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Décisions

CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 3 novembre 2025, n° 24/02078

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 24/02078

3 novembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 24/02078 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JHN4

CRL/JLB

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'AUBENAS

22 mai 2024

RG :23/00044

[V]

C/

S.A.S. COLAS FRANCE

Grosse délivrée le 03 NOVEMBRE 2025 à :

- Me LECAT

- Me PERICCHI

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2025

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUBENAS en date du 22 Mai 2024, N°23/00044

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Novembre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANT :

Monsieur [S] [V]

né le 03 Mars 1961

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean LECAT de la SARL BERAUD-LECAT-BONSERGENT SENA, avocat au barreau D'ARDECHE

INTIMÉE :

COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANNEE,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 03 Novembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [S] [V] a été engagé par la SA Sacer Sud Est à compter du 16 novembre 2009 selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de Cadre Etude, niveau cadre B-Position 2. Son contrat de travail a été transféré à la SAS Colas France le 1er janvier 2013. Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait une rémunération mensuelle brute de 3 940 euros sur 13 mois.

Le 14 décembre 2021, M. [S] [V] a été placé en arrêt de travail au titre de l'assurance maladie. Cet arrêt a été prolongé à plusieurs reprises, le salarié n'avait pas repris son poste à la date de notification du licenciement.

Par courrier recommandé du 14 février 2022, M. [S] [V] a été convoqué à un entretien fixé au 28 février 2022 .

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 05 mai 2022, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 mai 2022.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 30 mai 2022, la SAS Colas a notifié à M. [S] [V] son licenciement en ces termes : '(...) Vos absences sont constitutives d'un trouble objectif et caractérisé qui désorganise notre entreprise et préjudiciable à son bon fonctionnement et ne nous permettent pas de poursuivre notre collaboration. Aussi, votre remplacement définitif s'avère indispensable et nécessite votre licenciement.'

Par courrier du 22 septembre 2022, le salarié a contesté la légitimité de son licenciement considérant que son burn-out était imputable à la faute de l'employeur.

Par requête du 26 mai 2023, M. [S] [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Aubenas aux fins de voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner son ancien employeur au paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement du 22 mai 2024, le conseil de prud'hommes d'Aubenas a :

- dit et jugé que :

- la demande de nullité n'est pas recevable,

- le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- le préjudice moral n'est pas démontré,

- il n'y a pas de manquement à l'obligation de sécurité de la SAS Colas France,

en conséquence,

- condamné la SAS Colas France à verser à M. [S] [V] la somme de 11.820 euros, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [S] [V] de ses autres demandes,

- condamné la SAS Colas France à verser à M. [S] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SAS Colas France de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chaque partie assumera la charge de ses propres dépens d'instance.

Par déclaration effectuée par voie électronique le 18 juin 2024, M. [S] [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 26 mai 2025, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure à effet au 11 août 2025 et fixé l'affaire à l'audience du 09 septembre 2025.

En l'état de ses dernières écritures, intitulées ' conclusions d'appelant et d'intimé incident " en date du 13 mars 2025, M. [S] [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du 22 mai 2024 dans l'intégralité de son dispositif

et par conséquent,

- déclarer sa demande en nullité du licenciement recevable

- juger que son licenciement est nul,

- en conséquence, condamner la SAS Colas France à lui payer la somme de 75.000 euros à titre d'indemnités pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- en conséquence, condamner la SAS Colas France à lui payer la somme de 45.310 euros à titre d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- condamner la SAS Colas France à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral distinct,

- condamner la SAS Colas France à lui payer la somme de 30.000 euros pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

- condamner la SAS Colas France à lui payer la somme de 53.396 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de retraite,

- condamner la SAS Colas France à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance ainsi qu'à une somme de 4 500 euros en application du même texte pour les frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. [S] [V] fait valoir que :

- sa demande de voir prononcer la nullité de son licenciement est une demande additionnelle, recevable conformément à l'article 70 du code de procédure civile, mais également conformément à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation dès lors qu'elle doit être considérée comme tendant aux mêmes fins que sa demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- son licenciement fondé sur son état de santé est entaché de nullité, et ce d'autant plus que ses arrêts maladie prescrits pour préserver sa santé physique et mentale sont la conséquence du comportement fautif de son employeur à son égard,

- le licenciement fondé sur l'absence du salarié n'est justifié que si et seulement si l'employeur démontre qu'elles perturbent le fonctionnement de l'entreprise, et pas seulement celui de son service,

- la SAS Colas France est une grande entreprise internationale, filiale du groupe Bouygues, disposant d'énormes moyens humains et financiers lui ayant permis de faire face aux pires crises, notamment lors de la pandémie de Covid-19,

- il s'en déduit que son licenciement procède d'une volonté de son employeur ' de jeter au rebut un salarié malade en raison d'agissements caractérisant une violation flagrante de son obligation de sécurité',

- sa demande indemnitaire consécutive à la nullité de son licenciement est justifiée eu égard à son âge et l'absence de perspective pour lui à 62 ans de retrouver un emploi,

- subsidiairement, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, la SAS Colas France ne rapportant pas la preuve de la désorganisation dont elle se prévaut, la nécessité de pourvoir à son remplacement par un recrutement relevant de la pure fiction,

- la SAS Colas France ne rapporte pas plus la preuve d'une perte de chiffre d'affaires, de dossiers retardés ou perdus en raison de son absence,

- il est donc fondé à titre subsidiaire à présenter une demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la SAS Colas France a manqué à son obligation de sécurité à son égard, l'aggravation de son état anxio-dépressif trouvant son origine dans le grave conflit qui l'a opposé à M. [I], qui adoptait des méthodes managériales dont il a fait l'objet sous forme de pression et d'une importante charge de travail, et Mme [T], responsable des ressources humaines,

