CA Rennes, 3e ch. com., 4 novembre 2025, n° 24/06864
RENNES
Arrêt
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°323
N° RG 24/06864 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VPTH
(Réf 1ère instance : 24/00279)
S.A.S. ITM ENTREPRISES
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE OUEST
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL
C/
M. [C] [P]
Mme [R] [L] épouse [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me CHAUDET
Me LHERMITTE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TJ de [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Monsieur Jean-Denis BRUN, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Rennes du 04 septembre 2025
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
S.A.S. ITM ENTREPRISES
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 722 064 102, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siege
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean-Alain JONVEL de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE OUEST
immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 452 534 415, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siege
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean-Alain JONVEL de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL
immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 341 192 227, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siege
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean-Alain JONVEL de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [C] [P]
né le 23 Décembre 1959 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [R] [L] épouse [P]
née le 25 Juillet 1960 à [Localité 12]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCEDURE :
M. [P] et Mme [L], son épouse, sont associés majoritaires de la société L.G.F. Financière. Cette dernière est actionnaire de la société Hebrides qui exploite un supermarché à l'enseigne Intermarché à [Localité 9].
Le 30 août 2010, la société Hebrides et la société ITM Entreprise ont signé un contrat d'enseigne relatif à l'exploitation du fonds de commerce sous l'enseigne Intermarché à [Localité 9]. M. et Mme [P] sont intervenus à titre personnel à cet acte.
La société Hébrides s'est notamment engagée à exploiter ce fonds de commerce exclusivement et directement, sans intermédiaire, ni mandataire, ni locataire ou sous concessionnaire, à ses pleins risques et à son entier profit.
Dans le cadre de ce contrat, la société Hebrides a accordé une préférence absolue à la société ITM Entreprises ou à toute personne physique ou morale qu'elle pourrait se substituer pour le maintien de l'activité sous le panonceau concédé. La société ITM Entreprises bénéficiait ainsi d'un droit de priorité en cas de transfert de propriété du fonds de commerce à une personne qu'elle n'aurait pas agréée.
Dans le même acte, M. et Mme [P] se sont portés cautions des engagements de la société Hébrides à l'égard de la société ITM Entreprises et de ses filiales directes et indirectes.
Le 20 avril 2023, la société Hebrides à notifié à la société ITM Entreprise sa décision de ne pas renouveler le contrat d'enseigne avec effet au 31 octobre 2023.
Le 13 octobre 2023, la société ITM Alimentaire Ouest a transmis à la société L.G.F. Financière et M. et Mme [P] une lettre d'intention d'acquisition des parts sociales de la société Hébrides.
La société Hébrides a mis le fonds de commerce en location gérance auprès d'une société du groupe Posier. Ce fonds est passé sous une enseigne concurrente, Système U.
Estimant que les époux [P] n'avaient pas négocié de bonne foi la cession des titres de la société Hébrides, avaient brutalement rompu les pourparlers tendant à la cession des parts sociales de la société Hébrides et avaient conclu un contrat de location gérance du fonds de commerce de la société Hébrides dans le seul but d'éluder les droits de préférence de la société ITM Entreprises, les société ITM Entreprises, ITM Alimentaire Ouest et ITM Alimentaire International ont requis du président du tribunal judiciaire de Brest l'autorisation de mener des opérations au domicile des époux [P].
Par ordonnance du 19 avril 2024, la présidente du tribunal judiciaire de Brest a :
- Désigné l'étude société [V], [Adresse 6] à [Adresse 8], aux fins de se rendre de manière inopinée au domicile de M. et Mme [P] situés à l'adresse suivante :
- [Adresse 5],
- Autorisé le commissaire de justice ainsi désigné à :
- déléguer tout ou partie de sa mission à tout commissaire de justice compétent territorialement,
- se faire remettre et/ou rechercher sur les ordinateurs ainsi que sur tout support papier et/ou électronique de quelque nature qu'il soit toutes correspondances (emails, courriers, etc...) Et plus généralement tous documents échangés à partir du 1er janvier 2022:
- entre, d'une part, M. ou Mme [P] et, d'autre part, le personnel salarié et/ou les mandataires d'une société dépendant de l'enseigne U ou du groupe Posier,
- ou comportant les mots clés 'changement d'enseigne', ou 'fraude', ou 'cession de titres', ou 'cession des actifs', ou 'secret', ou 'confidentiel', ou 'plan de cession', ou 'fonds de commerce', ou 'enseigne U' ou 'location gérance', ou 'Posier', 'promesse de cession', ou 'lettre d'intention', ou 'promesse de vente', ou 'droit de préférence',
A cet effet,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire à se faire assister, pour l'aider dans sa mission, d'un ou plusieurs techniciens informatiques indépendants dont il enregistrera les explications qui échappent à sa compétence, en distinguant dans son procés-verbal, celles résultant de ses constatations personnelles et celles qui lui seront dictées par celui qui l'assiste en tant qu'expert,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire, aux fins de s'assurer que l'ordonnance rendue soit pleinement et immédiatement exécutée, à se
faire assister par la force publique et/ou par un serrurier pour faire ouvrir toutes portes des locaux, meubles meublants,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire ainsi que le ou les technicien(s) informatique(s) à accéder à tous supports informatiques (tels que notamment ordinateurs, serveurs, smartphones, disques durs, clés USB, CD [Localité 13], ...) présents sur place ou à distance, et à installer tous logiciels adaptés aux fins de réaliser toutes investigations et/ou restaurations de fichiers effacés en rapport avec le périmètre de l'ordonnance à intervenir,
- Ordonné aux époux [P] et/ou leurs prestataires et/ou leurs partenaires et/ou leurs salariés de collaborer à l'exécution de l'ordonnance à intervenir notamment en désignant l'emplacement des documents et/ou fichiers et/ou correspondances, papiers et/ou électroniques visés dans la présente requête, en levant toute difficulté technique ou pratique telle que notamment, la communication de tous mots de passe, clés de chiffrement, tous accès à tous ordinateurs ou serveurs présents sur place ou à distance, ainsi que notamment en donnant accès à tous photocopieurs, scanners, ressources électriques, internet/ réseau informatique local...
