023 en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par M. [D], et,

Statuant à nouveau,

- Déclarer la société Icare irrecevable en toutes ses demandes,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 novembre 2023 pour le surplus, notamment en ce qu'il a :

'Condamné la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et M. [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Icare à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Icare aux dépens'.

A titre subsidiaire,

- Débouter la société Icare de l'ensemble de ses demandes et, en conséquence,

- Confirmer la jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 novembre 2023 en ce qu'il a :

'Débouté la société Icare de l'ensemble de ses demandes,

Condamné la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et M. [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Icare à payer à M. [D] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Icare aux dépens'.

En toute hypothèse,

- Débouter la société Icare de l'ensemble de ses demandes et, en conséquence,

- Condamner la société Icare à payer à M. [D] la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Icare aux entiers dépens.

8. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 16 mai 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Cassous, Mme [U] et M. [W] demandent à la cour de :

Vu l'article 1103 du code civil,

Vu les stipulations de la Convention de garantie d'actif et de passif du 19 septembre 2019,

Vu les pièces versées au débat,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 novembre 2023 en ce qu'il a :

Débouté la société Icare de l'ensemble de ses demandes,

Condamné la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et M. [W] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société Icare aux dépens.

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 novembre 2023 en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande reconventionnelle de la société Cassous, de Mme [U] et de M. [W],

Statuant à nouveau,

- Débouter la société Icare de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et à M. [W] la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 32-1 du code civil,

- Condamner la société Icare à payer à la société Cassous, à Mme [U] et à M. [W] la somme de 15 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Icare aux dépens.

9. L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité des demandes de la société Icare

Moyens des parties

10. Au visa des articles 31 et 32 du code de procédure civile, M. [D] soulève plusieurs moyens d'irrecevabilité des demandes formées par la société Icare.

11. La société Icare conclut au contraire à la recevabilité de son action.

Réponse de la cour

12. Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'article 32 du même code précise qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

13. M. [D] soulève tout d'abord le défaut de qualité à agir de la société Icare, faisant valoir qu'en application du dernier alinéa de l'article 4 de la convention de garantie d'actif et de passif, la société Laboratoire Icare, société absorbante, est désormais seule bénéficiaire de ladite convention.

L'article 4 de la convention de garantie d'actif et de passif conclue le 5 septembre 2019 entre la société Sogefi Diversification (absorbée par la société Cassous), Mme [U], M. [W] et M. [D] (les cédants) d'une part, et la société Icare (le cessionnaire) d'autre part, stipule :

'Article 4 . Transmission de la garantie

Il est expressément convenu que le bénéfice de la présente convention de garantie pourra être transmis en cas de cession et plus généralement de mutation par le cessionnaire de sa participation dans la société à tous tiers, et/ou cessionnaires successifs des actions, ainsi qu'en cas de cession à toute société qui contrôle le cessionnaire ou que le cessionnaire contrôle, au sens de l'article 233-3 du code de commerce, à la condition que cette garantie soit encore en vigueur à la date de transmission.

Cette transmission deviendra effective dans le mois suivant la notification qui en aura été faite par le cessionnaire, adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux cédants.

En cas de fusion, scission, apport partiel d'actif, dissolution par absorption ou confusion de patrimoine, ladite garantie sera transmise à la société absorbante, bénéficiaire ou confondante.'

Il est constant que la société Icare, cessionnaire et bénéficiaire de la garantie d'actif et de passif, n'a fait l'objet d'aucune fusion, cession ou autre opération visée à l'article 4 précité, de sorte qu'aucune transmission de garantie n'a eu lieu au profit de la société Laboratoire Icare dont il sera rappelé qu'elle a absorbé, non pas la société Icare, mais la société Phycher Bio-Développement.

Ce moyen d'irrecevabilité sera par conséquent rejeté.

14. M. [D] fait également valoir que nul ne pouvant plaider par procureur, la société Icare est dépourvue d'intérêt à demander le bénéfice d'une garantie au nom et pour le compte de la société juridiquement distincte Laboratoire Icare.

