CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 29 octobre 2025, n° 24/00734
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
ARRÊT N°25/
CB
R.G : N° RG 24/00734 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GB75
[M]
[D]
C/
S.C. NOOR-E-ISLAM
S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE TRANSACTION IMMOBILIÈRES DE BOURBON .T.I.B)
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 29 OCTOBRE 2025
Chambre commerciale
Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 9] DE [Localité 8] en date du 21 MAI 2024 suivant déclaration d'appel en date du 14 JUIN 2024 RG n° 21/03433
APPELANTS :
Monsieur [F] [M]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Marius Henri RAKOTONIRINA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Monsieur [W] [P] [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Marius Henri RAKOTONIRINA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉES :
S.C. NOOR-E-ISLAM
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Norman SULLIMAN de la SELARL NORMAN SULLIMAN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE TRANSACTION IMMOBILIÈRES DE BOURBON .T.I.B)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Xavier BELLIARD de l'AARPI BELLIARD-RATRIMOARIVONY-CHHANN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions de l'article 914-5 du code de procédure civile, la conseillère de la mise en état a décidé que la présente procédure se déroulerait sans audience et a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 03 Septembre 2025.
Par ordonnance de clôture et de fixation du 16 juin 2025, la présidente a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre commerciale de la cour composée de :
Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère
Conseiller : Madame Claire BERAUD, Conseillère
Conseiller : Madame Pascaline PILLET, Vice-Présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Madame la Première Présidente
qui en ont délibéré
et que l'arrêt serait rendu le 29 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 Octobre 2025.
Greffiere lors du dépôt de dossier et de la mise à disposition: Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
* * *
LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
L'association Islam Sounnate Djamatte, ayant pour mandataire la société de Transactions immobilières de Bourbon (ci-après la STIB), a consenti le 31 octobre 1996 à M. [F] [M] un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2] pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 1996. Ce bail a fait depuis l'objet de tacites reconductions. La destination des lieux loués était l'exploitation exclusive des activités d'horlogerie, bijouterie, bagages.
En 1998, l'association Islam Sounnate Djamatte a apporté l'ensemble immobilier dans lequel se trouvent les locaux loués à la SCI Noor-E-Islam, qui est ainsi venue aux droits de la bailleresse initiale.
Un litige est né entre la bailleresse et le preneur en 2019 au sujet de l'occupation par le preneur, de l'espace situé devant le local loué conduisant la bailleresse à l'assigner devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis qui, par jugement du 13 octobre 2021, lui a ordonné de cesser l'occupation de cet espace. Elle indique avoir découvert dans le cadre de cette instance que le locataire n'était plus immatriculé au RCS et qu'il n'exploitait plus les locaux loués mais que c'était désormais M. [W] [P] [D].
C'est dans ce contexte que, par acte de commissaire de justice du 29 décembre 2021, la SCI Noor-E- Islam a assigné M. [M] afin notamment d'obtenir la résiliation du bail commercial à ses torts exclusifs et son expulsion. Par conclusions, M. [D] a indiqué intervenir volontairement à l'instance. Les deux défendeurs ont assigné la STIB en intervention forcée, sollicitant sa condamnation à payer à M. [D] la somme de 312 985,16 euros à titre de dommages et intérêts et à être condamnée solidairement avec eux pour toute condamnation en paiement mise à leur charge. Ils ont, enfin, soulevé l'irrecevabilité de l'action de la demanderesse comme étant prescrite.
Par jugement contradictoire du 21 mai 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion a :
- reçu M. [W] [P] [D], à l'enseigne « INTER SAC », en son intervention volontaire,
- déclarée irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résiliation judiciaire du bail commercial,
- prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial en date du 31 octobre 1996 consenti à M. [F] [M], à ses torts exclusifs,
- jugé que la résiliation prononcée sera effective à compter de la date du jugement,
- ordonné l'expulsion de M. [F] [M] et de M. [W] [P] [D], de tous occupants de leur chef et de leurs biens, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,
- rappelé que le sort des biens laissés dans les locaux est réglé par les articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- jugé que le dépôt de garantie restera acquis à la société Noor-E-Islam,
- fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 2 389,20 euros (deux mille trois cent quatre-vingt-neuf euros et vingt centimes) par mois à compter de la date du jugement, outre les charges y afférent selon décompte actualisé au jour de la libération des lieux,
- rejeté l'ensemble des demandes de M. [F] [M] et M. [W] [P] [D] dirigées contre la SARL Société transactions immobilières de Bourbon,
- condamné M. [F] [M] aux entiers dépens,
- condamné in solidum M. [F] [M] et M. [W] [P] [D] à payer à la société civile Noor-E-Islam la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [F] [M] et M. [W] [P] [D] à payer à la SARL Société Transactions immobilières de Bourbon la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes des parties,
- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 14 juin 2024, M. [M] et M. [D] ont interjeté appel de cette décision en intimant la SCI Noor-E-Islam et la STIB.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 1er juillet 2024.