- il a été obligé en pure perte sur des dossiers d'appel d'offres qui ont été déposés ou retirés par sa direction sans raison, il a subi une rétrogradation descendant de la fonction de responsable bureau d'étude à celle de chargé d'étude, et a été victime d'une placardisation,

- ces agissements ont eu des répercussions sur son état de santé ainsi qu'en attestent les certificats médicaux versés aux débats,

- face à ses alertes, M. [I] lui a répondu par le mépris,

- le médecin du travail a constaté également que son burn out était la conséquence de son importante charge de travail, de l'absence d'écoute sur les conditions de travail, de l'absence d'information sur l'évolution de ses dossiers,

- son préjudice va au-delà de la seule perte de son emploi, il a eu de graves répercussions sur son état de santé qui a conduit à de fortes médications et une lourde psychothérapie,

- il subit également un préjudice en l'absence de chance de retrouver un emploi avant de faire valoir ses droits à retraite pour lesquels il aura de facto moins cotisé, ce qui va avoir une incidence sur les montants auxquels il pourra prétendre.

En l'état de ses dernières écritures, intitulées ' conclusions d'intimé et d'appelant incident responsives" du 23 juillet 2025, la SAS Colas France demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Aubenas du 22 mai 2024 en ce qu'il a :

- jugé que la demande de nullité du licenciement de M. [S] [V] n'était pas recevable

- débouté M. [S] [V] de ses demandes au titre :

* de la nullité du licenciement,

* du préjudice moral

* des manquements a l'obligation de sécurité de résultat ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Aubenas du 22 mai 2024 en ce qu'il a :

- jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à payer à M. [S] [V] la somme de 11 820 euros a titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

en toute hypothèse :

- débouter M. [S] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- condamner M. [S] [V] à lui allouer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- condamner M. [S] [V] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la SAS Colas France fait valoir que :

- l'Agence Le Pouzin Réseaux située est une petite agence constituée d'une équipe réduite de moins de 20 salariés dont 2 salariés affectés au bureau d'étude : un chargé d'étude et un technicien bureau d'étude et a pour compétence exclusive le traitement des affaires réseaux : pression, ENEDIS, gaz, fibre optique sur le territoire Sud,

- M. [S] [V] occupait un poste stratégique, il était un maillon essentiel au sein de l'agence, notamment dans le cadre de la relation avec le client Enedis qui représente 40% de l'activité, et ses compétences professionnelles étaient reconnues lors de son entretien annuel du 16 avril 2021,

- M. [S] [V] va être en arrêt de travail pour maladie à compter du 14 décembre 2021, lequel va être renouvelé de manière interrompu durant plusieurs mois, et après 4.5 mois d'arrêt, alors qu'elle a pallié tant bien que mal à son absence prolongée et pensait que celui-ci allait reprendre le 2 mai 2022, elle était destinataire d'un nouvel arrêt de travail de plus d'un mois, courant jusqu'au 10 juin 2022,

- elle ne pouvait pas compte tenu de la spécificité de son poste et de l'absence de perspective quant à une date de retour de M. [S] [V], le remplacer dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée,

- lors de l'entretien préalable auquel elle a dû finalement convoquer M. [S] [V], celui-ci a laissé entendre que sa situation personnelle et ses problèmes n'allaient pas se résoudre à court terme,

- en parallèle, elle a lancé un processus de recrutement en contrat de travail à durée indéterminée sur le poste de M. [S] [V], qui s'est concrétisé par le recrutement de M. [G] le 7 novembre 2022, soit dans un délai raisonnable après le licenciement de M. [S] [V] compte tenu de la durée de son préavis et des spécificités de son poste de travail,

- s'agissant de la demande relative à la nullité du licenciement, elle n'était pas visée dans la requête initiale et doit être rejetée comme étant irrecevable,

- subsidiairement, M. [S] [V] n'apporte aucun élément factuel permettant de retenir l'existence d'une discrimination, et à l'inverse, elle justifie de ce que celui-ci a toujours bénéficié de ses primes, congés payés, augmentation de salaire y compris pendant ses arrêts de travail pour maladie,

- à titre superfétatoire, les demandes indemnitaires de M. [S] [V] sont infondées comme bien au-delà du montant de l'indemnisation envisagée dans le cadre des négociations pour un départ en retraite anticipé, mais également comme n'étant pas justifiées par la preuve de la réalité du préjudice invoqué à son soutien,

- M. [S] [V] devra également être débouté de sa demande au titre d'un préjudice moral distinct du préjudice résultant de son licenciement faute d'en apporter la preuve,

- s'agissant du manquement à l'obligation de sécurité, M. [S] [V] qui invoque les répercussions sur son état de santé de la dégradation de ses conditions de travail ne produit aucune déclaration de maladie professionnelle, les pièces médicales produites, établies par ses médecins, ne font que reprendre ses propres déclarations, les attestations de ses proches ont été rédigées pour les besoins de la cause,

- par ailleurs, dès que M. [S] [V] lui a adressé un courriel relatif à une éventuelle situation de harcèlement moral, elle a immédiatement saisi en ce sens le médecin du travail, elle a reçu M. [S] [V] et a procédé à une enquête qui a conclu à l'absence de tout harcèlement moral,

- la démarche de M. [S] [V] à ce titre était purement spéculative, espérant augmenter ainsi le montant de son indemnité dans le cadre d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail,