Ce moyen est toutefois inopérant dès lors que l'objet de la garantie souscrite par les cédants est bien, selon l'article 2.1.1 de la convention, d' 'indemniser le cessionnaire par voie de réduction de prix (...) de tout préjudice, dommage, perte, dette (...) que le cessionnaire ou la société Phycher [absorbée par la société Laboratoire Icare] aura subi (...)'. (souligné par la cour)

Dès lors, la société Icare, en sa qualité de cessionnaire et de bénéficiaire de la garantie, est recevable à solliciter la condamnation des cédants à la garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à l'encontre de la société Laboratoire Icare.

15. M. [D] invoque ensuite l'irrecevabilité des demandes de la société Icare pour défaut d'intérêt à agir aux motifs que celle-ci n'établit pas que les conditions de mise en oeuvre de la convention de garantie d'actif et de passif sont remplies, faute de démontrer que l'hypothétique passif qu'elle allègue trouverait son origine dans des faits survenus antérieurement à la cession des actions de la société Phycher- Bio Développement, d'avoir respecté les délais d'information aux cédants de la réclamation, les règles de conduite du procès ainsi que ses engagements contractuels en reconnaissant la responsabilité de la société Phycher Bio-Développement dans le cadre de la réclamation portée par la société Etablissements Pintaud.

Ce moyen ne constitue toutefois pas une fin de non-recevoir puisqu'il implique d'examiner le fond et de procéder à l'analyse de la convention de garantie d'actif et de passif pour vérifier que les conditions de mise en oeuvre de celle-ci sont, ou non remplies. Il sera donc écarté.

16. L'action de la société Icare sera par conséquent déclarée recevable.

II- Sur la demande relative à la garantie des actions prud'homales formées par les époux [D] à l'encontre de la société Laboratoire Icare

Moyens des parties

17. La société Icare fait valoir, à l'appui de sa demande de garantie relative au contentieux prud'homal, que les cédants se sont portés garants du parfait respect par la société Phycher Bio-Développement, de la législation du travail applicable.

Or, dans le cadre du litige prud'homal opposant les époux [D] à leur ancien employeur, elle constate :

- d'une part, que les époux [D] demandent de voir juger que la société est soumise à l'application de la convention collective de la pharmacie alors que la convention de garantie et de passif stipule en sa page 13 que la société Phycher n'est soumise à aucun accord collectif,

- d'autre part, que M. [D] sollicite devant le conseil de prud'hommes un rappel de salaires (heures supplémentaires) sur une période débutant le 19 mai 2018, soit antérieurement à la signature de la convention de garantie,

- enfin, que si les licenciements des époux [D] sont postérieurs à la cession, les faits ayant motivé ceux-ci remontent à plusieurs années.

Elle soutient par ailleurs avoir respecté les délais d'information des cédants, soulignant qu'en tout état de cause, la sanction d'un éventuel irrespect des délais n'est pas la perte de la garantie mais l'impossibilité de solliciter l'indemnisation de l'accroissement résultant de ce non-respect du délai d'information.

Enfin, elle affirme qu'il n'existe aucune obligation de proposer la direction d'un procès à un garant qui refuse sa garantie et rappelle que M. [D] n'est pas un tiers au sens de l'article 2.3.3 puisqu'il est l'un des cédants.

18. La société Cassous, Mme [U] et M. [W] soutiennent de leur côté que les demandes formées par les anciens salariés de la société Laboratoire Icare devant le conseil des prud'hommes ne peuvent donner lieu à la mise en oeuvre de la convention de garantie d'actif et de passif dès lors qu'elles sont liées à des évènements intervenus postérieurement à la date de cession, précisant que la seule partie - très résiduelle- des prétentions susceptibles d'entrer dans le champ d'application de la convention concernerait les heures supplémentaires effectuées par M. [D] entre le 19 mai 2018 et le 5 septembre 2019, pour lesquelles il n'a même pas chiffré de demande.

Ils ajoutent que le conseil de prud'hommes a débouté les époux [D] de l'ensemble de leurs demandes à l'exception, pour M. [D], d'un solde de prime variable qui se rattache à l'année 2020, soit postérieurement à la date d'effet de la convention de garantie d'actif et de passif du 5 septembre 2019.

Ils font également valoir que la société Icare a violé l'article 2.3.3 de la convention en ne proposant pas aux cédants de les associer à la conduite de la procédure.

