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Décisions

CA Basse-Terre, 2e ch., 3 novembre 2025, n° 25/00817

BASSE-TERRE

Arrêt

Autre

CA Basse-Terre n° 25/00817

3 novembre 2025

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

2ème CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° 508 DU 03 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/00817 -

N° Portalis DBV7-V-B7J-D2FL

Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 12 juin 2025, dans une instance enregistrée sous le n° 2025F00563

APPELANTE :

S.A.S. CPH Industries

[Adresse 1]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Michaël SARDA, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Monsieur [M] [D]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Jérôme NIBERON, de la SELAS SCP (SERVICES CONSEILS PLAIDOIRIES) MORTON & ASSOCIES, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

La S.C.P. BR ASSOCIES, en la personne de Me [H] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. CPH INDUSTRIES

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Nicolas DESIREE, de la SELASU NICOLAS DESIREE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

La SELARL AJASSOCIES, en la personne de Me [K] [Y], ès qualités d'administrateur judiciaire de la S.A.S. CPH INDUSTRIES

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée par Me Nicolas DESIREE, de la SELASU NICOLAS DESIREE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Partie jointe :

Ministère public, en la personne de M. le procureur général, représenté par M. SCHUSTER, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 octobre 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Frank Robail, président de chambre,

Mme Annabelle Cledat, conseillère,

Mme Aurélia Bryl,conseillère.

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 3 novembre 2025

GREFFIER,

Lors des débats : Mme Yolande Modeste, greffière

Lors du prononcé : Mme Sonia Vicino, greffière

ARRÊT :

- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêt irrévocable du 3 juin 2024, signifié le 25 juillet suivant, la société CPH PNEUMATEC, devenue la S.A.S. CPH INDUSTRIE, a été condamnée à payer à M. [M] [D], son ancien salarié, les sommes de 30 000 euros et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens, en suite de quoi deux saisies-attribution ont été pratiquées respectivement les 3 octobre 2024 et 2 janvier 2025 ; la première saisie a été fructueuse à hauteur de 5 047,22 euros et la seconde a été infructueuse ;

Par acte de commissaire de justice du 6 mai 2025, M. [D] a fait assigner la S.A.S. CPH PNEUMATEC devenue CPH INDUSTRIE devant le tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE à l'effet de voir ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire pour défaut de paiement de la somme reliquataire de 35 612 euros due en exécution du susdit arrêt ;

En l'absence de comparution de la société CPH PNEUMATEC, et après communication du dossier de l'affaire au ministère public qui a requis la liquidation judiciaire de l'entreprise, le tribunal mixte de commerce, par jugement réputé contradictoire du 12 juin 2025, a principalement :

- ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de ladite société,

- ouvert une période d'observation de 6 mois,

- désigné les organes de la procédure, notamment la SELARL AJASSOCIES, en la personne de Me [K] [Y], en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et la S.C.P. BR ASSOCIES, en la personne de Me [H] [Z], en qualité de mandataire judiciaire,

- fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 6 mai 2025,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective ;

La société CPH INDUSTRIES, anciennement CPH PNEUMATEC, a relevé appel de cette décision par déclaration remise au greffe de la cour par voie électronique (RPVA) le 27 juin 2025 :

- y intimant M. [M] [D], la S.C.P. BR ASSOCIES, en la personne de Me [H] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la société CPH INDUSTRIES et la société AJASSOCIES, en la personne de Me [K] [Y], ès qualités d'administrateur judiciaire de la même société,

- et y mentionnant, en son objet, chacune des dispositions de ce jugement, sans en requérir expressément l'infirmation ;

