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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 4 novembre 2025, n° 25/01294

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 25/01294

4 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 25/01294 - N° Portalis DBVK-V-B7J-QSRG

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 FEVRIER 2025

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2024013984

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. EKIP Es qualité de « Commissaire à l'exécution du plan » de la SAS « SOCOMAB POLE FROID ET DISTRIBUTION » immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 824 753 586, dont le siège social est [Adresse 3], [Localité 4] (France) en redressement judiciaire depuis le 12/07/2023,

[Adresse 2],

[Localité 5]

Représentée par Me Annabelle PORTE FAURENS de la SELASU FAURENS AVOCAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S. OTM

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Carla SAHONET substituant Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 17 Septembre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 906-5 et 914-5 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2025,en audience publique, devant M. Fabrice VETU, conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre

M. Thibault GRAFFIN, conseiller

M. Fabrice VETU, conseiller

Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE

en présence de [V] [I], greffier stagiaire

ARRET :

- contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Elodie CATOIRE, greffière.

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant devis accepté le 12 octobre 2021, la SAS Socomab Pôle Froid Distribution a vendu trois vitrines réfrigérées à la SASU OTM Aubry de 54 145,69 euros.

Par jugement du 12 juillet 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Socomab Pôle Froid Distribution ;

- fixé la date de cessation des paiements au 31 mai 2023 ;

- désigné la SELARL Ekip' en qualité de mandataire judiciaire de la procédure.

Par lettre du 18 juillet 2024, la société OTM a vainement mis en demeure la société Socomab Pôle Froid Distribution et la société Ekip', ès qualités, de mettre en 'uvre toutes les diligences nécessaires pour rendre les vitrines conformes aux règles sanitaires.

Par jugement du 31 juillet 2024, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de redressement judiciaire de la SAS Socomab Pôle Froid Distribution, et désigné la SELARL Ekip' en qualité commissaire à l'exécution du plan.

Par exploit du 31 octobre 2024, la société OTM a assigné en référé les sociétés Socomab Pôle Froid Distribution et Ekip', ès qualités, aux fins de les voir condamner, sous astreinte, à la remise en état du matériel affectés de désordres et à l'indemnisation de ses préjudices.

Par ordonnance du 12 décembre 2024, le juge des référés a ordonné le renvoi de l'affaire au fond conformément aux dispositions de l'article 873-1 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 7 février 2025, le tribunal de commerce de Montpellier a :

condamné la société Socomab Pôle Froid Distribution à exécuter son obligation en nature de livraison et d'installation conforme d'une vitrine surgelée Atlantic négatif, d'une banque froide Tornade, d'une vitrine surgelée Atlantic positif et les accessoires afférents sans coût supplémentaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la signification de la présente décision ;

s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;

rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice financière et de jouissance ;

et condamné la société Socomab Pôle Froid Distribution à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 5 mars 2025, la société Ekip', ès qualités, a relevé appel de ce jugement.

Par exploit du 25 avril 2025, la SASU OTM a sollicité la radiation de l'affaire tandis que la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution et la SELARL Ekip' ont sollicité l'arrêt de l'exécution provisoire. Par ordonnance de référé datée du 18 juin 2025, le délégué du premier président de cette cour a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire et de radiation.

Par conclusions du 5 septembre 2025, la SELARL Ekip, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution, et la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution demandent à la cour, au visa des articles 778, 837 du code de procédure civile, de l'article 1353 du code civil et des articles L. 622-14 et suivants du code de commerce de :

joindre sous le numéro RG 25/01423, les procédures engagées devant la cour de céans et enrôlées sous les numéros RG 25/01423 et 25/01294 ;

À titre principal,

annuler le jugement entrepris en ce qu'il a été rendu au mépris des droits de la défense de la société Socomab Pôle Froid Distribution et du principe du contradictoire ;

À titre subsidiaire,

infirmer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

juger irrecevable et mal fondées la société OTM en ses demandes ;

la débouter en conséquence de toutes ses demandes dirigées à son encontre, y compris son appel incident ;

