CA Bordeaux, 4e ch. com., 3 novembre 2025, n° 25/02710
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/02710 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-OJUL
SAS BKH
c/
URSSAF AQUITAINE
S.E.L.A.R.L. [C]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mai 2025 (R.G. 2025000866) par le Tribunal de Commerce de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 26 mai 2025
APPELANTE :
SAS BKH, immatriculée au RCS de [Localité 21] sous le numéro 853 586 337, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 17]
Représentée par Maître Catherine COUVRAND de la SELARL COUVRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentée par Maître Louis COULAUD de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
SELARL [C], prise en la personne de Maître [M] [R] [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BKH, domicilié en cette qualité [Adresse 1]
Représentée par Maître Benjamin MEZIANE, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Pauline SEVESTRE, avocat au barreau de BORDEAUX, substituant Maître François DUPUY de la SCP HADENGUE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Bérengère VALLEE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE
1. La SASU BKH, dirigée par M. [G] et immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Périgueux, a pour activité la gestion de fonds de commerce sous gérance-mandat. Son siège social est fixé [Adresse 13] [Localité 19] (Dordogne).
Par acte de commissaire de justice du 28 novembre 2024, l'Urssaf Aquitaine a fait signifier à la société SAS BKH une contrainte portant sur le recouvrement des cotisations, contributions sociales et majorations de retard dues au titre des mois de février 2024 et mars 2024, pour la somme de 37'390,20 euros en cotisations et majorations.
Une saisie attribution mise en 'uvre le 16 janvier 2025 par l'Urssaf auprès du Crédit Agricole aux fins de recouvrement des sommes visées à la contrainte s'est révélée infructueuse.
2. Par acte de commissaire de justice du 17 février 2025, l'Urssaf Aquitaine a assigné la SAS BKH devant le tribunal de commerce de Périgueux aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Par jugement du 17 mars 2025, le tribunal de commerce de Périgueux a désigné un juge-commis, et, par ordonnance du 20 mars 2025, la Selarl de Keating a été désignée par celui-ci en qualité d'expert chargé de l'assister juge commis. M. [G] a été vainement convoqué par courriers recommandés des 26 mars 2025 et 17 avril 2025 afin de recueillir ses observations sur la situation financière de la société SAS BKH.
Au terme de sa mission, la société de Keating a déposé un rapport dans lequel elle soulignait la carence volontaire de M. [G] et relevait que le passif échu de la société SAS BKH s'élevait a minima à 532 465,17 euros pour un actif disponible nul, de sorte qu'elle se montrait favorable à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de cette dernière.
3. Par jugement réputé contradictoire du 6 mai 2025, le tribunal de commerce de Périgueux a :
- Ouvert la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue par les dispositions du code de commerce à l'égard de :
La société BKH (SAS)
[Adresse 10]
[Adresse 18] (service financier et assurance)
[Localité 3]
Etablissement principal : [Adresse 11],
- Fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 décembre 2023,
- Renvoyé au 4 novembre 2025,
- Désigné en qualité de juge commissaire [N] [T],
- Désigné en qualité de juge commissaire suppléant [I] [J],
- Désigné en qualité de liquidateur judiciaire la société de Keating - Maître [M] [R] [C] - [Adresse 2],
- Dit que les actifs mobiliers de l'entreprise feront l'objet immédiatement d'un inventaire descriptif et estimatif, conformément aux dispositions des articles L. 622-6 et R. 622-4 du code de commerce,
- Désigné à cette fin la société [D] [U] - [Adresse 6],
- Imparti aux créanciers pour la déclaration de leurs créances, un délai de deux mois à compter de la publication du présent jugement au BODACC,
- Invité la société BKH (SAS) à remettre au mandataire judiciaire, dans les huit jours suivant la notification du présent jugement, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours et à l'informer des instances en cours auxquelles il/elle est partie, et rappelé qu'il appartiendra au mandataire judiciaire de déposer cette liste au greffe, en vertu des articles L. 622-6 et R. 622-5 du code de commerce,
- Dit que le mandataire judiciaire déposera au greffe, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois à compter du terme des délais impartis aux créanciers pour déclarer leurs créances (L. 624-1 du code de commerce),
- Invité la société BKH (SAS) à réunir dans le délai maximum de dix jours à compter du présent jugement le personnel afin d'élire un représentant des salariés (art L. 621-4 du code de commerce),
- Dit que le procès-verbal de désignation comportant le nom et l'adresse du représentant des salariés ou le procès-verbal de carence devra être déposé immédiatement au greffe,
- Ordonné les avis et mentions prévus par les dispositions légales,
- Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
4. Par déclaration au greffe de la cour du 27 mai 2025, la SAS BKH a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant L'Urssaf Aquitaine et la société SELARL [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAS BKH (n° RG 25/02710).
Par déclaration au greffe du 28 mai 2025, la société SAS BKH a de nouveau relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société SELARL [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAS BKH (n° RG 25/02726).
