Cass. com., 8 novembre 2011, n° 10-25.064
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Favre
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué( Douai, 1er juillet 2010), que par acte notarié du 21 octobre 1993, M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire envers la Société générale (la banque) de l'ouverture de crédit consentie à la société Bellevue les dunes (la société), remboursable le 21 avril 1995, avec faculté de prorogation d'un commun accord entre les parties; que ce terme a été modifié à plusieurs reprises ; que la société ayant été mise en règlement puis liquidation judiciaires, la banque , après avoir déclaré sa créance, a mis la caution en demeure de lui rembourser les sommes dues par la société ; que la caution et Mme X..., son épouse commune en biens, ont assigné la banque en soulevant l'irrecevabilité de cette demande en paiement , comme étant prescrite ; qu'un jugement les a déchargés de leur obligation ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée irrecevable en son action, alors, selon le moyen :
1°/ que la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir ; que la prescription de l'action dont dispose le créancier à l'encontre de la caution ne court donc pas tant que la caution n'est pas tenue d'une obligation de règlement ; que l'obligation de règlement de la caution naissant au jour où l'obligation garantie est exigible, le report de la date d'exigibilité de l'obligation principale reporte nécessairement le point de départ de la prescription de l'action du créancier à l'encontre de la caution ; que ce report n'est pas subordonné à l'accord de la caution au report de la date d'exigibilité de l'obligation principale ; qu'en jugeant que l'action de la banque à l'encontre de la caution se prescrivait à compter du 21 avril 1995, date initialement fixée pour l'exigibilité de l'obligation principale, dès lors que la caution n'avait pas donné son accord au report de la date d'exigibilité de l'ouverture de crédit stipulé par les avenants des 16 octobre 1997, 26 août 1998 et 7 juillet 1999, la cour d'appel a violé les articles 2292 et 2316 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;
2°/ que, selon l'article 2316 du code civil, la simple prorogation du terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ; qu'il se déduit de ce texte que la prorogation de terme consentie par le créancier est opposable de droit à la caution, sans qu'il soit besoin de requérir son consentement, celle-ci ayant seulement la faculté, si elle estime que le report de dette est de nature à l'exposer à des risques imprévus ou à fragiliser l'exercice de son recours subrogatoire, d'exercer un recours anticipé contre le débiteur ; que la cour d'appel, qui estime que les reports de la date d'exigibilité de la dette consentis par la banque à la société étaient inopposables à la caution, faute pour celle-ci d'avoir donné son consentement à ces reports, et en déduit que l'action de la banque contre la caution était prescrite, a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 110-4 du code du commerce ;
3°/ que l'article 2316 du code civil dispose que la caution n'est pas déchargée par la prorogation du terme consentie par le débiteur principal ; que ne déroge pas à cette règle la clause d'un contrat de prêt stipulant que la date d'exigibilité pourra être reportée d'un commun accord entre les parties , les parties visées par cette clause étant nécessairement les parties au contrat de prêt ; qu'en estimant que cette clause subordonnait le report de la date d'exigibilité du prêt à l'accord de la caution, qui demeurait tiers au contrat de prêt quand bien même elle aurait souscrit son engagement de caution par le même acte notarié, la cour d'appel a dénaturé l'acte de prêt en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que sauf stipulation contraire, le consentement de la caution à la prorogation du terme de l'obligation principale n'est soumis à aucune forme ; qu'en se bornant, pour considérer que M. et Mme X... n'avaient pas consenti à cette prorogation, à constater qu'ils n'avaient pas été parties aux avenants des 16 octobre 1997, 26 août 1998 et 7 juillet 1999, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si M. X..., en sa qualité de caution dirigeante, n'avait pas eu connaissance de l'obtention par la société de délais de paiement, et si son absence de réaction ne caractérisait pas son accord, en sa qualité de caution, à cette prorogation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2316 du code civil.