À titre infiniment subsidiaire, dans le cas où la société Socomab Pôle Froid Distribution serait condamnée à une obligation de faire,

rejeter la demande de condamnation sous astreinte ;

la débouter pour le surplus de ses demandes ;

À titre très infiniment subsidiaire, dans le cas où une expertise judiciaire serait ordonnée,

mettre à sa charge les frais d'expertise ;

la débouter pour le surplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

et la condamner à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 4 septembre 2025, la SAS OTM, formant appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1603, 1217, 1221, 1222, 1231-1 du code civil, des articles 114, 144, 232, 700, 855, 873-1 du code de procédure civile, des articles L. 622-17, L. 622-24 du code de commerce applicable par renvoi de l'article L. 631-14 du même code et de l'article L. 131-1 du code de procédure civile d'exécution, de :

À titre liminaire,

joindre sous les procédures d'appel enrôlées sous les numéros RG 25/01423 et 25/01294 ;

rejeter la demande formulée par les sociétés Ekip', ès qualités, et Socomab Pôle Froid et Distribution tendant à voir le jugement entrepris annulé ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Socomab Pôle Froid Distribution à exécuter son obligation en nature de livraison et d'installation conforme de la vitrine surgelée Atlantic négatif, de la banque froide tornade et d'une vitrine surgelée Atlantic positif et les accessoires afférents sans coût supplémentaire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à venir ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation solidaire des sociétés Socomab Pôle Froid Distribution et Ekip', ès qualités, au paiement de sommes en indemnisation du préjudice suivi ;

Statuant à nouveau,

les condamner solidairement à payer les sommes de 129 410,76 euros au titre du préjudice financier et 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Socomab Pôle Froid Distribution à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

les condamner solidairement à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution de la décision à intervenir ;

À titre d'appel incident, si par extraordinaire, la cour infirmait le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Socomab Pôle Froid Distribution à l'exécution forcée en nature de son obligation,

les condamner solidairement à payer la somme de 129 410,76 euros correspondant au devis de réinstallation des équipements conformes ;

Si par extraordinaire, la cour estime que la non-conformité de la livraison et de l'installation du matériel commandé ne sont pas suffisamment établies,

désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

convoquer les parties dans le respect du contradictoire ;

se faire communiquer tous les éléments et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission ;

réunir les parties à cet effet autant de fois que nécessaire ;

expertiser la livraison et l'installation de la vitrine surgelée Atlantic négatif, de la banque froide tornade et de la vitrine surgelée Atlantic positif et les accessoires afférents au sein du fonds de commerce de la société OTM ;

dire si les désordres allégués par la présente assignation existent, dans l'affirmative, les décrire tout aussi précisément ;

instruire la cour sur tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre, éventuellement à dire de justice, la responsabilité contractuelle de la société Socomab Pôle Froid Distribution et le préjudice subi par la société OTM ;

du tout, dresser un pré-rapport ou une note de synthèse en donnant aux parties un délai suffisant pour s'exprimer à ce sujet ;

fixer la provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;

ordonner la charge de la consignation de la rémunération de l'expert à la société Socomab Pôle Froid Distribution ;

et réserver les dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est datée du 17 septembre 2025.

MOTIFS

Sur l'appel annulation

Moyens des parties :

1. La SAS Socomab Pôle Froid et Distribution et la SELARL Ekip', ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société soulèvent la nullité du jugement du tribunal de commerce en date du 7 février 2025, en ce que ce tribunal, saisi par la procédure de la passerelle, a rendu sa décision au mépris du principe du contradictoire et des droits de la défense.

2. Dans le détail, les appelantes soutiennent qu'il appartenait au juge du fond, saisi de l'affaire sur recours de la procédure dite de « passerelle », de vérifier :

- que l'urgence invoquée justifiait réellement une procédure de la passerelle, sans porter atteinte au contradictoire.

