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Décisions

CA Agen, ch. soc., 4 novembre 2025, n° 25/00211

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 25/00211

4 novembre 2025

ARRÊT DU

04 NOVEMBRE 2025

ALR / CT

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N° RG 25/00211 - N° Portalis DBVO-V-B7J-DKKY

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[M] [W]

C/

S.E.L.A.R.L. EKIP'

Association AGS - CGEA DE [Localité 5]

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Copie exécutoire

délivrée

le :

aux avocats

ARRÊT n°

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

La cour d'appel d'AGEN, chambre sociale, dans l'affaire

ENTRE :

[M] [W]

né le 24 Juillet 1986 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Romuald PALAO, avocat au barreau de BAYONNE

DEMANDEUR sur RENVOI DE CASSATION ordonné par l'arrêt rendu le 29 janvier 2025 cassant et annulant partiellement un arrêt de la cour d'appel de PAU (RG 21/01944) en date du 30 mars 2023 sur l'appel d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DAX en date du 28 Mai 2021 (R.G. 19/00117)

d'une part,

ET :

S.E.L.A.R.L. EKIP' en qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL [H] [W], représentée par son gérant

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me David LLAMAS, avocat au barreau d'AGEN

Association AGS - CGEA DE [Localité 5] prise en la personne du Directeur Général de l'AGS actuellement en exercice dument habilité à cet effet,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocat au barreau d'AGEN

DÉFENDERESSES

d'autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 Septembre 2025 devant la cour composée de :

Présidente : Nelly EMIN, Conseiller faisant fonction de présidente de chambre

Assesseurs : Pascale FOUQUET, Conseiller

Anne Laure RIGAULT, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

' '

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FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [W] a été engagé en qualité de chauffagiste par la société unipersonnelle à responsabilités limitées [H] [W] le 1er octobre 2012.

Le 6 septembre 2018, le tribunal de commerce de Dax a désigné M. [M] [W] en qualité d'administrateur provisoire de la société.

Par jugement du 10 juillet 2019, le tribunal de commerce de Dax a prononcé la liquidation de la société et a désigné la société Ekip', prise en la personne de Me [X], en qualité de mandataire liquidateur.

Le 23 juillet 2019, M. [M] [W] a été licencié pour motif économique.

Par acte du 17 octobre 2019, M.[W] a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes au titre de l'exécution du travail. Le liquidateur, qui contestait la poursuite du contrat de travail, a sollicité le remboursement des salaires versés à compter de la désignation de M.[W] en qualité d'administrateur provisoire.

Par décision du 28 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Dax a :

Condamné la société Epik' à payer à M.[W] la somme de 1400 euros au titre de la prime de fin d'année 2016 ;

Débouté M.[W] de toutes ses autres demandes ;

Condamné M.[W] à rembourser à la société Ekip' la somme de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes qui lui ont été payées à tort de septembre 2018 à mai 2019 ;

Ordonné la compensation, au jour du jugement à intervenir, des 1 400 euros bruts dus à M.[W] au titre de la prime de fin d'année 2016 avec sa condamnation à rembourser la somme principale de 36 023,13 euros ;

Dit que la société Ekip remettra les bulletins de paye conforme à la décision à venir ;

Condamné M.[W] à payer à la société Ekip' une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M.[W] aux entiers dépens.

M.[W] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle :

L'a débouté de sa demande de rappel de primes de 13ème mois et d'indemnité de licenciement ;

L'a condamné à une somme de 36 023,13 euros à titre de remboursement de rémunérations qui lui auraient été versées à tort ;

L'a condamné à payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 30 mars 2023, la cour d'appel de Pau a :

Confirmé le jugement en ce qu'il a :

Condamné M.[W] à rembourser à la société Ekip' la somme de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes qui lui ont été payées à tort de septembre 2018 à mai 2019 ;

Ordonné la compensation au jour du jugement à intervenir des 1 400 euros bruts dus à M.[W] au titre de la prime de fin d'année 2016 avec sa condamnation à rembourser la somme principale de 36 023,13 euros ;

Débouté M.[W] de sa demande de solde d'indemnité de licenciement ;

Infirmé le jugement pour le surplus et a :

Fixé la créance de solde de treizième mois dû à M.[W] pour 2016 au passif de la liquidation judiciaire de la société [H] [W] à la somme de 1 400 euros

Condamné M.[W] à rembourser à l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5] la somme de 3 433,39 euros au titre de sommes indûment perçues ;

Condamné M.[W] à rembourser à la société Ekip' agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société [H] [W] la somme de 4 097,02 euros au titre des congés-payés et des précomptes salariaux qui lui ont été versés (ou qui ont été réglés pour son compte), à tort de septembre 2018 à mai 2019 ;

Dit que les intérêts aux taux légaux sur la somme principale de 36 023,13 euros courront du jour du présent arrêt ;

Dit qu'à défaut de payement par le liquidateur et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à ce payement, l'AGS devra garantir le paiement des sommes fixées au passif dans la limite de ses obligations légales et réglementaires ;

Dit que l'arrêt n'est opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale ;

Débouté les parties de leurs prétentions respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel ;

Laissé à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

M.[W] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 29 janvier 2025, la chambre sociale de la cour de cassation a :

Cassé et annulé, sauf en ce qu'il fixe la créance de solde de treizième mois dû à M. [M] [W] pour 2016 au passif de la liquidation judiciaire de la société [H] [W] à la somme de 1 400 euros, l'arrêt rendu le 30 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamné la société Ekip', prise en la personne de M. [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [H] [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Ekip', prise en la personne de M. [X], ès qualités, et l'a condamné en cette qualité à payer à M. [M] [W] la somme de 3 000 euros.

Par déclaration d'appel du 14 mars 2025, M.[W] a saisi la présente juridiction, désignée comme cour d'appel de renvoi.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 août 2025 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 2 septembre 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions enregistrées au greffe le 17 juillet 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M.[W] demande à la cour de :

Infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle :

L'a débouté de toutes ses autres demandes ;

L'a condamné à rembourser à la société Ekip' la somme de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes qui lui ont été payées à tort de septembre 2018 à mai 2019 ;

A ordonné la compensation au jour du jugement à intervenir des 1400 euros bruts dues à M.[W] au titre de la prime de fin d'année 2016 avec sa condamnation à rembourser la somme principale de 36 023,13 euros ;

L'a condamné à payer à la société Ekip' une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'a condamné aux dépens.

Infirmer la décision du conseil de prud'hommes quant au quantum de la prime de 13ème mois ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a omis de statuer sur la demande formée par l'AGS au titre du remboursement de la somme de 3 433,39 euros ;

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société [H] [W] les sommes suivantes :

- 7 528,36 euros à titre de rappel de primes de 13ème mois ;

- 568,88 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Dire que l'AGS sera tenue de garantir ces sommes ;

Débouter la société Ekip' et l'AGS de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamner séparément la société Ekip' et l'AGS à verser à M.[W] la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M. [W] fait valoir que :

1° Sur son statut au sein de la société et le remboursement des sommes soi-disant versées frauduleusement de septembre 2018 à mai 2019 :

a) A titre principal, sur l'absence de demande du liquidateur

- en l'absence de conclusions du mandataire judiciaire, aucune demande de remboursement n'est présentée ;

- l'AGS, qui n'a procédé à aucune avance, n'est pas recevable à présenter une telle demande.

b) A titre subsidiaire, sur un travail ouvrant droit à rémunération

- Il peut prétendre à une rémunération pour le travail fourni, que cette rémunération soit versée sous le statut de salarié ou sous un autre ;

- Il est salarié de la société depuis le 1er octobre 2012, administrateur provisoire depuis le 6 septembre 2018. Pendant cette période, il a exercé son mandat et poursuivi son activité de chauffagiste ;

- En contrepartie directe de son travail de chauffagiste, fonctions techniques indépendantes et distinctes du mandat social, des sommes lui ont été versées. Si ces sommes ne sont pas qualifiées juridiquement de salaire, elles ne deviennent pas indues mais une rémunération versée au titre d'une prestation de service, conformément à la jurisprudence applicable aux mandataires sociaux ;

- Soit la créance est salariale et les salaires ne sont ni contestables ni remboursables soit la créance relève de la rémunération de gérance et le conseil de prud'hommes était incompétent pour en connaitre ;

- Une partie de la dette correspond à des charges fiscales et sociales et il ne saurait être tenu à leur remboursement.

c) A titre infiniment subsidiaire, sur la présomption de salariat

- Il disposait d'un contrat de travail non écrit et de bulletins de paie et des documents de fin de contrat lui ont été remis;

- La relation de travail est dès lors présumée et il appartient au mandataire judiciaire de démontrer l'absence de travail.

2° Sur le rappel de primes

- En application d'un usage existant au sein de l'entreprise, tous les salariés de la société bénéficiaient le 31 décembre de chaque année d'une prime de 13ème mois, prime non versée pour les années 2016 à 2019 ;

- Il peut prétendre au bénéfice de cette prime pour les années 2018 à 2019, puisqu'il bénéficiait d'un contrat de travail, au minimum d'un contrat apparent ou présumé ;

- Il a bénéficié de sommes à ce titre en 2016 et 2017 mais pas de la totalité de la prime, qui ne pouvait être d'un montant inférieur au salaire de base mensuel.

3° Sur l'indemnité de licenciement

- Il doit bénéficier d'une ancienneté supérieure à celle qui lui a été reconnue, prenant en compte sa période d'administrateur provisoire, ayant donné lieu à un solde d'indemnité de licenciement de 568,88 euros.

4° sur la demande de remboursement de 3433,39 euros par l'AGS au titre des congés-payés.

- Cette somme lui reste due en application de son contrat de travail ;

- L'indemnité de cumul de congés-payés ne concerne pas la période de septembre 2018 à mai 2019. Notamment, au 30 août 2018, il lui restait 40 jours de congés à prendre, ce qui correspond au montant de l'indemnité de licenciement sollicité par le mandataire et validé par l'AGS.

5° Sur la garantie de l'AGS

- Il sollicite le règlement des sommes visées à titre de rappel de prime et d'indemnité de licenciement.

Par conclusions enregistrées au greffe le 19 août 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5] demande à la cour de :

Débouter M.[W] en son appel, ses prétentions et ses demandes ;

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Fixé à la somme de 1 400 euros le montant des primes dues à M.[W] ;

Débouté M.[W] de toutes ses autres demandes ;

Condamné M.[W] à rembourser à la société Ekip' la somme de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes qui lui ont été payées à tort de septembre 2018 à mai 2019 ;

Ordonné la compensation au jour du jugement à intervenir des 1 400 euros bruts dus à M.[W] au titre de la prime de fin d'année 2016 avec sa condamnation à rembourser la somme principale de 36 023,13 euros ;

Jugé que la société Ekip remettra les bulletins de paye conformes à la décision à intervenir ;

Condamné M.[W] à payer à la société Ekip' une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M.[W] aux entiers dépens.

La recevoir en son appel incident ;

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes au titre des sommes indûment perçues et de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuer de nouveau :

Condamner M.[W] à lui rembourser la somme de 3 433,39 euros eu titre des sommes indûment perçues ;

Condamner M.[W] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause

Prendre acte de son intervention subsidiaire, de ses remarques ainsi que des limites de sa garantie dans le cadre de la procédure collective, juger le jugement à venir opposable à l'Unedic AGS-CGEA de [Localité 5] uniquement dans les limites de sa garantie, laquelle exclut l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et les astreintes ;

Condamner M.[W] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

Rejeter toutes prétentions contraires.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

1° Sur l'absence de qualité de salarié de M.[W]

- Elle assure les salariés contre le risque de non-payement des sommes dues en exécution du contrat de travail. En l'absence de contrat de travail, il n'y a donc ni créance salariée ni garantie AGS ;

- Nonobstant la production d'un contrat de travail en la forme, celui qui s'en prévaut doit justifier tant de la fourniture d'un travail effectif que d'un lien de subordination envers l'employeur ;

- Dans une situation de cumul entre mandat social et contrat de travail, l'existence d'un emploi effectif est caractérisée par l'exercice de fonctions techniques distinctes des attributions du mandat social donnant lieu à une rémunération distincte et à l'existence d'un lien de subordination ;

- Aucun élément concret et objectif ne vient concrétiser l'existence d'un lien de subordination. A compter de sa nomination, M.[W] a disposé de tous les pouvoirs, sans rendre de compte de l'exécution de ses tâches techniques ni de ses décisions sociales ;

- M.[W] doit alors être débouté de ses prétentions pour les primes de fin d'année (2018 et 2019) et pout le reliquat d'indemnité de licenciement ;

- Le jugement doit être confirmé s'agissant du montant des primes de fin d'année 2016 et 2017, qui se calculent par référence au salaire mensuel de base ;

- La cour est saisie de la demande de remboursement au liquidateur ès qualités de la somme de 36 023,13 euros, comme l'a jugé la décision de cassation puisque la partie qui ne respecte pas les délais pour conclure devant la cour d'appel de renvoi est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle a soumis à la cour d'appel initialement saisie ;

- M.[W] doit être condamné à lui rembourser la somme de 3 433,39 euros au titre des sommes indûment perçues au titre de l'indemnité de congés-payés sur la période d'administration provisoire.

2° sur la garantie AGS pour la période de septembre 2018 à mai 2019

- L'AGS assure les salariés contre le risque de non-payement des sommes dues en exécution du contrat de travail. En l'absence de contrat de travail, il n'y a donc ni créance salariée, ni garantie AGS ;

- Les demandes ne peuvent tendre qu'à la fixation des créances au passif de la procédure collective et à voir préciser si l'AGS doit sa garantie dans la limite des plafond légaux, en l'espèce 6 fois le plafond mentionné à l'article D.3253-5 du code du travail, sans condamnation directe au payement à son encontre ;

- N'étant ni demandeur ni défendeur, elle ne peut être tenue de payer aucune somme.

La société Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [H] [W], a constitué avocat sans conclure.

A l'audience, les parties ont été invitées par note en délibéré déposée au plus tard le 9 septembre 2025, en application de l'article 442 du code de procédure civile, à préciser la nature des sommes perçues (salaire ou rémunération de gérant, et de la ventilation opérée) et dont la restitution est demandée.

Par note en délibéré reçue au greffe le 5 septembre 2025, la société Ekip' a soutenu que la somme de 36 023,13 euros a été versée à titre des salaires entre septembre 2018 et mai 2019 alors que M.[W] n'était plus salarié mais administrateur provisoire de la société, la preuve d'un cumul n'étant pas apportée

Par note en délibéré reçue au greffe le 9 septembre 2025, M.[W] a soutenu qu'il a cumulé ses activités de chauffagiste et d'administrateur et qu'il peut prétendre à une rémunération au titre de son activité, quel que soit son statut et quelle que soit la qualification des sommes versées.

L'Unedic délégation AGS-CGEA n'a communiqué aucune note en délibéré.

MOTIFS

Observations liminaires,

L'évocation par M. [W] de l'incompétence de la juridiction prud'homale, et partant de la cour, juridiction de recours, pour connaitre du remboursement de l'indemnité de gérance, est sans emport pour un double motif :

D'une part, il ne s'agit pas d'une prétention reprise dans le dispositif (l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile), de sorte que la cour n'est pas saisie,

D'autre part, s'agissant d'une exception de procédure, elle doit être soulevée in limine litis (article 74 code de procédure civile), ce qui n'est pas puisque évoquée pour la première fois devant la cour de renvoi.

Ensuite, la société Ekip', ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [H] [W], a constitué avocat devant la présente juridiction de renvoi, sans dépôt d'écriture.

Par application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, la société Ekip' est dès lors réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures notifiées par la société Ekip' ès qualités, par RPVA, le 23 décembre 2022, pour l'exposé détaillé des prétentions et des moyens présentés, les prétentions telles que récapitulées au dispositif étant les suivantes :

- " Déclarer M. [M] [W] irrecevable et infondé en toutes ses demandes ;

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Ekip' ès qualité à payer 1 400 euros à M. [M] [W] au titre du solde de sa prime de fin d'année de 2016 ;

- Fixer la créance de solde de treizième mois dû à M. [M] [W] pour 2016 au passif de la liquidation judiciaire de la société [H] [W] ;

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [O] [W] à rembourser à la société Ekip' ès qualités la somme principale de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes qui lui ont été versées à tort de septembre 2018 à mai 2019 ;

- Y ajoutant :

- Condamner M. [M] [W] à rembourser à la société Ekip' ès qualités la somme de 4 097,02 euros au titre des congés-payés et des précomptes salariaux qui lui ont été versés (ou qui ont été réglés pour son compte), à tort de septembre 2019 à mai 2019 ;

- Condamner M. [M] [W] à payer à la société Ekip' ès qualités les intérêts courus au taux légal depuis le 1er juin 2019 sur la somme principale de 36 023,13 euros, en exécution des dispositions des articles 1352-6 et 1352-7 du code civil ;

- Condamner M. [M] [W] à payer à la société Ekip' ès qualités une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et tous les dépens d'appel ;

- Pour le surplus, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions. "

La cour se trouve alors saisie par la société Ekip' ès qualités d'une demande de remboursement de la somme de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes versées de septembre 2018 à mai 2019.

I- Sur la demande de remboursement des rémunérations brutes

Selon l'article 1302 du code civil : " Tout payement suppose une dette. Ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. "

Sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin. (Cassation, sociale, 12 février 2025 n°23-11.369)

L'état de subordination est caractérisé par l'existence d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n°17-20.079, P+B+R+I).

Il incombe, à celui qui soutient que la nomination du salarié comme mandataire social a suspendu son contrat de travail et qu'il n'y a pas eu cumul du contrat de travail et du mandat social postérieur, d'en rapporter la preuve. (Cassation, sociale, 20 mars 2024 n°21-10.968)

En l'espèce, il ressort de l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés du 4 juillet 2019, du formulaire de composition du capital social des requêtes déposées devant le président du tribunal de commerce de Dax le 3 septembre 2018 et 14 mai 2019 et du courrier de M.[W] du 30 juillet 2019 que :

- M.[H] [W], père de M. [M] [W], était, avant son décès le 6 août 2018, le seul associé de la société et son unique gérant ;

- Que du 6 septembre 2018 au 14 mai 2019 - soit pendant toute la durée du mandat d'administrateur provisoire de M. [M] [W] - aucun héritier n'a accepté la succession de M.[H] [W] ;

- Que, consécutivement au décès de M.[H] [W] et avant la nomination de M. [M] [W], la direction de la société était totalement paralysée, rendant impossible son fonctionnement normal.

En l'absence d'associé et de gérant dans une société unipersonnelle, aucun organe de la société ni aucune personne physique n'était en mesure de donner des instructions à M. [M] [W], ni d'en contrôler le respect ni de sanctionner d'éventuels manquements, y compris dans l'exercice de ses fonctions techniques.

Il ressort de ce qui précède que l'absence d'état de subordination de M. [M] [W] envers la société a suspendu son contrat de travail pendant la durée de son mandat social.

Cette suspension est corroborée par son courrier du 30 juillet 2019, dans lequel M. [M] [W] souligne " A cet instant, de fait, je n'étais plus salarié puisque j'occupais la position de gérant provisoire ", " par conséquent, ['] je suis donc redevenu simple salarié de l'entreprise et ai été dessaisi de toute fonction de gérance ".

Le contrat de travail étant suspendu, M. [M] [W] ne peut prétendre au bénéfice d'aucune rémunération au titre de son contrat de travail (salaire, heures supplémentaires, primes, complément d'indemnité de licenciement).

Si M. [M] [W] ne pouvait prétendre à une rémunération au titre de son contrat de travail, il pouvait prétendre à une rémunération au titre de son mandat d'administrateur provisoire, tel que désigné par ordonnance du 6 septembre 2018. Son mandat d'administrateur judiciaire s'est substitué à son contrat de travail (Cassation, chambre commerciale, 24 janvier 2024 n°22-11.768) et il s'agit de rémunérer l'intégralité de son activité, technique et de gestion.

L'ordonnance du 6 septembre 2018 n'a pas fixé la rémunération de M. [M] [W] en sa qualité d'administrateur provisoire.

Il s'agit alors d'appliquer les principes régissant la rémunération des gérants de société à responsabilité limitée.

Selon l'article L.223-18 du code de commerce, la rémunération du gérant de société à responsabilité limitée est déterminée par les statuts ou par décision de l'assemblée générale ordinaire.

L'ordonnance du 6 septembre 2018 démontre que c'est précisément la paralysie de l'organe social de direction et donc l'impossibilité pour l'assemblée générale ordinaire de prendre une décision qui a conduit à la nomination de M. [W].

En l'absence de décision de l'assemblée générale, c'est à M. [M] [W] qu'étaient dévolus tous pouvoirs " pour gérer et administrer la société ".

La réalité de l'activité d'administration provisoire de la société (prestations effectives, techniques et de gestion) par M. [M] [W] n'est pas utilement contestée et est confirmée par tant les attestations de Mme [C] - secrétaire de la société [H] [W] - , de M.[B] - technicien de la société [H] [W] -, de M.[I], conseiller pour la reprise de la société, que par les courriels échangés avec différents organismes pour l'obtention d'un échelonnement des dettes et des sms échangés entre M. [W] et Mme [C].

La valeur probante de ces attestations, établies dans les formes légales, ne saurait être remise en cause au seul motif qu'elles émanent d'anciens salariés soumis à l'autorité de M.[W] en sa qualité d'administrateur provisoire, témoins nécessairement privilégiés pour attester de l'activité de M.[W] durant la période d'administration.

Dans l'exercice du pouvoir de gestion et d'administration de la société, M. [M] [W] a fixé successivement sa rémunération au titre de son activité d'administrateur provisoire à 0 euro mensuel pour les mois de septembre et octobre 2018, à 1 200 euros mensuels pour les mois de novembre et décembre 2018 puis à 1 500 euros mensuels pour les mois de janvier à mai 2019.

M. [M] [W] a perçu la somme de 9 900 euros pour la période du 6 septembre 2018 au 23 mai 2019 au titre de son indemnité de gérance provisoire.

La société était débitrice de cette somme envers son administrateur provisoire, à ce titre judiciairement désigné.

M. [M] [W], qui a perçu la somme globale de 36 023,13 euros pour la période du 6 septembre 2018 au 23 mai 2019, doit rembourser à la société Ekip' - ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [H] [W] - la somme de 26 123,13 euros, au titre des salaires indument perçus pour cette période, après déduction des indemnités de gérance de 9900 € dues pour la même période.

La cour réforme le jugement et condamne M. [M] [W] à régler à la société Ekip' ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [H] [W] - la somme de 26 123,13 euros, au titre des salaires indument perçus pour la période du 9 septembre 2018 au 23 mai 2019.

II- Sur les primes de treizième mois

L'article 623 du code de procédure civile dispose que " la cassation peut être totale ou partielle. Elle est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres."

En application de cet article, les chefs de demande non atteints par la cassation acquièrent force de chose jugée.

L'article 624 du code de procédure civile dispose que " la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire. ".

L'article 625 alinéa premier du même code prévoit que : " Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. "

En l'espèce, par arrêt du 29 janvier 2025, la chambre sociale de la cour de cassation a :

Cassé et annulé, sauf en ce qu'il fixe la créance de solde de treizième mois dû à M. [M] [W] pour 2016 au passif de la liquidation judiciaire de la société [H] [W] à la somme de 1 400 euros, l'arrêt rendu le 30 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamné la société Ekip', prise en la personne de M. [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [H] [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Ekip', prise en la personne de M. [X], ès qualités, et l'a condamné en cette qualité à payer à M. [M] [W] la somme de 3 000 euros.

Le chef de jugement relatif à la fixation de " la créance de solde de treizième mois dû à M. [M] [W] pour 2016 au passif de la liquidation judiciaire de la société [H] [W] à la somme de 1 400 euros " a acquis force de chose jugée.

Partant, les demandes au titre de la revalorisation de la créance de solde du treizième mois pour l'année 2016 sont irrecevables.

Pour les années suivantes :

Au titre de l'année 2017

Les contrats de travail de Mme [C], de M.[K] et de M.[F] établissent que la prime de fin d'année correspondait au salaire mensuelle de base.

M.[W] a perçu la somme de 2400 € au titre de sa prime de fin d'année (selon son bulletin de salaire de décembre 2017), montant correspondant à celui de son salaire de base.

La cour confirme le jugement qui a débouté M.[W] de ses prétentions au titre du solde de la prime de fin d'année pour 2017.

Au titre des années 2018 et 2019

Les contrats de travail de Mme [C], de M.[K] et de M.[F] établissent que la prime de fin d'année était versée en décembre.

La cour ayant retenu la suspension du contrat de travail du 6 septembre 2018 au 23 mai 2019, M.[W] ne se trouvait plus en poste en décembre 2018 et ne pouvait prétendre au versement de la prime.

La cour confirme le jugement, qui a débouté M.[W] de sa demande de prime au titre de l'année 2018.

M.[W] ayant été licencié par courrier du 23 juillet 2019, il n'était plus en poste en décembre 2019 et ne pouvait prétendre au bénéfice de la prime pour l'année 2019.

La cour confirme le jugement de débouté de ce chef.

III- Sur les demandes de remboursement au titre des congés-payés

En application des dispositions de l'article 1302 du code civil : " Tout paiement suppose une dette. Ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. "

Le bulletin de paie de M.[W] de juillet 2019 et la synthèse du salarié versée aux débats par l'Unedic établissent que la somme de 3 433,30 euros versés à M.[W] correspond à 25 jours de congés-payés, pour la période du 1er avril 2018 au 23 septembre 2019.

Hors la période de suspension de son contrat de travail (6 septembre 2018 au 23 mai 2019), M.[W] pouvait prétendre au bénéfice des congés-payés.

Les bulletins de paye établissent que, du 1er avril 2018 au 31 août 2018, pendant la période prise en considération par l'Unedic délégation AGS-CGEA et avant la suspension du contrat de travail, M.[W] pouvait prétendre au bénéfice de 12,50 jours de congés-payés restants, auxquels s'ajoutent 12,5 jours de congés-payés acquis entre le 1er avril 2019 et la fin de son contrat de travail.

Le payement de la somme de 3 433,38 n'est pas indu, mais justifié par les congés-payés acquis par M.[W] avant et après la suspension de son contrat de travail.

Le jugement, qui a omis de statuer sur ce point, doit être complété et la société Ekip' et l'Unedic délégation AGS-CGEA déboutées de leurs demandes de remboursement de la somme de 3 433.39 euros.

La société Ekip' sollicite également le remboursement de 663,63 euros au titre des précomptes salariaux versés aux organismes sociaux sur cette somme.

Les charges et cotisations n'ayant pas été versées au salarié, ce dernier ne peut être redevable de l'indu (Cassation, sociale, 20 septembre 2023 n°21-21.689) et il convient de débouter la société Ekip' du chef des précomptes salariaux.

Le jugement, qui a omis de statuer sur ce point, doit être complété et la société Ekip' ès qualités de liquidateur déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 663,63 euros.

IV- Sur la garantie de l'Unedic délégation AGS-CGEA

Selon l'article L. 3253-8 du code du travail, la garantie de l'AGS est instaurée pour garantir les sommes dues au salarié en exécution du contrat de travail, à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

En l'absence de somme due à M.[W] en exécution d'un contrat de travail, la garantie de l'Unedic délégation AGS-CGEA n'est pas due.

V- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement de première instance est confirmé sur les dépens et les frais non répétibles de procédure.

M.[W], qui succombe principalement en appel, est condamné aux dépens de la procédure d'appel et à payer 1 000 euros à la société Ekip, ès qualités de liquidateur, et 1 000 euros à l'Unedic délégation AGS-CGEA au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de sa saisine, et en dernier ressort

Vu l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 29 janvier 2025,

Déclare irrecevables les demandes au titre de la revalorisation de la créance de solde du treizième mois pour l'année 2016.

CONFIRME le jugement rendu le 28 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Dax, sauf en ce qu'il condamné M.[M] [W] à rembourser à la société Ekip ès qualités la somme de 36 023,13 euros au titre des rémunérations brutes qui lui ont été payées de septembre 2018 à mai 2019

ET, STATUANT A NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE M.[M] [W] à rembourser à la société Ekip' ès qualités de liquidateur la somme de 26 123,13 euros, au titre des salaires trop perçus sur la période du 9 septembre 2018 au 23 mai 2019 .

DEBOUTE l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5] de sa demande de remboursement de la somme de 3 433,39 euros au titre des sommes indûment perçues ;

DEBOUTE la société Ekip' ès qualités de sa demande de remboursement de la somme de 4 097,02 euros au titre des sommes indûment versées ;

DECLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation CGEA-AGS de [Localité 5] uniquement dans les limites de sa garantie légale ;

DEBOUTE M.[M] [W] de sa demande de garantie de l'Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 5];

CONDAMNE M.[M] [W] aux entiers dépens d'appel ;

CONDAMNE M.[M] [W] à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à la société Ekip' ès qualités la somme de 1 000 euros et à l'Unedic délégation AGS-CGEA la somme de 1 000 euros.

Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Madame la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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