- aucune surcharge de travail n'est démontrée, M. [S] [V] précisant dans le cadre de son entretien annuel en avril 2021 que l'articulation entre vie privée et vie professionnelle était adaptée,

- par ailleurs, il ressort de la nature même du poste de chargé d'étude le fait d'étudier une affaire pour voir si elle peut être intéressante stratégiquement et financièrement pour l'entreprise,

- contrairement à ce qui est soutenu par M. [S] [V], il a toujours occupé le poste de chargé d'études, le document qu'il produit pour soutenir avoir occupé celui de responsable bureau d'étude ne correspond pas à un organigramme interne mais concerne un projet spécifique pour lequel il était bien le responsable bureau d'étude du projet,

- il ne justifie pas de la perte de salaire dont il se prévaut,

- la demande au titre du préjudice lié à la retraite ne saurait prospérer, s'agissant d'un préjudice lié à la rupture du contrat de travail qui sera en cas de caractère infondé du licenciement, réparé par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Recevabilité de la demande au titre de la nullité du licenciement

Au terme de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.

En l'espèce, la SAS Colas France conclut à l'irrecevabilité de la demande relative à la nullité du licenciement dès lors que cette demande n'a pas été présentée dès l'acte introductif d'instance devant le conseil de prud'hommes mais seulement dans le cadre de conclusions ultérieures.

Ceci étant, cette demande qui est relative à la contestation du licenciement présente un lien suffisant et tend aux mêmes fins que les demandes formulées dans le cadre de la requête introductive d'instance et c'est à juste titre que le premier juge a conclu à sa recevabilité.

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

* obligation de sécurité

Selon l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L'article L.4121-2 précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.»

Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.

Au soutien de sa demande de 20.000 euros de dommages et intérêts pour manquement de la SAS Colas France à son obligation de sécurité, M. [S] [V] fait valoir que l'aggravation de son état anxio-dépressif trouve son origine dans le grave conflit qui l'a opposé à M. [I], qui adoptait à son égard des méthodes managériales sous forme de pression et d'une importante charge de travail, et à Mme [T], responsable des ressources humaines.

Il invoque le fait qu'il a été contraint de travailler en pure perte sur des dossiers d'appel d'offres qui n'ont pas été déposés ou ont été retirés par sa direction sans raison, qu'il a subi une rétrogradation en descendant de la fonction de responsable bureau d'étude à celle de chargé d'étude, et qu'il a été victime d'une placardisation et disposait du plus petit bureau alors qu'il doit travailler sur de grands plans, et qu'il a été soumis à une charge de travail de plus en plus importante accentuée par les défaillances de ses responsables et le manque de moyens et d'outils lui permettant d'y faire face.

M. [S] [V] précise qu'il a alerté sa hiérarchie à plusieurs reprises sur la dégradation de ses conditions de travail et que M. [I] lui a répondu par le mépris.

Enfin, il indique que ces agissements ont eu des répercussions sur son état de santé ainsi qu'en attestent les certificats médicaux versés aux débats, et que le médecin du travail a constaté également que son burn out était la conséquence de son importante charge de travail, de l'absence d'écoute sur les conditions de travail, de l'absence d'information sur l'évolution de ses dossiers.

Au soutien de ses explications, M. [S] [V] renvoie aux pièces suivantes de son bordereau de communication de pièces :

- pièce 48 : 'capture d'écran communication COLAS' qui correspond au résultat d'une recherche 'google' sur le code de l'éthique COLAS et indique ' COLAS promeut sa culture de conformité en identifiant les risques de corruption, de pratiques anticoncurrentielles et de violation des droits humains en communiquant et déployant les règles éthiques et de conformité du Groupe ( code de conduite, recueil de procédures, formation, etc.)',

- pièce 38 : ' compte rendu d'entretien du 28 février 2022", correspondant à l'entretien organisé par la SAS Colas France ensuite du courriel de M. [S] [V] en date du 11 février 2022 par lequel il dénonçait du 'harcèlement' et de la 'non assistance au travail', reprenant les échanges entre le salarié et la direction à propos de son mal-être au travail, de l'absence de considération de sa hiérarchie, du refus de l'achat d'un équipement de travail ( télémètre ), et les commentaires consécutifs sous forme de paragraphes débutant par ' après investigations', M. [S] [V] concluant l'entretien par ' je souhaite la justice et que la direction reconnaisse qu'elle est responsable de ma situation. Dans une bataille comme ça, j'y ai laissé des plumes et COLAS en laissera aussi', le rédacteur du rapport ( Mme [T]) concluant 'Au vu des éléments recueillis lors de l'audition et des investigations complémentaires, Monsieur [V] est affecté par un manque de reconnaissance qui se caractérise par le fait que ses propositions ne soient pas systématiquement et immédiatement suivies par la Direction, ainsi que par un manque de retour sur son travail, malgré une reconnaissance générale de son expertise sur les appels d'offre ENEDIS. Sa demande porte exclusivement sur la reconnaissance du caractère professionnel de son arrêt maladie, ce qui ne relève pas de la compétence de l'entreprise'.