- l'existence d'un délai suffisant pour préparer sa défense en considération des dispositions de l'article 873-1 du code de procédure civile, imposant de fixer une date d'audience permettant aux parties de présenter leurs arguments et leurs preuves dans des conditions équitables ;

- la présence d'information tenant à la représentation obligatoire devant la juridiction du fond désignée ;

- que la procédure pouvait effectivement être clôturée alors même que la SASU OTM avait seule reconclu avant la tenue de l'audience du 24 janvier 2025 en ajoutant des demandes nouvelles à son assignation en référé.

3. La SASU OTM, répliquant sur l'ensemble de ces points, plaide :

- que la passerelle utilisée est basée sur la reconnaissance d'une urgence qui existe et demeure en l'espèce dès lors que les non-conformités relevées par le tribunal lui génèrent une situation d'urgence absolue, en particulier sur le plan sanitaire et hygiénique de sa boucherie, et que l'inaction des sociétés mises en cause aggraverait une situation mettant en péril, non seulement, son activité commerciale mais, aussi, la santé et la sécurité des consommateurs ;

- que la SELARL Ekip' a bien reçu l'assignation en référé de même que la signification de l'ordonnance du 31 octobre 2024 et que les assignations à l'égard de la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution des mêmes actes est régulière ;

- que lesdites assignation mentionnait l'obligation de constituer avocat ;

- qu'en vertu d'une jurisprudence constante, les demandes incidentes, additionnelles ou reconventionnelles sont recevables devant le juge du fond saisi sur renvoi du juge des référés en application de l'article 873-1 du code de procédure civile.

Réponse de la cour :

4. A titre liminaire, il sera fait observer que le grief relatif à la vérification de l'existence, ou non, d'une urgence qui justifierait le recours à la procédure de passerelle ne peut pas être adressé au juge du fond dès lors, qu'aux termes de la dernière phrase de l'article 873-1 du code de procédure civile, l'ordonnance emporte la saisine du tribunal.

5. Etant saisi par cette ordonnance, le juge du fond ne fait ainsi aucune appréciation de ce critère qui demeure seulement nécessaire à la décision de passerelle. Ce moyen est inopérant.

6. Il en est de même en ce qui concerne le renvoi à une date d'audience permettant au défendeur de disposer d'un délai suffisant pour préparer sa défense. Faute d'avoir exercé un recours contre l'ordonnance du juge des référés, en effet, les appelantes ne peuvent reprocher au juge du fond d'avoir appelé l'affaire à la date initiale (24 janvier 2025) qui avait été fixée par le président du tribunal de commerce de Montpellier.

7. En revanche, ils sont habiles à invoquer la nullité du jugement du tribunal de commerce en date du 7 février 2025, en ce que cette juridiction, saisie par la procédure de la passerelle, aurait « rendu sa décision au mépris du principe du contradictoire et des droits de la défense » en se prononçant effectivement à l'issue de cette audience du 24 janvier 2025.

8. Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

9. Les causes d'annulation d'un jugement ne sont pas limitées à celles visées à l'article 458 du code de procédure civile et comprennent notamment, outre la partialité du tribunal, la violation du principe de la contradiction.

10. En vertu des articles 15 et 16 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense, le juge, qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne pouvant retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

11. Le principe du contradictoire et celui de l'égalité des armes, étroitement liés entre eux et valant tant au civil qu'au pénal, sont des éléments fondamentaux de la notion de procès équitable et exigent un juste équilibre entre les parties, chacune devant, en effet, se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause et ses preuves dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires.

