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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 4 novembre 2025, n° 24/02216

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Acterim (Sté)

Défendeur :

Aterim (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Ramin, Mme Desmorat

Avocats :

Me Lhermitte, Me Guidec

CA Rennes n° 24/02216

3 novembre 2025

La société Actérim [Localité 5], créée le 22 novembre 2016, a pour gérant M. [S] ; elle appartient au groupe Actérim qui dispose de 13 agences sur le territoire national et a notamment pour objet social le placement de personnel intérimaire.

La société Atérim [Localité 5], créée le 19 juillet 2023, a le même objet social. Elle a pour gérant M. [R].

Par lettre recommandée du 30 août 2023, considérant que « l'utilisation de la dénomination « ATERIM [Localité 5] » (est) de nature à créer une confusion avec la dénomination « ACTERIM [Localité 5] » et à leur causer un préjudice, la société Actérim [Localité 5] et sa holding, la société LGF, ont mis en demeure la société Atérim [Localité 5] de modifier sous 48 heures sa dénomination sociale.

Par lettre recommandée en réponse du 5 septembre 2023, la société Atérim [Localité 5] s'y est opposée.

La société Actérim Nantes a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes aux fins d'enjoindre la société Atérim Nantes à modifier sa dénomination sociale et à faire cesser l'usage de cette dénomination en invoquant un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent lié au risque de confusion.

Par ordonnance du 2 avril 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Nantes a :

- débouté la société Actérim [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- ordonné à la société Actérim [Localité 5] de verser à la société Atérim [Localité 5] la somme de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné que la société Actérim [Localité 5] supporte les entiers frais et dépens de l'instance dont frais greffe liquidés à 40,67 € TTC.

Par déclaration du 11 avril 2024, la société Actérim [Localité 5] a interjeté appel de cette décision.

Les parties ont accepté la médiation proposée par le président de chambre ; la mission s'est achevée le 12 décembre 2024 sans que les parties ne soient parvenues à un accord.

Les dernières conclusions de l'appelant ont été déposées le 4 septembre 2025 avant la clôture ; celles de l'intimée, le 3 septembre 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La société Actérim [Localité 5] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance rendue le 2 avril 2024 par le président du tribunal de commerce de Nantes dans toutes ses dispositions,

- enjoindre la société Atérim [Localité 5] d'avoir à :

- procéder à la modification de sa dénomination sociale,

- cesser de faire usage de la dénomination sociale « Atérim [Localité 5] » sur tout support tant matériel qu'immatériel, et ce sous astreinte de 1000 € par jour dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir [sic]

- condamner la société Atérim [Localité 5] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Actérim [Localité 5],

- condamner la société Atérim [Localité 5] aux entiers dépens de l'instance.

La société Atérim [Localité 5] demande à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Nantes du 2 avril 2024,

- voir débouter la société Actérim [Localité 5] de l'intégralité de ses demandes,

- voir condamner la société Actérim [Localité 5] à verser à la société Atérim [Localité 5] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

L'article 873 du code de procédure civile prévoit :

« Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

Le trouble manifestement illicite constitue toute perturbation résultant d'une action, d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente et apparente d'une norme obligatoire, d'origine légale, réglementaire, judiciaire ou contractuelle.

Le trouble et son illicéité doivent apparaître avec l'évidence requise devant le juge des référés et il appartient à celui qui s'en prévaut d'en faire la démonstration.

Il s'agit de mettre fin à une situation provoquant une atteinte dommageable et actuelle aux droits ou aux intérêts légitimes d'un demandeur.

Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires.

La faute peut consister en l'adoption d'une dénomination identique ou similaire à une dénomination sociale antérieure pour des activités similaires, de nature à créer, pour un client d'attention moyenne, un risque de confusion, c'est à dire un risque d'assimilation entre les services de deux sociétés.

La société Actérim [Localité 5] fait valoir que la société Atérim [Localité 5] exerce une activité similaire à la sienne dans une même zone géographique.

Il résulte des pièces produites que les deux sociétés sont susceptibles de placer du personnel intérimaire à [Localité 5] et ses environs, peu important l'étendue, par ailleurs, de leurs zones d'activité.

Il n'est pas contesté que chacune place pour l'essentiel du personnel intérimaire dans des sociétés du BTP.

La société Actérim [Localité 5] fait valoir que, comme la société Atérim [Localité 5], elle recrute du personnel local.