Selon avis du 20 juin 2025, le conseiller de la mise en état a joint les deux affaires N° RG 25/02726 et N° RG 25/02710.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 29 septembre 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
5. Par conclusions déposées en dernier lieu le 26 septembre 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la SAS Bkh demande à la cour de :
Vu les articles 14 et suivants, 55 et suivants, 73 et suivants, 112 et suivants, 503 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce,
Vu les pièces produites au dossier,
Révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 15 septembre 2025,
Recevoir la SAS BKH en ses présentes conclusions
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement n°RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- Juger que l'assignation délivrée par l'Urssaf Aquitaine le 17 février 2025 est entachée de nullité,
- Juger que la procédure est en violation du respect du principe du contradictoire au sein de la procédure entreprise,
- Juger que le jugement n° RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025 est inopposable à l'égard de la société SAS BKH,
- Prononcer la nullité du jugement n° RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025,
- Juger que les contraintes réalisées par l'Urssaf Aquitaine sont entachées de nullité,
- Juger que les conditions d'ouverture d'une liquidation judiciaire à la demande d'un créancier ne sont pas remplies,
- Prononcer l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 17 mars 2025,
- Prononcer l'annulation du jugement n° RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025 prononçant la liquidation de la société SAS BKH,
- Prononcer l'annulation tant de l'ouverture que des conséquences de la liquidation judiciaire prononcée,
En tout état de cause,
- Recevoir la société SAS BKH en ses demandes, fins et prétentions,
- Inviter la société SAS BKH à se prévaloir de ses explications, au vu du rapport ou tout autre document ayant été usité pour parvenir à ladite liquidation judiciaire,
- Condamner la société SELARL [C] et l'Urssaf au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
6. Par conclusions déposées en dernier lieu le 29 juillet 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la Selarl de Keating, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BKH, demande à la cour de :
Vu les articles L. 621-1, L. 631-1, L. 631-5, L. 640-1, L. 640-5, R. 621-4, R. 640-2, R. 641-1, R. 661-1 du code de commerce,
Vu l'article 659 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées au débat,
A titre principal :
- Confirmer le jugement du 6 mai 2025 rendue par le tribunal de commerce de Périgueux en toutes ses dispositions,
- Débouter la société SAS BKH de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
Dans l'hypothèse où la Cour annulerait le jugement :
- Statuer à nouveau sur la réunion des conditions présidant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
- Ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
Dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement :
- Statuer à nouveau sur la réunion des conditions présidant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
En tout état de cause :
- Débouter la société SAS BKH de sa demande visant à voir la société SELARL [C] condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
7. Par conclusions déposées en dernier lieu le 26 septembre 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, l'Urssaf d'Aquitaine demande à la cour de :
- Rejeter les conclusions notifiées par la société BKH le 26 septembre 2025 et débouter les société de sa demande de report de l'ordonnance de clôture
- Débouter la société SAS BKH de l'ensemble de ses demandes comme non fondées ni justifiées,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux,
- Fixer la créance de l'Urssaf Aquitaine au passif de la société SAS BKH à la somme
de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procéure civile,
- Statuer ce que de droit sur les dépens.
8. Le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel, par avis du 5 août 2025, conclut à la confirmation du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société SAS BKH. En outre, il considère incertaine la recevabilité de l'appel, et considère qu'au regard du jugement et des diligences entreprises par le commissaire de justice l'assignation est valable et le jugement est réputé contradictoire, et que les arguments tenant à la violation du principe du contradictoire ainsi qu'à l'inopposabilité du jugement à la société et à sa nullité ne sont pas recevables en raison de la carence du dirigeant de la société à toutes les étapes de sa procédure et de sa mauvaise foi évidente.
Cet avis, parvenu par message électronique au greffe, a été intégré au dossier de la cour, et a de ce fait été communiqué aux conseils des parties.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
9. La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 15 septembre 2025. Toutefois, à l'audience, la cour a constaté l'accord des parties sur un report de la clôture, qui a été prononcée à l'audience.
Le 8 octobre 2025, la Selarl de Keating, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BKH, a produit une note en délibéré dûment autorisée par la cour lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
10. Il n'y a pas lieu de statuer davantage sur la clôture de la procédure, tranchée par la cour à l'audience.
Sur la demande de nullité des contraintes Urssaf
11. La société BKH soutient, notamment, la nullité des contraintes émises par l'Urssaf, en faisant valoir l'absence de leur signification régulière à l'adresse réelle du cotisant.
Réponse de la cour
12. Il résulte du code de la sécurité sociale, et particulièrement de son article R. 133-3, que les oppositions et contestations aux contraintes émises par les organismes de sécurité sociales relèvent de la compétence du tribunal judiciaire, pôle social, du domicile du débiteur.
Ainsi, la présente cour, saisie de l'appel d'une instance en ouverture par un tribunal de commerce d'une procédure collective, n'a pas pouvoir pour statuer sur la validité des contraintes émises par l'Urssaf d'Aquitaine.