- Autorisé le commissaire de justice Instrumentaire à prendre copie papier ou électronique des éléments, documents ou échanges décrits ci-dessus ; une fois les fichiers et/ou correspondances en lien avec le périmètre de l'ordonnance à intervenir auront été identifiés, le commissaire de Justice instrumentaire procédera à l'exclusion des éléments présentant un caractère personnel sans lien avec les faits, ainsi que les correspondances confidentielles échangées par les époux [P] avec leurs avocats,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire à prendre des photographies et/ou des captures d'écrans lors de l'exécution de ses opérations puis de les annexer à son procés-verbal de constat,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire à faire toutes recherches ou constatations utiles et consigner les déclarations des répondants, et toutes paroles prononcées au cours des opérations au sujet des faits visés dans la requête, mais en s'abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- Autorisé dans le cas ou l'accomplissement complet de sa mission aurait été impossible à réaliser lors de la première intervention, le commissaire de justice commis à poursuivre ses interventions dans des conditions identiques le premier jour ouvré suivant,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire et son ou ses technicien(s) informatique (s), en cas de difficulté dans les recherches et la sélection des éléments, notamment au regard de leur volume ou en cas de difficultés rencontrées, à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs, serveurs, postes des utilisateurs, terminaux mobiles ou des matériels de stockage qui lui paraitraient nécessaires, en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de reférentiel, et l'autre copie servira au commissaire de justice instrumentaire pour procéder, de manière différée, avec l'aide dudit/desdits techniciens informatiques, à l'ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus,
- Ordonné que dans le cas d'une analyse différée, les opérations se poursuivront sous le contrôle du commissaire de justice instrumentaire en son étude ou dans les locaux du technicien informatique qui l'assiste,
- Ordonné que dans le cas d'une analyse différée, le commissaire de justice instrumentaire devra remettre aux requérantes une copie de son procès-verbal de constat incluant en annexe une copie des documents papiers et/ou électroniques selectionnées,
- Ordonné que les photographies ou copies de documents ou d'écrans ainsi que les documents saisis devront également être mentionnés au procès-verbal et annexés à celui-ci chaque fois que cela est possible,
- Ordonné que le commissaire de justice instrumentaire devra dresser un procès-verbal des opérations effectuées qui sera remis aux requérantes et dont une copie sera deposée au greffe du tribunal judiciaire de Brest,
- Ordonné au commissaire de justice instrumentaire de dresser son procès-verbal de constat dans un délai raisonnable aprés la clôture de ses opérations matérielles de constat,
- Rappelé le caractère exécutoire de l'ordonnance à intervenir,
- Ordonné que l'ordonnance à intervenir devra être exécutée dans un délai de deux mois à compter de sa date et qu'il en sera referé en cas de difficulté mais seulement après pleine et complète exécution de l'ordonnance à intervenir,
- Réservé les entiers frais et dépens.
La mesure autorisée a été conduite le 12 juin 2024.
M. et Mme [P] on assigné les sociétés ITM en rétractation de l'ordonnance sur requête.
Par ordonnance du 25 novembre 2024, la présidente du tribunal judiciaire de Brest a :
- Constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Brest,
- Rétracté 1'ordonnance numéro 24/145 du 19 avril 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Brest,
- Condamné les sociétés ITM, via 1a société Sed Lex, commissaires de justice, [Adresse 1] à procéder à la restitution des pièces et copies des pièces saisies 1ors des opérations diligentées 1e 12 juin 2024,
- Condamné les sociétés ITM au paiement de la somme de trois mille cinq cent euros (3.500 euros) au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés ITM aux dépens.
Les sociétés ITM ont interjeté appel le 23 décembre 2024.