19. M. [D] fait valoir quant à lui que ses demandes prud'homales ainsi que celles de son épouse ne rentrent pas dans le champ d'application de la garantie d'actif ou de passif dès lors que :

- l'action prud'homale est dirigée exclusivement à l'encontre de la société Laboratoire Icare à qui il est demandé d'appliquer la convention collective de la pharmacie, aucun reproche n'étant formulé à ce titre contre la société Phycher Bio-Développement dont l'activité ne relève pas dudit accord collectif ainsi qu'il est indiqué dans la [Localité 12],

- aux termes de la convention de garantie d'actif et de passif, les cédants ne sont nullement engagés à garantir les manquements éventuels de la société Laboratoire Icare,

- en tout état de cause, les demandes des époux [D] et donc tout passif éventuel trouvent leur origine dans des faits ou évènements postérieurs à la date d'arrêté des états financiers.

Il ajoute que la société Icare n'a respecté, ni le délai contractuel d'information des cédants lesquels doivent en conséquence être exonérés de toute indemnisation conformément à la convention, ni les règles de conduite du procès.

Réponse de la cour

A- Sur le délai d'information des cédants de la réclamation

20. L'article 2.3 'Réclamations' de la convention de garantie d'actif et de passif, prévoit que :

'2.3.1 D'une manière générale, le cessionnaire fera en sorte que toute mise en jeu de la garantie visée à l'article 2.1 fasse l'objet d'une notification écrite (la Réclamation) moyennant le respect d'un délai suffisant pour ne pas priver les cédants de l'exercice d'une voie de recours ou d'une possibilité de limiter ou réduire le montant du dommage.

1. Dans cette perspective (...) le cessionnaire devra notifier aux cédants tous évènements susceptibles de faire l'objet d'une Réclamation dans les plus brefs délais au plus tard dans les vingt (20) jours de la date à laquelle le cessionnaire en aura eu connaissance, notamment :

a) assignation en justice, convocations devant toute autorité ayant le pouvoir de prononcer une sanction,

(...)

2. Pour tout autre évènement susceptible de faire l'objet d'unr réclamation (notamment avis de vérification ou de contrôle, mises en demeure par lettres d'avocat...), la mise en jeu de la garantie (...) devra faire l'objet d'une Réclamation dans un délai de 30 jours de la date à laquelle le cessionnaire en aura eu connaissance (...)'.

21. M. [D] reproche à la société Icare de n'avoir pas régularisé de réclamation dans le délai de 30 jours à compter du jour où il a eu connaissance de la lettre du 8 juillet 2021 par laquelle, le conseil des époux [D] a informé M. [N], à la fois président de la société Laboratoire Icare et président de la société Icare, que ses clients contestaient le bien-fondé de la rupture de leurs contrats de travail et l'avaient mandaté pour engager une procédure juridictionnelle.

22. Il ressort toutefois des pièces produites que suite aux requêtes déposées le 3 août 2021 par les époux [D], la société Laboratoire Icare a été convoquée devant le conseil des prud'hommes de [Localité 9] par lettre recommandée avec réception du 17 août 2021, de sorte qu'en formulant une réclamation à ce titre auprès des cédants par courrier du 2 septembre 2021, la société Icare a respecté le délai de 20 jours à compter de sa connaissance de la convocation en justice, imparti à l'article 2.3.1 1 précité, étant au surplus observé que contrairement à ce que prétend M. [D], le défaut de respect des délais d'information par le cessionnaire ne prive pas ce dernier de tout droit à indemnisation, le dernier alinéa de l'article 2.3.1 prévoyant que 'le défaut de respect par le cessionnaire des délais ci-dessus d'information du, et/ou de communication, aux cédants exonérera ces derniers d'indemniser l'accroissement résultant de ce non-respect des délais d'information ou de communication, du préjudice subi par la société ou le cessionnaire. (Souligné par la cour)

23. Le moyen tiré du défaut de respect des délais sera par conséquent écarté.

B- Sur les règles de conduite du procès

24. Aux termes de l'article 2.3.3 de la convention de garantie d'actif et de passif, 'le cessionnaire devra proposer aux cédants la possibilité de conduire, directement ou par l'intermédiaire de ses conseils, au nom de la société Phycher chacune des actions et procédures qui seraient éventuellement engagées à son encontre par un tiers au mieux des intérêts de la société Phycher. Par exception à ce qui est indiqué ci-avant, il est convenu que le cessionnaire pourra engager toute action conservatoire sans pour autant perdre le bénéfice de la garantie. La partie qui assurera la direction du procès sera néanmoins tenue d'associer l'autre à la conduite de la procédure et à toute négociation consécutive à une réclamation de tiers.'