13. La demande est irrecevable.
Sur les demandes de nullité de l'assignation et des jugements rendus par le tribunal de commerce
14. La société BKH poursuit aussi la nullité de l'assignation et des deux jugements du tribunal de commerce de Périgueux des 17 mars et 6 mai 2025. L'appelante fait valoir qu'elle n'a jamais été attraite régulièrement en justice. Elle précise que l'adresse de son dirigeant est à [Localité 9] (Gironde), et que cette information et la liste des souscripteurs figurent dans les statuts et sur le site internet gratuit Pappers. Elle reproche au commissaire de justice de ne pas avoir cherché à signifier au représentant légal, alors que l'Urssaf connaissait l'adresse réelle du cotisant, ce qui lui a causé un grief. Elle ajoute que c'est à tort que le dossier est suivi par l'Urssaf d'Aquitaine et non l'Urssaf de [Localité 21]. Enfin, la société BKH soulève enfin l'absence de contradictoire du jugement.
15. L'Urssaf oppose les dispositions des article 659 et 43 du code de procédure civile pour justifier de l'assignation au siège social de la société, et les diligences du commissaire de justice, faisant observer que la déclaration d'appel porte toujours la même adresse de siège social.
16. Le mandataire liquidateur conclut à la régularité de l'introduction de l'instance, faite par voie d'assignation d'un créancier signifiée à l'adresse du siège social de la société, inchangée depuis 2020, figurant sur les statuts et au Registre du commerce et des sociétés.
Réponse de la cour
17. Il résulte des dispositions des article L. 213-1 et suivants du code de la sécurité sociale que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) assurent le recouvrement de l'ensemble des cotisations et contributions finançant les régimes de base ou complémentaires de sécurité sociale rendus obligatoires par la loi. Il résulte aussi des informations diffusées par cet organisme que l'Urssaf Aquitaine est une unité régionale structurée autour d'un siège régional situé à [Localité 16] et de six sites départementaux ([Localité 8], [Localité 7], [Localité 14], [Localité 15], [Localité 20] et [Localité 21]). Les sites Urssaf en région assurent notamment des missions de recouvrement.
Ainsi, c'est à bon droit que l'Urssaf d'Aquitaine, échelon régional, et non celle du site de Périgueux, qui n'a pas la qualité d'échelon régional, a agi en l'espèce en qualité de créancier de la société BKH pour l'assigner devant le tribunal de commerce.
Le moyen de l'appelante tiré de ce chef est inopérant.
18. Aux termes de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement. Ce n'est qu'à défaut d'un tel lieu qu'elle est faite à la personne d'un de ses membres. Ainsi, dès lors que la personne morale a un siège social, le commissaire de justice instrumentaire n'a pas à tenter de délivrer l'acte à la personne d'un gérant, même à une adresse de ce gérant qui serait par ailleurs connue de lui ou de son requérant.
19. En l'espèce, il est constant que l'assignation était destinée à la SAS BKH, qui dispose, selon ses statuts et le Registre du commerce et des sociétés, d'un siège social fixé [Adresse 12] à Marsac-sur-l'Isle (Dordogne).
20. C'est donc à bon droit que le commissaire de justice instrumentaire s'est présenté le 7 février 2025 à ce siège social pour signifier l'assignation à la société BKH. Il résulte de son procès-verbal qu'il a constaté sur place que la société BKH n'y avait plus d'activité, et l'exploitante d'un commerce B&M situé à cette adresse a déclaré qu'elle avait repris le commerce depuis le 1er juin 2023. Aucune recherche supplémentaire n'a permis de trouver une autre adresse pour la société BKH.
21. Le commissaire de justice a alors dressé le procès-verbal exigé en ces circonstances par l'article 659 du code de procédure civile, et a procédé aux envois de la lettre recommandée avec accusé de réception et de la lettre simple prévus par ce texte.
22. L'Urssaf est fondée à relever que la société BKH ne fournit aucune explication sur l'absence d'activité ou de présence à son siège social, et qu'elle ne soutient pas non plus avoir modifié la localisation de celui-ci. D'ailleurs, elle se domicilie toujours à ce même siège social dans sa déclaration d'appel.
23. Il en résulte que l'assignation est régulière, contrairement à ce que soutient l'appelante, qu'elle n'encourt aucune nullité, et que les jugements attaqués au motif d'un défaut de délivrance d'une assignation sont réguliers.
24. Il en est de même pour ce qui est du recueil préalable de renseignements, ordonné par le premier jugement du 17 mars 2025.
25. Il résulte des dispositions de l'article L. 621-1 alinéa 4 du code de commerce que le tribunal peut, avant de statuer, commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise. Ce juge peut se faire assister de tout expert de son choix. Cette enquête doit se dérouler dans le respect du contradictoire.
26. En l'espèce, le tribunal de commerce de Périgueux, régulièrement saisi par l'assignation valable de l'Urssaf, a valablement décidé de mettre en 'uvre cette procédure d'enquête sur la situation de la société BKH, en commettant l'un des juges du tribunal qui a désigné, selon ordonnance du 20 mars suivant, la Selarl de Keating en qualité d'expert.
