CA Bordeaux, 1re ch. civ., 4 novembre 2025, n° 22/03685
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 04 NOVEMBRE 2025
N° RG 22/03685 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M2HB
Société LES PORTES DE [Localité 32]
c/
S.C.I. INVESTESTE
S.C.P. INIGO [A], [L] [B] ET [H] [Z]
Société Mesdames [L] [B] et [H] [V]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 juillet 2022 par leTribunal judiciaire de [Localité 26] (chambre : 5, RG : 18/08539) suivant déclaration d'appel du 28 juillet 2022
APPELANTE :
Société LES PORTES DE [Localité 32] SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE CONSTRUCTION -VENTE RCS 478 831 720 agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.C.I. INVESTESTE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 10]
Représentée par Me Patrick DAYAU de la SCP ESENCIA, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.P. INIGO [A], [L] [B] ET [H] [Z] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Activité : Notaires Associés,
[Adresse 3]
Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SELARL LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE :
Société Mesdames [L] [B] et [H] [V]
liquidateurs ad hoc de la SCP [A] [B] ET [Z], notaires associés, société immatriculée au RCS de LIBOURNE sous le n° 321 774 929, domiciliée [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SELARL LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 23 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Laurence MICHEL, Présidente
Emmanuel BREARD, Conseiller
Tatiana PACTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
En présence de : [K] [P], attachée de justice
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. Par acte du 9 mars 2004, la sci Investeste est devenue propriétaire d'une maison à usage d'habitation située au [Adresse 17] Arcachon, cadastrée section AE n° [Cadastre 14], d'une surface au sol de 169 m2.
La sccv les portes de [Localité 32] est une société de promotion immobilière désireuse de réaliser un programme en VEFA, la villa d'Hestia, par la construction d'un immeuble composé de 29 logements à usage commercial et d'habitation et de parking dans le centre d'[Localité 20], et aux fins de les vendre par fractions.
Par acte signé les 5 et 21 décembre 2012, la sci Investeste ainsi que la société le Pré, Chalmel, et Constructions modernes, ont signé avec la société les portes de Langon, une promesse de vente stipulant, s'agissant de la sci Investeste, pour le bien précité dont elle est propriétaire, au paragraphe concernant les conditions financières que la vente, en cas de réalisation, aura lieu moyennant le prix global de 250.000 euros qui sera converti en l'obligation par le bénéficiaire, la société portes de Langon, de lui remettre à titre de dation en paiement et en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en matière de vente d'immeubles à construire les biens et droits immobiliers, en l'état futur d'achèvement pour une surface commerciale de 318 m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34] et une place de parking R-1.
Par acte du 31 mai 2013, la société les portes de Langon, en qualité de réservant, et la sci Investeste, en qualité de réservataire, ont signé un contrat de réservation ayant pour objet trois lots de la résidence la villa d'[31] pour une surface approximative de 318 m2, moyennant le prix de 250.000 euros avec une mention 'bien livrés en paiement' et une date prévisionnelle de livraison prévue au deuxième semestre 2015.
Par acte notarié du 26 septembre 2013, suite à la promesse de vente signée les 5 et 21 décembre 2012, la sci Investeste, pour le bien précité, la société le Pré, la société Constructions modernes, et la sci Chalmel, propriétaires de locaux situés à Arcachon, ont vendu en l'étude de Me [A], exerçant au sein d'une scp notariale située à Libourne, différents bien immobiliers au profit de la société les portes de Langon, pour un montant total de 4.099.987,27 euros.
Le 7 novembre 2013, les quatre sociétés venderesses, dont la sci Investeste, ont signé un protocole d'accord avec la sccv, ayant pour objet, suite à l'obtention par la sccv d'une garantie financière d'achèvement auprès du Crédit Agricole du 25 octobre 2013, de convertir, s'agissant de la sci Investeste, à concurrence de la somme de 250.000 €, le prix de vente en l'obligation pour la sccv de remettre à la sci à titre de dation paiement et en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en matière de vente d'immeubles à construire, les biens et droits immobiliers, en I 'état d'achèvement, à savoir une surface commerciale de 318 m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34] et une place parking R -1, avec mention que la livraison de l'ensemble des biens donnés en paiement devrait intervenir avant le 15 juin 2015 et que la somme de 3.349.983,27 € s'éteindra par compensation lors de la remise desdits locaux aux sociétés créancières.
Par exploit d'huissier en date du 15 juin 2015, la société les portes de [Localité 32] a assigné les sociétés venderesses à l'effet de demander, notamment une réduction du prix de vente à concurrence de 1.172.000 euros, assignation suivie de conclusions de désistement d'instance le 28 juillet 2016.
Le 31 mars 2016, la sci Investeste a pris livraison des trois locaux commerciaux et du parking le 21 décembre 2017, et par courrier du 27 avril 2018, cette société a mis en demeure la société les portes de Langon de procéder à la signature de l'acte authentique qui acte la dation en conformité avec le protocole du 7 novembre 2013.
2. Par exploit d'huissier en date du 25 septembre 2018, la société les portes de Langon a assigné la sci Investeste et la scp notariale au sein de laquelle travaille Me [W] à l'effet d'annuler la clause du protocole d'accord du 7 novembre 2013 libellée dans les termes précités ainsi que d'annuler le contrat de réservation du 31 mai 2013 signé avec la sci Investeste.
Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable la société les portes de [Localité 32] en sa demande de nullité de la dation en paiement sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- constaté le caractère parfait de la dation en paiement intervenue entre la société les portes de Langon et la sci Investeste, portant sur des biens immobiliers dont la désignation, pour les besoins de la publicité foncière est la suivante :
1/ Vendeur
La société dénommée les portes de Langon, sci de construction vente au capital social de 300,00 euros dont le siège social est sis à [Adresse 27], immatriculée au RCS de bordeaux sous le numéro 478 831 720, représentée par son gérant en exercice.
2/ Acquéreur
La société dénommée sci Investeste, sci au capital social de 1.900,00 euros dont le siège social est sis à Le Teich (33470) [Adresse 24] [Adresse 9], immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 433 010 543, représentée par sa gérante, Mme [I] [D].
3/ Désignation des biens
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 22][Adresse 1] [Adresse 28], et [Adresse 25] figurant ainsi au cadastre
Section
Numéro
Lieudit
Contenance
ha a ca
AE
[Adresse 15]
[Adresse 16]
00 01 69
AE
[Cadastre 4]
[Adresse 19]
00 05 16
AE
[Cadastre 5]
[Adresse 19]
00 02 31
AE
[Cadastre 6]
[Adresse 18]
00 00 50
AE
[Cadastre 7]
[Adresse 18]
00 00 49
AE
[Cadastre 8]
[Adresse 18]
00 00 18
Des lots de copropriété suivants :
- Le lot 259, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord-est et ouvrant sur l'[Adresse 25], comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel composé d'une superficie de 133m2 environ et les 424/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 260, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 104m2 environ, et les 335/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 261, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 66m2 environ, et les 205/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 243, situé au premier sous-sol de l'immeuble, comprenant un parking et les 12/10.000 des parties communes générales,
4/ Prix
La dation des biens ci-dessus désigné est consentie pour un prix principal de 250.000 euros, taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6%
5/ Effet relatif
La présente dation en paiement est réalisée
- au 31 mars 2016 pour les lots n° 259, 260 et 261,
- au 21 décembre 2017 pour le lot n° 243
- dit que la présente décision vaut acte de dation de locaux en copropriété achevé en application du protocole d'accord entre la sci Investeste, la sarl Le Pré, la sarl Constructions Modernes, la sci Chalmel d'une part et la sccv Les portes de [Localité 32] d'autre part ;
- ordonné la publication du présent jugement auprès des services de la publicité foncière de [Localité 33], à la requête de la partie la plus diligente,
- dit que la présente décision sera transcrite au service de la publicité foncière,
- condamné la société les portes de [Localité 32] au paiement de la sci Investeste de 44.575 euros au titre du préjudice financier,
- condamné la société les portes de Langon au paiement de 3.000 euros à la sci Investeste et de 1.500 euros à la scp [A], [B], et [Z], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société les portes de [Localité 32] aux dépens,
- débouté les parties pour le surplus,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
3. Par déclaration électronique en date du 28 juillet 2022, la société les portes de Langon a interjeté appel de l'intégralité des chefs du jugement du 7 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Bordeaux à l'encontre de la sci Investeste et de la scp Inigo, [A], [B], et [Z].
4. Par ordonnance en date du 16 avril 2024, le président du tribunal judiciaire de Libourne a ordonné la réouverture des opérations en liquidation amiable de la scp [A], [B], et [Z] et a désigné en qualité de liquidateur ad hoc de la scp, deux de ses associées, Me [B], et Me [Z].
5. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 4 mars 2025, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société les portes de Langon, demande à la cour d'appel de Bordeaux de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société les portes de [Localité 32],
- réformer le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire en ce qu'il a constaté le caractère parfait de la dation en paiement portant sur les biens immobiliers lots 259, [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 11] et les millièmes des parties communes générales qui y sont rattachées,
- constater que la valeur de la parcelle AE [Cadastre 14] transmise à la société Investeste est manifestement disproportionnée par rapport à la valeur des lots qu'elle s'est vue remettre aux termes du protocole d'accord du 7 novembre 2013,
- prononcer la nullité de la dation en paiement survenue entre la société Investeste et la société les portes [Adresse 30] [Localité 32] en raison de l'erreur sur l'existence de la contrepartie et en tout état de cause ordonner la caducité en raison de l'imprécision du protocole d'accord du 7 novembre 2013 et de l'hypothèque prise par l'administration fiscale sur les lots 259, 260, 261, 243,
En conséquence,
- annuler la clause du protocole d'accord du 7 novembre 2013 tel que reproduit ci-dessous 'à concurrence de la somme de 250.000 euros qui sera convertie en l'obligation par la société les portes de [Localité 32] de remettre à la société Investeste à titre de dation en paiement et en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en matière de vente d'immeuble à construire, les biens et droits immobiliers ci-après désignés en l'état futur d'achèvement, à savoir :
- surface commerciale de 318m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34]
- une place de parking R-1"
- condamner la société les portes de Langon à verser la somme de 250.000 euros au profit de la sci Investeste en paiement du prix de la parcelle cadastrée section AE [Cadastre 14], [Adresse 16] à Arcachon,
- condamner la sci Investeste à rembourser à la société les portes de Langon la somme de 696.114,68 euros au titre des loyers commerciaux et droit d'entrée perçus,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société les portes de Langon à verser la somme de 44.575 euros à la sci Investeste au titre du préjudice financier, 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- débouter la société Investeste dans l'ensemble de ses demandes fins et prétentions notamment au titre de sa réclamation de 'perte locative' à concurrence de 76.295 euros et limiter à titre infiniment subsidiaire la perte de chance à l'euro symbolique.
A titre subsidiaire, si la cour d'appel de Bordeaux confirmait le principe de la dation en paiement,
- préciser que la cession par dation des lots 259, 260, 261, et 243 au profit de la sci Investeste sera subordonnée au paiement préalable par la sci Investeste de la somme complémentaire de 915.629 euros au profit de la société les portes de Langon,
- condamner par conséquent la société Investeste à régler la somme de 915.629 euros.
A titre très subsidiaire,
- réformer le jugement en date du 7 juillet 2022 en ce qu'il a débouté la société les portes de Langon de sa demande de condamnation de paiement à l'encontre de la scp [W]-ortiz, [B], [Z], notaires associés au titre de son devoir de conseil, de mise en garde et de l'absence de sécurité juridique de l'acte en litige, à savoir le protocole du 7 novembre 2013.
Vu la réouverture des opérations de liquidation amiable de la scp notariale et la désignation des liquidateurs ad hoc Me [B] et Me [Z],
- constater que la responsabilité de Mmes [B] et [Z], liquidateurs ad hoc est engagée en application de l'article L237-2 du code de commerce.
En conséquence,
- condamner in solidum Mmes [B] et [Z], ès qualités de liquidateurs amiables de la scp, à payer à la société les portes de Langon à titre de dommages et intérêts, la somme de 1.372.981 euros (915.629 euros + 457.352,86 euros) au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la sous évaluation du prix des lots donnés en dation.
En toute hypothèse,
- condamner la partie succombante à payer à la concluante la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- débouter Mmes [B] et [Z] ès qualités de liquidateurs amiables de la scp notariale de toutes les demandes reconventionnelles qu'elles présenteraient y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
6. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 24 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la sci Investeste demande à la cour d'appel de Bordeaux de :
- dire et juger la société les portes de [Localité 32] irrecevable et mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement du 7 juillet 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Investeste à la somme de 44.575 euros
- infirmer le jugement du 7 juillet 2022 en ce qu'il a limité l'indemnisation de la sci Investeste à la somme de 44.575 euros,
En conséquence, statuant de nouveau,
Sur les demandes de la société les portes de [Localité 32],
A titre principal,
- déclarer la société les portes de [Localité 32] irrecevable en ses prétentions pour cause de prescription,
- en conséquence, rejeter les prétentions de la société les portes de [Localité 32],
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la dation en paiement n'est entachée d'aucune cause de nullité,
- en conséquence rejeter les prétentions de la société les portes de [Localité 32],
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que l'acte éventuellement annulable a été confirmé tacitement par la société les portes de [Localité 32],
- dire et juger que la société les portes de [Localité 32] a renoncé à se prévaloir des causes de nullité invoquées,
- en conséquence rejeter les prétentions de la société les portes de [Localité 32],
Sur les demandes reconventionnelles de la sci Investeste :
- constater le caractère parfait de la dation en paiement et qu'elle a opéré transfert de propriété au profit de la sci Investeste des biens suivants :
3/ Désignation des biens
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 23][Adresse 1] [Adresse 29] figurant ainsi au cadastre :
Section
Numéro
Lieudit
Contenance
ha a ca
AE
[Adresse 15]
[Adresse 16]
00 01 69
AE
[Cadastre 4]
[Adresse 19]
00 05 16
AE
[Cadastre 5]
[Adresse 19]
00 02 31
AE
[Cadastre 6]
[Adresse 18]
00 00 50
AE
[Cadastre 7]
[Adresse 18]
00 00 49
AE
[Cadastre 8]
[Adresse 18]
00 00 18
Des lots de copropriété suivants :
- Le lot 259, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord-est et ouvrant sur l'[Adresse 25], comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel composé d'une superficie de 133m2 environ et les 424/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 260, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 104m2 environ, et les 335/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 261, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 66m2 environ, et les 205/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 243, situé au premier sous-sol de l'immeuble, comprenant un parking et les 12/10.000 des parties communes générales,
- dit que le transfert de propriété est réalisé :
- au 31 mars 2016 pour les lots n° 259, 260, 261,
- au 21 décembre 2017 pour le lot n°243
- dit que la décision à intervenir vaudra titre de propriété et ordonne sa publication à la conservation des hypothèques,
- condamner la société les portes de Langon à régler à la sci Investeste une somme correspondant aux loyers prévus aux baux conclus avec les locataires de la sci Investeste et non perçus par cette dernière entre le 15 juin 2015 et le 31 mars 2016 pour les locaux commerciaux et entre le 15 juin 2012 et le 21 décembre 2017 pour le parking soit la somme de 76.295 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure en date du 27 avril 2018.
En tout état de cause,
- condamner la société les portes de [Localité 32] à verser à la société Investeste une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société les portes de [Localité 32] aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution en ce compris les frais de publicité à la conservation des hypothèques.
7. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 3 octobre 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyen, Mmes [B] et [Z], intervenantes volontaires en qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z], notaires associés, demandent à la cour d'appel de Bordeaux de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société les portes de Langon de ses demandes dirigées à l'encontre de la scp notariale et l'a condamnée à régler à cette dernière une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de la société les portes de Langon dirigées à l'encontre de la scp notariale en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 25 février 2021 par le tribunal judiciaire de Libourne,
En tout état de cause,
- débouter la société les portes de Langon de ses demandes dirigées à l'encontre de la scp notariale,
- condamner la société les portes de [Localité 32] à régler à la scp notariale une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société les portes de [Localité 32] aux entiers dépens.
8. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 23 septembre 2025 et l'instruction a été clôturée par une ordonnance du 9 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande en nullité de la dation en paiement
9. L'appelant fait valoir que l'acte authentique dressé le 26 septembre 2013, en ce qu'il prévoit la vente de la parcelle de 169 m2 cadastrée AE [Cadastre 14] moyennant le versement à terme au profit de la sci Investeste de la somme de 250.000 euros, sans faire référence à la promesse unilatérale de vente en date des 5 et 21 décembre 2012 devenue caduque, ni au contrat de réservation en date du 31 mai 2013, constitue une renonciation expresse à se prévaloir des actes et accords antérieurs.
Il estime que lesdits actes antérieurs ne pouvaient donc constituer le point de départ de la prescription, quelle soit trentenaire, ou quinquennale; que le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil serait en tout état de cause au plus tôt fixé au 7 novembre 2013, date du protocole d'accord en litige, et au plus tard à la date de livraison desdits locaux constituant le terme; qu'en outre, la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun.
10. La sci Investeste soutient en premier lieu, au visa de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne peut que confirmer le jugement de première instance dès lors que l'appelant n'a pas repris dans ses conclusions sa demande d'infirmation du chef du jugement relatif à l'rrecevabilité de ses demandes pour cause de prescription.
En second lieu, elle fait valoir qu'en application de l'article 1304 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016), la demande est soumise à la prescription quinquennale, laquelle est acquise en raison de l'accord des parties sur la dation en paiement intervenue selon le contrat de réservation du 31 mai 2013.
Sur ce,
a) Sur l'absence de demande d'infirmation du jugement et la nécessaire confirmation
11. Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile : [...] la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Ainsi, l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. A défaut, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
Il convient de rappeler que la déclaration d'appel délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel tandis que les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif de la demande de réformation ou d'annulation du jugement déterminent la finalité de l'appel, qui tend à la réformation ou l'annulation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.
Dès lors que la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant, qui sollicite dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision et formule plusieurs prétentions, n'est pas tenu de reprendre dans le dispositif les chefs de dispositif du jugement dont il demande l'infirmation.
12. Tel est le cas en l'espèce de la société les portes de [Localité 32] dont l'appel porte sur l'intégralité des chefs du jugement du 7 juillet 2022 et qui demande à la cour, dans ses conclusions récapitulatives, de réformer le jugement, et formule plusieurs prétentions.
Dès lors, l'absence de reprise par l'appelant dans ses conclusions de sa demande d'infirmation du chef du jugement relatif à l'irrecevabilité de ses demandes pour cause de prescription est sans incidence et ne peut entrainer la confirmation du jugement de ce chef.
Cette demande sera donc rejetée.
b) Sur la prescription
La société les portes de [Localité 32] entend obtenir l'annulation de la clause contenue dans l'acte sous seing privé du 7 novembre 2013 prévoyant le paiement du prix sous forme de dation en raison de l'erreur sur l'existence de la contrepartie.
13. Selon l'article 1304 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016) : ' Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts'.