Les dernières conclusions des sociétés ITM sont en date du 30 mai 2025. Les dernières conclusions de M. et Mme [P] sont en date du 12 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Les sociétés ITM demandent à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance rendue le 25 novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Brest en ce qu'elle a :
- Constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Brest,
- Rétracté l'ordonnance numéro 24/145 du 19 avril 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Brest,
- Condamné les sociétés ITM, via 1a société Sed Lex, commissaires de justice, [Adresse 1] à procéder à la restitution des pièces et copies des pièces saisies 1ors des opérations diligentées 1e 12 juin 2024,
- Condamné les sociétés ITM au paiement de la somme de trois mille cinq cent euros (3.500 euros) au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés ITM aux dépens,
Et statuant a nouveau :
- Juger que le président du tribunal judiciaire de Brest était compétent pour ordonner la mesure d'instruction in futurum par application de l'article 145 du code de procédure civile à l'encontre des époux [P],
En tout état de cause :
- Juger bien fondée la mesure d'instruction préventive ordonnée par l'ordonnance rendue le 19 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire de Brest, et valider les mesures réalisées en exécution de cette ordonnance,
- Rejeter la demande des époux [P] de rétractation de l'ordonnance sur requéte rendue le 19 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire de Brest,
- Débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner les époux [P] au paiement de la somme de 2.000 euros au profit de chacune des sociétés ITM au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de premiere instance et d'appel en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.
M. et Mme [P] demandent à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 25 novembre 2024,
A titre liminaire :
- Se déclarer incompétent ratione materiae au profit de M. le président du tribunal de commerce de Brest,
En conséquence :
- Rétracter l'ordonnance sur requête en date du 19 avril 2024, avec toutes conséquences de droit et de fait,
A titre principal :
- Rétracter l'ordonnance en date du 19 avril 2024, avec toutes conséquences de droit et de fait,
En tout état de cause :
- Condamner les sociétés les sociétés ITM, via la société Sed Lex, huissier de justice, [Adresse 1], à procéder à la restitution des pièces et copies des pièces saisies lors des opérations diligentées le 12 juin 2024,
- Condamner les sociétés ITM à payer à M. et Mme [P] la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
C'est en principe aux parties qu'incombe la charge de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions :
Article 9 du code de procédure civile :
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Une partie peut cependant obtenir l'organisation d'une mesure d'instruction judiciaire avant même l'engagement d'un procès :
Article 145 du code de procédure civile :
S'il existe un motif légitime conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
La demande de mesure d'instruction présentée sur requête ne peut être accueillie que s'il est justifié d'un motif légitime, si la mesure ordonnée est proportionnée à son objectif et s'il est justifié qu'il est nécessaire de ne pas respecter le principe de la contradiction.
Sur la compétence :
L'absence de compétence du juge ayant autorisé les mesures d'instruction est une cause de rétractation de l'ordonnance et non de renvoi devant une juridiction qui serait compétente.
Les sociétés ITM font valoir que l'action qu'elles envisagent d'introduire contre les époux [P] tendrait à les sanctionner pour avoir violé leurs obligations nées du contrat d'enseigne qu'ils ont signé en leur nom personnel. Elles ajoutent qu'en outre le contrat d'enseigne en question comporte une clause compromissoire. Elles précisent que l'objet de l'action au fond ne consiste pas à poursuivre les époux [P] en qualité de cautions et que leur responsabilité n'est pas recherchée au titre de leurs fonctions de dirigeants de la société Hébrides.
Elles revendiquent leur choix d'engager la responsabilité personnelle des époux [P] devant le tribunal arbitral compétent.
Il résulte du contrat d'enseigne que M. et Mme [P] se sont engagés à respecter le document « Charte des mousquetaires ».
Comme le font remarquer M. et Mme [P], le document « Charte des mousquetaires » n'est pas produit devant la cour.
En tout état de cause, les sociétés ITM ne se prévalent que de la violation de relations contractuelles par M. et Mme [P]. Ce choix leur appartient. En l'absence de production du document « Charte des mousquetaires », la nature commerciale de ces relations n'est pas établie. Il revient au juge judiciaire, juge de droit commun, de connaître du litige.
Ces relations contractuelles renvoient en outre à une clause d'arbitrage. Ni la
juridiction civile ni la juridiction commerciale ne sera donc compétente pour connaître du litige au fond. Le juge civil est donc compétent pour connaître du litige afférent à la mise en oeuvre de mesure d'instruction avant tout litige.
Il y aura lieu d'infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Brest.
En tout état de cause, la cour d'appel de Rennes est juridiction d'appel des décisions, tant du président du tribunal judiciaire de Brest que du président du tribunal de commerce de Brest. Elle a donc compétence pour statuer sur les mérites de la requête présentée par la société ITM.
Sur le motif légitime :
Les sociétés ITM font valoir que les époux [P] se seraient rendus coupables d'une rupture brutale des pourparlers et d'une fraude aux droits des exposantes :
- en discutant pendant plusieurs mois de la cession des titres de la société Hébrides pour refuser tardivement et brutalement la proposition des requérantes et annoncer tout à la fois l'arrêt des discussions, leur départ définitif du groupement et le changement d'enseigne de leur point de vente et
- en négociant, en parallèle des discussions avec les requérantes auxquelles ils avaient d'emblée décidé de ne pas donner suite, des accords pour mettre le fonds de commerce de la société Hébrides en location gérance dans le seul but d'éluder les droits de préférence de la société ITM Entreprises.
Il apparaît que seule la société L.G.F. Financière détenait les parts sociales de la société Hébrides. Aucune négociation sur la cession des parts sociales de la société Hébrides n'a donc pu être conduite utilement entre M. et Mme [P] ès noms et les société ITM. Aucun élément produit ne peut laisser supposer que le changement d'enseigne du fonds de commerce ait été le fait de M. et Mme [P] ès noms alors que ce sont la société Hébrides ou son locataire gérant qui ont pu en être l'auteur.