La SCI Noor-E- Islam a déclaré constituer avocat le 21 août 2024.
Les appelants ont notifié leurs conclusions par voie électronique le 12 septembre 2024.
Ils ont signifié la déclaration d'appel et leurs premières conclusions à la STIB par acte d'huissier remis à personne habilitée à le recevoir le 25 septembre 2024.
La STIB a déclaré constituer avocat le 5 décembre 2024.
La SCI Noor-E-Islam a notifié ses conclusions par voie électronique le 10 décembre 2024 et la STIB le 26 décembre 2024.
Par ordonnance du 16 juin 2025, la procédure a été clôturée, l'affaire fixée à l'audience de dépôt du 3 septembre 2025 et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2025.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans leurs dernières conclusions d'appel en réplique et récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 16 mai 2025, M. [M] et M. [D] demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau, de :
- déclarer irrecevable l'action de la SCI Noor-E-Islam comme étant prescrite, - débouter la SCI Noor-E-Islam de ses entières demandes,
À titre subsidiaire,
- condamner la STIB au paiement de la somme de 312 985,160 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi,
- déclarer que la STIB sera condamnée solidairement avec eux pour tout paiement mis à leur charge,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement la SCI Noor-E- Islam et la STIB à leur payer la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les appelants font valoir que :
- la bailleresse était informée depuis 2011 de la location-gérance opérée au profit de M. [D] et a implicitement accepté la cession du fonds de commerce ; son action intentée plus de cinq ans après est donc prescrite,
- la bailleresse n'ayant pas contesté la location-gérance dont elle était informée, M. [M], qui a, en outre, procédé à sa réinscription au RCS et régulièrement déclaré au fisc, n'a commis aucune faute contractuelle justifiant la résiliation du bail,
- la SCI n'a pas mis en demeure M. [M] avant de l'assigner en résiliation du bail,
- elle ne justifie pas plus avoir souffert d'un préjudice, or en l'absence de préjudice et suite à une offre de réitération du contrat de cession la résiliation n'est pas prononcée,
- la STIB était informée de la location-gérance et avait autorisé M. [D] à exploiter le local, elle a perçu les loyers versés par ce dernier sans régulariser la situation, manquement qui lui crée un préjudice financier.
Par seules et uniques conclusions d'intimée n°1 notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024, la SCI Noor-E-Islam demande à la cour rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- déclarer les appelants irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter,
- condamner chaque appelant à lui payer la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les appelants aux entiers dépens.
L'intimée fait valoir que :
- en n'exploitant pas personnellement le local sans son autorisation, en mettant son bien en location-gérance sans le lui révéler, en entreposant de la marchandise devant le local loué, en n'étant pas inscrit au RCS, en laissant un tiers occuper les lieux sans droit ni titre, en se faisant passer pour l'occupant des lieux lors du premier procès, M. [M] a violé les dispositions du bail,
- elle n'a eu connaissance de la location-gérance du local qu'à l'occasion de la sommation interpellative le 9 juin 2021, date de départ du délai de prescription.
Par seules et uniques conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 26 décembre 2024, la STIB demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes dirigées contre elle et condamné les appelants à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de :
- les condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- il n'existe aucun lien contractuel avec chacun des appelants,
- les appelants ne démontrent pas qu'elle ait eu connaissance de la location-gérance et, en tant que mandataire de la bailleresse elle n'avait pas pouvoir de l'autoriser,
- ils ne démontrent pas plus qu'elle ait commis une faute à leur encontre leur ayant causé un préjudice.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action
Le premier juge a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résiliation de bail au motif que relevant de la compétence du juge de la mise en état, elle aurait dû être soumise à ce dernier. Il appartient à la cour d'appel qui est compétente pour connaître des fins de non-recevoir soulevées en première instance de statuer sur la question de la prescription soulevée par les intimés.
En application de la combinaison des articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce les actions personnelles et mobilières se prescrivent en cinq ans, que les parties soient commerçantes ou non commerçantes, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, si les appelants soutiennent que la bailleresse était informée depuis 2011 de l'existence du contrat de location-gérance conclu entre eux, ils ne le démontrent pas.
De plus, le fait que c'était M. [D] qui payait les loyers à partir de ses comptes bancaires ne le prouve pas non plus dans la mesure où aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que les loyers ne puissent être versés par une tierce personne et que les quittances de loyer ont toujours été adressées à M. [M].