14. Il résulte des documents produits aux débats que la promesse unilatérale de vente du 5 décembre 2012, signée entre la société Investeste et la société les portes de [Localité 32] prévoyait déjà, concernant la modalité de paiement du prix de vente, que le paiement du prix du terrain se ferait par une dation en paiement portant sur des locaux faisant partie du programme immobilier envisagé.
Les parties ont également signé le 31 mai 2013 un contrat de réservation ayant pour objet trois lots de la résidence la villa d'[31] pour une surface approximative de 318 m2, moyennant le prix de 250.000 euros avec une mention 'bien livrés en paiement' et une date prévisionnelle de livraison prévue au deuxième semestre 2015.
Toutefois, l'acte authentique de vente intervenu le 26 septembre 2013, ne prévoit plus que le prix sera converti par une dation en paiement, mais stipule clairement qu'une partie du prix sera payée au comptant ce jour, le solde étant payé à terme, au plus tard le 15 juin 2015, et à concurrence de 250.000 euros revenant à la société Investeste.
15. S'il est exact que cet acte notarié fait référence à la promesse de 2012 s'agissant du sort de l'indemnité d'immobilisation versée à l'époque, il précise surtout en page 29 que : ' d'un commun accord entre les parties, il est convenu que les conditions du présent acte se substituent purement et simplement à celles figurant dans l'avant-contrat et dans tout autre document quelconque, régularisés entre elles dès avant ce jour, en vue du présent acte.
Les clauses et conditions de cet avant-contrat comme de tout autre document seront réputées non écrites à compter de ce jour et aucune des parties ne pourra s'en prévaloir pour invoquer les clauses contraires à celles figurant aux présentes. Cette convention expressément acceptée par chacune des parties constitue pour elles une condition essentielle et déterminante du présent acte.»
16. La raison pour laquelle les parties ont convenu, aux termes de cet acte de vente, de modalités différentes de paiement du prix de vente importe peu, les parties ayant, aux termes de cet acte notarié, clairement et expressément renoncé à toutes les conditions et clauses antérieurement convenues, dans la promesse unilatérale de vente du 5 décembre 2012, comme dans le contrat de réservation du 31 mai 2013, et par conséquent à une dation en paiement.
17. Les premiers juges ne pouvaient donc considérer que la dation en paiement avait été préalablement formée à travers à la fois la promesse de vente des 5 et 21 décembre 2012 et le contrat de réservation du 31 mai 2013, dès lors que les parties signataires à l'acte authentique dressé le 26 septembre 2013 avaient entendu y renoncer expressément.
De ce fait, le protocole d'accord signé le 7 novembre 2013, par lequel les quatre sociétés venderesses, dont la sci Investeste, et la sccv ont convenu, à nouveau, de convertir le prix de vente en dation en paiement, constitue le point de départ du délai pour agir en nullité de cet acte.
La société les portes de [Localité 32] ayant saisi la juridiction le 25 septembre 2018, elle n'était pas prescrite en son action.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il déclare l'action de la société les portes de [Localité 32] en nullité de la dation en paiement irrecevable comme prescrite.
Sur la nullité de la dation en paiement
18. Pour soutenir la nullité du protocole d'accord, la sccv se prévaut en premier lieu des dispositions de l'article 1589-2 du code civil et de l'article 1840-A du CGI (abrogé depuis 2005). Elle invoque en second lieu une nullité par dissimulation d'une partie du prix et une 'erreur sur l'existence de la contrepartie'.
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1674 du code civil, elle invoque la rescision pour lésion.
19. La société Investeste fait valoir du premier chef que les dispositions précitées ne sont pas applicables au protocole du 7 novembre 2013; que par ailleurs, il n'est pas démontré une absence de cause, l'éventuel défaut d'équivalence des prestations ne correspondant pas à une absence de cause; qu'il n'est pas justifié non plus d'une erreur sur la valeur, laquelle n'est pas une cause de nullité des conventions, et qu'à supposer que la société ait commis une erreur sur l'existence de la contrepartie, cette erreur était inexcusable de la part d'un professionnel de l'immobilier.
Subsidiairement, elle considère que l'acte a été confirmé puisque la société a exécuté volontairement son obligation.
La société Investeste soutient encore que l'action en rescision pour lésion est prescrite et que les conditions d'une éventuelle rescision pour lésion ne sont pas établies.
Sur ce,
a) S'agissant de la nullité tirée de l'absence d'enregistrement du protocole du 7 novembre 2013
20. Selon l'article 1589-2 du code civil : 'Est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter du code général des impôts, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. Il en est de même de toute cession portant sur lesdites promesses qui n'a pas fait l'objet d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé enregistré dans les dix jours de sa date'.
L'article 1840 A (abrogé par Ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005) dispose que : 'Sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article 1741, est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seings privés enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. Il en est de même de toute cession portant sur lesdites promesses qui n'a pas fait l'objet d'un acte authentique ou d'un acte sous seings privés enregistré dans les dix jours de sa date'.
21. Ces textes s'appliquent donc à des promesses unilatérales de ventes. Or, le protocole signé entre les parties en novembre 2013 est un acte synallagmatique entérinant l'accord des parties sur les modalités de paiement du prix d'une vente immobilière déjà réalisée par acte authentique de septembre 2013.
Ce protocole n'avait donc pas à être enregistré et aucune nullité ne saurait être encourue de ce chef.
b) S'agissant de la nullité tirée du défaut de contrepartie
L'appelant soutient que la dation en paiement devrait être annulée en raison d'une dissimulation du prix de vente et pour « erreur sur l'existence de la contrepartie ». Il invoque également une lésion de plus de sept douzièmes.
Il sera observé qu'à cet égard l'appelant ne formule aucune prétention propre à une rescision pour lésion, ni dans le corps de ses écritures, ni dans le dispositif de ses conclusions, en sorte qu'il s'agit d'un moyen au soutien de sa demande de nullité, tiré de la disproportion de l'opération de dation.
22. Son argumentation consiste à comparer le prix du m² constructible au prix du m² des locaux commerciaux. Toutefois, le protocole précise clairement que le prix contractuellement fixé pour la parcelle à bâtir cadastrée AE [Cadastre 14] de 169 m2 dont est propriétaire la sci Investeste est fixé à 250 000 € TTC, et sera payé par la remise d'une surface commerciale de 318 m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34] et une place parking R -1, en sorte que l'acte comporte des éléments suffisants pour permettre une comparaison et aucune dissimulation de prix ne peut être utilement invoquée.
23. Par ailleurs, l'erreur sur l'existence de la contrepartie, fait référence à la fois à une absence de cause et à une erreur sur la valeur.
24. En ce qui concerne la cause, l'article 1131 ancien du code civil dispose que : « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet'.
Selon une jurisprudence constante, il y a absence de cause lorsque la contrepartie est inexistante ou dérisoire.
En l'espèce, la sccv fait valoir que sa contrepartie serait inférieure à la valeur des biens donnés en paiement sans néanmoins produire d'éléments probants, tels que des estimations ou des expertises, permettant d'apprécier l'importance de cette différence de valeurs
Elle ne démontre donc pas que sa contrepartie serait inexistante ou même dérisoire et entrainerait une absence de cause de son obligation, étant au surplus rappelé qu'elle est une professionnelle de l'immobilier ayant connaissance des valeurs immobilières, du marché et des coûts de construction.
25. En ce qui concerne la valeur, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1136 nouveau du code civil : « L'erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est pas une cause de nullité ».
L'erreur sur la valeur n'est donc pas une cause de nullité des conventions, sauf à démontrer une erreur sur les qualités essentielles de la prestation, ce que la société appelante ne fait pas.
En définitive, aucune nullité ne saurait être retenue et la société les portes de [Localité 32] sera déboutée de ce chef.
Sur la caducité de la dation en paiement
26. L'appelant invoque l'imprécision du protocole d'accord du 7 novembre 2013 et l'hypothèque prise par l'administration fiscale sur les lots 259, 260, 261, 243, entrainant selon elle la caducité de la dation en paiement.
27. L'intimé répond que la sccv a livré les biens objets de la dation en paiement, sans émettre la moindre réserve.
Sur ce,
28. La caducité du contrat est définie comme l'état de non-valeur auquel un contrat initialement valable est réduit, du fait de la disparition de l'un de ses éléments constitutifs ou de la défaillance d'un élément extérieur auquel était subordonnée son efficacité.
29. En l'occurrence, la cour constate que l'absence de précision des lots donnés dans le protocole du 7 novembre 2013 n'a nullement empêché la sccv de les livrer (3 locaux commerciaux et un parking), conformément à ce qui avait été convenu lors des discussions antérieures au contrat de vente de septembre 2013.
30. Par ailleurs, la livraison des biens est intervenue le 31 mars 2016 pour les trois locaux commerciaux et le 21 décembre 2017 pour le parking. Or, la société les portes de [Localité 32] ne démontre pas qu'à la date de la mise en demeure délivrée par la société Investeste d'avoir à procéder à la signature de l'acte authentique qui acte la dation, soit le 27 avril 2018, il existait un obstacle au transfert juridique de la propriété puisque la prise d'hypothèque sur les biens par l'administration fiscale date de 2022.
Dans ces conditions, la demande en caducité de la dation en paiement doit également être rejetée.
En conséquence, les demandes de nullité et de caducité de la sccv ne pouvant valablement prospérer, les prétentions financières de cette dernière au titre de la restitution des loyers doivent être rejetées.
