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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 4 novembre 2025, n° 25/01850

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 25/01850

4 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4AF

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 04 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/01850 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XC3T

AFFAIRE :

S.A.S.U. BEIRUT MARKET

C/

LE PROCUREUR GENERAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mars 2025 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° chambre : 9

N° RG : 2025P00245

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Asma MZE

Me Christophe DEBRAY

PG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANT :

S.A.S.U. BEIRUT MARKET

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 -

Plaidant : Me Thibault ROULLET de la SCP ELATHA, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 568

****************

INTIMES :

LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 4]

[Localité 5]

UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES - URSSAF IDF

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 25235

S.E.L.A.R.L. ASTEREN prise en la personne de Maître [V] [E]

es qualité de liquidateur judiciaire de la société BEIRUT MARKET, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Pontoise en date du 10 mars 2025

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Défaillante - déclaration d'appel signifiée à personne habilitée

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Septembre 2025, Monsieur Ronan GUERLOT, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,

Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

En la présence du Ministère Public, représenté par Madame Anne CHEVALIER, Avocat Général dont l'avis du 13 aout 2025 a été transmis le 18 aout 2025 au greffe par la voie électronique.

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 décembre 2024, l'URSSAF d'Ile-de-France a assigné la SAS Beirut Market devant le tribunal de commerce de Pontoise afin voir ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire et subsidiairement de redressement judiciaire.

Le 10 mars 2025, par jugement réputé contradictoire, ce tribunal a :

- ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Beirut Market ;

- fixé provisoirement au 13 décembre 2023 la date de cessation des paiements ;

- nommé la SELARL Asteren, prise en la personne de Mme [E], en qualité de liquidateur.

Le 21 mars 2025, la société Beirut Market a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Par dernières conclusions du 28 mai 2025, elle demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondé son appel ;

- infirmer le jugement du 10 mars 2025 en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

À titre principal,

- juger qu'elle n'est pas en état de cessation de paiement ;

- juger qu'il n'y a pas lieu à une quelconque procédure collective à son égard ;

- débouter l'URSSAF de ses demandes, fins et conclusions ;

À titre subsidiaire,

- prononcer son redressement judiciaire ;

- fixer une période d'observation de trois mois ;

- désigner tel organe de la procédure tel que la cour lui plaira ;

- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Pontoise afin de poursuite de la procédure ;

En tout état de cause,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions du 1er septembre 2025, l'URSSAF d'Ile-de-France demande à la cour de :

- déclarer irrecevable en tout cas mal fondée, la société Beirut Market en son appel et la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, faute de justifier de la réalité de son activité commerciale et du sérieux de ses possibilités de redressement économique en l'état de son passif exigible ;

- confirmer le jugement prononcé par le tribunal du 8 mars 2025 en toutes ses dispositions, en l'absence d'observations du liquidateur judiciaire désigné pour un éventuel redressement judiciaire ;

- condamner la société Beirut Market aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel qui seront recouvrés en frais privilégiés de procédure collective ;

La déclaration d'appel a été signifiée à la société Asteren le 3 avril 2025 par remise à personne habilitée. Les conclusions lui ont été signifiées le 3 juin 2025 selon les mêmes modalités. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

Par une lettre du 28 juillet 2025 reçu au greffe le 30 juillet 2025, communiquée aux parties le 5 août 2025, le liquidateur a fait part de ses observations sur la procédure collective de la société Beirut Market et a indiqué qu'il ne se constituerait pas compte tenu de l'impécuniosité de la procédure.

Le 13 août 2025, le ministère public a émis un avis tendant à ce que la cour d'appel confirme en tous points le jugement entrepris, à défaut de la transmission des pièces référencées ou de documents prévisionnels établissant la capacité de la société à poursuivre son activité.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 septembre 2025.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

MOTIFS

Sur la cessation des paiements

La société Beirut Market soutient ne pas être en état de cessation des paiements, ce que conteste l'URSSAF. Elle fait valoir que les comptes qu'elle verse aux débats établissent qu'elle réalisait un chiffre d'affaires conséquent et que ses résultats étaient positifs.

L'URSSAF expose qu'au 1er septembre 2025, sa créance s'élève à 32 338 euros dont 11 360 euros de cotisations salariales et 20 978 euros de cotisations patronales. Elle soutient que l'état de cessation des paiements de l'appelante résulte de la rétention du précompte de l'URSSAF avec disparition du cotisant constaté par procès-verbal 659. Elle ajoute que l'insolvabilité de l'appelante a été établie par un procès-verbal de saisie-attribution infructueux du 13 décembre 2023, suivi de trois autres, et par un procès-verbal de carence du 28 novembre 2023. Elle fait également valoir que l'activité de la société Beirut Market est inexistante depuis plusieurs années.