- pièce 36 : 'organigramme de la société COLAS', correspondant à un ' mémoire technique' dans lequel M. [S] [V] figure au titre de l'organisation administrative comme 'responsable bureau d'Etude agence' sous l'autorité des 'responsables du marché COLAS', lui-même ayant sous sa responsabilité au titre du bureau d'études des 'projeteurs' 'géomètres' et ' DAO',

- pièce 27 'mail de M. [V] du 28/11/2018", correspondant à un message adressé à M. [I], ayant pour objet ' Affaire Enedis Saint [Localité 9]' dans lequel il interroge son interlocuteur sur les paramètres pris ou non en compte pour déterminer sa charge de travail suite à une demande d'études, déplorant ' on ne peut pas définir une étude juste à la lecture du dossier', ' pour savoir le temps qu'il faut pour faire un mémoire ou une étude il faut en faire une de A à Z et ceci est valable pour tous. Après on remet des dossiers en urgence à [PL] et cela amène encore des tensions. Voyant que la situation n'évolue pas, je n'attends plus rien de la direction. Suite à ces périodes de stress je suis suivi par mon médecin car ne je ne retrouve plus le sommeil, l'origine étant mon travail. Je pense ne pas être entendu donc aujourd'hui je vais prendre conseil pour me défendre.',

- pièce 40 ' évolution salariale de M. [V] depuis 2019" correspondant à un tableau reprenant son salaire mensuel de décembre 2018 ( 3.680 euros ) à juillet 2022 ( 3.940 euros ), et le montant de ses primes annuelles de 2.300 euros en 2018 et 2018, 1.800 euros en 2020 et 2.070 euros en 2021,

- pièce 14 'avis d'arrêt de travail' correspondant à des prolongations d'arrêts de travail au titre de l'assurance maladie à compter du 20 janvier 2022, mentionnant dans la rubrique ' éléments d'ordre médical' ' burnout' ou ' burn out en suivi' ou ' dépression souffrance au travail en cours de suivi',

- pièce 16 : ' attestation de consultations psychologiques du 27/02/2023" correspondant à une attestation établie par Mme [N], psychologue clinicienne, qui indique avoir reçu en consultation M. [S] [V] les 17 octobre et 7 novembre 2022 ' le motif des consultations est une souffrance qui a été éprouvée dans le cadre professionnel, et qui a engendré un burn out et un état dépressif de M. [V]'

- pièce 18 : 'attestation du docteur [W] du 28/10/2023, correspondant à une attestation de ce médecin généraliste qui indique que M. [S] [V] présente ' un état dépressif traité en rapport avec une souffrance au travail'

- pièce 10 : 'mail de M. [V] du 31/05/2019", correspondant à un message adressé à M. [I] et M. [J] ayant pour objet ' affaire ENEDIS [Localité 7] / [Localité 5] / [Localité 10] / [Localité 6]' indiquant notamment ' je tiens à vous tenir informé de l'avancée de mon étude sur cette opération vu que personne ne me le demande (...) Pour le mémoire, je n'ai encore eu le temps de rien faire il faudra faire le point avec REC pour les éléments à apporter par COLAS. Je ne sais pas ce que cherche la direction, mais je suis prêt à en parler car ce manque de communication devient pesant. Je vous souhaite un bon week-end et je me réserve le droit de récupérer ma journée.',

- pièce 24 : 'mail de M. [V] du 11 novembre 2020 ", correspondant à un message adressé à 7h31 à M. [I] et 4 autres destinataires, qui débute par ' je vous fais ce mail pour vous informer de la charge de travail que demande ces 3 dossiers et du manque de moyen dont nous disposons pour y répondre. Suite à la réunion téléphonique avec les acheteurs d'ENEDIS un point précise (...)' la suite du message n'étant pas produite, et la réponse de M. [I] à 7h35 ' Bonjour [S], nous en avons parlé hier et je t'ai expliqué que nous allions faire des choix au vue de la charge de travail études. Tu ne m'as rien dit de plus et ce matin tu envoies ce mail; Saches que je n'apprécie pas du tout cette façon de faire. Nous en parlerons de vive voix demain matin. Passes un bon week-end et profites en pour te reposer et te changer les idées'

- pièce 26 : 'mail de M. [V] du 09/10/2017", correspondant à un message adressé à M. [J], ayant pour objet ' demande de rendez-vous pour études ENEDIS ' dans lequel M. [S] [V] indique ' [Y], afin que les choses soient claires entre nous, je souhaite que l'on se voit un instant pour parler de la charge de travail supplémentaire avec les études INEDIS',

- pièce 7 : ' lettre de licenciement du 30 mai 2022" reprise intégralement infra,

- pièce 32 : 'mail du Docteur [F] du 21/11/2023" dans lequel le médecin du travail indique en réponse à un courriel de M. [S] [V] non produit, ' lors de votre visite du 18/01/2022, j'ai pu constater votre épuisement physique et psychologique. Son origine professionnelle à l'écoute de vos propose est pour moi évidente. J'ai une ressource RH de votre entreprise, mais je ne peux pas vous affirmer que ce contact ait eu lieu, immédiatement. Lors d'une visite de pré-reprise, aucun avis n'est donné à l'employeur, cela est fait uniquement avec l'accord du salarié. Bien cordialement'

- pièces 41, 42 et 43 'attestation [B] [H] épouse [V]', 'attestation [R] [V]' et 'attestation [O] [V]' soit les témoignages de son épouse et de ses enfants,

- pièce 45 ' échanges de SMS à propos de Mme [D]', correspondant à un échange de message le 18 septembre 2024 entre M. [S] [V] et '[P] [C]', le premier interrogeant le second sur les coordonnées téléphoniques de ' [A] [D]' en arrêt de travail.

La SAS Colas France conteste tout manquement de sa part et fait valoir que M. [S] [V] qui invoque les répercussions sur son état de santé de la dégradation de ses conditions de travail ne produit aucune déclaration de maladie professionnelle, les pièces médicales produites, établies par ses médecins, ne font que reprendre ses propres déclarations, les attestations de ses proches ont été rédigées pour les besoins de la cause,

Elle précise que dès que M. [S] [V] lui a adressé un courriel relatif à une éventuelle situation de harcèlement moral, elle a immédiatement saisi en ce sens le médecin du travail, elle a reçu M. [S] [V] et a procédé à une enquête qui a conclu à l'absence de tout harcèlement moral, ce dont elle déduit que la démarche de M. [S] [V] à ce titre était purement spéculative, espérant augmenter ainsi le montant de son indemnité dans le cadre d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

La SAS Colas France conteste toute surcharge de travail, faisant valoir qu'elle n'est pas démontrée par M. [S] [V] qui précisait dans le cadre de son entretien annuel en avril 2021 que l'articulation entre vie privée et vie professionnelle était adaptée.