27. L'enquêteur établit qu'il a vainement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le dirigeant M. [G] non seulement au siège social ci-dessus, mais également à son domicile [Adresse 5] [Localité 9] (Gironde), sans pouvoir découvrir une autre adresse (ses pièces n° 10 et 11), et alors même que cette adresse est désignée comme la sienne dans les conclusions de l'appelante (page 6).
28. Enfin, l'invocation d'une absence de contradictoire du jugement du 6 mai 2025 ici invoquée par BKH est sans portée. Ce jugement, réputé contradictoire comme susceptible d'appel, est en effet conforme aux prescriptions de l'article 473 second alinéa du code de procédure civile.
29. Il est produit une convocation par le greffe de la société BKH à l'adresse de son siège social pour l'audience du 6 mai 2025 à 14h30 (pièce n° 12 du liquidateur), pour laquelle la société ne s'est pas présentée, sans pour autant s'expliquer sur sa carence.
30. La demande de nullité de l'assignation et des deux jugements, qui n'encourent pas les griefs soulevés à leur encontre, sera rejetée.
Sur l'ouverture d'une liquidation judiciaire
31. La société BKH conteste à titre subsidiaire l'ouverture d'une liquidation judiciaire. Elle fait valoir qu'elle conteste la créance de l'Urssaf dans son principe et son montant, et que son dirigeant n'a pas eu connaissance des montants réclamés. Elle en conclut que la créance n'est pas certaine, liquide et exigible.
32. L'Urssaf oppose la définition légale de la cessation des paiements et souligne que la société BKH ne verse aucune pièce aux débats. Elle fait valoir sa contrainte définitive de 34'507 euros et le procès-verbal infructueux de saisie attribution. Elle précise que la contrainte a été régulièrement signifiée au siège social de la société, et que sa créance est justifiée.
33. La société de Keating, mandataire, qui poursuit à titre principal la confirmation du jugement, fait part d'une précédente procédure collective d'une Sarl Magike, dont M. [G] était le gérant, et qui a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 15 mai 2019, converti en liquidation judiciaire le 10 juillet 2019, procédure clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 19 novembre 2020. Le mandataire fait aussi valoir ses convocations infructueuses du débiteur.
Réponse de la cour
34. Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte au débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
35. En l'espèce, il résulte des investigations de l'enquêteur des créances en l'état liquides, certaines et exigibles, à savoir 235'598,69 euros pour l'Urssaf d'Aquitaine pour des cotisations impayées pour la période de février à décembre 2024, et 296'866,48 euros pour le pôle de recouvrement spécialisé au titre de l'impôt sur les sociétés 2019 à 2021, de la TVA 2019 à 2022 et de la CFE 2023 et 2024 (rapport d'enquête pièce n° 6).
Il a déjà été relevé ci-dessus que la présente cour n'avait pas pouvoir ici, dans le cadre de sa saisine, de statuer sur la validité des contraintes, et elle l'a moins encore pour statuer à ce stade sur les créances invoquées.
L'enquêteur expose sans être démenti n'avoir découvert aucun actif disponible en contrepartie de ces créances.
36. Ces éléments caractérisent une totale cessation des paiements, alors qu'aucune perspective de redressement n'apparaît ni n'est invoquée par la société appelante, débitrice. Celle-ci ne produit aucun élément, notamment comptable, qui serait de nature à remettre en cause les constatations de l'enquêteur.
37. Ainsi, c'est à bon droit et à juste titre que le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société BKH, et le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
38. La question soutenue par la débitrice d'une inopposabilité du jugement en ce qu'il n'aurait pas été «'notifié'» à la société BKH n'est pas ici pertinente.
Il résulte des dispositions de l'article R. 661-1 du code de commerce que les jugements de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, et de l'article R. 621-4 du même code, applicable à la procédure de liquidation judiciaire par renvoi de l'article R. 641-4, que le jugement d'ouverture de la procédure prend effet à compter de sa date.
Ainsi, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société BKH est applicable depuis le 6 mai 2025 à 00 heure.
39. La société BKH devra indemniser l'Urssaf à hauteur de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces frais irrépétibles et les dépens d'appel de la présente instance, nés pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société BKH.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de nullité des contraintes émises par l'Urssaf Aquitaine au nom de la SAS BKH,
Déboute la SAS BKH de ses demandes de nullité de l'assignation du 17 février 2025 et des jugements rendus par le tribunal de commerce de Périgueux les 17 mars et 6 mai 2025,
Confirme le jugement rendu le 6 mai 2025 par le tribunal de commerce de Périgueux prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SAS BKH,
Y ajoutant,
Dit que la SAS BKH devra payer à l'Urssaf d'Aquitaine la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dit que ces frais irrépétibles et les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SAS BKH.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 03 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/02710 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-OJUL
SAS BKH
c/
URSSAF AQUITAINE
S.E.L.A.R.L. [C]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mai 2025 (R.G. 2025000866) par le Tribunal de Commerce de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 26 mai 2025
APPELANTE :
SAS BKH, immatriculée au RCS de [Localité 21] sous le numéro 853 586 337, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 17]
Représentée par Maître Catherine COUVRAND de la SELARL COUVRAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentée par Maître Louis COULAUD de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
SELARL [C], prise en la personne de Maître [M] [R] [C], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BKH, domicilié en cette qualité [Adresse 1]
Représentée par Maître Benjamin MEZIANE, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Pauline SEVESTRE, avocat au barreau de BORDEAUX, substituant Maître François DUPUY de la SCP HADENGUE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Bérengère VALLEE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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FAITS ET PROCÉDURE
1. La SASU BKH, dirigée par M. [G] et immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Périgueux, a pour activité la gestion de fonds de commerce sous gérance-mandat. Son siège social est fixé [Adresse 13] [Localité 19] (Dordogne).