Le ministère public considère qu'en l'absence d'éléments probants contraires, la société Beirut Market est en état de cessation des paiements. Il observe que l'appelante ne démontre pas avoir payé l'URSSAF ; que les pièces comptables versées aux débats par celle-ci ne permettent pas de déterminer le passif exigible et qu'il n'est donné en outre aucun élément sur l'actif disponible.

Réponse de la cour

L'article L. 631-1, alinéa 1er, du code de commerce prévoit que « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. »

La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.

En cas d'appel, l'état de cessation des paiements est apprécié par la cour au jour où elle statue.

L'actif disponible est l'actif réalisable à court terme. Sauf s'ils sont en cours de réalisation ou s'ils peuvent être cédés rapidement, les stocks ne font pas partie des actifs disponibles.

Il ressort des observations précitées du liquidateur que les comptes bancaires de la société Beirut Market ouverts dans les livres des banques Olinda, Société Générale, Crédit Industriel et Commercial et BNP Paribas ont été clôturés, le liquidateur précisant ne pas avoir reçu d'elles d'information sur le solde de ces comptes malgré ses demandes du 5 juin 2025. Le liquidateur indique par ailleurs que le solde du compte bancaire Qonto de l'appelante est nul. Il précise qu'il n'a pu identifier aucun autre actif.

L'appelante verse aux débats ses comptes sociaux relatifs à l'exercice clos au 31 décembre 2021.

Toutefois, l'ancienneté de ces éléments au regard de la procédure collective ne permet pas de tenir compte des actifs circulants indiqués à l'actif de ces comptes et ils ne peuvent donc pas être pris en compte pour apprécier l'existence d'actifs disponibles au jour où la cour statue.

Elle verse également aux débats plusieurs factures d'achat de marchandises alimentaires établies à son nom :

- une facture à son nom datée du 24 février 2025 relative à l'achat d'un bovin d'une valeur de 2 806,67 euros ;

- une commande ' non datée- à l'en-tête de la société Global Emballage d'un montant de 776,53 euros ;

- trois factures établies en allemand (« Rechnung ») à l'en-tête de la société Nergiz Grossmarkt GMBH d'un montant total de 1 776,14 euros indiquant une date de livraison (« Liferdatum ») au 23 février 2025 ;

- une facture du même fournisseur d'un montant de 1 558,77 euros et indiquant une date de livraison au 24 février 2025 ;

- une facture proforma datée du 25 février 2025 de la société AZ distribution d'un montant de 4 079,04 euros.

Ce stock, à le supposer en possession de l'appelante, ne peut être considéré comme un actif disponible dès lors qu'il n'est pas établi qu'il peut être immédiatement réalisé.

La créance de l'URSSAF d'un montant de 34 931,66 euros n'est pas contestée. Selon l'état au 1er septembre 2025 produit, elle concerne des cotisations impayées de décembre 2022 à novembre 2024.

Il ressort des observations du liquidateur que le passif déclaré s'élève à 309 413,76 euros, dont 277 560,15 échus ; ce dernier ne précisant pas toutefois les créanciers concernés et étant observé que la cour ne dispose pas d'information sur les créances qui résultent de l'ouverture de la liquidation judiciaire, lesquelles n'entrent pas dans le passif exigible. Il est seulement fait état d'un nantissement du fonds de commerce inscrit au nom du Crédit industriel et commercial pour garantie de 132 000 euros.

Pour faire face à ce passif exigible, l'appelante n'allègue ni ne démontre l'existence d'aucun actif disponible.

La cour retient, en l'absence d'actif disponible et au regard du passif exigible, que la société Beirut Market est à ce jour en état de cessation des paiements.

Sur le redressement judiciaire

En vertu de l'article L. 641-1 du code de commerce, une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

L'URSSAF soutient que l'activité de l'appelante est inexistante depuis plusieurs années.

Il est constant que la société Beirut Market n'a pas pu reprendre son activité depuis le jugement d'ouverture, en l'absence d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris.

Pour justifier de sa capacité de redressement, l'appelante verse aux débats les factures précitées.

Elle ne fournit toutefois aucun état de ses stocks, aucun plan qui démontrerait sa capacité à financer sa période d'observation et aucun document prévisionnel certifié par un expert-comptable. En l'état d'un passif déclaré très important au regard de son actif disponible et en l'absence d'information sur ses actifs, il est suffisamment démontré que son redressement est impossible .

La demande de redressement ne peut qu'être rejetée et le jugement confirmé.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit que les frais seront recouvrés en frais de procedure collective.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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