De même, M. et Mme [P] n'étaient pas, ès noms, propriétaires du fonds de commerce. Ils n'ont pas pu à titre personnel mettre le fonds de commerce en location gérance.
A défaut de production du document « Charte des Mousquetaires », il ne peut être recherché quelles clauses de ce contrat M. et Mme [P] pourraient être soupçonnés d'avoir violées à titre personnel.
Le fonds de commerce a été donné en location gérance par son propriétaire, la société Hébrides, et non pas M. et Mme [P] ès noms.
Les sociétés ITM ne justifient pas que M. et Mme [P] aient pu, en leur nom personnel, commettre les agissements allégués. Il n'est ainsi pas justifié d'un motif légitime de recourir à une mesure d'instruction à leur encontre.
Cette absence de motif légitime suffit à rétracter l'ordonnance du 19 avril 2024. L'ordonnance dont appel en date du 25 novembre 2024 sera confirmée par ce motif substitué en ce qu'elle a prononcé la rétractation.
Sur le caractère proportionné des mesures autorisées :
M. et Mme [P] font valoir que les mesures demandées seraient disproportionnées.
L'ordonnance a autorisé le commissaire de justice à se faire remettre et/ou rechercher tous documents échangés à partir du 1er janvier 2022 entre, d'une part, M. ou Mme [P] et, d'autre part, le personnel salarié et/ou les mandataires d'une société dépendant de l'enseigne U ou du groupe Posier, ou comportant les mots clés 'changement d'enseigne', ou 'fraude', ou 'cession de titres', ou 'cession des actifs', ou 'secret', ou 'confidentiel', ou 'plan de cession', ou 'fonds de commerce', ou 'enseigne U' ou 'location gérance', ou 'Posier', 'promesse de cession', ou 'lettre d'intention', ou 'promesse de vente', ou 'droit de préférence',
Les auteurs ou destinataires des messages ainsi recherchés n'étaient pas spécifiés, la notion de personne ou salarié d'une société dépendant de l'enseigne U ou du groupe Posier ne permettant pas leur identification. La teneur de cette mesure impliquait nécessairement que le commissaire de justice fasse une analyse des liens pouvant exister entre les interlocuteurs des messages et des personnes morales qu'il devait également identifier par une analyse de la notion de dépendance de l'enseigne U ou d'appartenance au groupe Posier. Cette détermination nécessitait l'appréciation d'éléments de fait et d'éléments juridiques qui dépassent les prévisions des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.
Ce seul motif suffit à ordonner la rétractation de l'ordonnance du 19 avril 2024 et à confirmer sur ce point l'ordonnance dont appel.
Les mots clés désignés comme autre mode de recherche changement d'enseigne', ou 'fraude', ou 'cession de titres', ou 'cession des actifs', ou 'secret', ou 'confidentiel', ou 'plan de cession', ou 'fonds de commerce', ou 'location gérance', 'promesse de cession', ou 'lettre d'intention', ou 'promesse de vente', ou 'droit de préférence' étaient insuffisamment précis, pour permettre de limiter les investigations aux documents pertinents.
L'étendue de la mission confiée au commissaire de justice était disprotionnée à l'objectif poursuivi.
De ce seul chef il y a également lieu de rétracter l'ordonnance sur requête et de confirmer par motifs substitués l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné cette rétractation.
La mesure a été autorisée au domicile personnel de M. et Mme [P]. Aucune limitation d'horaire ou de jour n'a été prévue. La seule précision de l'ordonnance en ce sens ne vise que le cas où le commissaire de justice devrait poursuivre ses investigations sur une autre journée.
En n'apportant aucune limite de temps aux opérations qui devaient être menées au domicile de particuliers, l'ordonnance a porté une atteinte disproportionnée aux droits des personnes visées.
Ce seul motif suffit également, en soi, à rétracter l'ordonnance sur requête et à confirmer par motifs substitués l'ordonnance de référé qui l'a rétractée.
En tout état de cause, ces éléments, pris dans leur ensemble, justifient également cette rétractation.
L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a prévu les conséquences de la rétractation et la restitution des pièces.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner les sociétés ITM aux dépens d'appel et à payer à M. et Mme [P] la somme globale de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Infirme l'ordonnance du 25 novembre 2024 en ce qu'elle a :
- Constaté l'incompétence materielle du président du tribunal judiciaire de Brest,
- Confirme l'ordonnance du 25 novembre 2024 pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne les société ITM Entreprises, ITM Alimentaire Ouest et ITM Alimentaire International à payer à M. [P] et Mme [L], son épouse, la somme globale de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne les société ITM Entreprises, ITM Alimentaire Ouest et ITM Alimentaire International aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
ARRÊT N°323
N° RG 24/06864 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VPTH
(Réf 1ère instance : 24/00279)
S.A.S. ITM ENTREPRISES
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE OUEST
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL
C/
M. [C] [P]
Mme [R] [L] épouse [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me CHAUDET
Me LHERMITTE
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TJ de [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Monsieur Jean-Denis BRUN, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le premier président de la cour d'appel de Rennes du 04 septembre 2025
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Septembre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
S.A.S. ITM ENTREPRISES
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 722 064 102, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siege
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean-Alain JONVEL de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE OUEST
immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 452 534 415, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siege
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean-Alain JONVEL de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE INTERNATIONAL
immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le numéro 341 192 227, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siege
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP Jean-David CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Bruno CHEMAMA de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Jean-Alain JONVEL de la SELAFA Jean-Claude COULON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [C] [P]
né le 23 Décembre 1959 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Madame [R] [L] épouse [P]
née le 25 Juillet 1960 à [Localité 12]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCEDURE :
M. [P] et Mme [L], son épouse, sont associés majoritaires de la société L.G.F. Financière. Cette dernière est actionnaire de la société Hebrides qui exploite un supermarché à l'enseigne Intermarché à [Localité 9].