25. En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Icare n'a pas proposé aux cédants de conduire, au nom de la société Phycher (absorbée par la société Laboratoire Icare), la procédure intentée à son encontre.

S'il est exact que M. [D] ne peut être qualifié de tiers puisqu'il est lui-même demandeur dans l'instance prud'homale engagée à l'encontre de la société Laboratoire et n'est en conséquence pas fondé à invoquer la stipulation précitée à son bénéfice, la société Icare ne saurait en revanche valablement soutenir qu'en contestant leur garantie, la société Cassous, Mme [U] et M. [W] auraient implicitement renoncé au bénéfice de la clause de direction du procès.

En effet, outre le fait que la renonciation à un droit ne peut être implicite, il sera observé que la contestation par les cédants de la mise en jeu de la garantie n'emporte pas nécessairement renonciation à participer à la direction du litige.

26. C'est donc à bon droit que les intimés soutiennent que la société Icare a manqué à son obligation contractuelle de proposer à la société Cassous, Mme [U] et M. [W] d'assurer, au nom de la société Laboratoire Icare, société absorbante de la société Phycher Bio-Développement, la direction du procès prud'homal intenté à son encontre par les époux [D], étant ajouté qu'il n'est pas non plus démontré que la société Icare les a associés à la conduite de la procédure devant le conseil des prud'hommes.

27. Cependant, aucun préjudice tiré de ce manquement n'étant invoqué ni a fortiori démontré par les intimés, la déchéance du droit à garantie ne saurait être prononcée de ce chef.

C- Sur le champ d'application de la garantie

28. En vertu de l'article 2.1.1 de la convention de garantie d'actif et de passif, la société Cassous, Mme [U], M. [W] et M. [D] (les cédants) s'engagent, solidairement, à indemniser la société Icare (le cessionnaire) par voie de réduction de prix, de tout préjudice, dommage, perte, dette, obligation, coût, frais ou dépense (y compris tous frais de procédure, d'experts, amendes, pénalités et intérêts, ainsi qu'honoraires d'avocats et de conseils) net d'impôts que le cessionnaire ou la société Phycher aura subi résultant notamment :

- de tout passif ne figurant pas dans les états financiers, pour autant que ledit passif trouve son origine dans des faits, évènements ou circonstances survenus antérieurement à la date d'arrêté des états financiers,

- de toute insuffisance d'actif par rapport aux Etats financiers, pour autant qu'une telle insuffisance trouve son origine dans des faits, évènements ou circonstances survenus antérieurement à la date d'arrêté des états financiers (31 décembre 2018)

- de toute inexactitude des déclarations et garanties visées à l'article 1,

- de toute insuffisance d'actif et/ou de tout passif non révélé qui trouverait son origine entre la date d'arrêté des états financiers (soit le 31 décembre 2018) et la date de réalisation (soit le 5 septembre 2019) relatifs notamment à des litiges impliquant la société Phycher.

29. Il est également indiqué dans l'article 1.2.15 'Personnel' de la convention que :

'La société Phycher respecte l'ensemble de la réglementation relative à la rémunération des salariés et, il n'existe pas d'action prud'homale ou syndicale ou de risque d'action prud'homale ou syndicale au jour des présentes

(...)

La société Phycher n'a pas accordé de droits particuliers de quelque nature que ce soit autres que ceux prévus par la loi, les règlements, les conventions collectives et les contrats de travail applicables.

La société Phycher n'est soumise à aucun accord collectif.'