En revanche, le constat d'huissier réalisé le 29 février 2020 et les réponses données par M. [D] à la sommation interpellative du 9 juin 2021 mettent en lumière qu'il s'est fait passer pour M. [M] dans le cadre du premier litige. En outre, dans le jugement du tribunal mixte de commerce rendu le 13 octobre 2021, il n'est jamais fait mention de l'existence de M. [D] ni de celle d'un contrat de location-gérance.
Ces éléments démontrent qu'avant juin 2021 la bailleresse n'était pas informée de ce que les lieux n'étaient plus exploités par le locataire mais par son gendre dans le cadre d'un contrat de location- gérance. Dès lors, l'action engagée par assignation délivrée le 29 décembre 2021 n'est pas prescrite et les demandes formées par les intimés sont recevables.
Sur la résiliation du bail
Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat de bail en litige, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux-parties ne satisfera point a son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Aux termes de l'article 1134 du même code, dans sa version applicable au contrat de bail en litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi a ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 1741 du même code, le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.
Dans le cas d'une demande de résiliation judiciaire, les juges du fond apprécient souverainement la gravité du manquement.
Le bail commercial signé entre les parties le 31 octobre 1996 stipule dans son article X que le preneur ne pourra céder sous quelque forme que ce soit et sous peine de résiliation du contrat commercial, ses droits au présent bail sans le consentement exprès et par écrit du bailleur.
Il stipule également, dans son article XIII, que le preneur (...) ne pourra mettre en location gérance son fonds de commerce sans l'autorisation écrite du bailleur.
Il est établi par la production dudit contrat, que le locataire a donné son fonds de commerce exploité dans les locaux loués en location gérance à son gendre sans autorisation écrite du bailleur, en contravention avec les clauses du contrat de bail.
Le fait que la STIB en ait été avisée verbalement n'est, d'une part, pas démontré et d'autre part, n'exonère pas le locataire de son obligation de respecter les conditions fixées par le bail.
De même, le fait qu'il ait payé les loyers ou avancé le coût de réparations à partir de ses comptes bancaires n'a aucune conséquence sur le fait qu'il n'avait pas la qualité de locataire et que l'article XIII susvisé n'a pas été respecté, les quittances ayant toujours été adressées au locataire et ce dernier s'étant présenté comme ayant cette qualité et exploitant toujours les lieux devant le tribunal mixte de commerce lors du précédent litige sans évoquer le contrat de location-gérance qui s'exécutait pourtant depuis 2011.
En outre, l'action introduite par la bailleresse consistant en une demande de résiliation judiciaire fondée sur le droit commun des baux et non une action en résolution fondée sur la clause résolutoire stipulée par le contrat du 31 octobre 1996, elle n'était pas tenue de délivrer un commandement ou une mise en demeure sur le fondement de l'article L.145-41 du code de commerce.
En revanche, la cour d'appel n'étant pas saisie d'une demande d'annulation du contrat de location-gérance, il ne lui appartient pas de statuer sur sa régularité, pour en déduire, comme le soulève l'intimée, que sa nullité entraîne de facto la résiliation du bail.
Dès lors, le non-respect des clauses insérées au bail pendant une durée de plus de dix ans est caractérisé, aucune tentative de régularisation de la situation n'a été tentée depuis 2011 et le locataire a fait preuve de mauvaise foi lors du litige devant le tribunal mixte de commerce en cachant qu'il n'occupait plus en personne le local. Ces éléments pourraient ainsi justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du bail.
Néanmoins, le locataire démontre que le commerce n'empiète plus sur le passage situé devant le local et la bailleresse n'apporte pas la preuve contraire. Cette dernière ne justifie avoir souffert d'aucun préjudice et n'a recherché aucun consensus, délivrant l'assignation sans sommation.
Le locataire-gérant exerce la même activité que le locataire dont il a en réalité repris la gestion du fonds de commerce, est à jour du paiement des ses loyers et aucun autre manquement n'est allégué depuis 2011 que l'empiétement du passage qui a cessé, alors que, comme les pièces qu'il verse à la procédure le démontrent, les commerçants voisins en font tout autant. Le local porte l'enseigne de son commerce à la vue de tous et il a déclaré son activité à l'administration fiscale.
Il est également constant que la bailleresse ne démontre pas avoir souffert d'un préjudice du fait de la location-gérance, ni que la violation des clauses du bail soit d'une intensité telle qu'elle en remette en question les éléments déterminants alors que le locataire-gérants s'est acquitté de toutes les obligations du locataire et n'a pas contrevenu à la destination des lieux. Ces éléments pourraient ainsi justifier qu'il ne soit pas fait droit à la demande de résiliation judiciaire en l'absence d'une gravité suffisante de la faute commise et au regard des conséquences qui en résulterait pour le fonds de commerce du locataire-gérant.