Le 30 août 2010, la société Hebrides et la société ITM Entreprise ont signé un contrat d'enseigne relatif à l'exploitation du fonds de commerce sous l'enseigne Intermarché à [Localité 9]. M. et Mme [P] sont intervenus à titre personnel à cet acte.
La société Hébrides s'est notamment engagée à exploiter ce fonds de commerce exclusivement et directement, sans intermédiaire, ni mandataire, ni locataire ou sous concessionnaire, à ses pleins risques et à son entier profit.
Dans le cadre de ce contrat, la société Hebrides a accordé une préférence absolue à la société ITM Entreprises ou à toute personne physique ou morale qu'elle pourrait se substituer pour le maintien de l'activité sous le panonceau concédé. La société ITM Entreprises bénéficiait ainsi d'un droit de priorité en cas de transfert de propriété du fonds de commerce à une personne qu'elle n'aurait pas agréée.
Dans le même acte, M. et Mme [P] se sont portés cautions des engagements de la société Hébrides à l'égard de la société ITM Entreprises et de ses filiales directes et indirectes.
Le 20 avril 2023, la société Hebrides à notifié à la société ITM Entreprise sa décision de ne pas renouveler le contrat d'enseigne avec effet au 31 octobre 2023.
Le 13 octobre 2023, la société ITM Alimentaire Ouest a transmis à la société L.G.F. Financière et M. et Mme [P] une lettre d'intention d'acquisition des parts sociales de la société Hébrides.
La société Hébrides a mis le fonds de commerce en location gérance auprès d'une société du groupe Posier. Ce fonds est passé sous une enseigne concurrente, Système U.
Estimant que les époux [P] n'avaient pas négocié de bonne foi la cession des titres de la société Hébrides, avaient brutalement rompu les pourparlers tendant à la cession des parts sociales de la société Hébrides et avaient conclu un contrat de location gérance du fonds de commerce de la société Hébrides dans le seul but d'éluder les droits de préférence de la société ITM Entreprises, les société ITM Entreprises, ITM Alimentaire Ouest et ITM Alimentaire International ont requis du président du tribunal judiciaire de Brest l'autorisation de mener des opérations au domicile des époux [P].
Par ordonnance du 19 avril 2024, la présidente du tribunal judiciaire de Brest a :
- Désigné l'étude société [V], [Adresse 6] à [Adresse 8], aux fins de se rendre de manière inopinée au domicile de M. et Mme [P] situés à l'adresse suivante :
- [Adresse 5],
- Autorisé le commissaire de justice ainsi désigné à :
- déléguer tout ou partie de sa mission à tout commissaire de justice compétent territorialement,
- se faire remettre et/ou rechercher sur les ordinateurs ainsi que sur tout support papier et/ou électronique de quelque nature qu'il soit toutes correspondances (emails, courriers, etc...) Et plus généralement tous documents échangés à partir du 1er janvier 2022:
- entre, d'une part, M. ou Mme [P] et, d'autre part, le personnel salarié et/ou les mandataires d'une société dépendant de l'enseigne U ou du groupe Posier,
- ou comportant les mots clés 'changement d'enseigne', ou 'fraude', ou 'cession de titres', ou 'cession des actifs', ou 'secret', ou 'confidentiel', ou 'plan de cession', ou 'fonds de commerce', ou 'enseigne U' ou 'location gérance', ou 'Posier', 'promesse de cession', ou 'lettre d'intention', ou 'promesse de vente', ou 'droit de préférence',
A cet effet,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire à se faire assister, pour l'aider dans sa mission, d'un ou plusieurs techniciens informatiques indépendants dont il enregistrera les explications qui échappent à sa compétence, en distinguant dans son procés-verbal, celles résultant de ses constatations personnelles et celles qui lui seront dictées par celui qui l'assiste en tant qu'expert,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire, aux fins de s'assurer que l'ordonnance rendue soit pleinement et immédiatement exécutée, à se
faire assister par la force publique et/ou par un serrurier pour faire ouvrir toutes portes des locaux, meubles meublants,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire ainsi que le ou les technicien(s) informatique(s) à accéder à tous supports informatiques (tels que notamment ordinateurs, serveurs, smartphones, disques durs, clés USB, CD [Localité 13], ...) présents sur place ou à distance, et à installer tous logiciels adaptés aux fins de réaliser toutes investigations et/ou restaurations de fichiers effacés en rapport avec le périmètre de l'ordonnance à intervenir,
- Ordonné aux époux [P] et/ou leurs prestataires et/ou leurs partenaires et/ou leurs salariés de collaborer à l'exécution de l'ordonnance à intervenir notamment en désignant l'emplacement des documents et/ou fichiers et/ou correspondances, papiers et/ou électroniques visés dans la présente requête, en levant toute difficulté technique ou pratique telle que notamment, la communication de tous mots de passe, clés de chiffrement, tous accès à tous ordinateurs ou serveurs présents sur place ou à distance, ainsi que notamment en donnant accès à tous photocopieurs, scanners, ressources électriques, internet/ réseau informatique local...