En outre, la demande subsidiaire visant à condamner l'intimée au règlement d' une somme de 915.629 € aux fins de rétablir l'équilibre sur le fondement de l'article 1195 du code civil constitue une demande nouvelle en cause d'appel et est à ce titre irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a :
- constaté le caractère parfait de la dation en paiement intervenue entre la société les portes de Langon et la sci Investeste, portant sur les biens immobiliers situés dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 21] (33 120)[Adresse 1] [Adresse 28], et [Adresse 25], lots 259, 260, 261, 243 et les millièmes des parties communes générales qui y sont rattachées,
- dit que la présente décision vaut acte de dation de locaux en copropriété achevé en application du protocole d'accord entre la sci Investeste, la sarl Le Pré, la sarl Constructions Modernes, la sci Chalmel d'une part et la sccv les portes de Langon d'autre part ;
- ordonné la publication du présent jugement auprès des services de la publicité foncière de [Localité 33], à la requête de la partie la plus diligente,
- dit que la présente décision sera transcrite au service de la publicité foncière.
- débouté la société les portes de [Localité 32] de sa demande en restitution des loyers commerciaux et du droit d'entrée.
Sur les demandes reconventionnelles de la société investeste
31. La société Investeste fait valoir que la société appelante lui a occasionné un préjudice par ses manquements au titre des retards de livraison des biens objets de la dation en paiement, la privant des loyers qu'elle aurait dû percevoir.
32. La société les portes de [Localité 32] indique que l'acte de vente ne prévoyait aucune date de livraison, et que les locaux étaient livrés brut de béton et ne pouvaient donc pas être exploitables immédiatement.
Elle conteste les documents produits par la partie adverse et subsidiairement invoque une seule perte de chance.
Sur ce,
33. Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
C'est par des motifs complets et pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats et les pièces produites en appel et que la cour adopte, qu'après avoir précisément analysé les pièces, et notamment les baux commerciaux produits, le premier juge a considéré qu'en raison du retard de livraison, la sci bailleresse avait subi un préjudice au titre des loyers non perçus à compter du 15 octobre 2015 et jusqu'au 31 mars 2016 pour les locaux commerciaux et du 10 mars 2016 au 21 décembre 2017 pour le parking, pour en déduire à juste titre que la sccv sera condamnée à indemniser la sci à hauteur de la somme de 44.575 € au titre du préjudice financier (42.405 € + 2.170 €).
En conséquence, le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité du notaire
34. La société les portes de [Localité 32] fait valoir qu'en application du principe d'estoppel, la la scp notariale ne peut à la fois soutenir son absence de responsabilité au motif que les parties avaient renoncé dans l'acte de vente à prévoir des dations en paiement et son absence de responsabilité en raison de sa non intervention dans les accords visant à la mise en place d'une dation en paiement.
Elle soutient d'une part que le notaire a manqué à ses obligations en ne précisant pas dans l'acte de vente si le prix était HT ou TTC et d'autre part en ne l'alertant pas sur l'absence d'équivalence de valeur des biens remis en dation.
35. Mmes [B] et [Z], es qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z], notaires associés, considérent que la demande se heurte à l'autorité de la chose jugée, la sccv ayant déjà recherché la responsabilité du notaire au titre d'un manquement similaire dans le cadre de la rédaction du protocole d'accord du 7 novembre 2013 devant le tribunal judiciaire de Libourne.
Elles ajoutent qu'il est de jurisprudence constante que le notaire n'a pas à conseiller ses clients quant à l'opportunité économique de l'opération envisagée.
Sur ce,
a) la fin de non recevoir tirée du principe de l'estoppel
36. Selon le principe de l'estoppel,une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers. Le principe de l'estoppel est soumis à plusieurs conditions pour pouvoir s'appliquer. Il ne suffit pas qu'une partie se contredise au détriment d'autrui pour emporter nécessairement une fin de non-recevoir, il faut également que les arguments contraires soient avancés lors d'une même instance (Civ. 2e, 22 juin 2017, no 15-29.202).
37. Or, en l'occurrence, l'appelant lui-même indique que la scp notariale aurait soutenu des positions contraires dans le cadre de deux instantes distinctes, devant le tribunal judiciaire de Libourne et dans le cadre de la présente instance faisant suite à un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Les conditions du principe de l'estoppel ne sont donc pas réunies et la fin de non recevoir en découlant sera rejetée.
b) la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
38. L'article 1355 dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
39. Il ressort des pièces versées aux débats que si la société les portes de [Localité 32] a effectivement obtenu devant le tribunal judiciaire de Libourne par jugement du 25 février 2021, la condamnation de la société notariale à des dommages et intérêts, c'est au titre d'un manquement à son devoir de conseil portant sur les frais de la dation en paiement prévue au protocole d'accord du 7 novembre 2013.
L'action introduite devant le tribunal judiciaire de Bordeaux vise pour sa part un manquement de la société notariale à son devoir de conseil au titre de la rédaction de l'acte de vente du 26 septembre 2013, et au titre de l'absence d'équivalence de valeur des biens remis en dation.
Il s'agit donc là de manquements différents à l'obligation de conseil, portant sur des faits distincts, en sorte que la demande ne se heurte à aucune autorité de la chose jugée et est recevable.
c) les manquements invoqués
40. Le notaire est tenu d'une obligation de conseil pour les actes authentiques ou sous seing privé qu'il établit et doit veiller à I 'efficacité de ces actes au regard du but poursuivi par les parties. Il doit éclairer les parties sur les règles de droit applicable, sur les incidences et les effets de l'acte, notamment ses risques. A défaut, sa responsabilité peut être engagée pour faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
- S'agissant du manquement au titre de l'acte authentique dressé en septembre 2013
41. Si les frais d'actes et autres accessoires à la vente sont en principe à la charge de l'acheteur, la TVA est à la charge du vendeur, pour autant que la vente soit soumise à cette taxe.
Un prix de vente sans mention de la TVA est généralement considéré comme une base TTC.
42. En l'espèce, l'acte authentique de vente énonce le prix (4.099.983,27 €) sans qu'il soit précisé qu'il s'agit d'un prix HT ou TTC.
La société appelante soutient que cette imprécision constitue une faute de la part du notaire dans la mesure où l'administration fiscale lui a réclamé "au titre des mutations par dation " (sic) la somme de 689.195 euros, montant qui aurait dû être séquestré sur le prix de vente.
43. Il en résulte que si l'imprécision visée peut s'analyser en une négligence du notaire, la société les portes de [Localité 32] ne démontre pas que celle-ci lui aurait causé en préjudice en la conduisant à assumer la TVA au lieu et place des vendeurs, puisqu'en réalité c'est au titre de la dation en paiement, postérieure à l'acte authentique, que l'administration fiscale a formulé à son encontre des réclamations au titre de la TVA.
44. De ce fait, elle n'est pas, non plus, fondée à se prévaloir d'une absence par le notaire de séquestre sur le prix de vente.
Dès lors, la société les portes de [Localité 32] échoue dans sa démonstration d'une faute commise par la société notariale du fait de l'absence de mention de la TVA dans l'acte authentique de vente à l'origine d'un préjudice.
- S'agissant du manquement au titre de l'absence d'équivalence de valeur des biens remis en dation
45. Le devoir de conseil et d'information du notaire qui s'exerce préalablement à la conclusion de l'acte pour assurer son efficacité ne fait pas obligation à celui-ci de se livrer d'office à des investigations sur l'opportunité économique de l'opération.
46. En l'espèce, il est établi que le principe d'une dation en paiement avait été discuté entre les parties dès la promesse de vente de 2012 et le protocole de novembre 2013 ne fait que reprendre les termes de l'accord intervenu entre elles à l'époque en précisant les modalités d'exécution.
La société les portes de [Localité 32], en sa qualité de promoteur, professionnel de l'immobilier, était à même de connaitre la valeur de l'immeuble qu'il s'apprêtait à construire et ne saurait reprocher au notaire de ne pas l'avoir alerté sur le déséquilibre qui pouvait exister entre le prix convenu et la dation de lots en copropriété, alors que ce dernier ne disposait d'aucune information particulière sur la valeur des biens remis en dation et qu'il ne lui appartenait pas de conseiller ses clients sur l'opportunité économique de l'opération envisagée.
Aucun manquement ne peut donc être retenu à ce titre.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société les portes de Langon de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la scp [A], [B], et [Z], désormais représentée par Mmes [B] et [Z], es qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
47. Au vu de l'issue du présent recours, il y a lieu de confirmer les condamnations prononcées de ce chef par le jugement déféré.
48. Partie perdante, la sccv les portes de Langon supportera les dépens d'appel et il est équitable de la condamner à verser à la sci Investeste la somme de 3.000 euros, et à Mmes [B] et [Z], es qualités, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Rejette la demande de la sci Investeste de confirmation du jugement déféré sur le fondement de l'article 964 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il déclare l'action de la sccv les portes de [Localité 32] en nullité de la dation en paiement irrecevable comme prescrite ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de la sccv les portes de [Localité 32] en nullité de la dation en paiement ;
Déboute la sccv les portes de [Localité 32] de sa demande en nullité de la dation en paiement ;
Y ajoutant,
Déboute la sccv les portes de [Localité 32] de sa demande en caducité de la dation en paiement ;
Déclare irrecevable la demande subsidiaire de la sccv les portes de Langon en condamnation de la sci Investeste au paiement d'une somme de 915.629 € ;
Confirme le jugement du 7 juillet 2022 en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
Condamne la sccv les portes de Langon à verser la somme de 3.000 euros à la sci Investeste sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la sccv les portes de Langon à verser la somme de 1.500 euros à Mmes [B] et [Z], es qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la sccv les portes de [Localité 32] aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Laurence MICHEL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 04 NOVEMBRE 2025
N° RG 22/03685 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M2HB
Société LES PORTES DE [Localité 32]
c/
S.C.I. INVESTESTE
S.C.P. INIGO [A], [L] [B] ET [H] [Z]
Société Mesdames [L] [B] et [H] [V]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 juillet 2022 par leTribunal judiciaire de [Localité 26] (chambre : 5, RG : 18/08539) suivant déclaration d'appel du 28 juillet 2022
APPELANTE :
Société LES PORTES DE [Localité 32] SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE CONSTRUCTION -VENTE RCS 478 831 720 agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége
[Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric CUIF de la SELARL LX BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
S.C.I. INVESTESTE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 10]
Représentée par Me Patrick DAYAU de la SCP ESENCIA, avocat au barreau de BORDEAUX
S.C.P. INIGO [A], [L] [B] ET [H] [Z] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
Activité : Notaires Associés,
[Adresse 3]
Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SELARL LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE :
Société Mesdames [L] [B] et [H] [V]
liquidateurs ad hoc de la SCP [A] [B] ET [Z], notaires associés, société immatriculée au RCS de LIBOURNE sous le n° 321 774 929, domiciliée [Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SELARL LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 23 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Laurence MICHEL, Présidente
Emmanuel BREARD, Conseiller
Tatiana PACTEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE
En présence de : [K] [P], attachée de justice
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1. Par acte du 9 mars 2004, la sci Investeste est devenue propriétaire d'une maison à usage d'habitation située au [Adresse 17] Arcachon, cadastrée section AE n° [Cadastre 14], d'une surface au sol de 169 m2.