La société Atérim [Localité 5] soutient au contraire que la société Actérim [Localité 5] n'exerce pas la même activité que la sienne en ce qu'elle s'est spécialisée dans le placement de personnel intérimaire de nationalité étrangère, plus spécifiquement roumaine, alors qu'elle-même recrute localement.

Il ressort de la lettre de mise en demeure du 30 août 2023 que la société Actérim [Localité 5] s'est présentée à la société Atérim [Localité 5] comme ayant « une activité d'agence intérimaire spécialisée dans la main d'oeuvre étrangère ».

La société Actérim [Localité 5] ne peut justifier de son activité à [Localité 5] ou ses environs par des contrats de mise à disposition d'intérimaires conclus par d'autres sociétés Actérim qui ne sont pas à la cause.

Elle n'a versé aux débats qu'un seul contrat passé pour un intérimaire de nationalité française sur la région nantaise.

Parmi les contrats à son nom annexés au constat du commissaire de justice du 28 août 2025 établi à sa demande, la nationalité du personnel intérimaire a été systématiquement effacée ou correspond à la nationalité roumaine.

Le constat du commissaire de justice du 25 mars 2025 établi à la demande de la société Atérim [Localité 5] révèle que sur 22 publications affichées sur la page Facebook Actérim [Localité 5] entre le 10 octobre 2024 et le 20 mars 2025, 19 publications sont affichées exclusivement en langue roumaine.

La société Actérim [Localité 5] ne justifie pas d'une activité dans le bassin nantais de recrutement de travailleurs intérimaires locaux contrairement à la société Atérim [Localité 5].

Dans un contexte de forte demande d'ouvriers compétents sur le marché du BTP, comme le rappelle le gérant de la société Actérim [Localité 5] dans un article paru en août 2019, la plus grande difficulté pour les agences d'intérim est le recrutement des intérimaires pour satisfaire les entreprises.

Si les entreprises du BTP sont « clientes » des agences d'intérim, l'enjeu concurrentiel est pour une part majeure le recrutement de ces intérimaires.

Il se déduit de l'ensemble que l'activité réelle des deux sociétés doit être considérée comme dissemblable.

La société Actérim [Localité 5] fait valoir que la dénomination sociale choisie par la société Atérim [Localité 5] comporte des similitudes phonétiques et visuelles.

Si le vocable est proche, la prononciation reste distincte du fait de la présence du « c », son dur, devant le « t ».

Par ailleurs, si leurs enseignes présentent un accent aigu sur le « e », celui de la société Actérim est marqué par la couleur rouge. En outre, les deux enseignes ne présentent pas la même couleur : lettres blanches sur fond vert pour Atérim et lettres blanches sur fond bleu-marine pour Actérim. Il est relevé que les couleurs dominantes des façades des agences sont le vert et le blanc pour Atérim, et le bleu-marine, le rouge et le blanc pour Actérim. L'enseigne Atérim est écrit en majuscules avec comme repère distinct un A isolé sont la barre part du pied gauche de la lettre tandis que l'enseigne Actérim est écrite en minuscule avec le A majuscule dont la barre correspond à une boucle qui part du pied droit, passée au-dessus de la lettre :

La société Atérim [Localité 5] verse aux débats des exemples de sociétés d'intérim comportant elles-aussi le sufixe « térim » ou le mot « intérim » et le A en entrée (Artus intérim, Artis interim, Altérim, ABC intérim, Ago intérim, etc) rendant l'ensemble banal ou habituel pour un client normalement attentif.

Examiné de manière globale, les points de comparaison proposés, ce, dans le cadre de la recherche d'intérimaires au profil distinct, ne permettent pas de retenir un risque de confusion évident ni pour lesdits intérimaires potentiels ni même pour les entreprises clientes.

De ce fait, aucun trouble illicite manifeste n'est caractérisé.

Il est ajouté que la société Actérim malgré plusieurs années de cohabitation entre les deux sociétés n'allègue aucun dommage imminent. À titre surabondant, il est noté qu'elle ne fait d'ailleurs valoir aucun préjudice.

L'ordonnance est confirmée pour l'ensemble des chefs soumis à la cour.

Dépens et frais irrépétibles de l'appel

Il convient de condamner la société Actérim [Localité 5] aux dépens de l'appel et à payer à la société Atérim [Localité 5] une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Actérim [Localité 5] aux dépens de l'appel,

Condamne la société Actérim [Localité 5] à payer à la société Atérim la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

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