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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 4 novembre 2025, n° 23/00396

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 23/00396

4 novembre 2025

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2025

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/00396 - N° Portalis DBVK-V-B7H-PWDJ

Décision déférée à la Cour : Décision du 04 JANVIER 2023

TRIBUNAL ARBITRAL DE PERPIGNAN

APPELANTE :

S.A.S LES TERRASSES DE [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Julien BRILLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant

INTIMEE :

S.C.I. L'OPPIDUM

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant

assistée de Me Montaine RAIMBAULT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substituant Me Sylvain DONNEVE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 01 Septembre 2025

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 SEPTEMBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. André LIEGEON, Président de chambre

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. André LIEGEON, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 23 juillet 2018, la SCI L'Oppidum, propriétaire d'un ensemble immobilier sis [Adresse 1], à [Localité 5] (66), a donné à bail commercial ces locaux à la SASU Les Terrasses de [Localité 5], représentée par M. [G] [O], pour une durée de neuf années à effet du 1er août 2018, moyennant un loyer annuel hors taxes égal à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes de l'exercice comptable précédent, assorti d'un loyer mensuel minimal de 500 euros hors taxes, porté à 1.000 euros à compter de la neuvième année.

Alléguant que la SASU Les Terrasses de [Localité 5] se serait maintenue dans les locaux au-delà du 31 juillet 2021, alors qu'elle lui aurait notifié son intention de résilier le bail à l'issue de la première période triennale par courrier remis en main propre en date du 2 janvier 2021, la SCI L'Oppidum lui a, par trois actes extra-judiciaires du 10 février 2022, signifié une sommation de quitter les lieux, une mise en demeure de mettre fin immédiatement à ce qu'elle considérait être une sous-location partielle des locaux loués à l'EIRL [O] avec sommation d'avoir à remettre une copie du contrat de sous-location allégué, ainsi qu'une sommation de déguerpir sous huit jours des locaux litigieux.

Aucune suite n'ayant été donnée à ces actes, la SCI L'Oppidum a porté le présent litige devant le tribunal arbitral de Perpignan, aux fins d'obtenir l'expulsion de la SASU Les Terrasses de [Localité 5] ainsi que de tous occupants de son chef.

La sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2023 par le tribunal arbitral de Perpignan :

rejette la demande de la SCI L'Oppidum de validation du congé du 2 janvier 2021 et les demandes induites,

qualifie de contrat de sous-location la mise à disposition de l'EIRL [O] par la SASU Les Terrasses de [Localité 5] moyennant une rémunération de 500 euros par mois des locaux de 77 m² du 1er juin 2021 au 1er septembre 2022,

juge que ce contrat de sous-location d'une durée de 15 mois n'a pas reçu le consentement exprès de la SCI L'Oppidum requis, laquelle SCI n'a pas été appelée à concourir à l'acte, le tout en violation des stipulations du bail du 23 juillet 2018 et de l'article L. 145-31 alinéa 2 du code de commerce,

juge que l'activité de courtage et d'agence générale d'assurance exercée par l'ElRL [O] du 1er juin 2021 au 1er septembre 2022 constituait une contravention à la clause de destination du bail commercial,

prononce en conséquence la résiliation du bail commercial du 23 juillet 2018 aux torts exclusifs de la SASU Les Terrasses de [Localité 5] en application des articles 1728 1° et 1741 du code civil pour manquements graves aux clauses du bail,

accorde à la SASU Les Terrasses de [Localité 5] un délai de grâce jusqu'au 30 septembre 2023 pour libérer les lieux par remise des clefs et établissement d'un état des lieux contradictoire de sortie,

ordonne l'expulsion de la SASU Les Terrasses de [Localité 5] et de tous occupants de son chef des lieux litigieux (sis à [Adresse 1]) sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 30 septembre 2023,

condamne la SASU Les Terrasses de [Localité 5] à payer à la SCI L'Oppidum une indemnité mensuelle d'occupation de 600 euros, charges en sus, à compter de la présente sentence et jusqu'au 30 septembre 2023,

condamne la SASU Les Terrasses de [Localité 5] à payer à la SCI L'Oppidum la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

condamne la SASU Les Terrasses de [Localité 5] à supporter les entiers frais et dépens de la procédure d'arbitrage en ce compris les honoraires des arbitres s'élevant à 7.575 euros ainsi que les actes d'huissier du 10 février 2022 constituant les pièces n°4, 5 et 6 produites par la SCI L'Oppidum (PV de constat, mise en demeure avec sommation et sommation de déguerpir),

assortit la sentence de l'exécution provisoire,

rejette les demandes reconventionnelles de la SASU Les Terrasses de [Localité 5],

rejette les demandes plus amples ou contraires de la SCI L'Oppidum.

Le tribunal arbitral déboute la SCI L'Oppidum de sa demande en validation du congé du 2 janvier 2021, relevant que la SASU Les Terrasses de [Localité 5] a tacitement renoncé audit congé dans la mesure où elle s'est maintenue dans les lieux après sa date d'effet, le 31 juillet 2021, pendant plus de six mois au vu et su de son bailleur, entre les mains duquel elle a continué à payer son loyer mensuel de 500 euros, sans protestation ou réserve de celui-ci.