La sccv les portes de [Localité 32] est une société de promotion immobilière désireuse de réaliser un programme en VEFA, la villa d'Hestia, par la construction d'un immeuble composé de 29 logements à usage commercial et d'habitation et de parking dans le centre d'[Localité 20], et aux fins de les vendre par fractions.
Par acte signé les 5 et 21 décembre 2012, la sci Investeste ainsi que la société le Pré, Chalmel, et Constructions modernes, ont signé avec la société les portes de Langon, une promesse de vente stipulant, s'agissant de la sci Investeste, pour le bien précité dont elle est propriétaire, au paragraphe concernant les conditions financières que la vente, en cas de réalisation, aura lieu moyennant le prix global de 250.000 euros qui sera converti en l'obligation par le bénéficiaire, la société portes de Langon, de lui remettre à titre de dation en paiement et en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en matière de vente d'immeubles à construire les biens et droits immobiliers, en l'état futur d'achèvement pour une surface commerciale de 318 m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34] et une place de parking R-1.
Par acte du 31 mai 2013, la société les portes de Langon, en qualité de réservant, et la sci Investeste, en qualité de réservataire, ont signé un contrat de réservation ayant pour objet trois lots de la résidence la villa d'[31] pour une surface approximative de 318 m2, moyennant le prix de 250.000 euros avec une mention 'bien livrés en paiement' et une date prévisionnelle de livraison prévue au deuxième semestre 2015.
Par acte notarié du 26 septembre 2013, suite à la promesse de vente signée les 5 et 21 décembre 2012, la sci Investeste, pour le bien précité, la société le Pré, la société Constructions modernes, et la sci Chalmel, propriétaires de locaux situés à Arcachon, ont vendu en l'étude de Me [A], exerçant au sein d'une scp notariale située à Libourne, différents bien immobiliers au profit de la société les portes de Langon, pour un montant total de 4.099.987,27 euros.
Le 7 novembre 2013, les quatre sociétés venderesses, dont la sci Investeste, ont signé un protocole d'accord avec la sccv, ayant pour objet, suite à l'obtention par la sccv d'une garantie financière d'achèvement auprès du Crédit Agricole du 25 octobre 2013, de convertir, s'agissant de la sci Investeste, à concurrence de la somme de 250.000 €, le prix de vente en l'obligation pour la sccv de remettre à la sci à titre de dation paiement et en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en matière de vente d'immeubles à construire, les biens et droits immobiliers, en I 'état d'achèvement, à savoir une surface commerciale de 318 m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34] et une place parking R -1, avec mention que la livraison de l'ensemble des biens donnés en paiement devrait intervenir avant le 15 juin 2015 et que la somme de 3.349.983,27 € s'éteindra par compensation lors de la remise desdits locaux aux sociétés créancières.
Par exploit d'huissier en date du 15 juin 2015, la société les portes de [Localité 32] a assigné les sociétés venderesses à l'effet de demander, notamment une réduction du prix de vente à concurrence de 1.172.000 euros, assignation suivie de conclusions de désistement d'instance le 28 juillet 2016.
Le 31 mars 2016, la sci Investeste a pris livraison des trois locaux commerciaux et du parking le 21 décembre 2017, et par courrier du 27 avril 2018, cette société a mis en demeure la société les portes de Langon de procéder à la signature de l'acte authentique qui acte la dation en conformité avec le protocole du 7 novembre 2013.
2. Par exploit d'huissier en date du 25 septembre 2018, la société les portes de Langon a assigné la sci Investeste et la scp notariale au sein de laquelle travaille Me [W] à l'effet d'annuler la clause du protocole d'accord du 7 novembre 2013 libellée dans les termes précités ainsi que d'annuler le contrat de réservation du 31 mai 2013 signé avec la sci Investeste.
Par jugement du 7 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable la société les portes de [Localité 32] en sa demande de nullité de la dation en paiement sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- constaté le caractère parfait de la dation en paiement intervenue entre la société les portes de Langon et la sci Investeste, portant sur des biens immobiliers dont la désignation, pour les besoins de la publicité foncière est la suivante :
1/ Vendeur
La société dénommée les portes de Langon, sci de construction vente au capital social de 300,00 euros dont le siège social est sis à [Adresse 27], immatriculée au RCS de bordeaux sous le numéro 478 831 720, représentée par son gérant en exercice.
2/ Acquéreur
La société dénommée sci Investeste, sci au capital social de 1.900,00 euros dont le siège social est sis à Le Teich (33470) [Adresse 24] [Adresse 9], immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 433 010 543, représentée par sa gérante, Mme [I] [D].
3/ Désignation des biens
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 22][Adresse 1] [Adresse 28], et [Adresse 25] figurant ainsi au cadastre
Section
Numéro
Lieudit
Contenance
ha a ca
AE
[Adresse 15]
[Adresse 16]
00 01 69
AE
[Cadastre 4]
[Adresse 19]
00 05 16
AE
[Cadastre 5]
[Adresse 19]
00 02 31
AE
[Cadastre 6]
[Adresse 18]
00 00 50
AE
[Cadastre 7]
[Adresse 18]
00 00 49
AE
[Cadastre 8]
[Adresse 18]
00 00 18
Des lots de copropriété suivants :
- Le lot 259, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord-est et ouvrant sur l'[Adresse 25], comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel composé d'une superficie de 133m2 environ et les 424/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 260, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 104m2 environ, et les 335/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 261, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 66m2 environ, et les 205/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 243, situé au premier sous-sol de l'immeuble, comprenant un parking et les 12/10.000 des parties communes générales,
4/ Prix
La dation des biens ci-dessus désigné est consentie pour un prix principal de 250.000 euros, taxe sur la valeur ajoutée au taux de 19,6%
5/ Effet relatif
La présente dation en paiement est réalisée
- au 31 mars 2016 pour les lots n° 259, 260 et 261,
- au 21 décembre 2017 pour le lot n° 243
- dit que la présente décision vaut acte de dation de locaux en copropriété achevé en application du protocole d'accord entre la sci Investeste, la sarl Le Pré, la sarl Constructions Modernes, la sci Chalmel d'une part et la sccv Les portes de [Localité 32] d'autre part ;
- ordonné la publication du présent jugement auprès des services de la publicité foncière de [Localité 33], à la requête de la partie la plus diligente,
- dit que la présente décision sera transcrite au service de la publicité foncière,
- condamné la société les portes de [Localité 32] au paiement de la sci Investeste de 44.575 euros au titre du préjudice financier,
- condamné la société les portes de Langon au paiement de 3.000 euros à la sci Investeste et de 1.500 euros à la scp [A], [B], et [Z], au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société les portes de [Localité 32] aux dépens,
- débouté les parties pour le surplus,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
3. Par déclaration électronique en date du 28 juillet 2022, la société les portes de Langon a interjeté appel de l'intégralité des chefs du jugement du 7 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Bordeaux à l'encontre de la sci Investeste et de la scp Inigo, [A], [B], et [Z].
4. Par ordonnance en date du 16 avril 2024, le président du tribunal judiciaire de Libourne a ordonné la réouverture des opérations en liquidation amiable de la scp [A], [B], et [Z] et a désigné en qualité de liquidateur ad hoc de la scp, deux de ses associées, Me [B], et Me [Z].
5. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 4 mars 2025, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société les portes de Langon, demande à la cour d'appel de Bordeaux de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société les portes de [Localité 32],
- réformer le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire en ce qu'il a constaté le caractère parfait de la dation en paiement portant sur les biens immobiliers lots 259, [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 11] et les millièmes des parties communes générales qui y sont rattachées,
- constater que la valeur de la parcelle AE [Cadastre 14] transmise à la société Investeste est manifestement disproportionnée par rapport à la valeur des lots qu'elle s'est vue remettre aux termes du protocole d'accord du 7 novembre 2013,
- prononcer la nullité de la dation en paiement survenue entre la société Investeste et la société les portes [Adresse 30] [Localité 32] en raison de l'erreur sur l'existence de la contrepartie et en tout état de cause ordonner la caducité en raison de l'imprécision du protocole d'accord du 7 novembre 2013 et de l'hypothèque prise par l'administration fiscale sur les lots 259, 260, 261, 243,
En conséquence,
- annuler la clause du protocole d'accord du 7 novembre 2013 tel que reproduit ci-dessous 'à concurrence de la somme de 250.000 euros qui sera convertie en l'obligation par la société les portes de [Localité 32] de remettre à la société Investeste à titre de dation en paiement et en s'obligeant aux garanties ordinaires et de droit en matière de vente d'immeuble à construire, les biens et droits immobiliers ci-après désignés en l'état futur d'achèvement, à savoir :
- surface commerciale de 318m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34]
- une place de parking R-1"
- condamner la société les portes de Langon à verser la somme de 250.000 euros au profit de la sci Investeste en paiement du prix de la parcelle cadastrée section AE [Cadastre 14], [Adresse 16] à Arcachon,
- condamner la sci Investeste à rembourser à la société les portes de Langon la somme de 696.114,68 euros au titre des loyers commerciaux et droit d'entrée perçus,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société les portes de Langon à verser la somme de 44.575 euros à la sci Investeste au titre du préjudice financier, 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- débouter la société Investeste dans l'ensemble de ses demandes fins et prétentions notamment au titre de sa réclamation de 'perte locative' à concurrence de 76.295 euros et limiter à titre infiniment subsidiaire la perte de chance à l'euro symbolique.