La procédure a fait l'objet d'une orientation à bref délai, avec des délais pour conclure ramenés à 1 mois pour chacune des parties, compte tenu de l'urgence, et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 octobre 2025, suivant avis du greffe en ce sens notifié au conseil de l'appelante, par voie électronique, le 17 juillet 2025, en suite de quoi la société CPH INDUSTRIES, anciennement CPH PNEUMATEC, a fait signifier sa déclaration d'appel, l'avis de fixation à bref délai et ses conclusions d'appelante à chacun des intimés, et ce suivant actes de commissaire de justice des 29 juillet 2025 (pour M. [D]) et 31 juillet 2025 (pour la S.A.S. AJASSOCIES, ès qualités et la S.C.P. BR ASSOCIES, ès qualités);

M. [M] [D] a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par voie électronique, le 21 août 2025;

Ni le mandataire judiciaire ni l'administrateur judiciaire, ès qualités, n'ont constitué avocat avant l'ordonnance de clôture ;

La société CPH INDUSTRIES, anciennement CPH PNEUMATEC, appelante, a conclu par acte remis au greffe, par RPVA, le 23 juillet 2025; ces conclusions ont été signifiées aux intimés comme indiqué ci-avant ;

M. [M] [D], seul intimé constitué, a conclu quant à lui par acte remis au greffe et notifié au conseil adverse, par même voie, le 28 août 2025 ;

Le dossier a été communiqué le 3 octobre 2025 au ministère public, dont le représentant a pris des réquisitions écrites le 6 suivant, aux fins de confirmation du jugement querellé ; ces réquisitions ont été communiquées par le greffe aux parties constituées avant clôture, lesquelles ont pu en prendre connaissance ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2025, ainsi que prévu dans l'avis de fixation du 17 juillet 2025, et ce en l'absence d'une quelconque demande de report de quiconque ;

Cependant, la S.C.P. BR ASSOCIES, en la personne de Me [H] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société CPH INDUSTRIES, et la SELARL AJASSOCIES, en la personne de Me [K] [Y], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CPH INDUSTRIES, ont constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au seul conseil de l'appelante, par RPVA, le vendredi 10 octobre 2025 ; par message RPVA du 11 octobre suivant, notifié encore une fois au seul avocat de l'appelante, le conseil de ces mandataire et administrateur judiciaires ont sollicité le renvoi de l'affaire pour lui permettre de régulariser le timbre et de 'recevoir le rapport du juge commissaire sur l'état de cessation des paiements ou pas de la société' ;

Me [O], conseil desdits mandataire et administrateur judiciaires, n'a pas comparu à l'audience du 13 octobre 2025 ;

Compte tenu de la tardiveté de la constitution de Me [O], de l'absence de demande de révocation de la clôture de l'instruction de l'affaire et de la non comparution de Me [O] à l'audience du 13 octobre 2025, sa demande de renvoi écrite a été rejetée et, à l'issue de l'audience, la décision a été mise en délibéré à ce jour ;

Néanmoins, tous les intimés ayant été représentés lors de l'ouverture des débats à l'audience du 13 octobre 2025, le présent arrêt sera rendu contradictoirement ;

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

1°/ Par ses conclusions remises au greffe le 23 juillet 2025, la société CPH INDUSTRIES, anciennement CPH PNEUMATIC, souhaite voir, au visa des articles L631-1 et R631-6 du code de commerce :

- infirmer le jugement déféré ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre et en toutes ses dispositions subséquentes, expressément énumérées,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que l'état de cessation des paiements n'était pas caractérisé à la date du jugement d'ouverture de la procédure et ne l'est pas à la date où la cour statue,

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

A ces fins, la société CPH INDUSTRIES fait valoir notamment :

- que la cessation des paiements est définie par la loi comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible, laquelle doit être appréciée au jour où la cour statue,

- que ses relevés bancaires révèlent que son compte courant principal, ouvert dans les livres de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE, était créditeur au 30 juin 2025 pour 109 914,43 euros, alors que son passif exigible n'est que de la condamnation prud'homale invoquée par M. [D],

- que la première saisie-attribution diligentée par ce dernier à son encontre le 3 octobre 2024, a été fructueuse à hauteur de 5 047,22 euros,

