Livv
Décisions

Cass. com., 11 février 1997, n° 95-10.872

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

BEZARD

Cass. com. n° 95-10.872

10 février 1997

Attendu, selon l'arrêt déféré, que MM. Jacques et Patrick Y... (consorts Y...), associés et co-gérants de la société JAPA (la société), se sont portés cautions solidaires des dettes de cette société, envers la Banque nationale de Paris (la banque), chacun à concurrence de 3 000 000 francs; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné les consorts Y... en exécution de leurs engagements de caution;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :

Attendu que les consorts Y... reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque solidairement la somme de 700 000 francs et, chacun d'eux, la somme de 1 948 721,15 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les consorts Y... exposaient dans leurs conclusions d'appel, qu'en sa qualité de mandataire liquidateur de la société, M. X... avait engagé une procédure à l'encontre de la banque pour voir constater que les soutiens financiers qu'elle avait accordés ou maintenus à cette société dont la situation était irrémédiablement compromise, étaient fautifs; qu'ils en déduisaient que si le Tribunal faisait droit à la demande de M. X..., la banque serait condamnée à verser des dommages-intérêts à la société, de sorte que son passif s'en trouverait réduit et par là-même le quantum de leur obligation en leur qualité de caution à l'égard de la banque; que, dès lors, ils sollicitaient un sursis à statuer afin de voir fixer de façon définitive le quantum de leur dette à l'égard de la banque; qu'ainsi, la décision à intervenir était susceptible d'exercer une influence sur la solution de la contestation, de sorte qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, d'autre part, qu'une banque commet une faute de nature à engager sa responsabilité lorsqu'elle accorde ou maintient des crédits à une société dont la situation est irrémédiablement compromise ;

qu'en statuant comme elle a fait, sans rechercher si la banque n'avait pas commis une faute du seul fait qu'elle avait accordé ou maintenu ses crédits à la société, tout en sachant que sa situation était irrémédiablement compromise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu, d'une part, qu'en rejetant la demande de sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure engagée par le mandataire liquidateur de la société contre la banque, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir discrétionnaire, sans avoir à répondre par un motif spécial aux conclusions invoquées;

Attendu, d'autre part, qu'en retenant que "les consorts Y... ne versent aucun document justifiant de l'augmentation des concours bancaires dans des proportions inconsidérées durant la période où, selon eux, la situation de la société était irrémédiablement compromise", la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise;

D'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident :

Vu les articles 1203, 2021, 2025 et 2026 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions solidaires d'un même débiteur pour une même dette, elles ne peuvent, sauf convention contraire, opposer au créancier qui les poursuit solidairement en paiement le bénéfice de division;

Attendu que, pour condamner chacun des consorts Y... à payer à la banque la somme de 1 948 721,15 francs, et, par voie de conséquence, les condamner à payer une certaine somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens, la cour d'appel, après avoir relevé qu'il fallait retrancher du montant de la créance de la banque la somme de 700 000 francs à laquelle les cautions étaient tenues solidairement, a décidé que le reliquat de la créance devait être payé, par parts égales, par chacune des cautions, en faisant ressortir que, pour ce reliquat, les cautions n'étaient pas solidaires entre elles;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

Et sur le second moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'arrêt décide que chacun des consorts Y... ne pourra être tenu au-delà d'une somme de 3 000 000 francs;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre par aucun motif à la banque qui faisait valoir que chacun des consorts Y... s'était engagé à la somme de "3 000 000 francs en principal, plus intérêts, commissions, frais et accessoires", la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné chacun des consorts Y... à payer à la Banque nationale de Paris la somme de 1 948 721,15 francs en deniers ou quittances, dit que chacun des consorts Y... ne pourra être tenu au-delà de 3 000 000 francs et condamné les consorts Y... à payer à la Banque nationale de Paris la somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu entre les parties le 1er avril 1994, par la cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque nationale de Paris;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze février mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site