- Autorisé le commissaire de justice Instrumentaire à prendre copie papier ou électronique des éléments, documents ou échanges décrits ci-dessus ; une fois les fichiers et/ou correspondances en lien avec le périmètre de l'ordonnance à intervenir auront été identifiés, le commissaire de Justice instrumentaire procédera à l'exclusion des éléments présentant un caractère personnel sans lien avec les faits, ainsi que les correspondances confidentielles échangées par les époux [P] avec leurs avocats,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire à prendre des photographies et/ou des captures d'écrans lors de l'exécution de ses opérations puis de les annexer à son procés-verbal de constat,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire à faire toutes recherches ou constatations utiles et consigner les déclarations des répondants, et toutes paroles prononcées au cours des opérations au sujet des faits visés dans la requête, mais en s'abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- Autorisé dans le cas ou l'accomplissement complet de sa mission aurait été impossible à réaliser lors de la première intervention, le commissaire de justice commis à poursuivre ses interventions dans des conditions identiques le premier jour ouvré suivant,
- Autorisé le commissaire de justice instrumentaire et son ou ses technicien(s) informatique (s), en cas de difficulté dans les recherches et la sélection des éléments, notamment au regard de leur volume ou en cas de difficultés rencontrées, à procéder à une copie complète en deux exemplaires des fichiers, des disques durs, serveurs, postes des utilisateurs, terminaux mobiles ou des matériels de stockage qui lui paraitraient nécessaires, en rapport avec la mission confiée, dont une copie placée sous séquestre servira de reférentiel, et l'autre copie servira au commissaire de justice instrumentaire pour procéder, de manière différée, avec l'aide dudit/desdits techniciens informatiques, à l'ensemble des recherches et analyses visées ci-dessus,
- Ordonné que dans le cas d'une analyse différée, les opérations se poursuivront sous le contrôle du commissaire de justice instrumentaire en son étude ou dans les locaux du technicien informatique qui l'assiste,
- Ordonné que dans le cas d'une analyse différée, le commissaire de justice instrumentaire devra remettre aux requérantes une copie de son procès-verbal de constat incluant en annexe une copie des documents papiers et/ou électroniques selectionnées,
- Ordonné que les photographies ou copies de documents ou d'écrans ainsi que les documents saisis devront également être mentionnés au procès-verbal et annexés à celui-ci chaque fois que cela est possible,
- Ordonné que le commissaire de justice instrumentaire devra dresser un procès-verbal des opérations effectuées qui sera remis aux requérantes et dont une copie sera deposée au greffe du tribunal judiciaire de Brest,
- Ordonné au commissaire de justice instrumentaire de dresser son procès-verbal de constat dans un délai raisonnable aprés la clôture de ses opérations matérielles de constat,
- Rappelé le caractère exécutoire de l'ordonnance à intervenir,
- Ordonné que l'ordonnance à intervenir devra être exécutée dans un délai de deux mois à compter de sa date et qu'il en sera referé en cas de difficulté mais seulement après pleine et complète exécution de l'ordonnance à intervenir,
- Réservé les entiers frais et dépens.
La mesure autorisée a été conduite le 12 juin 2024.
M. et Mme [P] on assigné les sociétés ITM en rétractation de l'ordonnance sur requête.
Par ordonnance du 25 novembre 2024, la présidente du tribunal judiciaire de Brest a :
- Constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Brest,
- Rétracté 1'ordonnance numéro 24/145 du 19 avril 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Brest,
- Condamné les sociétés ITM, via 1a société Sed Lex, commissaires de justice, [Adresse 1] à procéder à la restitution des pièces et copies des pièces saisies 1ors des opérations diligentées 1e 12 juin 2024,
- Condamné les sociétés ITM au paiement de la somme de trois mille cinq cent euros (3.500 euros) au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés ITM aux dépens.
Les sociétés ITM ont interjeté appel le 23 décembre 2024.