Au regard des ces éléments et de l'enjeu du litige, il apparaît, dès lors, que les parties sont susceptibles de trouver une solution au litige qui les oppose.
Aux termes de l'article 1533 du code de procédure civile, le juge peut, à tout moment de l'instance, enjoindre aux parties de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un conciliateur de justice ou un médiateur qui les informera sur l'objet et le déroulement de la conciliation ou de la médiation.
Au cours de cette rencontre, les parties peuvent être assistées par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction saisie.
Le juge peut également, dans la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un conciliateur de justice ou un médiateur, ordonner une conciliation ou une médiation en subordonnant la mesure au recueil du consentement des parties par le conciliateur ou le médiateur.
Il convient par conséquent d'enjoindre les parties à rencontrer un médiateur et le CMB (Centre de médiation des Barreaux) inscrit sur la liste de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion sera désigné à cette fin.
L'ensemble des demandes et des dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'action formée par la SCI Noor-E-Islam ;
Avant dire droit,
Enjoint aux parties de rencontrer un médiateur aux fins d'information sur le processus de médiation, lors d'une séance gratuite, dans un délai de deux mois maximum à compter du prononcé du présent arrêt ;
Désigne le CMB ([Adresse 7]) aux fins d'informer les parties sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation ;
Dit que la présence de toutes les parties à cette réunion qui sera organisée par le médiateur est OBLIGATOIRE, en application des dispositions de l'article 22-1 de la loi du 8 février 1995, modifié par l'article 3 de la loi du 23 mars 2019 ; la présence des conseils, auxquels il est possible de donner mandat pour prendre position sur l'instauration d'une médiation, étant recommandée ;
Dit que le médiateur, passé le délai de deux mois ci-dessus, à compter de la réception de la présente mission, devra informer le greffe de la mise en place ou non de la mesure de médiation;
Rappelle que la médiation peut, sous condition de ressources, être prise en charge par l'aide juridictionnelle ;
Rappelle que l'accord de toutes les parties est indispensable pour recourir à cette mesure ;
Rappelle que la médiation permet à chaque partie de rechercher et de négocier des solutions satisfaisantes, avec l'aide d'une tierce personne impartiale, nommée par le magistrat, 'le médiateur', au cours d'entretiens confidentiels, destinés à renouer le dialogue et exprimer les attentes de chacun ;
Rappelle que la juridiction reste saisie pendant le cours de la médiation ;
En cas d'accord des parties sur la mise en 'uvre d'une médiation judiciaire,
Désigne en qualité de médiateur le CMB (Centre de médiation des Barreaux) afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ;
Fixe la durée de la médiation à trois mois, à compter du versement de la provision entre les mains du médiateur,
Dit que la durée de la médiation pourra, le cas échéant, être prorogée, avec l'accord des parties, pour une période maximum de trois mois, à la demande du médiateur ;
Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 2 400 euros ;
Dit que chacune des parties devra verser la moitié de cette somme entre les mains du médiateur avant le 15 janvier 2026 ;
Dit que le médiateur devra immédiatement aviser le greffe de la cour de l'absence de mise en 'uvre de cette mesure, ou de son interruption, et tenir la cour informée de la date à laquelle la provision a été versée entre ses mains,
Dit que faute de versement de la provision ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation du médiateur sera caduque et de nul effet, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ;
Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer la cour de ce que les parties sont parvenues ou non à trouver une solution au litige qui les oppose ;
Dit que le rapport de mission, qui ne fera pas mention des propositions transactionnelles éventuellement avancées par l'une ou l'autre des parties, sera remis au greffe, ainsi qu'à chacune des parties, avant le 30 avril 2026,
Dit que, sur requête conjointe ou sur la demande de la partie la plus diligente, la cour pourra de nouveau être saisie pour statuer sur toutes difficultés nées de l'exécution de la présente décision,
Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir la cour à tout moment pour faire homologuer ledit accord par voie judiciaire,
Rappelle que la rémunération du médiateur est fixée, à l'issue de sa mission, en accord avec les parties ; à défaut d'accord, la rémunération est fixée par le juge,
Renvoie le dossier à l'audience de mise en état du 15 juin 2026 à 14 heures (audience dématérialisée),
Réserve l'ensemble des demandes et des dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
CB
R.G : N° RG 24/00734 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GB75
[M]
[D]
C/
S.C. NOOR-E-ISLAM
S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE TRANSACTION IMMOBILIÈRES DE BOURBON .T.I.B)
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 29 OCTOBRE 2025
Chambre commerciale
Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 9] DE [Localité 8] en date du 21 MAI 2024 suivant déclaration d'appel en date du 14 JUIN 2024 RG n° 21/03433
APPELANTS :
Monsieur [F] [M]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Marius Henri RAKOTONIRINA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Monsieur [W] [P] [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Marius Henri RAKOTONIRINA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉES :
S.C. NOOR-E-ISLAM
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Norman SULLIMAN de la SELARL NORMAN SULLIMAN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
S.A.R.L. SOCIÉTÉ DE TRANSACTION IMMOBILIÈRES DE BOURBON .T.I.B)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Xavier BELLIARD de l'AARPI BELLIARD-RATRIMOARIVONY-CHHANN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions de l'article 914-5 du code de procédure civile, la conseillère de la mise en état a décidé que la présente procédure se déroulerait sans audience et a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 03 Septembre 2025.