12. En l'espèce, pour rappel, l'ordonnance de référé du 12 décembre 2024 a ordonné « l'inscription de ['] [l']affaire au fond, en affaire nouvelle, à l'audience du 24/01/2025 à 10h30. » C'est à cette date que l'affaire a été évoquée, étant précisé que :

- contrairement au libellé inscrit au dispositif de l'ordonnance, celle-ci n'était pas contradictoire dès lors qu'en l'état des pièces produites et des autres mentions de l'ordonnance, seule la SAS Socomab Pôle Froid Distribution avait été assignée à l'étude, la SELARL Ekip', pourtant désignée comme partie défenderesse non-comparante à l'ordonnance n'ayant pas été citée ;

- cette décision a été notifiée, à personne habilitée à la SELARL Ekip' et à l'étude en ce qui concerne la SAS Socomab Pôle Froid Distribution, par actes de commissaire de justice du 14 janvier 2025, ceci, après que le 8 janvier 2025, les conclusions et pièces de la SASU OTM leur eurent été notifiées, respectivement, dans les mêmes formes et conditions.

13. La SASU OTM soutient qu'en raison « d'une diligence exemplaire » elle a procédé à la signification de l'ordonnance de renvoi après la signification de ses conclusions et pièces et que l'ensemble de ces diligences permettaient aux défenderesses, « à tout du moins, de se constituer et demander un renvoi de l'audience prévue en date du 24 janvier 2025 ».

14. Mais les actes de signification du 14 janvier 2025 mentionnent en guise d'important avertissement à chacun des destinataires « vous pouvez faire appel de cette décision devant la Cour d'Appel sise à MONTPELLIER dans le délai de quinze jours à compter de la date de cet acte ». Ainsi, le délai d'appel expirait le 29 janvier 2025.

15. Or, en maintenant l'examen de la décision au fond le 24 janvier 2025, la juridiction de jugement à privé SAS Socomab Pôle Froid Distribution et la SELARL Ekip', ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cette société, d'un droit d'appel qui expirait cinq jours après et, ainsi, d'une possibilité raisonnable de présenter leur cause et des preuves dans des conditions ne les plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à leur adversaire, la SASU OTM.

16. Dès lors qu'il appartenait au tribunal, avant de retenir l'affaire, de s'assurer que celle-ci était en état d'être jugée, ceci, au regard de l'existence d'un droit d'appel d'une décision l'ayant saisi qui n'était pas expiré au moment où elle a statué, le jugement doit être annulé.

17. Cependant, cette annulation ne touchant pas à la saisine du tribunal, la cour demeure saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel prévu à l'article 562 du code de procédure civile, l'appel tendant en réalité à l'annulation du jugement pour une autre cause que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance.

Sur la demande de jonction

18. Au regard du lien existant entre les instances RG n° 25/01294 et 25/01423, il y a lieu d'ordonner leur jonction sous le premier numéro.

Sur les autres demandes

Sur l'irrecevabilité des demandes de la SASU OTM

Moyen des parties :

19. Du fait de l'absence de déclaration de créance, Les appelantes font valoir que les demandes de la SASU seraient irrecevables.

A cet effet, la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution et la SELARL Ekip', ès qualités, soutiennent que le tribunal de commerce de Montpellier a indiscutablement méconnu les dispositions de L. 622-17 du code de commerce en considérant que la société OTM était dispensée des formalités de déclaration de créance.

20. Selon les appelantes, la créance dont se prévaut la société OTM est postérieure non privilégiée et, ainsi, soumise au régime applicable aux créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture.

21. Considérant qu'il appartenait à la société OTM de déclarer sa créance dans les délais requis, ce qu'elle n'a pas fait, elles en déduisent que sa créance résultant de l'exécution incomplète ou défectueuse de travaux par la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution serait inopposable à la procédure collective dont celle-ci fait l'objet.

22. La SASU OTM réplique que l'exigibilité de sa créance interviendra à compter de l'arrêt rendu par la cour de céans, de sorte que les appelantes ne sauraient soutenir qu'une telle créance est irrecevable, alors même que le délai de déclaration de créance n'a pas encore commencé à courir.