- que si la seconde, du 2 janvier 2024, a été infructueuse, ce fut en raison de 'la non-mise à jour de la dénomination sociale sur FICOBA, non à l'absence de fonds sur les comptes', alors même qu'une telle omission ne peut lui être opposée pour caractériser la cessation des paiements,

- que ces saisies n'ont d'ailleurs pas été faites sur le compte de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE,

- qu'à ce jour, si elle ne dispose pas, pour les produire aux débats, des éléments bancaires les plus récents, 'la trésorerie disponible est estimée à environ 80 000 euros',

- que de toute façon, le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation pour fixer la date de la cessation des paiements, qui ne peut être fixée automatiquement à la date de l'assignation ou de la convocation, sans vérification de la situation réelle,

- et que le jugement querellé a été rendu en violation du principe du contradictoire puisque son représentant s'était bien présenté à l'audience du tribunal mixte de commerce qui a prononcé son redressement judiciaire, mais que ce tribunal a refusé de l'entendre au motif qu'il n'était pas muni du mandat de son président, absent ponctuellement, sans renvoi et sans possibilité d'une régularisation du mandat en cours de délibéré ;

2°/ Par ses écritures d'intimée, remises au greffe le 28 août 2025, M. [M] [D] conclut quant à lui aux fins de voir :

- déclarer caduc l'appel interjeté par la société CPH INDUSTRIES venant aux droits de la société CPH PNEUMATEC,

- déclarer irrecevables les pièces versées par ladite société dans ses conclusions,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement la société CPH INDUSTRIES venant aux droits de la société CPH PNEUMATEC, la société AJASSOCIES, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CPH INDUSTRIES et la S.C.P. BR ASSOCIES, ès qualités de mandataire judiciaire de la même société, au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de timbre et de la signification à venir ;

M. [D] explique en substance à ces fins :

Sur la caducité

- que si les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées en même temps que la déclaration d'appel 'le 29 juillet 2025 au 29 août 2025", ni les conclusions ni les pièces n'ont été communiquées à l'avocat constitué, alors même que l'intimé disposait d'un délai qui expirait au 29 août 2025 pour conclure en réplique et ce, sans pièces et sans conclusions,

- qu'il a donc conclu sans qu'il fût en possession des conclusions et pièces adverses, ce pourquoi 'il est demandé à la cour de déclarer l'appel cadu(c) ou à défaut de rejeter les pièces visées dans les conclusions' ;

A titre subsidiaire (sur le fond)

- qu'à ce jour la société CPH INDUSTRIES n'a entrepris aucune démarche spontanée et amiable afin de s'acquitter des sommes qu'elle lui doit, et c'est ce qui l'avait conduit à procéder par voie d'exécution forcée,

- que ces mesures se sont révélées en large part infructueuses, ce qui conforte sa demande de redressement judiciaire à l'encontre de la débitrice,

- qu'il est surprenant qu'à ce jour, alors qu'elle se prévaut d'un solde bancaire créditeur de 109 914,43 euros, elle n'ait toujours pas soldé sa créance et se soit maintenue dans une totale inertie lorsqu'elle a reçu l'assignation aux fins de redressement judiciaire,

- qu'il n'est pas responsable de la non mise à jour de la dénomination sociale de la débitrice, non plus que du non-respect par celle-ci des règles de représentation à l'audience du tribunal mixte de commerce,

- et que dès après la seconde saisie-attribution, la société CPH INDUSTRIES s'est empressée de faire clôturer le compte bancaire qui en était l'objet dans l'unique but d'échapper à sa responsabilité financière à son égard ;

***

Pour l'exposé du surplus des moyens des parties, il est expressément référé à leurs conclusions respectives ;