Par ordonnance de clôture et de fixation du 16 juin 2025, la présidente a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre commerciale de la cour composée de :
Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère
Conseiller : Madame Claire BERAUD, Conseillère
Conseiller : Madame Pascaline PILLET, Vice-Présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Madame la Première Présidente
qui en ont délibéré
et que l'arrêt serait rendu le 29 Octobre 2025 par mise à disposition au greffe.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 29 Octobre 2025.
Greffiere lors du dépôt de dossier et de la mise à disposition: Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.
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LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
L'association Islam Sounnate Djamatte, ayant pour mandataire la société de Transactions immobilières de Bourbon (ci-après la STIB), a consenti le 31 octobre 1996 à M. [F] [M] un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2] pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 1996. Ce bail a fait depuis l'objet de tacites reconductions. La destination des lieux loués était l'exploitation exclusive des activités d'horlogerie, bijouterie, bagages.
En 1998, l'association Islam Sounnate Djamatte a apporté l'ensemble immobilier dans lequel se trouvent les locaux loués à la SCI Noor-E-Islam, qui est ainsi venue aux droits de la bailleresse initiale.
Un litige est né entre la bailleresse et le preneur en 2019 au sujet de l'occupation par le preneur, de l'espace situé devant le local loué conduisant la bailleresse à l'assigner devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis qui, par jugement du 13 octobre 2021, lui a ordonné de cesser l'occupation de cet espace. Elle indique avoir découvert dans le cadre de cette instance que le locataire n'était plus immatriculé au RCS et qu'il n'exploitait plus les locaux loués mais que c'était désormais M. [W] [P] [D].
C'est dans ce contexte que, par acte de commissaire de justice du 29 décembre 2021, la SCI Noor-E- Islam a assigné M. [M] afin notamment d'obtenir la résiliation du bail commercial à ses torts exclusifs et son expulsion. Par conclusions, M. [D] a indiqué intervenir volontairement à l'instance. Les deux défendeurs ont assigné la STIB en intervention forcée, sollicitant sa condamnation à payer à M. [D] la somme de 312 985,16 euros à titre de dommages et intérêts et à être condamnée solidairement avec eux pour toute condamnation en paiement mise à leur charge. Ils ont, enfin, soulevé l'irrecevabilité de l'action de la demanderesse comme étant prescrite.
Par jugement contradictoire du 21 mai 2024, le tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion a :
- reçu M. [W] [P] [D], à l'enseigne « INTER SAC », en son intervention volontaire,
- déclarée irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résiliation judiciaire du bail commercial,
- prononcé la résiliation judiciaire du bail commercial en date du 31 octobre 1996 consenti à M. [F] [M], à ses torts exclusifs,
- jugé que la résiliation prononcée sera effective à compter de la date du jugement,
- ordonné l'expulsion de M. [F] [M] et de M. [W] [P] [D], de tous occupants de leur chef et de leurs biens, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,
- rappelé que le sort des biens laissés dans les locaux est réglé par les articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- jugé que le dépôt de garantie restera acquis à la société Noor-E-Islam,
- fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 2 389,20 euros (deux mille trois cent quatre-vingt-neuf euros et vingt centimes) par mois à compter de la date du jugement, outre les charges y afférent selon décompte actualisé au jour de la libération des lieux,
- rejeté l'ensemble des demandes de M. [F] [M] et M. [W] [P] [D] dirigées contre la SARL Société transactions immobilières de Bourbon,
- condamné M. [F] [M] aux entiers dépens,
- condamné in solidum M. [F] [M] et M. [W] [P] [D] à payer à la société civile Noor-E-Islam la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [F] [M] et M. [W] [P] [D] à payer à la SARL Société Transactions immobilières de Bourbon la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes des parties,
- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 14 juin 2024, M. [M] et M. [D] ont interjeté appel de cette décision en intimant la SCI Noor-E-Islam et la STIB.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 1er juillet 2024.