Par acte de commissaire de justice du 28 novembre 2024, l'Urssaf Aquitaine a fait signifier à la société SAS BKH une contrainte portant sur le recouvrement des cotisations, contributions sociales et majorations de retard dues au titre des mois de février 2024 et mars 2024, pour la somme de 37'390,20 euros en cotisations et majorations.
Une saisie attribution mise en 'uvre le 16 janvier 2025 par l'Urssaf auprès du Crédit Agricole aux fins de recouvrement des sommes visées à la contrainte s'est révélée infructueuse.
2. Par acte de commissaire de justice du 17 février 2025, l'Urssaf Aquitaine a assigné la SAS BKH devant le tribunal de commerce de Périgueux aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Par jugement du 17 mars 2025, le tribunal de commerce de Périgueux a désigné un juge-commis, et, par ordonnance du 20 mars 2025, la Selarl de Keating a été désignée par celui-ci en qualité d'expert chargé de l'assister juge commis. M. [G] a été vainement convoqué par courriers recommandés des 26 mars 2025 et 17 avril 2025 afin de recueillir ses observations sur la situation financière de la société SAS BKH.
Au terme de sa mission, la société de Keating a déposé un rapport dans lequel elle soulignait la carence volontaire de M. [G] et relevait que le passif échu de la société SAS BKH s'élevait a minima à 532 465,17 euros pour un actif disponible nul, de sorte qu'elle se montrait favorable à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de cette dernière.
3. Par jugement réputé contradictoire du 6 mai 2025, le tribunal de commerce de Périgueux a :
- Ouvert la procédure de liquidation judiciaire simplifiée prévue par les dispositions du code de commerce à l'égard de :
La société BKH (SAS)
[Adresse 10]
[Adresse 18] (service financier et assurance)
[Localité 3]
Etablissement principal : [Adresse 11],
- Fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 décembre 2023,
- Renvoyé au 4 novembre 2025,
- Désigné en qualité de juge commissaire [N] [T],
- Désigné en qualité de juge commissaire suppléant [I] [J],
- Désigné en qualité de liquidateur judiciaire la société de Keating - Maître [M] [R] [C] - [Adresse 2],
- Dit que les actifs mobiliers de l'entreprise feront l'objet immédiatement d'un inventaire descriptif et estimatif, conformément aux dispositions des articles L. 622-6 et R. 622-4 du code de commerce,
- Désigné à cette fin la société [D] [U] - [Adresse 6],
- Imparti aux créanciers pour la déclaration de leurs créances, un délai de deux mois à compter de la publication du présent jugement au BODACC,
- Invité la société BKH (SAS) à remettre au mandataire judiciaire, dans les huit jours suivant la notification du présent jugement, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours et à l'informer des instances en cours auxquelles il/elle est partie, et rappelé qu'il appartiendra au mandataire judiciaire de déposer cette liste au greffe, en vertu des articles L. 622-6 et R. 622-5 du code de commerce,
- Dit que le mandataire judiciaire déposera au greffe, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, dans le délai de douze mois à compter du terme des délais impartis aux créanciers pour déclarer leurs créances (L. 624-1 du code de commerce),
- Invité la société BKH (SAS) à réunir dans le délai maximum de dix jours à compter du présent jugement le personnel afin d'élire un représentant des salariés (art L. 621-4 du code de commerce),
- Dit que le procès-verbal de désignation comportant le nom et l'adresse du représentant des salariés ou le procès-verbal de carence devra être déposé immédiatement au greffe,
- Ordonné les avis et mentions prévus par les dispositions légales,
- Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
4. Par déclaration au greffe de la cour du 27 mai 2025, la SAS BKH a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant L'Urssaf Aquitaine et la société SELARL [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAS BKH (n° RG 25/02710).
Par déclaration au greffe du 28 mai 2025, la société SAS BKH a de nouveau relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant la société SELARL [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAS BKH (n° RG 25/02726).