MOTIFS DE L'ARRET

I- Sur la demande de M. [D] au titre de la caducité de l'appel

Attendu qu'il importe de constater en tout premier lieu que M. [D], en ses conclusions, invoque, au soutien de sa demande de caducité, 'l'article 905-2 du code de procédure civile', ainsi que 'l'article 906 (qui) précise que les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat...à l'avocat constitué', alors même que le premier de ces articles a été abrogé par un décret du 29 décembre 2023 à effet du 1er septembre 2024 et le second, très largement modifié par le même texte ; qu'ils ne sont donc pas applicables, dans les versions invoquées, aux appels formés postérieurement à cette dernière date ; que l'appel de la société CPH INDUSTRIES a été diligenté le 27 juin 2025 ; qu'il en résulte que ces deux articles, en leur contenu respectif invoqué par l'intimé, ne sont pas applicables en l'espèce et que ne sont applicables à la présente instance d'appel orientée à bref délai que les articles 906 et suivants du code de procédure civile, en leur version en vigueur depuis le 1er septembre 2024 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 906-2, alinéas 1 et 5 :

- à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe,

- sous la même sanction, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour et sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces mêmes alinéas, cependant que, si celles-ci constituent avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat ;

Attendu qu'en application du 6ème alinéa de cet article, le président de chambre peut réduire les délais pour conclure, ce qu'il a fait en l'espèce en les ramenant, pour les deux parties, à un mois ;

Attendu qu'il résulte de ces textes et des mentions incontestables de l'interface électronique de la cour :

- que la déclaration d'appel de la société CPH INDUSTRIES a été remise au greffe, par RPVA, le 27 juin 2025 et qu'elle a reçu, via son conseil, l'avis de fixation à bref délai du greffe le 17 juillet 2025,

- que, ayant siège en GUADELOUPE, elle avait donc un délai expirant au 18 août 2025 pour, à peine de caducité de la déclaration d'appel, remettre au greffe ses premières conclusions d'appelante et un délai expirant au 18 septembre 2025 (le 17 étant un dimanche) pour soit les faire signifier aux intimés non constitués soit les faire notifier à leurs avocats en cas de constitution avant cette date,

- que la société CPH INDUSTRIES a remis ses conclusions au greffe, par RPVA, le 23 juillet 2025, soit dans le délai susvisé, et, en l'absence de constitution des intimés à cette date, les a fait signifier par commissaire de justice à chacun d'eux, par acte du 28 juillet 2025 pour M. [D] et par actes séparés du 31 juillet 2025 pour chacun des mandataire judiciaire et administrateur judiciaire, ès qualités, soit, également, dans le délai susrappelé ;

Attendu que dès lors que les conclusions de l'appelant ont été signifiées aux intimés alors non constitués, leur constitution postérieure n'entraînait aucune obligation pour l'appelant de les notifier ensuite à l'avocat constitué, une telle notification n'étant obligatoire, en stricte observance de l'article 906-2 al 5 précité, que si l'avocat de l'intimé a été constitué avant que les conclusions d'appelant n'aient été signifiées à la personne de l'intimé ;

Attendu qu'aucune caducité n'est donc encourue de ces chefs ;

Attendu que c'est encore à tort que M. [D] estime, au fondement d'un texte, l'article 906 ancien du code de procédure civile, qui n'est pas

applicable en l'espèce, que la caducité serait encourue à raison de la non communication simultanée des conclusions et pièces de l'appelante à son conseil, puisque, outre cette inapplicabilité, aucune disposition du code de procédure civile actuellement en vigueur ne fulmine la sanction de la caducité de l'appel en cas de non communication des pièces, seule leur irrecevabilité pour violation du principe du contradictoire étant envisageable ; qu'ainsi, aucune caducité n'est davantage encourue de ce chef ;

II- Sur la recevabilité de l'appel

Attendu qu'aux termes des dispositions des articles L.661-1 et R.661-3 du code de commerce, les décisions statuant sur l'ouverture du redressement judiciaire sont susceptibles d'appel de la part du débiteur dans le délai de dix jours suivant leur notification ;

Attendu que la société CPH INDUSTRIES, venant aux droits de la société CPH PNEUMATEC, a relevé appel le 27 juin 2025 du jugement rendu en son absence le 12 juin 2025 et ordonnant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard ; et qu'en l'absence de justification de la date à laquelle ce jugement lui aurait été notifié par le greffe ou, le cas échéant, lui aurait été signifié par M. [D], il échet de dire cet appel recevable au plan du délai pour agir ;