La SCI Noor-E- Islam a déclaré constituer avocat le 21 août 2024.
Les appelants ont notifié leurs conclusions par voie électronique le 12 septembre 2024.
Ils ont signifié la déclaration d'appel et leurs premières conclusions à la STIB par acte d'huissier remis à personne habilitée à le recevoir le 25 septembre 2024.
La STIB a déclaré constituer avocat le 5 décembre 2024.
La SCI Noor-E-Islam a notifié ses conclusions par voie électronique le 10 décembre 2024 et la STIB le 26 décembre 2024.
Par ordonnance du 16 juin 2025, la procédure a été clôturée, l'affaire fixée à l'audience de dépôt du 3 septembre 2025 et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2025.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Dans leurs dernières conclusions d'appel en réplique et récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 16 mai 2025, M. [M] et M. [D] demandent à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et statuant à nouveau, de :
- déclarer irrecevable l'action de la SCI Noor-E-Islam comme étant prescrite, - débouter la SCI Noor-E-Islam de ses entières demandes,
À titre subsidiaire,
- condamner la STIB au paiement de la somme de 312 985,160 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi,
- déclarer que la STIB sera condamnée solidairement avec eux pour tout paiement mis à leur charge,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement la SCI Noor-E- Islam et la STIB à leur payer la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Les appelants font valoir que :
- la bailleresse était informée depuis 2011 de la location-gérance opérée au profit de M. [D] et a implicitement accepté la cession du fonds de commerce ; son action intentée plus de cinq ans après est donc prescrite,
- la bailleresse n'ayant pas contesté la location-gérance dont elle était informée, M. [M], qui a, en outre, procédé à sa réinscription au RCS et régulièrement déclaré au fisc, n'a commis aucune faute contractuelle justifiant la résiliation du bail,
- la SCI n'a pas mis en demeure M. [M] avant de l'assigner en résiliation du bail,
- elle ne justifie pas plus avoir souffert d'un préjudice, or en l'absence de préjudice et suite à une offre de réitération du contrat de cession la résiliation n'est pas prononcée,
- la STIB était informée de la location-gérance et avait autorisé M. [D] à exploiter le local, elle a perçu les loyers versés par ce dernier sans régulariser la situation, manquement qui lui crée un préjudice financier.
Par seules et uniques conclusions d'intimée n°1 notifiées par voie électronique le 10 décembre 2024, la SCI Noor-E-Islam demande à la cour rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- déclarer les appelants irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter,
- condamner chaque appelant à lui payer la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les appelants aux entiers dépens.
L'intimée fait valoir que :
- en n'exploitant pas personnellement le local sans son autorisation, en mettant son bien en location-gérance sans le lui révéler, en entreposant de la marchandise devant le local loué, en n'étant pas inscrit au RCS, en laissant un tiers occuper les lieux sans droit ni titre, en se faisant passer pour l'occupant des lieux lors du premier procès, M. [M] a violé les dispositions du bail,
- elle n'a eu connaissance de la location-gérance du local qu'à l'occasion de la sommation interpellative le 9 juin 2021, date de départ du délai de prescription.
Par seules et uniques conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 26 décembre 2024, la STIB demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes dirigées contre elle et condamné les appelants à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de :
- les condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- il n'existe aucun lien contractuel avec chacun des appelants,
- les appelants ne démontrent pas qu'elle ait eu connaissance de la location-gérance et, en tant que mandataire de la bailleresse elle n'avait pas pouvoir de l'autoriser,
- ils ne démontrent pas plus qu'elle ait commis une faute à leur encontre leur ayant causé un préjudice.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action
Le premier juge a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en résiliation de bail au motif que relevant de la compétence du juge de la mise en état, elle aurait dû être soumise à ce dernier. Il appartient à la cour d'appel qui est compétente pour connaître des fins de non-recevoir soulevées en première instance de statuer sur la question de la prescription soulevée par les intimés.
En application de la combinaison des articles 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce les actions personnelles et mobilières se prescrivent en cinq ans, que les parties soient commerçantes ou non commerçantes, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, si les appelants soutiennent que la bailleresse était informée depuis 2011 de l'existence du contrat de location-gérance conclu entre eux, ils ne le démontrent pas.