Elle fait valoir sans être utilement contredite par M. [S] [V] qu'il ressort de la nature même du poste de chargé d'étude le fait d'étudier une affaire pour voir si elle peut être intéressante stratégiquement et financièrement pour l'entreprise, ce qui explique que dans le cadre d'appels d'offre, certains dossiers n'aboutissent pas.

La SAS Colas France soutient que contrairement aux affirmations de M. [S] [V], il a toujours occupé le poste de chargé d'études ainsi qu'en attestent ses bulletins de salaire et son contrat de travail, et que le document qu'il produit pour soutenir avoir occupé celui de responsable bureau d'étude ne correspond pas à un organigramme interne mais concerne un projet spécifique pour lequel il était bien le responsable bureau d'étude du projet.

Enfin, elle considère que M. [S] [V] ne justifie pas de la perte de salaire dont il se prévaut.

Au soutien de ses explications, la SAS Colas France verse aux débats :

- les échanges de SMS entre M. [S] [V] et Mme [T] concernant le départ anticipé de l'appelant, entre avril et septembre 2020,

- le compte rendu de l'audition et des investigations effectuées suite au courriel de M. [S] [V] dénonçant du harcèlement, décrits supra, ainsi que les échanges entre M. [S] [V] et Mme [T] le 30 mars 2022, ayant pour objet ' débrief entretien du 28 février' et fixant un rendez-vous à ce sujet entre eux,

- une attestation de Mme [T] dans laquelle elle indique notamment : ' En tant que RRH, j'ai reçu un message mail de M. [S] [V] le 11 février 2022 dans lequel il indique être en arrêt « pour harcèlement ». Conformément au process COLAS, je lui ai écrit le 14 février 2022 (courrier LRAR) pour lui proposer d'en discuter lors d'un entretien le 28 février 2022. Il est venu à cette audition accompagné de M. [M] représentant des salariés. J'avais préparé une grille de questions que je lui ai posées et j'ai noté toutes ses réponses. J'ai retranscrit fidèlement tout ce que M. [V] m'a dit dans un « compte-rendu d'entretien ». J'ai ensuite proposé à M. [V] de le rencontrer pour lui partager mes conclusions, à savoir que je n'avais pas identifié de faits caractérisant un harcèlement mais plutôt détecté un sentiment de manque de reconnaissance professionnelle conduisant à un mal-être. Lors de cet entretien qui s'est tenu le vendredi 1er avril, M. [V] s'est présenté, toujours accompagné de M. [M]. Alors que je m'apprêtais à lui donner une copie du compte-rendu d'entretien du 28 février 2022, il a écarté ma proposition en me disant qu'il « avait bien réfléchi et qu'il voulait qu'on trouve un arrangement pour qu'il puisse quitter rapidement l'entreprise COLAS (...) Les commentaires figurant en rouge dans la pièce adverse n°47 n'ont jamais été évoqués ni discutés par Monsieur [V] pendant notre entretien alors que celui-ci se trouvait assisté. Je certifie avoir fidèlement et rigoureusement retranscris notre échange du 28/02/2022 dans le compte rendu du 28/02/2022 (texte en noir dans le document intitulé « compte-rendu d'entretien)'

- l'entretien annuel de M. [S] [V] en date du 29 mars 2021 au cours duquel l'appelant a indiqué concernant son activité : ' Echange sur les missions du collaborateur : les conditions d'exercice de mon activité sont bonnes

Charge de travail sur l'année : conséquente

Organisation de l'activité dans le service, entreprise : j'occupe un poste de cadre Etude, une réunion hebdomadaire de planification avec mon chef d'agence en liaison avec l'activité route de l'Agence

Articulationentre l'activité professionnelle et la vie personnelle & familiale : adaptée

Perspective d'évolution professionnelle ( emploi, classification, ...) : j'arrive en fin de carrière donc pas d'évolution projetée', les besoins en formation étant renseignés ainsi ' [S] est en fin de carrière et prévoit de partir dans un délai court', et M. [S] [V] précisant dans la rubrique consacrée aux objectifs ' mon départ à la retraite approchant, il me semble nécessaire de former mon remplaçant'.

- le contrat de travail de M. [S] [V] et ses bulletins de salaire qui mentionnent que M. [S] [V] occupe un poste de ' Cadre Études', et ' chargé d'Études.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SAS Colas France justifie avoir réagi au seul message de M. [S] [V] dénonçant ses conditions de travail, adressé le 11 février 2022, en le recevant et en investigant sur ses points de revendication. Le fait qu'il ne soit pas en accord avec les conclusions auxquelles son employeur a abouti ne signifie pas pour autant une absence de réaction à sa dénonciation.

Par ailleurs, les courriels produits par la SAS Colas France démontrent, comme les réponses apportées aux messages produits par M. [S] [V], que sa hiérarchie a pris en compte sa charge de travail lorsqu'il l'a invoquée et l'a incité à prendre ses journées de repos. Au surplus, de tels échanges ont été ponctuels, à raison de un par année entre 2017 et 2021.