Réponse de la cour :

23. Selon le premier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, « Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues aux deuxième à quatrième alinéas de l'article 960. Elles formulent expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. »

24. Il résulte des alinéas 2 et 3 de cette disposition que les prétentions des parties formulées dans leurs conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

25. Dans le dispositif de leurs conclusions, la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution et la SELARL Ekip', ès qualités, sollicitent à titre subsidiaire de « juger irrecevable » la société OTM mais, ces sociétés ne développent aucun moyen de ce chef, concluant plutôt en page 14 de leurs écritures, à l'inopposabilité de ces mêmes créances, à la procédure collective, faute d'avoir été déclarées dans les délais requis.

26. Il n'y a pas lieu en conséquence de prononcer l'irrecevabilité des créances invoquées par la SASU OTM.

Sur la demande de condamnation a s'exécuter en nature sous astreinte

Moyens des parties :

27. La SAS Socomab Pôle Froid et Distribution et la SELARL Ekip', ès qualités, entendent voir réformer le jugement sur ce point aux motifs que les désordres allégués ne seraient pas imputables à la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution, comme la juridiction des référés l'aurait d'ailleurs relevée.

Plus précisément, elles plaident que le 29 février 2024, ils ont fait transporter les vitrines et que les trois techniciens qu'elle avait mandatés sont intervenus pour la « DMA », à savoir, le déchargement du camion de livraison, la manutention, l'assemblage avec mise à niveaux et réglages.

28. Ces prestations, selon les appelantes, induisent que les techniciens déchargent le camion, transportent le matériel jusqu'à l'intérieur du magasin, déballent, posent et mettent à niveau les vitrines sans qu'elles ne soient en état de fonctionner (produire du froid). Ces techniciens ne seraient ainsi pas chargés de la mise en service, elle-même proposée et facturée par elle aux clients, en option complémentaire.

29. Produisant la facture de son prestataire « [Localité 7] Aménagement » chargé, selon elles, de la DMA, elles font valoir que la mention apposée sur cette facture, aux termes de laquelle « aucun travaux électrique, frigorifique et de plomberie ne sont compris » démontre que la mise en service des vitrines n'incombait pas à la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution.

Selon elles encore, la SASU OTM aurait concédé avoir fait appel à M. [H], climatiseur de son état et non pas frigoriste, pour mettre en service ses machines et, ainsi, cette dernière serait entièrement responsable de l'installation défectueuse à l'origine des désordres allégués aujourd'hui.

30. La SAS Socomab Pôle Froid et Distribution et la SELARL Ekip', ès qualités, concluent que les dédordres allégués, à savoir, le mauvais montage des vitrine et l'absence de froid et les problèmes de condensation ne sont pas imputables à la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution, soit parce qu'ils ne relèvent pas de sa garantie au regard du procès-verbal de réception sans réserves du matériel, soit parce qu'ils sont en lien avec une mauvaise mise en service du matériel, aucune expertise contradictoire ne venant d'ailleurs établir la responsabilité de cette dernière.

31. La SASU OTM réplique :

- en premier lieu, que la non-conformité du matériel livré n'est en rien esthétique et ne constitue pas des désordres apparents dès lors qu'il était nécessaire pour la société OTM de mettre en service le matériel pour s'apercevoir de sa non-conformité et de son défaut d'assemblage conforme et soutient que le bon de commande produit aux débats ne la concerne pas ;

- en deuxième lieu, qu'il est acquis qu'un constat établi non contradictoirement, mais qui a pu être soumis à la libre discussion des parties devant le juge, ne doit pas être écarté des débats de sorte que le procès-verbal établi par Me [G] est recevable ;

- que les non-conformités qu'elle allègue et qui ont été établis, tant par le commissaire de justice que les experts, résultent exclusivement de la non-conformité du matériel fourni et de sa mauvaise installation, cette prestation étant expressément incluse dans le devis de la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution

Réponse de la cour :

32. Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur est tenu à deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

33. Selon, l'article 1610 du même code, si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

34. Il sera fait observer que toutes références à la juridiction des référés est inopérante dès lors que par le biais de la passerelle, le tribunal de commerce était saisi au fond du litige et pouvait parfaitement se prononcer sur les responsabilités des acteurs de ce dossier au regard des éléments de preuve qui lui était fournis.