Selon avis du 20 juin 2025, le conseiller de la mise en état a joint les deux affaires N° RG 25/02726 et N° RG 25/02710.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 29 septembre 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
5. Par conclusions déposées en dernier lieu le 26 septembre 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la SAS Bkh demande à la cour de :
Vu les articles 14 et suivants, 55 et suivants, 73 et suivants, 112 et suivants, 503 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles L. 640-1 et suivants du code de commerce,
Vu les pièces produites au dossier,
Révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 15 septembre 2025,
Recevoir la SAS BKH en ses présentes conclusions
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement n°RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025 en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- Juger que l'assignation délivrée par l'Urssaf Aquitaine le 17 février 2025 est entachée de nullité,
- Juger que la procédure est en violation du respect du principe du contradictoire au sein de la procédure entreprise,
- Juger que le jugement n° RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025 est inopposable à l'égard de la société SAS BKH,
- Prononcer la nullité du jugement n° RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025,
- Juger que les contraintes réalisées par l'Urssaf Aquitaine sont entachées de nullité,
- Juger que les conditions d'ouverture d'une liquidation judiciaire à la demande d'un créancier ne sont pas remplies,
- Prononcer l'annulation du jugement du tribunal de commerce de Périgueux en date du 17 mars 2025,
- Prononcer l'annulation du jugement n° RG 2025 000866 rendu par le tribunal de commerce de Périgueux en date du 06 mai 2025 prononçant la liquidation de la société SAS BKH,
- Prononcer l'annulation tant de l'ouverture que des conséquences de la liquidation judiciaire prononcée,
En tout état de cause,
- Recevoir la société SAS BKH en ses demandes, fins et prétentions,
- Inviter la société SAS BKH à se prévaloir de ses explications, au vu du rapport ou tout autre document ayant été usité pour parvenir à ladite liquidation judiciaire,
- Condamner la société SELARL [C] et l'Urssaf au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
6. Par conclusions déposées en dernier lieu le 29 juillet 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la Selarl de Keating, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BKH, demande à la cour de :
Vu les articles L. 621-1, L. 631-1, L. 631-5, L. 640-1, L. 640-5, R. 621-4, R. 640-2, R. 641-1, R. 661-1 du code de commerce,
Vu l'article 659 du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées au débat,
A titre principal :
- Confirmer le jugement du 6 mai 2025 rendue par le tribunal de commerce de Périgueux en toutes ses dispositions,
- Débouter la société SAS BKH de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire :
Dans l'hypothèse où la Cour annulerait le jugement :
- Statuer à nouveau sur la réunion des conditions présidant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
- Ouvrir une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
Dans l'hypothèse où la Cour infirmerait le jugement :
- Statuer à nouveau sur la réunion des conditions présidant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
- Ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SAS BKH,
En tout état de cause :
- Débouter la société SAS BKH de sa demande visant à voir la société SELARL [C] condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
7. Par conclusions déposées en dernier lieu le 26 septembre 2025, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, l'Urssaf d'Aquitaine demande à la cour de :
- Rejeter les conclusions notifiées par la société BKH le 26 septembre 2025 et débouter les société de sa demande de report de l'ordonnance de clôture
- Débouter la société SAS BKH de l'ensemble de ses demandes comme non fondées ni justifiées,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux,
- Fixer la créance de l'Urssaf Aquitaine au passif de la société SAS BKH à la somme
de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procéure civile,
- Statuer ce que de droit sur les dépens.
8. Le dossier a été communiqué au Ministère Public, lequel, par avis du 5 août 2025, conclut à la confirmation du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société SAS BKH. En outre, il considère incertaine la recevabilité de l'appel, et considère qu'au regard du jugement et des diligences entreprises par le commissaire de justice l'assignation est valable et le jugement est réputé contradictoire, et que les arguments tenant à la violation du principe du contradictoire ainsi qu'à l'inopposabilité du jugement à la société et à sa nullité ne sont pas recevables en raison de la carence du dirigeant de la société à toutes les étapes de sa procédure et de sa mauvaise foi évidente.
Cet avis, parvenu par message électronique au greffe, a été intégré au dossier de la cour, et a de ce fait été communiqué aux conseils des parties.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
9. La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 15 septembre 2025. Toutefois, à l'audience, la cour a constaté l'accord des parties sur un report de la clôture, qui a été prononcée à l'audience.
Le 8 octobre 2025, la Selarl de Keating, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BKH, a produit une note en délibéré dûment autorisée par la cour lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
10. Il n'y a pas lieu de statuer davantage sur la clôture de la procédure, tranchée par la cour à l'audience.
Sur la demande de nullité des contraintes Urssaf
11. La société BKH soutient, notamment, la nullité des contraintes émises par l'Urssaf, en faisant valoir l'absence de leur signification régulière à l'adresse réelle du cotisant.
Réponse de la cour
12. Il résulte du code de la sécurité sociale, et particulièrement de son article R. 133-3, que les oppositions et contestations aux contraintes émises par les organismes de sécurité sociales relèvent de la compétence du tribunal judiciaire, pôle social, du domicile du débiteur.
Ainsi, la présente cour, saisie de l'appel d'une instance en ouverture par un tribunal de commerce d'une procédure collective, n'a pas pouvoir pour statuer sur la validité des contraintes émises par l'Urssaf d'Aquitaine.