De plus, le fait que c'était M. [D] qui payait les loyers à partir de ses comptes bancaires ne le prouve pas non plus dans la mesure où aucune disposition légale ou réglementaire n'impose que les loyers ne puissent être versés par une tierce personne et que les quittances de loyer ont toujours été adressées à M. [M].
En revanche, le constat d'huissier réalisé le 29 février 2020 et les réponses données par M. [D] à la sommation interpellative du 9 juin 2021 mettent en lumière qu'il s'est fait passer pour M. [M] dans le cadre du premier litige. En outre, dans le jugement du tribunal mixte de commerce rendu le 13 octobre 2021, il n'est jamais fait mention de l'existence de M. [D] ni de celle d'un contrat de location-gérance.
Ces éléments démontrent qu'avant juin 2021 la bailleresse n'était pas informée de ce que les lieux n'étaient plus exploités par le locataire mais par son gendre dans le cadre d'un contrat de location- gérance. Dès lors, l'action engagée par assignation délivrée le 29 décembre 2021 n'est pas prescrite et les demandes formées par les intimés sont recevables.
Sur la résiliation du bail
Aux termes de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat de bail en litige, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux-parties ne satisfera point a son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Aux termes de l'article 1134 du même code, dans sa version applicable au contrat de bail en litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi a ceux qui les ont faites.
Aux termes de l'article 1741 du même code, le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.
Dans le cas d'une demande de résiliation judiciaire, les juges du fond apprécient souverainement la gravité du manquement.
Le bail commercial signé entre les parties le 31 octobre 1996 stipule dans son article X que le preneur ne pourra céder sous quelque forme que ce soit et sous peine de résiliation du contrat commercial, ses droits au présent bail sans le consentement exprès et par écrit du bailleur.
Il stipule également, dans son article XIII, que le preneur (...) ne pourra mettre en location gérance son fonds de commerce sans l'autorisation écrite du bailleur.
Il est établi par la production dudit contrat, que le locataire a donné son fonds de commerce exploité dans les locaux loués en location gérance à son gendre sans autorisation écrite du bailleur, en contravention avec les clauses du contrat de bail.
Le fait que la STIB en ait été avisée verbalement n'est, d'une part, pas démontré et d'autre part, n'exonère pas le locataire de son obligation de respecter les conditions fixées par le bail.
De même, le fait qu'il ait payé les loyers ou avancé le coût de réparations à partir de ses comptes bancaires n'a aucune conséquence sur le fait qu'il n'avait pas la qualité de locataire et que l'article XIII susvisé n'a pas été respecté, les quittances ayant toujours été adressées au locataire et ce dernier s'étant présenté comme ayant cette qualité et exploitant toujours les lieux devant le tribunal mixte de commerce lors du précédent litige sans évoquer le contrat de location-gérance qui s'exécutait pourtant depuis 2011.
En outre, l'action introduite par la bailleresse consistant en une demande de résiliation judiciaire fondée sur le droit commun des baux et non une action en résolution fondée sur la clause résolutoire stipulée par le contrat du 31 octobre 1996, elle n'était pas tenue de délivrer un commandement ou une mise en demeure sur le fondement de l'article L.145-41 du code de commerce.
En revanche, la cour d'appel n'étant pas saisie d'une demande d'annulation du contrat de location-gérance, il ne lui appartient pas de statuer sur sa régularité, pour en déduire, comme le soulève l'intimée, que sa nullité entraîne de facto la résiliation du bail.
Dès lors, le non-respect des clauses insérées au bail pendant une durée de plus de dix ans est caractérisé, aucune tentative de régularisation de la situation n'a été tentée depuis 2011 et le locataire a fait preuve de mauvaise foi lors du litige devant le tribunal mixte de commerce en cachant qu'il n'occupait plus en personne le local. Ces éléments pourraient ainsi justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du bail.
Néanmoins, le locataire démontre que le commerce n'empiète plus sur le passage situé devant le local et la bailleresse n'apporte pas la preuve contraire. Cette dernière ne justifie avoir souffert d'aucun préjudice et n'a recherché aucun consensus, délivrant l'assignation sans sommation.
Le locataire-gérant exerce la même activité que le locataire dont il a en réalité repris la gestion du fonds de commerce, est à jour du paiement des ses loyers et aucun autre manquement n'est allégué depuis 2011 que l'empiétement du passage qui a cessé, alors que, comme les pièces qu'il verse à la procédure le démontrent, les commerçants voisins en font tout autant. Le local porte l'enseigne de son commerce à la vue de tous et il a déclaré son activité à l'administration fiscale.