35. En outre, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, aucune production ne permet de conclure :

- en premier lieu, que les prestations (dont celle offerte) que devaient réaliser la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution excluaient que les vitrines réfrigérées puissent immédiatement fonctionner ;

- en deuxième lieu, que l'intimée concéderait dans ses écritures avoir confié à un tiers l'installation des dites vitrines, étant précisé que si les appelantes soutiennent que l'aide optionnelle et payante d'un technicien frigoriste demeurait possible, cette éventualité n'est pas évoquée dans la documentation contractuelle ;

- en dernier lieu, d'une part, que le bon de transport daté du 4 avril 2024 concernerait l'intimée, alors que celui-ci ne porte pas le nom du client (c'est-à-dire, de la SASU OTM) et concerne une date de livraison qui n'est pas celle concédée par l'ensemble des parties, appelantes comprises (p. 2 de leurs écritures) qui s'accordent sur une livraison intervenue lors de la semaine du 26 février 2024, d'autre part, que la pièce de numéro trois des appelantes rédigée en langue allemande, présentée comme un procès-verbal de réception sans réserve du matériel, est en réalité une lettre voiture, estampillée comme telle par le sigle « CMR » ; de la sorte, aucun procès-verbal de réception n'est produit et les conditions de garantie et de service après-vente prévoyant des délais pour se alléguer des non-conformités à compter de la réception sont inopérants.

36. Enfin, il sera rappelé que si le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur un rapport d'expertise non judiciaire, même contradictoire, établi à la demande d'une partie, il en va différemment si les constatations et conclusions expertales portent sur un fait établi et non discuté par les parties et, pour les autres, si elles sont corroborées par un autre élément de preuve.

37. La cour dispose de l'un et de l'autre.

38. S'agissant des faits établis, les parties s'accordent sur l'existence de deux désordres au moins, à savoir, le mauvais montage des vitrines et les problèmes de froid et de condensation qui en découlent. A leur sujet, les appelantes dénient toutes responsabilités.

39. Les constatations techniques du commissaire de justice, dans son procès-verbal de constat du 22 mai 2024, corroborées par le constat d'un expert en sécurité sanitaire alimentaire dépêché sur le site d'exploitation de la SASU OTM le 23 octobre 2024 à sa demande et une dernier procès-verbal de constat daté du 1er avril 2025, mettent en évidence :

- une absence de joint entre la table de travail du module de 4m et la structure du module (pages 4 et suivantes, et notamment photographie en pages 8 et 9) ;

- une absence de niveau entre les tables de travail des deux modules (page 10, pages 69 et suivantes) ;

- un écoulement d'eau entre le bas réfrigéré et l'extérieur du module (pages 11 à 13) ;

- un vide entre le bas réfrigéré et le bord du module (pages 14 et 15) ainsi qu'une résistance et des fils électriques apparents côté clientèle (pages suivantes) ;

-à divers endroits, des plaques en inox jointes par silicone, et présentant des trous non bouchés, laissant apparaître des fils électriques (pages 22 à 29) ;

- un défaut de réglage des vitres des modules qui se touchent à l'ouverture, dépourvues d'ergo amortisseurs (pages 29 à 34, puis pages 57 et suivantes, page 67), défaut susceptible d'entraîner une stagnation de saleté au niveau des zones non correctement réglées ;

- un défaut d'assemblage et de jointure des différents modules entre eux, qui présentent donc un défaut d'étanchéité. De l'eau stagnante est ainsi visible (pages 34 à 55) ;

- un défaut de pente impliquant que l'eau de se dirige pas vers la bonde d'évacuation (page 56) ;

- une absence de résistance sur les vitrines murales, qui permettent normalement d'éviter la buée (pages 79 et 80) ;

- une absence de joint entre les vitrines murales qui entraîne un écoulement d'eau au pied de la vitrine, comme pour les modules de la boucherie (pages 81 et suivantes) ;

- une absence d'étanchéité des ventilateurs de la vitrine de boucherie côté clientèle (pages 86 et 87) ;

- une présence générale d'eau au pied des vitrines (page 92).