De plus, la SAS Colas France justifie par la production de l'entretien annuel de M. [S] [V] pour l'année 2020 que celui-ci n'a pas dénoncé ces conditions de travail, parlant de charge de travail conséquente mais sans impact sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Par ailleurs, aucun élément n'est produit par M. [S] [V] au soutien de sa dénonciation d'un 'grave conflit qui l'a opposé à M. [I], qui adoptait à son égard des méthodes managériales sous forme de pression et d'une importante charge de travail'

S'agissant de la rétrogradation dénoncée par M. [S] [V], force est de constater que ni son contrat de travail, ni ses bulletins de salaire ne mentionnent des fonctions de responsable de bureau d'études ; et qu'il a connu une progression de salaire régulière.

Enfin, les éléments médicaux produits ne font que reprendre les allégations de M. [S] [V] sur ses conditions de travail, le médecin du travail s'il a pu dans un échange privé avec M. [S] [V] relier son état de santé à son travail n'a pas estimé devoir en alerter son employeur.

En conséquence, la SAS Colas France démontre avoir pris en compte la seule alerte de M. [S] [V] dont elle a été destinataire, les échanges de celui-ci avec sa hiérarchie directe établissant également une prise en compte de sa charge de travail, et M. [S] [V] n'apportant aucun élément permettant d'objectiver les conditions managériales qu'il dénonce.

La décision déférée qui a débouté M. [S] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera par suite confirmée sur ce point.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

M. [S] [V] a été licencié a été licenciée en raison de la désorganisation résultant de son absence prolongée et de la nécessité de le remplacer à titre définitif par courrier daté du 30 mai 2022 rédigé dans les termes suivants :

' Monsieur

Par courrier recommandé avec accusé de réception, daté du 5 mai 2022, nous vous convoquions le 18 mai 2022 à 8h30 à un entretien préalable à un éventuel licenciement dans le cadre de la procédure engagée à votre égard. Vous vous êtes présenté seul.

Lors de cet entretien, nous vous avons fait part de nos motifs et avons recueilli vos explications. Malgré celles-ci, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour le motif suivant : absence prolongée désorganisant l'entreprise et nécessitant votre emplacement définitif.

Nous vous rappelons tout d'abord que vous avez été embauché le 16 novembre 2009, comme « cadre d'études » au sein de l'agence SACER de [Localité 11], entreprise qui est devenue agence Le Pouzin Réseaux au sein de Colas Rhône-Alpes Auvergne en janvier 2013, puis de COLAS FRANCE, en janvier 2020. Vous avez pris le poste de « chargé d'études » en juin 2019, au sein de l'agence Le Pouzin, poste toujours occupé à ce jour.

À ce titre, vous êtes notamment en charge des missions suivantes : analyse et étude des dossiers pour le compte d'Enedis, visite des chantiers avec le chargé d'études Enedis pour identifier les points nécessitant une adaptation de notre offre, chiffrage, des études et définition des optimisations possibles, bouclage des affaires avec le chef d'unité et accompagnement des conducteurs de travaux pendant la phase de réalisation du chantier.

Vous nous avez fait parvenir un arrêt maladie pour la période du 15 décembre 2021 au 21 janvier 2022, puis celui-ci était prolongé à plusieurs reprises, le dernier se terminait le 30 avril, pour une durée totale continue depuis le 4,5 mois. Alors que nous espérions un retour à votre poste de travail le 2 mai 2022, nous avons réceptionné ce même jour un nouvel arrêt de travail de plus d'un mois, soit jusqu'au 10 juin 2022. À ce jour, vous n'êtes toujours pas à votre poste de travail, et nous n'avons pas de perspective concernant une éventuelle reprise.

Les absences connues dans leur durée permettent d'organiser une bonne continuité des missions que vous exercez, c'est ainsi que les absences précédentes ont été gérées.

À l'inverse, des absences renouvelées et sans terme continu, engendre un préjudice réel et important pour le bon fonctionnement de l'entreprise et des missions du bureau d'études.

Aussi, votre absence des organise fortement notre entreprise pour les raisons suivantes :

Le bureau d'études du Pouzin Réseaux est constitué d'une équipe réduite ou chacun à sa place : vous-même aux études sous la supervision du chef d'unité qui boucle les affaires. L'absence longue, et surtout le manque de visibilité sur un retour potentiel de la personne en charge des études, met en péril la prise d'affaires et la bonne marge de l'entreprise, en particulier sur des chantiers Enedis qui représente quasiment 40 % du chiffre d'affaires de l'établissement, le Pouzin Réseaux.

L'activité du bureau d'études de l'agence du Pouzin Réseaux est spécifique au sein du groupe Colas.

Sur le territoire Sud, c'est la seule agence à réaliser ce type de travaux et donc d'études. Aussi le chargé d'études ne peut pas être remplacé par un collaborateur d'un bureau d'études d'une autre agence routière.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, votre remplacement durable est indispensable et une recherche est d'ailleurs en cours afin de recruter un(e) Chargé(e) d'étude réseaux en contrat à durée indéterminée.

En effet, le fait que vous nous informiez le jour même de la prolongation pour quelques semaines supplémentaires de votre arrêt de travail ne nous permet pas de vous remplacer efficacement car le temps de formation d'un intérimaire est trop long et ne permet pas que celui-ci soit efficace pour des durées de missions aussi courtes.

Nous sommes ainsi depuis des semaines, dans l'incertitude de votre tour effectif ou d'une probable poursuite d'absence, nous empêchant d'organiser un remplacement ou votre retour à votre poste.

Vous nous avez expliqué comprendre les difficultés engendrées par vos absences pour l'entreprise, tout en expliquant que vous ne voyez pas comment votre situation personnelle allait pouvoir s'améliorer dans la mesure où vos problèmes n'allaient pas se régler à court terme.