III- Sur la demande de M. [D] au titre de l'irrecevabilité des pièces de l'appelante

Attendu qu'il résulte des mentions de l'interface électronique de la cour que le conseil de l'appelante a bien communiqué ses pièces à celui de l'intimé constitué, et ce, par RPVA, le 2 septembre 2025, soit après que ce dernier se fut constitué le 21 août précédent ;

Attendu qu'outre que cette communication soit ainsi intervenue avant même l'expiration du délai qu'avait l'appelant pour signifier à l'intimé ou notifier à son avocat ses premières conclusions, la circonstance que M. [D] ait dû conclure avant que son conseil n'ait reçu ces pièces, n'est pas constitutive d'une violation des droits de la défense ou du principe du contradictoire, puisque, dès lors que ledit conseil les a reçues finalement le 2 septembre 2025, soit plus d'un mois avant la date prévisible de clôture dont il a eu connaissance dans l'avis de fixation à bref délai, il avait très largement le temps de conclure à nouveau au visa de ces éléments ;

Attendu qu'il peut être ajouté que si M. [D] a été contraint de conclure très vite après sa constitution et avant même d'avoir reçu les pièces adverses, soit avant le 29 août 2025, date d'expiration du délai qu'il avait pour ce faire compte tenu de la signification qu'il avait reçue des conclusions de l'appelante le 29 juillet précédent, c'est essentiellement pour la raison que bien qu'ayant ainsi reçu ce 29 juillet 2025 la déclaration d'appel, l'avis de fixation à bref délai et les conclusions de la société CPH INDUSTRIES, il a fait choix de ne constituer avocat que le 21 août suivant, soit au delà du délai de 15 jours de l'article 906-1 al 4 du code de procédure civile, lequel ne fulmine cependant d'autres sanctions que le risque d'une clôture avant constitution et celui de l'irrecevabilité de conclusions tardives ;

Attendu qu'il échet en conséquence de déclarer recevables les pièces de l'appelante dont il a eu parfaite connaissance bien avant la clôture de l'instruction de l'affaire et, par suite, de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. [D] à leur égard ;

IV- Sur le fond de la décision d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société CPH PNEUMATEC devenue CPH INDUSTRIES

Attendu qu'il convient, à titre liminaire, de constater que si la société CPH INDUSTRIES argue, dans la dernière partie de ses explications (chapitre VI), de la violation du principe du contradictoire dont elle aurait été victime en première instance, d'une part, elle n'en tire aucune conséquence en ses demandes, en ce qui est de la seule sanction possible en ce cas, savoir la nullité du jugement querellé, et, d'autre part et surtout, elle n'apporte pas le moindre élément qui démontrerait que, bien que représentée à l'audience, même sans mandat de son président, elle aurait été empêchée de s'exprimer ou de proposer d'adresser ledit mandat en cours de délibéré ; que ledit jugement ne dit rien de tel, mais seulement que la société n'était pas représentée, et il n'est produit aucun plumitif d'audience sur lequel elle aurait fait acter une telle violation des droits de la défense ; qu'il y a donc lieu de rejeter cet argument du rang de ceux qui, selon elle, pourraient fonder, comme elle le demande, l'infirmation de la décision déférée ;

***

Attendu que l'article L.631-1 du code de commerce institue une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ;

Attendu que la 'cessation des paiements' est définie par ce même article comme l'impossibilité, pour une personne physique ou morale relevant des procédures collectives, de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ;

Attendu qu'aux termes de l'article L631-2 du même code, la procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale ou une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'au regard de sa nature et de son objet la société appelante soit commerciale par la forme, ni qu'elle ait une activité commerciale, ce qui la rend éligible à la procédure de redressement judiciaire en application de ce dernier texte ;