A titre subsidiaire, si la cour d'appel de Bordeaux confirmait le principe de la dation en paiement,
- préciser que la cession par dation des lots 259, 260, 261, et 243 au profit de la sci Investeste sera subordonnée au paiement préalable par la sci Investeste de la somme complémentaire de 915.629 euros au profit de la société les portes de Langon,
- condamner par conséquent la société Investeste à régler la somme de 915.629 euros.
A titre très subsidiaire,
- réformer le jugement en date du 7 juillet 2022 en ce qu'il a débouté la société les portes de Langon de sa demande de condamnation de paiement à l'encontre de la scp [W]-ortiz, [B], [Z], notaires associés au titre de son devoir de conseil, de mise en garde et de l'absence de sécurité juridique de l'acte en litige, à savoir le protocole du 7 novembre 2013.
Vu la réouverture des opérations de liquidation amiable de la scp notariale et la désignation des liquidateurs ad hoc Me [B] et Me [Z],
- constater que la responsabilité de Mmes [B] et [Z], liquidateurs ad hoc est engagée en application de l'article L237-2 du code de commerce.
En conséquence,
- condamner in solidum Mmes [B] et [Z], ès qualités de liquidateurs amiables de la scp, à payer à la société les portes de Langon à titre de dommages et intérêts, la somme de 1.372.981 euros (915.629 euros + 457.352,86 euros) au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la sous évaluation du prix des lots donnés en dation.
En toute hypothèse,
- condamner la partie succombante à payer à la concluante la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
- débouter Mmes [B] et [Z] ès qualités de liquidateurs amiables de la scp notariale de toutes les demandes reconventionnelles qu'elles présenteraient y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
6. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 24 janvier 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la sci Investeste demande à la cour d'appel de Bordeaux de :
- dire et juger la société les portes de [Localité 32] irrecevable et mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement du 7 juillet 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Investeste à la somme de 44.575 euros
- infirmer le jugement du 7 juillet 2022 en ce qu'il a limité l'indemnisation de la sci Investeste à la somme de 44.575 euros,
En conséquence, statuant de nouveau,
Sur les demandes de la société les portes de [Localité 32],
A titre principal,
- déclarer la société les portes de [Localité 32] irrecevable en ses prétentions pour cause de prescription,
- en conséquence, rejeter les prétentions de la société les portes de [Localité 32],
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la dation en paiement n'est entachée d'aucune cause de nullité,
- en conséquence rejeter les prétentions de la société les portes de [Localité 32],
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que l'acte éventuellement annulable a été confirmé tacitement par la société les portes de [Localité 32],
- dire et juger que la société les portes de [Localité 32] a renoncé à se prévaloir des causes de nullité invoquées,
- en conséquence rejeter les prétentions de la société les portes de [Localité 32],
Sur les demandes reconventionnelles de la sci Investeste :
- constater le caractère parfait de la dation en paiement et qu'elle a opéré transfert de propriété au profit de la sci Investeste des biens suivants :
3/ Désignation des biens
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 23][Adresse 1] [Adresse 29] figurant ainsi au cadastre :
Section
Numéro
Lieudit
Contenance
ha a ca
AE
[Adresse 15]
[Adresse 16]
00 01 69
AE
[Cadastre 4]
[Adresse 19]
00 05 16
AE
[Cadastre 5]
[Adresse 19]
00 02 31
AE
[Cadastre 6]
[Adresse 18]
00 00 50
AE
[Cadastre 7]
[Adresse 18]
00 00 49
AE
[Cadastre 8]
[Adresse 18]
00 00 18
Des lots de copropriété suivants :
- Le lot 259, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord-est et ouvrant sur l'[Adresse 25], comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel composé d'une superficie de 133m2 environ et les 424/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 260, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 104m2 environ, et les 335/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 261, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble en secteur nord et ouvrant sur l'[Adresse 25] comprenant un local à usage commercial et/ou professionnel, d'une surface de 66m2 environ, et les 205/10.000 des parties communes générales,
- Le lot 243, situé au premier sous-sol de l'immeuble, comprenant un parking et les 12/10.000 des parties communes générales,
- dit que le transfert de propriété est réalisé :
- au 31 mars 2016 pour les lots n° 259, 260, 261,
- au 21 décembre 2017 pour le lot n°243
- dit que la décision à intervenir vaudra titre de propriété et ordonne sa publication à la conservation des hypothèques,
- condamner la société les portes de Langon à régler à la sci Investeste une somme correspondant aux loyers prévus aux baux conclus avec les locataires de la sci Investeste et non perçus par cette dernière entre le 15 juin 2015 et le 31 mars 2016 pour les locaux commerciaux et entre le 15 juin 2012 et le 21 décembre 2017 pour le parking soit la somme de 76.295 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure en date du 27 avril 2018.
En tout état de cause,
- condamner la société les portes de [Localité 32] à verser à la société Investeste une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société les portes de [Localité 32] aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution en ce compris les frais de publicité à la conservation des hypothèques.
7. Par dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 3 octobre 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyen, Mmes [B] et [Z], intervenantes volontaires en qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z], notaires associés, demandent à la cour d'appel de Bordeaux de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société les portes de Langon de ses demandes dirigées à l'encontre de la scp notariale et l'a condamnée à régler à cette dernière une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de la société les portes de Langon dirigées à l'encontre de la scp notariale en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 25 février 2021 par le tribunal judiciaire de Libourne,
En tout état de cause,
- débouter la société les portes de Langon de ses demandes dirigées à l'encontre de la scp notariale,
- condamner la société les portes de [Localité 32] à régler à la scp notariale une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société les portes de [Localité 32] aux entiers dépens.
8. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 23 septembre 2025 et l'instruction a été clôturée par une ordonnance du 9 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande en nullité de la dation en paiement
9. L'appelant fait valoir que l'acte authentique dressé le 26 septembre 2013, en ce qu'il prévoit la vente de la parcelle de 169 m2 cadastrée AE [Cadastre 14] moyennant le versement à terme au profit de la sci Investeste de la somme de 250.000 euros, sans faire référence à la promesse unilatérale de vente en date des 5 et 21 décembre 2012 devenue caduque, ni au contrat de réservation en date du 31 mai 2013, constitue une renonciation expresse à se prévaloir des actes et accords antérieurs.
Il estime que lesdits actes antérieurs ne pouvaient donc constituer le point de départ de la prescription, quelle soit trentenaire, ou quinquennale; que le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil serait en tout état de cause au plus tôt fixé au 7 novembre 2013, date du protocole d'accord en litige, et au plus tard à la date de livraison desdits locaux constituant le terme; qu'en outre, la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun.
10. La sci Investeste soutient en premier lieu, au visa de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne peut que confirmer le jugement de première instance dès lors que l'appelant n'a pas repris dans ses conclusions sa demande d'infirmation du chef du jugement relatif à l'rrecevabilité de ses demandes pour cause de prescription.
En second lieu, elle fait valoir qu'en application de l'article 1304 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016), la demande est soumise à la prescription quinquennale, laquelle est acquise en raison de l'accord des parties sur la dation en paiement intervenue selon le contrat de réservation du 31 mai 2013.
Sur ce,
a) Sur l'absence de demande d'infirmation du jugement et la nécessaire confirmation
11. Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile : [...] la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ».
Ainsi, l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. A défaut, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
Il convient de rappeler que la déclaration d'appel délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel tandis que les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif de la demande de réformation ou d'annulation du jugement déterminent la finalité de l'appel, qui tend à la réformation ou l'annulation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.
Dès lors que la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant, qui sollicite dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision et formule plusieurs prétentions, n'est pas tenu de reprendre dans le dispositif les chefs de dispositif du jugement dont il demande l'infirmation.
12. Tel est le cas en l'espèce de la société les portes de [Localité 32] dont l'appel porte sur l'intégralité des chefs du jugement du 7 juillet 2022 et qui demande à la cour, dans ses conclusions récapitulatives, de réformer le jugement, et formule plusieurs prétentions.
Dès lors, l'absence de reprise par l'appelant dans ses conclusions de sa demande d'infirmation du chef du jugement relatif à l'irrecevabilité de ses demandes pour cause de prescription est sans incidence et ne peut entrainer la confirmation du jugement de ce chef.
Cette demande sera donc rejetée.
b) Sur la prescription
La société les portes de [Localité 32] entend obtenir l'annulation de la clause contenue dans l'acte sous seing privé du 7 novembre 2013 prévoyant le paiement du prix sous forme de dation en raison de l'erreur sur l'existence de la contrepartie.
13. Selon l'article 1304 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la réforme de 2016) : ' Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts'.