30. Par requêtes du 3 août 2021, M. et Mme [D], tous deux anciens salariés de la société Phycher Bio-Développement, puis de la société Laboratoire Icare en suite de l'absorption de la première par la seconde, ont saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 9] aux fins principalement de :

- voir dire et juger que la société est soumise à l'application de la convention collective de la pharmacie,

- contester et se voir indemniser des causes de leur licenciement par la société Laboratoire Icare,

- dire et juger que M. [D] est bien fondé en sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires,

- constater que M. [D] se réserve le chiffrage de son rappel de salaire au titre des heures supplémentaires sur les trois dernières années et de sa prime variable pour l'année 2021.

31. Par deux jugements des 27 octobre 2023, le conseil des prud'hommes de [Localité 9] a :

- débouté Mme [D] de toutes ses demandes,

- débouté M. [D] de toutes ses demandes, à l'exception d'un solde de prime variable d'un montant de 21.292 euros que la société Laboratoire Icare a été condamnée à lui payer.

Un appel a été interjeté et les affaires sont actuellement pendantes devant la chambre sociale de la cour d'appel.

32. En premier lieu, il est constant que les licenciements, qui constituent le fait générateur des indemnités réclamées par les époux [D] à la société Laboratoire Icare et qui ont donné lieu à la procédure judiciaire précitée, sont intervenus les 20 mai 2021 et 18 juin 2021, soit postérieurement à la date de cession.

Au surplus, si la société Icare affirme que les faits ayant motivé ces licenciements pour faute grave remontent à plusieurs années, il sera observé que, sur la base d'un rapport d'audit produit par la société Laboratoire Icare, le conseil de prud'hommes de Bordeaux situe les agissements frauduleux sur une période de temps courant du 26 mai 2020 au 2 avril 2021, soit postérieure à la cession.

33. Dès lors que le fait générateur des indemnités éventuellement dues par l'employeur à raison des licenciements des anciens salariés est postérieur à la cession, il s'ensuit que lesdites indemnités, à supposer qu'elles soient dues, ne sont pas couvertes par la convention de garantie.

34. La société Icare doit en conséquence être déboutée de sa demande de garantie à ce titre.

35. En second lieu, s'il est exact que M. [D] a formulé, devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux, une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, tout en se réservant le chiffrage de celui-ci 'au titre des heures supplémentaires sur les trois dernières années' (soit du 19 mai 2018 au 19 mai 2021), ce qui inclurait une prétention pour des faits, pour partie, antérieurs à la convention de garantie en date du 5 septembre 2019, il sera observé que dans sa décision du 27 octobre 2023, la juridiction prud'homale alloue à M. [D] une somme de 21.292 euros au titre d'un solde de prime variable se rattachant à l'année 2020, soit une période postérieure à la cession, non couverte par la garantie, étant ajouté qu'il n'est ni invoqué ni démontré que l'appel de M. [D] porte sur ce chef de jugement.

36. La société Icare doit en conséquence être également déboutée de sa demande de garantie à ce titre.

III- Sur la demande relative à la garantie relative à la réclamation de la société Etablissements Pintaud

Moyens des parties

37. La société Icare fait valoir, à l'appui de sa demande de garantie à ce titre, qu'elle n'a pas reconnu la responsabilité de la société Phycher Bio-Développement et a respecté le délai de l'article 2.3.1 de la convention de garantie d'actif et de passif. Elle ajoute que dès lors qu'à la suite de l'information du cessionnaire au cédant prévue à l'article 2.3.1, le cédant a répondu contester sa garantie, la clause de direction du procès prévue à l'article 2.3.3 n'avait pas lieu d'être activée. Elle rappelle que la sanction d'un éventuel non-respect des délais n'est pas une perte de garantie mais l'impossibilité de solliciter l'indemnisation de l'accroissement résultant du non-respect du délai.

38. La société Cassous, Mme [U] et M. [W] soutiennent que la société Icare a eu connaissance de la réclamation de la société Etablissements Pintaud dès le 23 septembre 2021 mais n'en a informé les cédants que le 27 juillet 2022. Ils ajoutent que la société Icare a également violé l'article 2.3.3 de la convention en ne proposant pas aux cédants de les associer à la conduite des négociations avec les établissements Pintaud, de sorte qu'ils ont été privés de leur possibilité de limiter ou réduire le montant du dommage. Ils affirment également que la société Icare a violé l'article 2.3.4 de la convention en participant le 14 octobre 2021 à une visioconférence avec les établissements Pintaux sans en informer les cédants/garants et, en reconnaissant par écrit le 18 octobre 2021, la responsabilité de la société Phycher, le tout sans prévenir les cédants.