Pour les raisons évoquées ci-dessus, vos absences sont constitutives d'un trouble objectif et caractérisé qui désorganise notre entreprise et est préjudiciable à son bon fonctionnement et ne nous nous permettent pas de poursuivre notre collaboration. Aussi, votre remplacement définitif s'avère indispensable et nécessite votre licenciement.

***

Votre préavis d'une durée de trois mois prendra effet dès la première présentation de ce courrier.

Nous entendons toutefois vos dispenser de toute activité pendant la durée de votre préavis. Votre rémunération vous sera néanmoins versée aux échéances habituelles de paye.

Nous attirons votre attention sur le fait que vous restez tenu, parle ensemble des obligations de votre contrat de travail pendant la durée de votre préavis.

Au terme de votre préavis, nous vous remercions de bien vouloir nous restituer le matériel de l'entreprise encore votre possession.

Lorsque votre préavis sera écoulé, nous vous invitons à contacter votre gestionnaire RH, afin de retirer votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle emploi. À votre demande, ces documents pourront être envoyé par courrier recommandé.

Par ailleurs, nous vous informons également qu'en application des dispositions légales et conventionnelle BTP, en matière de portabilité des garanties « Frais de santé » et « prévoyance », bénéficierez, à la date de cessation de votre contrat de travail, du maintien des garanties, « frais de santé » et « prévoyance » pendant la durée de votre indemnisation, par le régime d'assurance chômage, dans les limites et conditions suivantes :

'12 mois en matière de frais de santé, (régime santé COLAS),

'36 mois en matière de prévoyance, ce détaillant en deux périodes :

- pour les 12 Premier mois, sur la base des prestations prévues par le régime particulier de Colas, en vigueur, à votre départ de l'entreprise,

- du 13e au 36e mois, sur la base des prestations prévues par les régimes conventionnels obligatoires du BTP.

Le maintien de ses garanties sans contrepartie de cotisation vous concernant (c'est-à-dire à titre gratuit), il est cependant subordonné à la justification de votre prise en charge par le régime

d'assurance chômage, tout au long de la période de portabilité, par l'envoi périodique de justificatifs d'indemnisation qui vous sera délivré par Pôle emploi aux organismes de protection sociale, gérant nos régimes, selon les modalités précisées par ces derniers' (...)

Nous vous prions de recevoir, Monsieur, nos salutations distinguées »

* sur la nullité du licenciement pour discrimination en raison de l'état de santé

Selon l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Par application des dispositions de l'article L1132-4 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d'une discrimination est nulle de plein droit.

Au soutien de sa demande de voir prononcer la nullité de son licenciement pour discrimination en raison de son état de santé, M. [S] [V] en référence aux termes de la lettre de licenciement fait valoir que ' l'employeur se prévaut indécemment et opportunément de la maladie du concluant pour se débarrasser de lui alors même que ses arrêts maladie prescrits par ses médecins pour préserver sa santé mentale et physique résultent de la dégradation de ses conditions de travail et des manquements flagrants de l'employeur à son obligation de sécurité comme il sera démontré', qu' ' il est constant que les absences prolongées ou répétées pour arrêt maladie du salarié ne peuvent justifier son éviction que si et seulement si elles perturbent le fonctionnement de l'entreprise dans son ensemble, et pas seulement celui du service dans lequel il travaille. En réalité, il n'est pas discutable que le licenciement de Monsieur [V] est directement en rapport avec son état de santé consécutif à la dégradation de ses conditions de travail.'

Il se réfère également à un courriel daté du 18 novembre 2021 adressé à M. [I] et cite la pièce 27 de son bordereau de communication de pièces qui correspond en fait à la pièce numérotée 25 dans lequel il indique ' Je suis également surpris d'avoir appris l'arrivée d'une personne en vue de mon remplacement par hasard lors d'une réunion SAFETY en entendant le nom de cette personne pour la première fois'.

J'aurais préféré l'apprendre officiellement alors que j'étais le seul dans l'assemblée à ne pas

être au courant.

De même j'ai demandé une réunion avec toi et [Z] [T] pour évoquer les modalités dans l'accompagnement de cette personne. Il me semble que pour ce poste, il faut quand même une forte expérience en réseaux surtout pour chiffrer les parties aériennes et souterraines d'ENEDIS; Je connais bien le sujet parce que je n'y suis pas arrivé de suite, la formation est longue. »

Ces éléments et explications pris dans leur ensemble ne laisse pas présumer l'existence d'une discrimination en ce qu'il a été jugé supra l'absence de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et que le courriel du 18 novembre 2021 fait écho à l'entretien individuel de M. [S] [V] qui s'est déroulé quelques mois plus tôt, décrit supra, dans lequel il évoquait dans la perspective de son départ en retraite, la nécessité de former son successeur.

Par suite, aucune nullité du licenciement n'est encourue et la décision déférée qui a statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

* Sur la caractérisation de la désorganisation de l'entreprise en raison de l'absence de M. [S] [V]

Lorsque le contrat de travail d'un salarié est suspendu en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, le contrat de travail du salarié ne peut, en application des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail être rompu que si l'employeur justifie d'une faute grave ou de l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Cette protection ne bénéficie pas aux salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un accident ou d'une maladie de droit commun. Ces salariés ne bénéficient d'aucune protection particulière, cependant, l'article L. 1132-1 du code du travail prohibe les discriminations à raison de l'état de santé.