14. Il résulte des documents produits aux débats que la promesse unilatérale de vente du 5 décembre 2012, signée entre la société Investeste et la société les portes de [Localité 32] prévoyait déjà, concernant la modalité de paiement du prix de vente, que le paiement du prix du terrain se ferait par une dation en paiement portant sur des locaux faisant partie du programme immobilier envisagé.
Les parties ont également signé le 31 mai 2013 un contrat de réservation ayant pour objet trois lots de la résidence la villa d'[31] pour une surface approximative de 318 m2, moyennant le prix de 250.000 euros avec une mention 'bien livrés en paiement' et une date prévisionnelle de livraison prévue au deuxième semestre 2015.
Toutefois, l'acte authentique de vente intervenu le 26 septembre 2013, ne prévoit plus que le prix sera converti par une dation en paiement, mais stipule clairement qu'une partie du prix sera payée au comptant ce jour, le solde étant payé à terme, au plus tard le 15 juin 2015, et à concurrence de 250.000 euros revenant à la société Investeste.
15. S'il est exact que cet acte notarié fait référence à la promesse de 2012 s'agissant du sort de l'indemnité d'immobilisation versée à l'époque, il précise surtout en page 29 que : ' d'un commun accord entre les parties, il est convenu que les conditions du présent acte se substituent purement et simplement à celles figurant dans l'avant-contrat et dans tout autre document quelconque, régularisés entre elles dès avant ce jour, en vue du présent acte.
Les clauses et conditions de cet avant-contrat comme de tout autre document seront réputées non écrites à compter de ce jour et aucune des parties ne pourra s'en prévaloir pour invoquer les clauses contraires à celles figurant aux présentes. Cette convention expressément acceptée par chacune des parties constitue pour elles une condition essentielle et déterminante du présent acte.»
16. La raison pour laquelle les parties ont convenu, aux termes de cet acte de vente, de modalités différentes de paiement du prix de vente importe peu, les parties ayant, aux termes de cet acte notarié, clairement et expressément renoncé à toutes les conditions et clauses antérieurement convenues, dans la promesse unilatérale de vente du 5 décembre 2012, comme dans le contrat de réservation du 31 mai 2013, et par conséquent à une dation en paiement.
17. Les premiers juges ne pouvaient donc considérer que la dation en paiement avait été préalablement formée à travers à la fois la promesse de vente des 5 et 21 décembre 2012 et le contrat de réservation du 31 mai 2013, dès lors que les parties signataires à l'acte authentique dressé le 26 septembre 2013 avaient entendu y renoncer expressément.
De ce fait, le protocole d'accord signé le 7 novembre 2013, par lequel les quatre sociétés venderesses, dont la sci Investeste, et la sccv ont convenu, à nouveau, de convertir le prix de vente en dation en paiement, constitue le point de départ du délai pour agir en nullité de cet acte.
La société les portes de [Localité 32] ayant saisi la juridiction le 25 septembre 2018, elle n'était pas prescrite en son action.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il déclare l'action de la société les portes de [Localité 32] en nullité de la dation en paiement irrecevable comme prescrite.
Sur la nullité de la dation en paiement
18. Pour soutenir la nullité du protocole d'accord, la sccv se prévaut en premier lieu des dispositions de l'article 1589-2 du code civil et de l'article 1840-A du CGI (abrogé depuis 2005). Elle invoque en second lieu une nullité par dissimulation d'une partie du prix et une 'erreur sur l'existence de la contrepartie'.
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1674 du code civil, elle invoque la rescision pour lésion.
19. La société Investeste fait valoir du premier chef que les dispositions précitées ne sont pas applicables au protocole du 7 novembre 2013; que par ailleurs, il n'est pas démontré une absence de cause, l'éventuel défaut d'équivalence des prestations ne correspondant pas à une absence de cause; qu'il n'est pas justifié non plus d'une erreur sur la valeur, laquelle n'est pas une cause de nullité des conventions, et qu'à supposer que la société ait commis une erreur sur l'existence de la contrepartie, cette erreur était inexcusable de la part d'un professionnel de l'immobilier.
Subsidiairement, elle considère que l'acte a été confirmé puisque la société a exécuté volontairement son obligation.
La société Investeste soutient encore que l'action en rescision pour lésion est prescrite et que les conditions d'une éventuelle rescision pour lésion ne sont pas établies.
Sur ce,
a) S'agissant de la nullité tirée de l'absence d'enregistrement du protocole du 7 novembre 2013
20. Selon l'article 1589-2 du code civil : 'Est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter du code général des impôts, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. Il en est de même de toute cession portant sur lesdites promesses qui n'a pas fait l'objet d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé enregistré dans les dix jours de sa date'.
L'article 1840 A (abrogé par Ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005) dispose que : 'Sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article 1741, est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seings privés enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. Il en est de même de toute cession portant sur lesdites promesses qui n'a pas fait l'objet d'un acte authentique ou d'un acte sous seings privés enregistré dans les dix jours de sa date'.
21. Ces textes s'appliquent donc à des promesses unilatérales de ventes. Or, le protocole signé entre les parties en novembre 2013 est un acte synallagmatique entérinant l'accord des parties sur les modalités de paiement du prix d'une vente immobilière déjà réalisée par acte authentique de septembre 2013.
Ce protocole n'avait donc pas à être enregistré et aucune nullité ne saurait être encourue de ce chef.
b) S'agissant de la nullité tirée du défaut de contrepartie
L'appelant soutient que la dation en paiement devrait être annulée en raison d'une dissimulation du prix de vente et pour « erreur sur l'existence de la contrepartie ». Il invoque également une lésion de plus de sept douzièmes.
Il sera observé qu'à cet égard l'appelant ne formule aucune prétention propre à une rescision pour lésion, ni dans le corps de ses écritures, ni dans le dispositif de ses conclusions, en sorte qu'il s'agit d'un moyen au soutien de sa demande de nullité, tiré de la disproportion de l'opération de dation.
22. Son argumentation consiste à comparer le prix du m² constructible au prix du m² des locaux commerciaux. Toutefois, le protocole précise clairement que le prix contractuellement fixé pour la parcelle à bâtir cadastrée AE [Cadastre 14] de 169 m2 dont est propriétaire la sci Investeste est fixé à 250 000 € TTC, et sera payé par la remise d'une surface commerciale de 318 m2 de Shon au rez-de-chaussée donnant sur la [Adresse 34] et une place parking R -1, en sorte que l'acte comporte des éléments suffisants pour permettre une comparaison et aucune dissimulation de prix ne peut être utilement invoquée.
23. Par ailleurs, l'erreur sur l'existence de la contrepartie, fait référence à la fois à une absence de cause et à une erreur sur la valeur.
24. En ce qui concerne la cause, l'article 1131 ancien du code civil dispose que : « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet'.
Selon une jurisprudence constante, il y a absence de cause lorsque la contrepartie est inexistante ou dérisoire.
En l'espèce, la sccv fait valoir que sa contrepartie serait inférieure à la valeur des biens donnés en paiement sans néanmoins produire d'éléments probants, tels que des estimations ou des expertises, permettant d'apprécier l'importance de cette différence de valeurs
Elle ne démontre donc pas que sa contrepartie serait inexistante ou même dérisoire et entrainerait une absence de cause de son obligation, étant au surplus rappelé qu'elle est une professionnelle de l'immobilier ayant connaissance des valeurs immobilières, du marché et des coûts de construction.
25. En ce qui concerne la valeur, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 1136 nouveau du code civil : « L'erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est pas une cause de nullité ».
L'erreur sur la valeur n'est donc pas une cause de nullité des conventions, sauf à démontrer une erreur sur les qualités essentielles de la prestation, ce que la société appelante ne fait pas.
En définitive, aucune nullité ne saurait être retenue et la société les portes de [Localité 32] sera déboutée de ce chef.
Sur la caducité de la dation en paiement
26. L'appelant invoque l'imprécision du protocole d'accord du 7 novembre 2013 et l'hypothèque prise par l'administration fiscale sur les lots 259, 260, 261, 243, entrainant selon elle la caducité de la dation en paiement.
27. L'intimé répond que la sccv a livré les biens objets de la dation en paiement, sans émettre la moindre réserve.
Sur ce,
28. La caducité du contrat est définie comme l'état de non-valeur auquel un contrat initialement valable est réduit, du fait de la disparition de l'un de ses éléments constitutifs ou de la défaillance d'un élément extérieur auquel était subordonnée son efficacité.
29. En l'occurrence, la cour constate que l'absence de précision des lots donnés dans le protocole du 7 novembre 2013 n'a nullement empêché la sccv de les livrer (3 locaux commerciaux et un parking), conformément à ce qui avait été convenu lors des discussions antérieures au contrat de vente de septembre 2013.
30. Par ailleurs, la livraison des biens est intervenue le 31 mars 2016 pour les trois locaux commerciaux et le 21 décembre 2017 pour le parking. Or, la société les portes de [Localité 32] ne démontre pas qu'à la date de la mise en demeure délivrée par la société Investeste d'avoir à procéder à la signature de l'acte authentique qui acte la dation, soit le 27 avril 2018, il existait un obstacle au transfert juridique de la propriété puisque la prise d'hypothèque sur les biens par l'administration fiscale date de 2022.
Dans ces conditions, la demande en caducité de la dation en paiement doit également être rejetée.
En conséquence, les demandes de nullité et de caducité de la sccv ne pouvant valablement prospérer, les prétentions financières de cette dernière au titre de la restitution des loyers doivent être rejetées.
En outre, la demande subsidiaire visant à condamner l'intimée au règlement d' une somme de 915.629 € aux fins de rétablir l'équilibre sur le fondement de l'article 1195 du code civil constitue une demande nouvelle en cause d'appel et est à ce titre irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a :
- constaté le caractère parfait de la dation en paiement intervenue entre la société les portes de Langon et la sci Investeste, portant sur les biens immobiliers situés dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 21] (33 120)[Adresse 1] [Adresse 28], et [Adresse 25], lots 259, 260, 261, 243 et les millièmes des parties communes générales qui y sont rattachées,
- dit que la présente décision vaut acte de dation de locaux en copropriété achevé en application du protocole d'accord entre la sci Investeste, la sarl Le Pré, la sarl Constructions Modernes, la sci Chalmel d'une part et la sccv les portes de Langon d'autre part ;
- ordonné la publication du présent jugement auprès des services de la publicité foncière de [Localité 33], à la requête de la partie la plus diligente,
- dit que la présente décision sera transcrite au service de la publicité foncière.
- débouté la société les portes de [Localité 32] de sa demande en restitution des loyers commerciaux et du droit d'entrée.
Sur les demandes reconventionnelles de la société investeste
31. La société Investeste fait valoir que la société appelante lui a occasionné un préjudice par ses manquements au titre des retards de livraison des biens objets de la dation en paiement, la privant des loyers qu'elle aurait dû percevoir.
32. La société les portes de [Localité 32] indique que l'acte de vente ne prévoyait aucune date de livraison, et que les locaux étaient livrés brut de béton et ne pouvaient donc pas être exploitables immédiatement.
Elle conteste les documents produits par la partie adverse et subsidiairement invoque une seule perte de chance.
Sur ce,
33. Les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
C'est par des motifs complets et pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats et les pièces produites en appel et que la cour adopte, qu'après avoir précisément analysé les pièces, et notamment les baux commerciaux produits, le premier juge a considéré qu'en raison du retard de livraison, la sci bailleresse avait subi un préjudice au titre des loyers non perçus à compter du 15 octobre 2015 et jusqu'au 31 mars 2016 pour les locaux commerciaux et du 10 mars 2016 au 21 décembre 2017 pour le parking, pour en déduire à juste titre que la sccv sera condamnée à indemniser la sci à hauteur de la somme de 44.575 € au titre du préjudice financier (42.405 € + 2.170 €).
En conséquence, le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité du notaire
34. La société les portes de [Localité 32] fait valoir qu'en application du principe d'estoppel, la la scp notariale ne peut à la fois soutenir son absence de responsabilité au motif que les parties avaient renoncé dans l'acte de vente à prévoir des dations en paiement et son absence de responsabilité en raison de sa non intervention dans les accords visant à la mise en place d'une dation en paiement.
Elle soutient d'une part que le notaire a manqué à ses obligations en ne précisant pas dans l'acte de vente si le prix était HT ou TTC et d'autre part en ne l'alertant pas sur l'absence d'équivalence de valeur des biens remis en dation.
35. Mmes [B] et [Z], es qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z], notaires associés, considérent que la demande se heurte à l'autorité de la chose jugée, la sccv ayant déjà recherché la responsabilité du notaire au titre d'un manquement similaire dans le cadre de la rédaction du protocole d'accord du 7 novembre 2013 devant le tribunal judiciaire de Libourne.
Elles ajoutent qu'il est de jurisprudence constante que le notaire n'a pas à conseiller ses clients quant à l'opportunité économique de l'opération envisagée.
Sur ce,
a) la fin de non recevoir tirée du principe de l'estoppel
36. Selon le principe de l'estoppel,une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers. Le principe de l'estoppel est soumis à plusieurs conditions pour pouvoir s'appliquer. Il ne suffit pas qu'une partie se contredise au détriment d'autrui pour emporter nécessairement une fin de non-recevoir, il faut également que les arguments contraires soient avancés lors d'une même instance (Civ. 2e, 22 juin 2017, no 15-29.202).
37. Or, en l'occurrence, l'appelant lui-même indique que la scp notariale aurait soutenu des positions contraires dans le cadre de deux instantes distinctes, devant le tribunal judiciaire de Libourne et dans le cadre de la présente instance faisant suite à un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Les conditions du principe de l'estoppel ne sont donc pas réunies et la fin de non recevoir en découlant sera rejetée.
b) la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
38. L'article 1355 dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
39. Il ressort des pièces versées aux débats que si la société les portes de [Localité 32] a effectivement obtenu devant le tribunal judiciaire de Libourne par jugement du 25 février 2021, la condamnation de la société notariale à des dommages et intérêts, c'est au titre d'un manquement à son devoir de conseil portant sur les frais de la dation en paiement prévue au protocole d'accord du 7 novembre 2013.
L'action introduite devant le tribunal judiciaire de Bordeaux vise pour sa part un manquement de la société notariale à son devoir de conseil au titre de la rédaction de l'acte de vente du 26 septembre 2013, et au titre de l'absence d'équivalence de valeur des biens remis en dation.
Il s'agit donc là de manquements différents à l'obligation de conseil, portant sur des faits distincts, en sorte que la demande ne se heurte à aucune autorité de la chose jugée et est recevable.
c) les manquements invoqués
40. Le notaire est tenu d'une obligation de conseil pour les actes authentiques ou sous seing privé qu'il établit et doit veiller à I 'efficacité de ces actes au regard du but poursuivi par les parties. Il doit éclairer les parties sur les règles de droit applicable, sur les incidences et les effets de l'acte, notamment ses risques. A défaut, sa responsabilité peut être engagée pour faute sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
- S'agissant du manquement au titre de l'acte authentique dressé en septembre 2013
41. Si les frais d'actes et autres accessoires à la vente sont en principe à la charge de l'acheteur, la TVA est à la charge du vendeur, pour autant que la vente soit soumise à cette taxe.
Un prix de vente sans mention de la TVA est généralement considéré comme une base TTC.
42. En l'espèce, l'acte authentique de vente énonce le prix (4.099.983,27 €) sans qu'il soit précisé qu'il s'agit d'un prix HT ou TTC.
La société appelante soutient que cette imprécision constitue une faute de la part du notaire dans la mesure où l'administration fiscale lui a réclamé "au titre des mutations par dation " (sic) la somme de 689.195 euros, montant qui aurait dû être séquestré sur le prix de vente.
43. Il en résulte que si l'imprécision visée peut s'analyser en une négligence du notaire, la société les portes de [Localité 32] ne démontre pas que celle-ci lui aurait causé en préjudice en la conduisant à assumer la TVA au lieu et place des vendeurs, puisqu'en réalité c'est au titre de la dation en paiement, postérieure à l'acte authentique, que l'administration fiscale a formulé à son encontre des réclamations au titre de la TVA.
44. De ce fait, elle n'est pas, non plus, fondée à se prévaloir d'une absence par le notaire de séquestre sur le prix de vente.
Dès lors, la société les portes de [Localité 32] échoue dans sa démonstration d'une faute commise par la société notariale du fait de l'absence de mention de la TVA dans l'acte authentique de vente à l'origine d'un préjudice.
- S'agissant du manquement au titre de l'absence d'équivalence de valeur des biens remis en dation
45. Le devoir de conseil et d'information du notaire qui s'exerce préalablement à la conclusion de l'acte pour assurer son efficacité ne fait pas obligation à celui-ci de se livrer d'office à des investigations sur l'opportunité économique de l'opération.
46. En l'espèce, il est établi que le principe d'une dation en paiement avait été discuté entre les parties dès la promesse de vente de 2012 et le protocole de novembre 2013 ne fait que reprendre les termes de l'accord intervenu entre elles à l'époque en précisant les modalités d'exécution.
La société les portes de [Localité 32], en sa qualité de promoteur, professionnel de l'immobilier, était à même de connaitre la valeur de l'immeuble qu'il s'apprêtait à construire et ne saurait reprocher au notaire de ne pas l'avoir alerté sur le déséquilibre qui pouvait exister entre le prix convenu et la dation de lots en copropriété, alors que ce dernier ne disposait d'aucune information particulière sur la valeur des biens remis en dation et qu'il ne lui appartenait pas de conseiller ses clients sur l'opportunité économique de l'opération envisagée.
Aucun manquement ne peut donc être retenu à ce titre.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société les portes de Langon de sa demande en dommages et intérêts à l'encontre de la scp [A], [B], et [Z], désormais représentée par Mmes [B] et [Z], es qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
47. Au vu de l'issue du présent recours, il y a lieu de confirmer les condamnations prononcées de ce chef par le jugement déféré.
48. Partie perdante, la sccv les portes de Langon supportera les dépens d'appel et il est équitable de la condamner à verser à la sci Investeste la somme de 3.000 euros, et à Mmes [B] et [Z], es qualités, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Rejette la demande de la sci Investeste de confirmation du jugement déféré sur le fondement de l'article 964 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il déclare l'action de la sccv les portes de [Localité 32] en nullité de la dation en paiement irrecevable comme prescrite ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de la sccv les portes de [Localité 32] en nullité de la dation en paiement ;
Déboute la sccv les portes de [Localité 32] de sa demande en nullité de la dation en paiement ;
Y ajoutant,
Déboute la sccv les portes de [Localité 32] de sa demande en caducité de la dation en paiement ;
Déclare irrecevable la demande subsidiaire de la sccv les portes de Langon en condamnation de la sci Investeste au paiement d'une somme de 915.629 € ;
Confirme le jugement du 7 juillet 2022 en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
Condamne la sccv les portes de Langon à verser la somme de 3.000 euros à la sci Investeste sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la sccv les portes de Langon à verser la somme de 1.500 euros à Mmes [B] et [Z], es qualités de liquidateurs ad hoc de la scp [A], [B], [Z], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la sccv les portes de [Localité 32] aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Laurence MICHEL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,