39. M. [D] fait valoir que la société Icare n'a respecté, ni le délai contractuel d'information des cédants lesquels doivent en conséquence être exonérés de toute indemnisation conformément à la convention, ni les règles de conduite du procès. Il ajoute que la société Icare a reconnu la responsabilité de la société Phycher Bio-Développement dans le cadre du litige Etablissements Pintaud, sans avoir au préalable recueilli l'accord préalable des cédants.

Réponse de la cour

A- Sur le délai d'information des cédants de la réclamation

40. Il est rappelé qu'en vertu de l'article 2.3.1 de la convention de garantie d'actif et de passif :

'1. (...) le cessionnaire devra notifier aux cédants tous évènements susceptibles de faire l'objet d'une Réclamation dans les plus brefs délais au plus tard dans les vingt (20) jours de la date à laquelle le cessionnaire en aura eu connaissance, notamment :

a) assignation en justice, convocations devant toute autorité ayant le pouvoir de prononcer une sanction, (...)

2. Pour tout autre évènement susceptible de faire l'objet d'une réclamation (notamment avis de vérification ou de contrôle, mises en demeure par lettres d'avocat...), la mise en jeu de la garantie (...) devra faire l'objet d'une Réclamation dans un délai de 30 jours de la date à laquelle le cessionnaire en aura eu connaissance (...)'.

41. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le courriel du 23 septembre 2021 par lequel la société Etablissements Pintaud fait part des conclusions de l'ANSES pointant d'éventuels manquements du laboratoire Phycher Bio-Développement au titre des tests de corrosions, peut être considéré comme susceptible de faire l'objet d'une réclamation, la société Etablissements Pintaud soulignant qu' 'une explication ne sera probablement pas suffisante et de nouveaux essais devraient être conduits à vos frais' puis rappelant que 'nos produits, qui représentent 80% de notre CA ne seront pas acceptés', ajoutant 'j'espère que vous comprenez la situation dans laquelle nous sommes et son urgence'.

42. Si ce n'est qu'à la suite de la lettre préalable à une mise en demeure adressée le 21 juillet 2022 par l'assureur de la société Etablissements Pintaud que la société Icare a informé les cédants de la mise en oeuvre de la garantie à ce titre, il sera observé que le défaut de respect des délais d'information par le cessionnaire ne prive en tout état de cause pas ce dernier de tout droit à indemnisation.

43. Le dernier alinéa de l'article 2.3.1 de la convention prévoit en effet que 'le défaut de respect par le cessionnaire des délais ci-dessus d'information du, et/ou de communication, aux cédants exonérera ces derniers d'indemniser l'accroissement résultant de ce non-respect des délais d'information ou de communication, du préjudice subi par la société ou le cessionnaire. (Souligné par la cour), étant observé qu'il n'est ni invoqué ni démontré une aggravation du préjudice subi par la société Etablissements Pintaud du fait de ce délai.

44. Le moyen tiré du défaut de respect des délais sera par conséquent écarté.

B- Sur les règles de conduite du procès

45. Il est rappelé qu'aux termes de l'article 2.3.3 de la convention de garantie d'actif et de passif, 'le cessionnaire devra proposer aux cédants la possibilité de conduire, directement ou par l'intermédiaire de ses conseils, au nom de la société Phycher chacune des actions et procédures qui seraient éventuellement engagées à son encontre par un tiers au mieux des intérêts de la société Phycher. Par exception à ce qui est indiqué ci-avant, il est convenu que le cessionnaire pourra engager toute action conservatoire sans pour autant perdre le bénéfice de la garantie. La partie qui assurera la direction du procès sera néanmoins tenue d'associer l'autre à la conduite de la procédure et à toute négociation consécutive à une réclamation de tiers.'

46. Force est de constater que la société Icare n'a pas proposé aux cédants/garants la possibilité de conduire les actions ou procédures engagées à l'encontre de la société Laboratoire Icare par la société Etablissements Pintaud, pas plus qu'elle ne les a associés à la conduite de la procédure et/ou des négociations, étant rappelé qu'ainsi qu'il a été souligné ci-avant, le fait pour les garants de contester la réclamation ne les prive pas de leur faculté de conduire les actions et procédures engagées contre la société Laboratoire Icare.