Attendu que cette société ne conteste en réalité que l'état de cessation des paiements qui lui est imputé, estimant qu'elle est en capacité de payer ce qu'elle doit à M. [B] ;

Attendu que sa dette envers lui résulte d'un arrêt de la cour de ce siège en date du 3 juin 2024, laquelle l'a condamnée à payer à M. [D] la somme principale de 35000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens et les intérêts de droit ;

Attendu que pour avoir paiement de cette somme, M. [D] justifie à ce jour avoir dû engager, après signification dudit arrêt suivant acte de commissaire de justice du 25 juillet 2024, deux procédures de saisie-attribution, la première, du 3 octobre 2024, ayant été fructueuse à hauteur de 5 047,22 euros sur un total réclamé de 39 053,48 euros en principal, frais et intérêts, et la seconde, du 22 janvier 2025, totalement infructueuse sur le total réclamé ramené à 35 612,97 euros (pièces 11 à 15 de son dossier ) ; et qu'il n'est pas contesté que, depuis ces saisies, aucune somme ne lui ait été réglée par la société CPH INDUSTRIES, de quoi il résulte la preuve d'une dette de cette dernière qu'elle n'a pas été à ce jour en capacité de régler alors même qu'elle est due irrévocablement depuis l'acte de significiation de l'arrêt du 3 juin 2024 en date du 25 juillet 2024 ;

Mais attendu que l'existence d'une dette impayée ne fait pas à elle seule la preuve de l'état de cessation des paiements du débiteur, et ce au regard de la définition ci-avant rappelée d'un tel état, savoir l'impossibilité de faire face, avec son actif disponible, à un passif exigible ;

Attendu qu'à cet égard la société CPH INDUSTRIES se prétend habile à solder sa dette envers M. [D], soit un peu moins de 40 000 euros, à ce jour, tous frais et intérêts inclus, et en veut pour preuve, parmi ses productions :

1°/ ses comptes annuels au titre de l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2023 (sa pièce 6), qui révèlent un résultat d'exploitation déficitaire de 141 465 euros cette année là, pour un résultat bénéficiaire de 38 721 euros pour l'exercice précédent (du 1er janvier au 31 décembre 2022), alors même que son chiffre d'affaires brut pour 2023 a été de plus de 37 % supérieur à celui de 2022, ce qui laisse à penser à une exploitation structurellement déficitaire ;

Attendu qu'au chapitre de l'actif circulant net figurent surtout les disponibilités immédiates, c'est-à-dire les actifs disponibles pouvant permettre d'apurer les dettes exigibles, lesquelles n'étaient, au 31 décembre 2023, que de moins de 30 000 euros, pour seulement 2 126,91 euros au 31 décembre 2022 ;

2°/ divers relevés de son compte courant professionnel ouvert dans les livres de la BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE :

- le premier, en date du 28 février 2025, qui révèle un solde créditeur au 31 janvier 2025, de 17 521,17 euros et au 28 février 2025, de 9 690,25 euros,

- le second, en date du 31 mars 2025, qui révèle un solde créditeur à cette date de 67810,66 euros à la faveur, notamment, d'importantes rentrées d'un montant de plus de 91 000 euros,

- le troisième, en date du 30 avril 2025, qui révèle un solde créditeur à cette date de seulement 24 892,47 euros,

- le quatrième, en date du 30 mai 2025, qui révèle un solde créditeur à cette date de 61 794,55 euros, et ce à la faveur d'une rentrée de plus de 43 000 euros pour des dépenses de moins de 6 500 euros,

- et le cinquième, en date du 30 juin 2025, qui révèle un solde créditeur à cette date de 109 914,43 euros, et ce à la faveur d'importantes rentrées de plus de 70 000 euros ;