Les dernières conclusions des sociétés ITM sont en date du 30 mai 2025. Les dernières conclusions de M. et Mme [P] sont en date du 12 juin 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Les sociétés ITM demandent à la cour de :
- Infirmer l'ordonnance rendue le 25 novembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Brest en ce qu'elle a :
- Constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Brest,
- Rétracté l'ordonnance numéro 24/145 du 19 avril 2024 rendue par le président du tribunal judiciaire de Brest,
- Condamné les sociétés ITM, via 1a société Sed Lex, commissaires de justice, [Adresse 1] à procéder à la restitution des pièces et copies des pièces saisies 1ors des opérations diligentées 1e 12 juin 2024,
- Condamné les sociétés ITM au paiement de la somme de trois mille cinq cent euros (3.500 euros) au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés ITM aux dépens,
Et statuant a nouveau :
- Juger que le président du tribunal judiciaire de Brest était compétent pour ordonner la mesure d'instruction in futurum par application de l'article 145 du code de procédure civile à l'encontre des époux [P],
En tout état de cause :
- Juger bien fondée la mesure d'instruction préventive ordonnée par l'ordonnance rendue le 19 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire de Brest, et valider les mesures réalisées en exécution de cette ordonnance,
- Rejeter la demande des époux [P] de rétractation de l'ordonnance sur requéte rendue le 19 avril 2024 par le président du tribunal judiciaire de Brest,
- Débouter les époux [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner les époux [P] au paiement de la somme de 2.000 euros au profit de chacune des sociétés ITM au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de premiere instance et d'appel en application des articles 696 et suivants du code de procédure civile.
M. et Mme [P] demandent à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance en date du 25 novembre 2024,
A titre liminaire :
- Se déclarer incompétent ratione materiae au profit de M. le président du tribunal de commerce de Brest,
En conséquence :
- Rétracter l'ordonnance sur requête en date du 19 avril 2024, avec toutes conséquences de droit et de fait,
A titre principal :
- Rétracter l'ordonnance en date du 19 avril 2024, avec toutes conséquences de droit et de fait,
En tout état de cause :
- Condamner les sociétés les sociétés ITM, via la société Sed Lex, huissier de justice, [Adresse 1], à procéder à la restitution des pièces et copies des pièces saisies lors des opérations diligentées le 12 juin 2024,
- Condamner les sociétés ITM à payer à M. et Mme [P] la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
C'est en principe aux parties qu'incombe la charge de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions :
Article 9 du code de procédure civile :
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Une partie peut cependant obtenir l'organisation d'une mesure d'instruction judiciaire avant même l'engagement d'un procès :
Article 145 du code de procédure civile :
S'il existe un motif légitime conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
La demande de mesure d'instruction présentée sur requête ne peut être accueillie que s'il est justifié d'un motif légitime, si la mesure ordonnée est proportionnée à son objectif et s'il est justifié qu'il est nécessaire de ne pas respecter le principe de la contradiction.
Sur la compétence :
L'absence de compétence du juge ayant autorisé les mesures d'instruction est une cause de rétractation de l'ordonnance et non de renvoi devant une juridiction qui serait compétente.
Les sociétés ITM font valoir que l'action qu'elles envisagent d'introduire contre les époux [P] tendrait à les sanctionner pour avoir violé leurs obligations nées du contrat d'enseigne qu'ils ont signé en leur nom personnel. Elles ajoutent qu'en outre le contrat d'enseigne en question comporte une clause compromissoire. Elles précisent que l'objet de l'action au fond ne consiste pas à poursuivre les époux [P] en qualité de cautions et que leur responsabilité n'est pas recherchée au titre de leurs fonctions de dirigeants de la société Hébrides.
Elles revendiquent leur choix d'engager la responsabilité personnelle des époux [P] devant le tribunal arbitral compétent.
Il résulte du contrat d'enseigne que M. et Mme [P] se sont engagés à respecter le document « Charte des mousquetaires ».
Comme le font remarquer M. et Mme [P], le document « Charte des mousquetaires » n'est pas produit devant la cour.
En tout état de cause, les sociétés ITM ne se prévalent que de la violation de relations contractuelles par M. et Mme [P]. Ce choix leur appartient. En l'absence de production du document « Charte des mousquetaires », la nature commerciale de ces relations n'est pas établie. Il revient au juge judiciaire, juge de droit commun, de connaître du litige.
Ces relations contractuelles renvoient en outre à une clause d'arbitrage. Ni la
juridiction civile ni la juridiction commerciale ne sera donc compétente pour connaître du litige au fond. Le juge civil est donc compétent pour connaître du litige afférent à la mise en oeuvre de mesure d'instruction avant tout litige.
Il y aura lieu d'infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a constaté l'incompétence matérielle du président du tribunal judiciaire de Brest.
En tout état de cause, la cour d'appel de Rennes est juridiction d'appel des décisions, tant du président du tribunal judiciaire de Brest que du président du tribunal de commerce de Brest. Elle a donc compétence pour statuer sur les mérites de la requête présentée par la société ITM.
Sur le motif légitime :
Les sociétés ITM font valoir que les époux [P] se seraient rendus coupables d'une rupture brutale des pourparlers et d'une fraude aux droits des exposantes :
- en discutant pendant plusieurs mois de la cession des titres de la société Hébrides pour refuser tardivement et brutalement la proposition des requérantes et annoncer tout à la fois l'arrêt des discussions, leur départ définitif du groupement et le changement d'enseigne de leur point de vente et
- en négociant, en parallèle des discussions avec les requérantes auxquelles ils avaient d'emblée décidé de ne pas donner suite, des accords pour mettre le fonds de commerce de la société Hébrides en location gérance dans le seul but d'éluder les droits de préférence de la société ITM Entreprises.