13. La demande est irrecevable.
Sur les demandes de nullité de l'assignation et des jugements rendus par le tribunal de commerce
14. La société BKH poursuit aussi la nullité de l'assignation et des deux jugements du tribunal de commerce de Périgueux des 17 mars et 6 mai 2025. L'appelante fait valoir qu'elle n'a jamais été attraite régulièrement en justice. Elle précise que l'adresse de son dirigeant est à [Localité 9] (Gironde), et que cette information et la liste des souscripteurs figurent dans les statuts et sur le site internet gratuit Pappers. Elle reproche au commissaire de justice de ne pas avoir cherché à signifier au représentant légal, alors que l'Urssaf connaissait l'adresse réelle du cotisant, ce qui lui a causé un grief. Elle ajoute que c'est à tort que le dossier est suivi par l'Urssaf d'Aquitaine et non l'Urssaf de [Localité 21]. Enfin, la société BKH soulève enfin l'absence de contradictoire du jugement.
15. L'Urssaf oppose les dispositions des article 659 et 43 du code de procédure civile pour justifier de l'assignation au siège social de la société, et les diligences du commissaire de justice, faisant observer que la déclaration d'appel porte toujours la même adresse de siège social.
16. Le mandataire liquidateur conclut à la régularité de l'introduction de l'instance, faite par voie d'assignation d'un créancier signifiée à l'adresse du siège social de la société, inchangée depuis 2020, figurant sur les statuts et au Registre du commerce et des sociétés.
Réponse de la cour
17. Il résulte des dispositions des article L. 213-1 et suivants du code de la sécurité sociale que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) assurent le recouvrement de l'ensemble des cotisations et contributions finançant les régimes de base ou complémentaires de sécurité sociale rendus obligatoires par la loi. Il résulte aussi des informations diffusées par cet organisme que l'Urssaf Aquitaine est une unité régionale structurée autour d'un siège régional situé à [Localité 16] et de six sites départementaux ([Localité 8], [Localité 7], [Localité 14], [Localité 15], [Localité 20] et [Localité 21]). Les sites Urssaf en région assurent notamment des missions de recouvrement.
Ainsi, c'est à bon droit que l'Urssaf d'Aquitaine, échelon régional, et non celle du site de Périgueux, qui n'a pas la qualité d'échelon régional, a agi en l'espèce en qualité de créancier de la société BKH pour l'assigner devant le tribunal de commerce.
Le moyen de l'appelante tiré de ce chef est inopérant.
18. Aux termes de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement. Ce n'est qu'à défaut d'un tel lieu qu'elle est faite à la personne d'un de ses membres. Ainsi, dès lors que la personne morale a un siège social, le commissaire de justice instrumentaire n'a pas à tenter de délivrer l'acte à la personne d'un gérant, même à une adresse de ce gérant qui serait par ailleurs connue de lui ou de son requérant.
19. En l'espèce, il est constant que l'assignation était destinée à la SAS BKH, qui dispose, selon ses statuts et le Registre du commerce et des sociétés, d'un siège social fixé [Adresse 12] à Marsac-sur-l'Isle (Dordogne).
20. C'est donc à bon droit que le commissaire de justice instrumentaire s'est présenté le 7 février 2025 à ce siège social pour signifier l'assignation à la société BKH. Il résulte de son procès-verbal qu'il a constaté sur place que la société BKH n'y avait plus d'activité, et l'exploitante d'un commerce B&M situé à cette adresse a déclaré qu'elle avait repris le commerce depuis le 1er juin 2023. Aucune recherche supplémentaire n'a permis de trouver une autre adresse pour la société BKH.
21. Le commissaire de justice a alors dressé le procès-verbal exigé en ces circonstances par l'article 659 du code de procédure civile, et a procédé aux envois de la lettre recommandée avec accusé de réception et de la lettre simple prévus par ce texte.
22. L'Urssaf est fondée à relever que la société BKH ne fournit aucune explication sur l'absence d'activité ou de présence à son siège social, et qu'elle ne soutient pas non plus avoir modifié la localisation de celui-ci. D'ailleurs, elle se domicilie toujours à ce même siège social dans sa déclaration d'appel.
23. Il en résulte que l'assignation est régulière, contrairement à ce que soutient l'appelante, qu'elle n'encourt aucune nullité, et que les jugements attaqués au motif d'un défaut de délivrance d'une assignation sont réguliers.
24. Il en est de même pour ce qui est du recueil préalable de renseignements, ordonné par le premier jugement du 17 mars 2025.
25. Il résulte des dispositions de l'article L. 621-1 alinéa 4 du code de commerce que le tribunal peut, avant de statuer, commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise. Ce juge peut se faire assister de tout expert de son choix. Cette enquête doit se dérouler dans le respect du contradictoire.
26. En l'espèce, le tribunal de commerce de Périgueux, régulièrement saisi par l'assignation valable de l'Urssaf, a valablement décidé de mettre en 'uvre cette procédure d'enquête sur la situation de la société BKH, en commettant l'un des juges du tribunal qui a désigné, selon ordonnance du 20 mars suivant, la Selarl de Keating en qualité d'expert.