Toutefois, si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Le bien fondé de la rupture est soumis à deux conditions cumulatives :

- l'employeur doit établir que l'absence du salarié a entraîné des perturbations dans la marche de l'entreprise ;

- il doit également démontrer qu'il s'est ainsi trouvé contraint de procéder au remplacement définitif du salarié, c'est à dire l'embauche d'un autre salarié.

Lorsque le licenciement, prononcé pour absence prolongée désorganisant l'entreprise et rendant nécessaire un remplacement définitif, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié qui le demande l'indemnité de préavis et les congés payés afférents, même si le salarié est en arrêt de travail pour maladie au cours de cette période.

Pour établir que l'absence de M. [S] [V] a entraîné des perturbations dans la marche de l'entreprise, la SAS Colas France explique que l'agence de [Localité 8] à laquelle M. [S] [V] était affecté a une compétence exclusive pour la région Sud concernant le traitement des 'affaires réseaux : pression, ENEDIS, Gaz, fibre optique', et que deux salariés sont affectés au bureau d'études.

Elle précise que ' le poste de chargé d'étude, est un poste extrêmement stratégique puisqu'il est un maillon indispensable à la prise d'affaires (marchés publics et privés) et à la bonne marge de l'entreprise.

En outre, Monsieur [V], qui était un très bon élément, très compétent dans l'exercice de ses fonctions, était spécialisé dans les affaires réseaux et particulièrement en charge des chantiers ENEDIS représentant quasiment 40% du Chiffre d'Affaires de l'agence Le Pouzin Réseaux.' et renvoie en ce sens à l'entretien annuel de du 16 avril 2021 qui décrit les compétences professionnelles de M. [S] [V] et son domaine d'intervention spécifique.

Elle indique que suite à l'arrêt de travail de M. [S] [V] le 14 décembre 2021, elle avait espéré une reprise à compter du 2 mai 2022 mais avait alors été destinataire d'un nouvel arrêt de travail d'un mois, et que M. [S] [V] a poursuivi son arrêt de travail pendant la durée de son préavis.

Elle expose enfin que procéder au remplacement de M. [S] [V] au moyen d'un contrat de travail à durée déterminée était inenvisageable compte tenu de la spécificité de son poste et de l'absence de visibilité sur son temps d'absence.

La SAS Colas France justifie par ailleurs du recrutement de M [G] à compter du 7 novembre 2022 en remplacement de M. [S] [V], et produit le contrat de travail à durée indéterminée conclu avec celui-ci.

M. [S] [V] conteste le bien fondé du motif de son licenciement en faisant valoir que le groupe Colas bénéficie de moyens humains et techniques internes qui lui permettent de pallier l'absence de quelques mois d'un de ses collaborateurs.

Il précise ' C'est le cas par exemple de Monsieur [K] [U] qui était en capacité d'apporter des réponses puisqu'il suivait déjà les chantiers avec lui, et chiffrait également des appels d'offre ENEDIS pendant les arrêts maladie de Monsieur [V]. Ce dernier a d'ailleurs demandé à l'employeur de remplacer Monsieur [V] mais il a refusé !

C'est également le cas de Monsieur [E] [X], chef de secteur réseaux, basé au

Pouzin, qui chiffrait également les appels d'offres tous réseaux confondus.

C'est enfin également le cas de l'entreprise DHERBET, filiale et dirigée par COLAS [Localité 11],

spécialisée dans les travaux ENEDIS de Monsieur [YG] [OY] et de Madame [L]

qui auraient pu intervenir dans le chiffrage des affaires.

Il en résulte que l'employeur administre lui-même la preuve que l'entreprise a parfaitement

fonctionné durant les quelques mois d'absence du concluant .'

Ceci étant, le caractère spécifique et stratégique des fonctions occupées par M. [S] [V] dans le cadre de l'élaboration des études et des constitutions de dossier pour répondre aux appels d'offre de ENEDIS n'est pas remis en cause par M. [S] [V].

De fait, M. [S] [V] procède par allégations pour soutenir que son remplacement était aisé en son absence. Force est de constater que ces explications sont au surplus contraires au contenu tant de ses courriels décrits supra que de son entretien individuel dans lesquels il insiste sur la spécificité de ses fonctions, la nécessité de former son remplaçant avant son départ en retraite, et la méconnaissance par sa hiérarchie des contraintes liées à ses études.

Par ailleurs, le fait que la SAS Colas France compte plusieurs milliers de salariés répartis sur le territoire national ne signifie pas pour autant la capacité de ceux-ci à le remplacer, ou à prendre en charge en plus de leurs fonctions celles qu'il était temporairement dans l'incapacité d'assumer du fait de son arrêt de travail.

Par suite, le licenciement notifié à M. [S] [V] par courrier en date du 30 mai 2022 est fondé sur une cause réelle et sérieuse et M. [S] [V] sera débouté de sa demande de requalification et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

M. [S] [V] sollicite par ailleurs des dommages et intérêts pour préjudice moral à hauteur de 30.000 euros et pour préjudice de retraite à hauteur de 53.396 euros en invoquant la gravité des manquements de la SAS Colas France à son obligation de sécurité et la légèreté de ses motifs de licenciement.

Ensuite du rejet des demandes soutenues au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, et de la nullité et de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, M. [S] [V] sera également débouté de ses demandes de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 22 mai 2024 par le conseil de prud'hommes d'Aubenas sauf en ce qu'il a :

- dit et jugé que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Colas France à verser à M. [S] [V] la somme de 11.820 euros, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Colas France à verser à M. [S] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,

Juge que le licenciement notifié par la SAS Colas France à M. [S] [V] selon courrier en date du du 30 mai 2022 est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [S] [V] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail,

Juge n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,

Condamne M. [S] [V] aux dépens de la procédure d'appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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