Mais attendu qu'ayant par une appréciation souveraine de la partie de la clause stipulant la prorogation du crédit, rendue nécessaire par son insertion dans l'acte au côté des cautionnements , qui en étaient partie intégrante , estimé que la durée du prêt était prorogée d'un commun accord de toutes les parties à cet acte, ce dont il résultait que le report de la date d'exigibilité de l'obligation principale était subordonnée à l'accord de la caution, puis constaté la non participation de la caution et de Mme X... aux avenants litigieux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée à la dernière branche, devenue inopérante, a exactement retenu que les avenants prorogeant le terme de l'ouverture de crédit ne leur étaient pas opposables, de sorte que la date du 21 avril 1995 constituait le point de départ de la prescription décennale ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ; la condamne à payer à M. et Mme X..., la somme globale de 2 500 euros, rejette sa demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils
pour la Société générale.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la SOCIETE GENERALE irrecevable en son action ;
AUX MOTIFS QUE « pour s'opposer à l'argumentation de la banque, M.Louis MIELLET et Mme Michelle Y... épouse X... soulèvent tout d'abord la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SOCIETE GENERALE ; que l'acte notarié et litigieux du 21 octobre 1993 stipule en page deux, sur la durée du crédit, que celui-ci « se terminera le 21 avril 1995, date à laquelle le crédit devrait être entièrement remboursé. Cette durée pourra être prorogée d'un commun accord entre les parties » ; que s'agissant des cautionnements proprement dits, ils sont partie intégrante à l'acte notarié. Il est ainsi précisé en page six et sept de cet acte que : « la caution est tenue de payer à la banque ce que doit ou devra le client au cas où ce dernier ne ferait pas face à ce paiement pour un motif quelconque
La caution reste tenue du présent engagement, sans possibilité de le révoquer, jusqu'au remboursement intégral et définitif à la banque de toutes sommes dues par le client au titre de l'obligation garantie par les présents
» ; que si, au regard de ces stipulations, les cautions restent tenues de leur engagement sans possibilité de le révoquer jusqu'au remboursement intégral et définitif de la créance de la banque, ainsi que cette dernière le soutient exactement et si la durée du prêt peut être prorogée, encore convient-il que cela le soit d'un commun accord de toutes les parties à l'acte. Or, la Cour a vainement cherché leur présence à l'avenant notarié en date du 16 octobre 1997 comme au demeurant aux avenants sous-seing-privé en date des 26 août 1998 et 2 juillet 1999 ; que c'est donc vainement que pour s'opposer aux conséquences de cette absence, la banque se retranchera, au regard des stipulations précitées de l'acte notarié, derrière les dispositions de l'article 2316 du Code civil qui ont un caractère supplétif et non pas impératif. Dès lors c'est exactement que M.Louis X... et Mme Michelle Y... épouse X... soutiennent que les avenants des 16 octobre 1997, 26 août 1998 et 7 juillet 1999 ne leur sont pas opposables ; qu'en conséquence de cette inopposabilité, le 21 avril 1995 étant seul terme connu des cautions pour le remboursement de la totalité de la créance de la SOCIETE GENERALE et en l'absence par ailleurs de l'information annuelle qui leur était due par le prêteur, le commandement aux fins de saisie vente délivré par la banque le 5 avril 2007 est intervenu plus de 10 ans après ce terme conventionnellement connu des parties et fixé par elles de telle sorte que c'est exactement qu'au visa de l'article L.110-4 du code de commerce, M.Louis X... et Mme Michelle Y... épouse soutiennent que l'action dirigée contre eux par la banque est irrecevable par l'effet de la prescription prévue par ce texte » ;
1)° ALORS, D'UNE PART, QUE la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir ; que la prescription de l'action dont dispose le créancier à l'encontre de la caution ne court donc pas tant que la caution n'est pas tenue d'une obligation de règlement ; que l'obligation de règlement de la caution naissant au jour où l'obligation garantie est exigible, le report de la date d'exigibilité de l'obligation principale reporte nécessairement le point de départ de la prescription de l'action du créancier à l'encontre de la caution ; que ce report n'est pas subordonné à l'accord de la caution au report de la date d'exigibilité de l'obligation principale ; qu'en jugeant que l'action de la SOCIETE GENERALE à l'encontre de Monsieur X..., ès qualité de caution, se prescrivait à compter du 21 avril 1995, date initialement fixée pour l'exigibilité de l'obligation principale, dès lors que Monsieur X... n'avait pas donné son accord au report de la date d'exigibilité de l'ouverture de crédit stipulé par les avenants des 16 octobre 1997, 26 août 1998 et 7 juillet 1999, la Cour d'appel a violé les articles 2292 et 2316 du Code civil et L. 110-4 du Code de commerce ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE, selon l'article 2316 du Code civil, « la simple prorogation du terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement » ; qu'il se déduit de ce texte que la prorogation de terme consentie par le créancier est opposable de droit à la caution, sans qu'il soit besoin de requérir son consentement, celle-ci ayant seulement la faculté, si elle estime que le report de dette est de nature à l'exposer à des risques imprévus ou à fragiliser l'exercice de son recours subrogatoire, d'exercer un recours anticipé contre le débiteur ; que la Cour d'appel, qui estime que les reports de la date d'exigibilité de la dette consentis par la SOCIETE GENERALE à la société BLD étaient inopposables à la caution, faute pour celle-ci d'avoir donné son consentement à ces reports, et en déduit que l'action de la SOCIETE GENERALE contre la caution était prescrite, a violé le texte susvisé, ensemble l'article L.110-4 du Code du commerce ;
3°) ALORS, ENCORE, QUE l'article 2316 du Code civil dispose que la caution n'est pas déchargée par la prorogation du terme consentie par le débiteur principal ; que ne déroge pas à cette règle la clause d'un contrat de prêt stipulant que la date d'exigibilité pourra être reportée « d'un commun accord entre les parties », les parties visées par cette clause étant nécessairement les parties au contrat de prêt ; qu'en estimant que cette clause subordonnait le report de la date d'exigibilité du prêt à l'accord de la caution, qui demeurait tiers au contrat de prêt quand bien même elle aurait souscrit son engagement de caution par le même acte notarié, la Cour d'appel a dénaturé l'acte de prêt en violation de l'article 1134 du Code civil ;
4)° ALORS ENFIN, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE sauf stipulation contraire, le consentement de la caution à la prorogation du terme de l'obligation principale n'est soumis à aucune forme ; qu'en se bornant, pour considérer que les époux X... n'avaient pas consenti à cette prorogation, à constater qu'ils n'avaient pas été parties aux avenants des 16 octobre 1997, 26 août 1998 et 7 juillet 1999, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (Cf. conclusions de la SOCIETE GENERALE signifiées le 31 mars 2010, p. 9), si Monsieur X..., en sa qualité de caution dirigeante, n'avait pas eu connaissance de l'obtention par la société BLD de délais de paiement, et si son absence de réaction ne caractérisait pas son accord, en sa qualité de caution, à cette prorogation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2316 du Code civil.