27. L'enquêteur établit qu'il a vainement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception le dirigeant M. [G] non seulement au siège social ci-dessus, mais également à son domicile [Adresse 5] [Localité 9] (Gironde), sans pouvoir découvrir une autre adresse (ses pièces n° 10 et 11), et alors même que cette adresse est désignée comme la sienne dans les conclusions de l'appelante (page 6).
28. Enfin, l'invocation d'une absence de contradictoire du jugement du 6 mai 2025 ici invoquée par BKH est sans portée. Ce jugement, réputé contradictoire comme susceptible d'appel, est en effet conforme aux prescriptions de l'article 473 second alinéa du code de procédure civile.
29. Il est produit une convocation par le greffe de la société BKH à l'adresse de son siège social pour l'audience du 6 mai 2025 à 14h30 (pièce n° 12 du liquidateur), pour laquelle la société ne s'est pas présentée, sans pour autant s'expliquer sur sa carence.
30. La demande de nullité de l'assignation et des deux jugements, qui n'encourent pas les griefs soulevés à leur encontre, sera rejetée.
Sur l'ouverture d'une liquidation judiciaire
31. La société BKH conteste à titre subsidiaire l'ouverture d'une liquidation judiciaire. Elle fait valoir qu'elle conteste la créance de l'Urssaf dans son principe et son montant, et que son dirigeant n'a pas eu connaissance des montants réclamés. Elle en conclut que la créance n'est pas certaine, liquide et exigible.
32. L'Urssaf oppose la définition légale de la cessation des paiements et souligne que la société BKH ne verse aucune pièce aux débats. Elle fait valoir sa contrainte définitive de 34'507 euros et le procès-verbal infructueux de saisie attribution. Elle précise que la contrainte a été régulièrement signifiée au siège social de la société, et que sa créance est justifiée.
33. La société de Keating, mandataire, qui poursuit à titre principal la confirmation du jugement, fait part d'une précédente procédure collective d'une Sarl Magike, dont M. [G] était le gérant, et qui a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 15 mai 2019, converti en liquidation judiciaire le 10 juillet 2019, procédure clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 19 novembre 2020. Le mandataire fait aussi valoir ses convocations infructueuses du débiteur.
Réponse de la cour
34. Aux termes de l'article L. 640-1 du code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte au débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
35. En l'espèce, il résulte des investigations de l'enquêteur des créances en l'état liquides, certaines et exigibles, à savoir 235'598,69 euros pour l'Urssaf d'Aquitaine pour des cotisations impayées pour la période de février à décembre 2024, et 296'866,48 euros pour le pôle de recouvrement spécialisé au titre de l'impôt sur les sociétés 2019 à 2021, de la TVA 2019 à 2022 et de la CFE 2023 et 2024 (rapport d'enquête pièce n° 6).
Il a déjà été relevé ci-dessus que la présente cour n'avait pas pouvoir ici, dans le cadre de sa saisine, de statuer sur la validité des contraintes, et elle l'a moins encore pour statuer à ce stade sur les créances invoquées.
L'enquêteur expose sans être démenti n'avoir découvert aucun actif disponible en contrepartie de ces créances.
36. Ces éléments caractérisent une totale cessation des paiements, alors qu'aucune perspective de redressement n'apparaît ni n'est invoquée par la société appelante, débitrice. Celle-ci ne produit aucun élément, notamment comptable, qui serait de nature à remettre en cause les constatations de l'enquêteur.
37. Ainsi, c'est à bon droit et à juste titre que le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société BKH, et le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
38. La question soutenue par la débitrice d'une inopposabilité du jugement en ce qu'il n'aurait pas été «'notifié'» à la société BKH n'est pas ici pertinente.
Il résulte des dispositions de l'article R. 661-1 du code de commerce que les jugements de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire, et de l'article R. 621-4 du même code, applicable à la procédure de liquidation judiciaire par renvoi de l'article R. 641-4, que le jugement d'ouverture de la procédure prend effet à compter de sa date.
Ainsi, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire de la société BKH est applicable depuis le 6 mai 2025 à 00 heure.
39. La société BKH devra indemniser l'Urssaf à hauteur de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces frais irrépétibles et les dépens d'appel de la présente instance, nés pour les besoins du déroulement de la procédure au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société BKH.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande de nullité des contraintes émises par l'Urssaf Aquitaine au nom de la SAS BKH,
Déboute la SAS BKH de ses demandes de nullité de l'assignation du 17 février 2025 et des jugements rendus par le tribunal de commerce de Périgueux les 17 mars et 6 mai 2025,
Confirme le jugement rendu le 6 mai 2025 par le tribunal de commerce de Périgueux prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la SAS BKH,
Y ajoutant,
Dit que la SAS BKH devra payer à l'Urssaf d'Aquitaine la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dit que ces frais irrépétibles et les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la SAS BKH.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président