40. Il ressort de ces constatations un défaut de conformité des vitrines ayant pour incidence une rupture du froid et un phénomène de condensation récurrent.

41. L'expertise réalisée le 23 octobre 2024 par le technicien de sécurité sanitaire alimentaire, qui se prononce, en outre, sur les points à risque et/ou critiques susceptibles de mettre en danger la sécurité des consommateurs pointent exactement les mêmes défauts de conformité, nommés « mal façons structurelles de la vitrine » dès lors qu'il est indiqué :

- que les opérations de nettoyage et désinfection sont difficilement réalisables du fait d'un mauvais montage patent de la vitrine ;

- que les vitres en façade, coté clients, sont globalement disjointes, ce qui aggrave les échanges thermiques et favorise les condensations ;

- que l'eau de condensation présente sur les vitres tombe sur les denrées exposées ou dans les rigoles d'évacuation pour y stagner. Ces liquides, mélanges de ressuages des viandes et d'eau sont des milieux de culture ;

- que les risques de contaminations bactériennes par contact et/ou aérobiocontamination rendent la consommation alimentaire critique ; il existe des risques d'intoxication alimentaire provoqué par des bactéries pathogènes ainsi qu'un risque pénal et/ou de fermeture administrative par les autorités de contrôle sanitaire (DDPP34) ;

- qu'au jour du constat, le thermomètre situé dans la partie circulaire affiche + 9° Celsius, alors que la température réglementaire de référence est de 3° C + 1° de tolérance ; à ce même endroit, les viandes gèlent et dégèlent, ce qui engendre des risques accélérés de contaminations pouvant être importants.

42. Pour rappel, il était compris dans la prestation de la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution, l'assemblage avec mise à niveau et réglage et, au regard de ce qui précède, il existe un défaut de conformité dans l'assemblage des vitrines réfrigérés, lequel a eu des incidences sur la chaine du froid et apparition de nombreux désordres périphériques décrits.

43. La SAS Socomab Pôle Froid et Distribution ayant manqué à son obligation de délivrer des vitrines conformes, il sera fait droit à la demande de la SASU OTM selon les modalités précisées au dispositif.

Sur la demande de dommages et intérêts

44. La demande de dommages et intérêts formulée au titre du préjudice matériel à hauteur de 129 410,76 euros, correspondant à la réinstallation conforme du matériel est sans objet dès lors qu'en raison de la confirmation du jugement sur ce point, la SAS Socomab Pôle Froid et Distribution est condamnée à exécuter son obligation en nature de livraison et d'installation conforme des vitrines.

45. Admettre le contraire, reviendrait à indemniser deux fois le même dommage.

46. S'agissant du préjudice de jouissance allégué, aucune pièce comptable ou autre document n'en établit l'existence.

47. Il s'ensuit que la SASU OTM sera déboutée de ses demandes indemnitaires.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Annule le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 7 février 2025,

Statuant à nouveau et ajoutant

Ordonne la jonction entre les instances RG n° 25/01294 et 25/01423 sous le premier de ces numéros,

Condamne la SAS Socomab Pôle Froid Distribution à exécuter son obligation en nature de livraison et d'installation conforme, d'une vitrine surgelée Atlantic négatif, d'une banque froide Tornade, d'une vitrine surgelée Atlantic positif et les accessoires afférents, objet du devis accepté du 12 octobre 2021, sans coût supplémentaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,

Déboute la SASU OTM de ses demandes de dommages et intérêts,

Condamne la SAS Socomab Pôle Froid Distribution aux dépens de première instance et d'appel,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAS Socomab Pôle Froid Distribution, et la condamne à payer à la SASU OTM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

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