Attendu que force est de constater que la société débitrice s'abstient de produire à la fois les relevés du compte BANQUE POPULAIRE concomitants à la signification de l'arrêt du 3 juin 2024 et aux saisies-attribution diligentées sur un autre compte, celui de la BANQUE EUROPEENNE DU CREDIT MUTUEL, en octobre 2024 et janvier 2025, d'une part, et, d'autre part, les relevés de ce même compte BANQUE POPULAIRE pour les mois les plus proches du présent arrêt, soit ceux de juillet et août 2025, alors même que la clôture de la procédure ne date que du 6 octobre 2025 et qu'ainsi leur production eut été procéduralement possible et souhaitable dans un souci de transparence à l'égard de son créancier et de la cour ; qu'à cet égard, elle se borne, en ses écritures d'appelante de juillet 2025, à dire qu''à ce jour elle ne dispose pas d'éléments bancaires plus récents à produire, mais la trésorerie disponible est estimée à environ 80 000 euros à confirmer par production de nouveaux relevés si besoin', ce qu'elle n'a jamais fait ; qu'il en résulte que la cour est laissée dans l'ignorance de la situation de trésorerie exacte de la société CPH INDUSTRIES au jour où elle statue, alors, encore, que les relevés ci-avant détaillés révèlent un quantum de trésorerie mensuel particulièrement erratique et qui, en tout cas, pour ce que l'appelante a bien voulu en laisser voir, était insusceptible de lui permettre de solder sa dette de près de 40 000 euros en janvier, février et avril 2025 ; et qu'en s'abstenant sciemment de produire les relevés des mois de juillet et août 2025, il ne peut être tenu pour acquis qu'elle soit à ce jour en capacité de solder sa dette envers M. [D], hors le cadre d'une procédure collective et d'un plan de continuation par apurement du passif exigible, l'allégation d'un solde créditeur 'estimé' de 80 000 euros n'étant soutenue d'aucun élément sérieux, alors même qu'il est ici question du paiement de dettes de nature salariale à un créancier qui bénéficie d'un titre exécutoire depuis plus d'un an maintenant ;

Attendu qu'en outre, il n'est pas sérieusement contesté que le seul compte bancaire dont M. [D] a pu avoir connaissance lorsqu'en suite de la signification de l'arrêt du 3 juin 2024, il a voulu contraindre sa débitrice, ' qui ne s'était pas exécutée spontanément tout en prétendant aujourd'hui avoir toujours été in bonis --, à lui payer sa créance de l'ordre de 40 000 euros, était celui du CREDIT MUTUEL, lequel s'est révélé, lors de la première des deux saisies-attribution ainsi diligentées, soit le 9 octobre 2024, créditeur d'une somme bien inférieure au montant de cette créance, soit un peu plus de 5 000 euros seulement et, lors de la seconde de ces saisies, soit le 15 novembre 2024, inexistant, ce qui peut signifier qu'il a été clôturé après la première saisie ; qu'il n'est d'ailleurs rien dit, par l'appelante, de la date à laquelle le compte BANQUE POPULAIRE a été ouvert par ses soins, la numérotation du premier des relevés de ce compte ici produit, soit n° 1, pouvant laisser entendre qu'il se soit agi d'un compte ouvert fin 2024 ou début 2025, soit postérieurement à la probable clôture du compte du CREDIT MUTUEL dont il est constant qu'il n'existait plus lors de la saisie du 22 janvier 2025 ; et que le récit que propose la débitrice de son changement de dénomination qui serait à l'origine de l'échec de cette seconde saisie-attribution n'apparaît pas sérieuse, étant au surplus observé que si tel avait été le cas, il lui aurait appartenu, en tant que débitrice de bonne foi, d'en prévenir M. [D] dont elle ne pouvait ignorer qu'il avait déjà diligenté une saisie-attribution sur ledit compte quelques mois auparavant ;