Il apparaît que seule la société L.G.F. Financière détenait les parts sociales de la société Hébrides. Aucune négociation sur la cession des parts sociales de la société Hébrides n'a donc pu être conduite utilement entre M. et Mme [P] ès noms et les société ITM. Aucun élément produit ne peut laisser supposer que le changement d'enseigne du fonds de commerce ait été le fait de M. et Mme [P] ès noms alors que ce sont la société Hébrides ou son locataire gérant qui ont pu en être l'auteur.
De même, M. et Mme [P] n'étaient pas, ès noms, propriétaires du fonds de commerce. Ils n'ont pas pu à titre personnel mettre le fonds de commerce en location gérance.
A défaut de production du document « Charte des Mousquetaires », il ne peut être recherché quelles clauses de ce contrat M. et Mme [P] pourraient être soupçonnés d'avoir violées à titre personnel.
Le fonds de commerce a été donné en location gérance par son propriétaire, la société Hébrides, et non pas M. et Mme [P] ès noms.
Les sociétés ITM ne justifient pas que M. et Mme [P] aient pu, en leur nom personnel, commettre les agissements allégués. Il n'est ainsi pas justifié d'un motif légitime de recourir à une mesure d'instruction à leur encontre.
Cette absence de motif légitime suffit à rétracter l'ordonnance du 19 avril 2024. L'ordonnance dont appel en date du 25 novembre 2024 sera confirmée par ce motif substitué en ce qu'elle a prononcé la rétractation.
Sur le caractère proportionné des mesures autorisées :
M. et Mme [P] font valoir que les mesures demandées seraient disproportionnées.
L'ordonnance a autorisé le commissaire de justice à se faire remettre et/ou rechercher tous documents échangés à partir du 1er janvier 2022 entre, d'une part, M. ou Mme [P] et, d'autre part, le personnel salarié et/ou les mandataires d'une société dépendant de l'enseigne U ou du groupe Posier, ou comportant les mots clés 'changement d'enseigne', ou 'fraude', ou 'cession de titres', ou 'cession des actifs', ou 'secret', ou 'confidentiel', ou 'plan de cession', ou 'fonds de commerce', ou 'enseigne U' ou 'location gérance', ou 'Posier', 'promesse de cession', ou 'lettre d'intention', ou 'promesse de vente', ou 'droit de préférence',
Les auteurs ou destinataires des messages ainsi recherchés n'étaient pas spécifiés, la notion de personne ou salarié d'une société dépendant de l'enseigne U ou du groupe Posier ne permettant pas leur identification. La teneur de cette mesure impliquait nécessairement que le commissaire de justice fasse une analyse des liens pouvant exister entre les interlocuteurs des messages et des personnes morales qu'il devait également identifier par une analyse de la notion de dépendance de l'enseigne U ou d'appartenance au groupe Posier. Cette détermination nécessitait l'appréciation d'éléments de fait et d'éléments juridiques qui dépassent les prévisions des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.
Ce seul motif suffit à ordonner la rétractation de l'ordonnance du 19 avril 2024 et à confirmer sur ce point l'ordonnance dont appel.
Les mots clés désignés comme autre mode de recherche changement d'enseigne', ou 'fraude', ou 'cession de titres', ou 'cession des actifs', ou 'secret', ou 'confidentiel', ou 'plan de cession', ou 'fonds de commerce', ou 'location gérance', 'promesse de cession', ou 'lettre d'intention', ou 'promesse de vente', ou 'droit de préférence' étaient insuffisamment précis, pour permettre de limiter les investigations aux documents pertinents.
L'étendue de la mission confiée au commissaire de justice était disprotionnée à l'objectif poursuivi.
De ce seul chef il y a également lieu de rétracter l'ordonnance sur requête et de confirmer par motifs substitués l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a ordonné cette rétractation.
La mesure a été autorisée au domicile personnel de M. et Mme [P]. Aucune limitation d'horaire ou de jour n'a été prévue. La seule précision de l'ordonnance en ce sens ne vise que le cas où le commissaire de justice devrait poursuivre ses investigations sur une autre journée.
En n'apportant aucune limite de temps aux opérations qui devaient être menées au domicile de particuliers, l'ordonnance a porté une atteinte disproportionnée aux droits des personnes visées.
Ce seul motif suffit également, en soi, à rétracter l'ordonnance sur requête et à confirmer par motifs substitués l'ordonnance de référé qui l'a rétractée.
En tout état de cause, ces éléments, pris dans leur ensemble, justifient également cette rétractation.
L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a prévu les conséquences de la rétractation et la restitution des pièces.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner les sociétés ITM aux dépens d'appel et à payer à M. et Mme [P] la somme globale de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Infirme l'ordonnance du 25 novembre 2024 en ce qu'elle a :
- Constaté l'incompétence materielle du président du tribunal judiciaire de Brest,
- Confirme l'ordonnance du 25 novembre 2024 pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne les société ITM Entreprises, ITM Alimentaire Ouest et ITM Alimentaire International à payer à M. [P] et Mme [L], son épouse, la somme globale de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne les société ITM Entreprises, ITM Alimentaire Ouest et ITM Alimentaire International aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,