Il est également constant que la bailleresse ne démontre pas avoir souffert d'un préjudice du fait de la location-gérance, ni que la violation des clauses du bail soit d'une intensité telle qu'elle en remette en question les éléments déterminants alors que le locataire-gérants s'est acquitté de toutes les obligations du locataire et n'a pas contrevenu à la destination des lieux. Ces éléments pourraient ainsi justifier qu'il ne soit pas fait droit à la demande de résiliation judiciaire en l'absence d'une gravité suffisante de la faute commise et au regard des conséquences qui en résulterait pour le fonds de commerce du locataire-gérant.
Au regard des ces éléments et de l'enjeu du litige, il apparaît, dès lors, que les parties sont susceptibles de trouver une solution au litige qui les oppose.
Aux termes de l'article 1533 du code de procédure civile, le juge peut, à tout moment de l'instance, enjoindre aux parties de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un conciliateur de justice ou un médiateur qui les informera sur l'objet et le déroulement de la conciliation ou de la médiation.
Au cours de cette rencontre, les parties peuvent être assistées par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction saisie.
Le juge peut également, dans la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un conciliateur de justice ou un médiateur, ordonner une conciliation ou une médiation en subordonnant la mesure au recueil du consentement des parties par le conciliateur ou le médiateur.
Il convient par conséquent d'enjoindre les parties à rencontrer un médiateur et le CMB (Centre de médiation des Barreaux) inscrit sur la liste de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion sera désigné à cette fin.
L'ensemble des demandes et des dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable l'action formée par la SCI Noor-E-Islam ;
Avant dire droit,
Enjoint aux parties de rencontrer un médiateur aux fins d'information sur le processus de médiation, lors d'une séance gratuite, dans un délai de deux mois maximum à compter du prononcé du présent arrêt ;
Désigne le CMB ([Adresse 7]) aux fins d'informer les parties sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation ;
Dit que la présence de toutes les parties à cette réunion qui sera organisée par le médiateur est OBLIGATOIRE, en application des dispositions de l'article 22-1 de la loi du 8 février 1995, modifié par l'article 3 de la loi du 23 mars 2019 ; la présence des conseils, auxquels il est possible de donner mandat pour prendre position sur l'instauration d'une médiation, étant recommandée ;
Dit que le médiateur, passé le délai de deux mois ci-dessus, à compter de la réception de la présente mission, devra informer le greffe de la mise en place ou non de la mesure de médiation;
Rappelle que la médiation peut, sous condition de ressources, être prise en charge par l'aide juridictionnelle ;
Rappelle que l'accord de toutes les parties est indispensable pour recourir à cette mesure ;
Rappelle que la médiation permet à chaque partie de rechercher et de négocier des solutions satisfaisantes, avec l'aide d'une tierce personne impartiale, nommée par le magistrat, 'le médiateur', au cours d'entretiens confidentiels, destinés à renouer le dialogue et exprimer les attentes de chacun ;
Rappelle que la juridiction reste saisie pendant le cours de la médiation ;
En cas d'accord des parties sur la mise en 'uvre d'une médiation judiciaire,
Désigne en qualité de médiateur le CMB (Centre de médiation des Barreaux) afin d'entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ;
Fixe la durée de la médiation à trois mois, à compter du versement de la provision entre les mains du médiateur,
Dit que la durée de la médiation pourra, le cas échéant, être prorogée, avec l'accord des parties, pour une période maximum de trois mois, à la demande du médiateur ;
Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 2 400 euros ;
Dit que chacune des parties devra verser la moitié de cette somme entre les mains du médiateur avant le 15 janvier 2026 ;
Dit que le médiateur devra immédiatement aviser le greffe de la cour de l'absence de mise en 'uvre de cette mesure, ou de son interruption, et tenir la cour informée de la date à laquelle la provision a été versée entre ses mains,
Dit que faute de versement de la provision ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation du médiateur sera caduque et de nul effet, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ;
Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer la cour de ce que les parties sont parvenues ou non à trouver une solution au litige qui les oppose ;
Dit que le rapport de mission, qui ne fera pas mention des propositions transactionnelles éventuellement avancées par l'une ou l'autre des parties, sera remis au greffe, ainsi qu'à chacune des parties, avant le 30 avril 2026,
Dit que, sur requête conjointe ou sur la demande de la partie la plus diligente, la cour pourra de nouveau être saisie pour statuer sur toutes difficultés nées de l'exécution de la présente décision,
Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir la cour à tout moment pour faire homologuer ledit accord par voie judiciaire,
Rappelle que la rémunération du médiateur est fixée, à l'issue de sa mission, en accord avec les parties ; à défaut d'accord, la rémunération est fixée par le juge,
Renvoie le dossier à l'audience de mise en état du 15 juin 2026 à 14 heures (audience dématérialisée),
Réserve l'ensemble des demandes et des dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE