CA Rennes, 2e ch., 4 novembre 2025, n° 23/01383
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Alliance (SAS)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jobard
Conseillers :
M. Pothier, Mme Picot-Postic
Avocats :
Me Grenard, Me Boulaire, Me Castres, Me Reinhard
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 30 mars 2016, M. [M] [S] a conclu, dans le cadre d'un démarchage, avec la société IC groupe exerçant sous la dénomination commerciale Immo confort un contrat de fourniture et de pose d'une installation photovoltaïque pour un coût de 21 500 euros. Les travaux ont été financés par la société BNP Paribas personal finance exerçant sous la dénomination commerciale Cetelem par offre préalable du même jour.
Suivant jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société IC groupe et désigné la société Alliance mission en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant acte d'huissier du 21 mai 2021, M. [M] [S] a assigné la société Alliance mission ès qualités et la banque devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Suivant jugement du 23 janvier 2023, le premier juge a :
- Débouté M. [M] [S] de ses demandes.
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné M. [M] [S] aux dépens.
Suivant déclaration du 6 mars 2023, M. [M] [S] a interjeté appel.
En ses dernières conclusions du 13 mai 2025, M. [M] [S] demande à la cour de :
Vu l'article préliminaire du code de la consommation,
Vu les articles 1109 et 1116 anciens devenus 1130 et 1137 du code civil,
Vu l'article 16 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finance rectificative,
Vu l'article L. 121-7 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 désormais codifié à l'article L. 221-5 du code de la consommation,
Vu les articles L. 221-5 et suivants du code de la consommation,
Vu l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014,
Vu l'article R. 111-1 du même code issu du décret n° 2014-1061 du 17 septembre 2014,
- Infirmer le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
- Prononcer l'annulation du contrat de vente.
- Mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société IC groupe l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble.
- Prononcer la nullité du contrat de prêt.
- Juger que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds et qu'elle doit être privée de sa créance de restitution.
- La condamner à la restitution des sommes payées par lui en exécution du contrat de prêt.
- La condamner à lui payer les sommes suivantes :
21 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente.
11 329,75 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par lui.
1 483,90 euros correspondant au remplacement de l'onduleur défectueux.
5 000 euros au titre du préjudice moral.
4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter la banque et la société IC groupe de leurs demandes.
- Condamner la banque aux dépens de première instance et d'appel.
En ses dernières conclusions du 20 mai 2025, la banque demande à la cour de :
- Confirmer le jugement déféré.
Subsidiairement, en cas de recevabilité,
- Vu les articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de commerce,
- Dire que les contrats par leur objet ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation.
Par conséquent,
- Débouter M. [M] [S] de ses demandes fondées sur les dispositions du code de la consommation.
Plus subsidiairement,
- Débouter M. [M] [S] de ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation des contrats,
- Débouter M. [M] [S] de sa demande de privation du prêteur de son droit à restitution du capital prêté.
Par conséquent,
- Le condamner à lui payer la somme de 21 500 euros correspondant au montant du capital prêté outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds.
- Le débouter de sa demande de remboursement des frais et intérêts perçus tant qu'il ne justifiera pas de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente de l'énergie et au Trésor public des crédits d'impôts perçus.
- Ordonner la compensation des créances réciproques.
- Débouter M. [M] [S] de toute autre demande.
Plus subsidiairement,
- Ordonner à M. [M] [S] de tenir à disposition de la société IC groupe, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, le matériel posé en exécution du contrat de vente pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision afin que celle-ci procède à sa dépose et à la remise en l'état antérieur et qu'à défaut de reprise effective à l'issue de ce délai, il pourra disposer comme bon lui semble dudit matériel et le conserver.
- Fixer le préjudice de M. [M] [S] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 21 500 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et qu'à défaut il ne subit aucun préjudice en lien avec cette faute.
En tout état de cause,
- Condamner M. [M] [S] à lui payer la somme de 2 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.
La société Alliance mission n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de son appel, M. [M] [S] fait valoir que le contrat a été conclu sur la base de pratiques commerciales trompeuses qui sont constitutives d'un dol. Il reproche au vendeur un défaut d'information sur les caractéristiques essentielles de l'installation, sur la rentabilité de l'installation et sur le caractère définitif du contrat. Il conclut à la nullité du contrat de vente en application des articles 1109 et 1116 du code civil.
La banque soutient en premier lieu que l'action en nullité pour dol est prescrite. Elle rappelle que le contrat a été signé plus de cinq ans avant l'assignation introductive d'instance. Sur le fond, elle fait observer que M. [M] [S] ne justifie pas de l'existence d'un document contractuel par lequel le vendeur se serait engagé sur un seuil de rentabilité de l'installation.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
M. [M] [S] conclut à la nullité du contrat de vente pour dol au motif qu'il ne comprend pas les informations relatives aux caractéristiques essentielles de l'installation et celles relatives à son caractère définitif. Le défaut d'indication des informations relatives aux caractéristiques essentielles de l'installation était visible par simple lecture dès la signature de l'acte le 30 mars 2016. Par ailleurs, le consommateur n'a pu qu'être convaincu du caractère définitif du contrat dénommé « bon de commande » dès sa signature et à tout le moins lorsqu'il a régularisé un procès-verbal de réception des travaux le 8 avril 2016. L'action en nullité pour dol fondée sur ces moyens est prescrite comme tardive pour avoir été engagée le 21 mai 2021.
L'action en nullité pour dol fondée sur le défaut de rentabilité de l'installation n'est pas prescrite puisque M. [M] [S] n'a pu se convaincre de la rentabilité effective de l'installation photovoltaïque qu'après plusieurs mois de fonctionnement et à tout le moins lorsqu'il a reçu la première facture d'achat par EDF le 25 août 2017.
Selon l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Comme relevé par le premier juge, la promesse par le vendeur d'un autofinancement de l'installation n'est pas mentionnée au contrat de vente et ne résulte d'aucun des documents produits aux débats. La preuve de man'uvres frauduleuses n'est pas plus rapportée. M. [M] [S] est défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe de sorte que l'action en nullité pour dol fondée sur le défaut de rentabilité de l'installation ne peut prospérer.
M. [M] [S] conclut à l'irrégularité du bon de commande, au visa des articles L.111-1, R.111-1, L.121-17, L.221-7 du code de la consommation au motif que sont manquantes les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou services vendus, au prix, à la date ou au délai auquel le professionnel s'engageait à livrer le bien ou exécuter le service et au droit de rétractation. Il fait valoir également que les dispositions du code de la consommation reproduites dans les conditions générales de vente sont erronées.
Il conclut également, considérant que la banque a manqué de ce fait à son obligation d'information précontractuelle, à l'irrégularité du contrat de prêt au motif qu'il ne comporte pas les informations relatives au montant total du contrat affecté, des intérêts et assurances telles que définie par l'article L. 311-1 du code de la consommation, l'objet exact du financement, la durée du crédit et/ou le montant total du contrat du crédit affecté avec intérêts, la date jusqu'à laquelle l'offre du crédit doit rester valable, le coût standard de l'assurance à l'aide d'un exemple chiffré exprimé en euros et par mois, l'identité complète du vendeur intermédiaire en crédit et notamment son numéro d'agrément.
Il a été rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil. Le défaut d'indication des informations susmentionnées était visible par simple lecture dès la signature du bon de commande et du contrat de prêt. L'action en nullité fondée sur ces moyens est prescrite comme tardive pour avoir été engagée le 21 mai 2021.
M. [M] [S] prétend par ailleurs que le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt est erroné. S'il peut être admis que l'action en nullité du contrat de prêt fondée sur ce moyen n'est pas prescrite puisqu'il n'est pas allégué que l'emprunteur disposait des compétences nécessaires pour vérifier l'exactitude du taux effectif global, il faut relever qu'il ne démontre par aucune pièce produite aux débats que le taux mentionné dans le contrat serait effectivement erroné. M. [M] [S] est défaillant dans l'administration de la preuve qui lui incombe de sorte que l'action en nullité du contrat de prêt fondée sur l'erreur de taux effectif global ne peut prospérer.
Pour conclure à la déchéance de la banque du droit aux intérêts, M. [M] [S] soutient qu'elle a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde. Il soutient également que le prêteur ne démontre pas que le crédit a été distribué par un professionnel qualifié, conformément à l'article L. 311-8 du code de la consommation dans sa rédaction applicable, et qu'il a consulté préalablement à l'octroi du crédit le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Contrairement à ce qui est soutenu, la banque n'était tenue que d'un devoir de mise en garde portant sur le risque d'endettement excessif de l'emprunteur et pas sur l'opportunité économique de l'opération principale. Elle n'avait en effet pas à s'immiscer dans les relations contractuelles entre le vendeur et le consommateur.
Il doit être constaté qu'il n'est pas démontré que l'emprunteur s'est exposé à un risque d'endettement excessif et il a d'ailleurs poursuivi le remboursement du prêt. Le point de départ de la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information et de vérification de la solvabilité de l'emprunteur ne peut être fixé qu'au jour où l'obligation de l'emprunteur a été mise à exécution, c'est à dire à la date de conclusion du prêt. Cette action était prescrite à la date de l'assignation.
6
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes principales et accessoires de M. [M] [S] comme prescrites ou infondées. Notamment la banque qui n'est pas partie au contrat principal ne pouvait être tenue au coût de remplacement d'un matériel défectueux.
Dès lors que les demandes principales de M.[M] [S] étaient rejetées, il ne pouvait prétendre à des dommages et intérêts au titre d'un quelconque préjudice moral en l'absence de faute poursuivable ou démontrée de la banque.
Il n'est pas inéquitable de condamner M.[M] [S] à payer à la banque la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
Il sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement rendu le 23 janvier 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Rejette les demandes de M. [M] [S].
Y ajoutant,
Condamne M. [M] [S] à payer à la société SA BNP Paribas personal finance la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
Condamne M. [M] [S] aux dépens de la procédure d'appel.
Rejette les autres demandes.