Attendu qu'enfin, il apparaît surprenant, voir incompréhensible que, bien que prétendant disposer d'une trésorerie nette de plus de 91 000 euros fin mars 2025, de plus de 61000 euros fin mai 2025 et de l'ordre de 110 000 euros fin juin 2025, et bien qu'en justifiant par les relevés de compte précités, la société CPH INDUSTRIES, pourtant assignée aux fins de redressement judiciaire le 6 mai 2025, n'ait pas pris l'initiative de solder sa dette envers M. [D] ; et que cette incongruîté démontre derechef que, nonobstant cette trésorerie faciale, elle ne disposait pas des liquidités suffisantes, au regard de ses autres charges plus instantes, pour en retirer les quelque 35 000 euros restant dus au susnommé créancier ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société CPH INDUSTRIES est bel et bien, au regard de son incapacité à payer à M. [D] le solde de sa créance de moins de 40 000 euros et au regard de son incapacité à démontrer l'état réel de sa trésorerie disponible à ce jour, en état de cessation des paiements ;

Attendu qu'en l'état des éléments proposés par la débitrice, la date de cette cessation des paiements, qui ne peut être fixée arbitrairement, comme l'a fait le premier juge, à la date de l'assignation aux fins d'ouverture de la procédure collective, sera fixée provisoirement à la date à laquelle il a été constaté qu'elle ne disposait pas d'une trésorerie suffisante pour solder sa dette de l'ordre de 40 000 euros pourtant exigible, savoir la date de la saisie-attribution à l'occasion de laquelle il a été constaté que le compte courant de la société dans les livres du CREDIT MUTUEL n'était créditeur que d'un peu plus de 5 000 euros, soit le 3 octobre 2024, puisque la débitrice ne dit pas et ne démontre pas la date à laquelle le compte BANQUE POPULAIRE a été finalement ouvert, tout en démontrant, en revanche, par la production du premier relevé y relatif, qu'il n'était toujours créditeur, fin janvier 2025, que de l'ordre de 17 000 euros, soit une somme bien inférieure au montant de sa dette envers M. [D] ;

Attendu que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont constaté la cessation des paiements de la société appelante, ont ouvert à son profit une procédure de redressement judiciaire et ont organisé cette procédure en désignant ses organes et en fixant les délais imposés par la loi ; que c'est en revanche à tort qu'ils ont fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 6 mai 2025 ; qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, hors celle au titre de cette dernière date, la cessation des paiements étant ici fixée provisoirement au 3 octobre 2024 ;

V- Sur les dépens

Attendu que les dépens de l'instance d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective à la charge, par suite, de la seule société débitrice, à l'exclusion par suite et bien sûr des deux mandataire et administrateur judiciaires ; qu'il n'y a pas lieu de préciser le contenu desdits dépens, lesquels sont déterminés par règlement opposable erga omnes ;

Attendu qu'en équité, la société CPH INDUSTRIES, et elle seule, sera en outre condamnée à indemniser M. [D] de ses frais irrépétibles d'appel à hauteur de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; et que, partant, M. [D] sera débouté de sa demande de ce chef à l'encontre des mandataire et administrateur judiciaires ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel et rejette la demande en ce sens de M. [M] [D],

- Dit recevable l'appel formé par la S.A.S. CPH INDUSTRIES, venant aux droits de la société CPH PNEUMATEC, à l'encontre du jugement du tribunal mixte de commerce de POINTE-A-PITRE en date du 12 juin 2025,

- Dit recevables les pièces produites par l'appelante et rejette la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par M. [M] [D],

- Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions déférées, hors celle qui a trait à la fixation provisoire de la date de cessation des paiements,

Statuant à nouveau sur ce dernier point,

- Fixe provisoirement la date de cessation des paiements de la société CPH INDUSTRIES, venant aux droits de la société CPH PNEUMATEC, au 3 octobre 2024,

Y ajoutant,

- Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de procédure collective,

- Déboute M. [M] [D] de ses demandes au titre des frais irrépétibles à l'encontre de la SELARL AJASSOCIES, en la personne de Me [K] [Y], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société CPH INDUSTRIES, et de la S.C.P. BR ASSOCIES, en la personne de Me [H] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire,

- Condamne la S.A.S. CPH INDUSTRIES à payer à M. [M] [D] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Et ont signé,

La greffière, Le président

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