47. Or, les intimés soutiennent à juste titre que le fait de n'avoir pas été associés à la conduite de la procédure les a privés de la possibilité de limiter ou réduire le montant du dommage, étant observé que dans son courrier préalable à une mise en demeure adressé le 21 juillet 2022, l'assureur de la société Etablissements Pintaud proposait à la société Icare de rechercher au préalable une solution amiable et que ce n'est que par acte du 16 octobre 2023 que la société Etablissements Pintaud a assigné la société Laboratoire Icare devant le tribunal de commerce aux fins d'indemnisation de ses préjudices, la procédure étant actuellement en cours.

48. Pour ce motif, la société Icare, qui a manqué à ses obligations résultant de l'article 2.3.3 précité, est mal fondée à solliciter la mise en oeuvre de la garantie.

C- Sur la reconnaissance de la responsabilité de la société Phycher par la société Laboratoire Icare

49. L'article 2.3.4 de la convention de garantie d'actif et de passif prévoit que 'le cessionnaire se porte fort de ce que la société Phycher ne reconnaisse pas, n'admette pas sa responsabilité et ne donne pas son accord à une transaction avec un tiers, au titre de tout fait susceptible de mettre en jeu les garanties, sans avoir recueilli l'accord préalable des écrits'.

50. En l'espèce, il ressort du courrier de l'avocat des Etablissements Pintaud adressé le 2 janvier 2023 à la société Icare et produit par cette dernière que : 'Le 14 octobre 2021, lors d'une réunion qui s'est tenue en visioconférence, la société Etablissements Pintaud a demandé en urgence au laboratoire Icare de lui donner sa position sur la validité des tests litigieux. Le laboratoire Icare a indiqué qu'il ne souhaitait pas chercher à soutenir la validité des tests devant l'ANSES et qu'il n'était pas en mesure d'en refaire immédiatement de nouveaux pour tenter de compléter le dossier d'AMM.'

En outre, aux termes du document intitulé 'Amendment to the final report' daté du 18 octobre 2021, joint à la mise en demeure du conseil de la société Etablissements Pintaud, il apparaît que la société Laboratoire Icare a reconnu l'absence de validité des analyses litigieuses réalisées en 2018 par la société Phycher Bio-Développement.

51. Au vu de ces éléments, le tribunal a justement considéré qu'en admettant ainsi la responsabilité de la société qu'elle a absorbée, la société Laboratoire Icare a aggravé le risque lié au litige actuellement en cours à ce titre.

52. Pour ce second motif, la société Icare est mal fondée à solliciter la mise en oeuvre de la garantie.

53. Les conditions de mise en oeuvre de la garantie n'étant pas réunies, il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Icare de l'ensemble de ses demandes.

IV- Sur la procédure abusive

54. La société Cassous, Mme [U], M. [W] sollicitent, par le biais d'un appel incident, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive. Ils réclament, au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile, une indemnité de 10.000 euros à ce titre.

55. L'article 32-1 du code de procédure civile permet au juge de prononcer une amende civile en cas d'abus du droit d'agir en justice, mais cette amende n'est pas prononcée au profit de l'adversaire, lequel n'a pas qualité pour en demander l'application. Il est vrai que cet article réserve la possibilité de prononcer également des dommages et intérêts, mais il ne constitue pas un fondement autonome : le défendeur qui entend réclamer des dommages et intérêts doit, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, établir non seulement la faute de son adversaire, mais son propre préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice.

56. En l'espèce, la société Cassous, Mme [U], M. [W] ne précisent pas les éléments constitutifs de leur préjudice. Ils seront déboutés de leur demande de ce chef, le jugement étant confirmé de ce chef.

V- Sur les dépens et les frais irrépétibles

57. La société Icare, qui succombe en son recours, en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à M. [D] d'une part, la société Cassous, Mme [U], M. [W], d'autre part, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Déclare recevable l'action engagée par la société Icare,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Icare aux dépens d'appel,

Condamne la société Icare à payer à M. [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Icare à payer à la société Cassous, Mme [U], M. [W], ensemble, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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