Il retient que la SASU Les Terrasses de [Localité 5] est à l'origine d'une inexécution fautive, estimant que la mise à la disposition de l'EIRL [O] d'une partie des locaux litigieux pendant une durée de quinze mois, moyennant une contrepartie financière de 500 euros, doit être qualifiée de sous-location contrevenant au bail, dans la mesure où elle excède douze mois sans que le consentement de la SCI L'Oppidum n'ait été obtenu. Le tribunal arbitral constate également que la SASU Les Terrasses de [Localité 5] a commis un second manquement dès lors que l'activité de courtage et d'agence générale d'assurance exercée par l'EIRL [O] dans les locaux est radicalement différente de la destination autorisée par le bail et ne rentre pas dans l'objet social de la SASU.

La SASU Les Terrasses De [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice, a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 24 janvier 2023.

Dans ses dernières conclusions du 4 août 2023, la SASU Les Terrasses De [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

annuler et réformer purement et simplement la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2023,

condamner la SCI L'Oppidum à payer à la SASU Les Terrasses de [Localité 5] la somme de 160.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait de la mise en 'uvre de la sentence arbitrale revêtue de l'exécution provisoire,

débouter la SCI L'Oppidum de toutes ses demandes,

condamner la SCI L'Oppidum à payer à la SASU Les Terrasses de [Localité 5] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

En substance, la SASU Les Terrasses de [Localité 5] soutient que le tribunal arbitral a violé le principe du contradictoire. Ainsi, elle expose qu'elle n'a jamais été informée d'une demande du tribunal tendant à la production d'un document comptable attestant des modalités de comptabilisation des virements mensuels de 500 euros, alors même que le dossier a été jugé sur cet unique point de litige qui n'a pas été débattu contradictoirement, le tribunal arbitral s'appuyant sur l'absence de production de ce document pour requalifier la mise à disposition des locaux en contrat de sous-location. Elle ajoute, au visa de l'article 444 du code de procédure civile, que le juge ne peut fonder sa décision sur des documents fournis en cours de délibéré à la demande d'un magistrat sans procéder à une réouverture des débats, et que le tribunal arbitral ne pouvait tirer des conclusions de l'absence de ces pièces qui restaient au demeurant à préciser et dont la fourniture ne lui avait pas été réclamée. Par ailleurs, elle indique, au visa de l'article 12 du code de procédure civile, que le tribunal ne pouvait passer outre la qualification de mise à disposition qui était parfaitement reconnue entre elle et l'EIRL [G] [O] et précise que le preneur est autorisé à des mises à disposition les plus étendues sans aucune restriction. De plus, elle considère que l'argumentation du tribunal arbitral tenant à la violation de la clause du bail relative à la sous-location est dénuée de tout fondement.

Critiquant la sentence arbitrale, la SASU Les Terrasses de [Localité 5] observe encore que le tribunal arbitral a fondé la résiliation du bail sur les dispositions combinées des articles 1728 1° et 1741 du code civil, alors même que c'est sur la proposition d'un arbitre que ces fondements juridiques ont été mis en débat à l'audience et ratifiés oralement par la SCI L'Oppidum qui fondait jusqu'alors sa demande subsidiaire sur les dispositions de l'article L. 145-31 alinéa 2 du code de commerce, et considère, soulignant que la sentence arbitrale ne fait pas référence à ces dernières dispositions, qu'une réouverture des débats s'imposait pour qu'elle puisse faire part de ses observations. A ce propos, elle relève que si le tribunal arbitral n'a pas l'obligation de soumettre au préalable l'argumentation juridique qui étaye sa motivation à la discussion des parties, il doit cependant respecter le principe de la contradiction, et note que contrairement à l'article L. 145-31 du code de commerce, les dispositions des articles 1728 et 1741 du code civil ne sanctionnent pas une sous-location interdite. Elle ajoute que la sentence arbitrale fait apparaître, concernant les fondements, une contradiction puisqu'en page 4, il est indiqué que Me Donnève a précisé, à la demande des arbitres, que sa demande subsidiaire en résiliation du bail commercial était fondée sur les dispositions combinées des articles 1728 et 1741 précités alors qu'en page 8, il est mentionné que c'est bien un contrat de sous-location qui a été conclu en violation de l'article L. 145-31 alinéa 2 du code de commerce, et soutient, au vu de l'ensemble de ces éléments, qu'elle n'a pas été en mesure de s'expliquer sur ce moyen dont les arbitres se sont emparés en cours de délibéré.

En dernier lieu, l'appelante expose, rappelant que l'exécution provisoire se fait aux risques et périls de celui qui la poursuit, qu'elle a été expulsée des locaux sans qu'il n'y ait jamais rien eu à lui reprocher, et que le bailleur doit être tenu de l'indemniser au titre du préjudice et de la perte du fonds intervenue.

Dans ses dernières conclusions du 5 février 2025, la SCI L'Oppidum, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :

rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

constater l'absence de violation du principe du contradictoire par le tribunal arbitral,

débouter la SASU Les Terrasses de [Localité 5] de sa demande d'annulation de la sentence arbitrale rendue le 04 janvier 2023,

A titre très subsidiaire,

débouter la SASU Les Terrasses de [Localité 5] de l'ensemble de ses prétentions d'indemnisation du préjudice subi du fait de l'exécution provisoire de la sentence arbitrale,

A titre infiniment subsidiaire,

prononcer la requalification de la mise à disposition du local en contrat de sous-location au bénéfice de l'EIRL [O],

constater les manquements graves aux dispositions du contrat de bail commercial imputables à la SASU Les Terrasses de [Localité 5],

prononcer la résiliation du bail commercial aux torts du preneur,

ordonner l'expulsion de la SASU Les Terrasses de [Localité 5] ainsi que de tous occupants de son chef sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et avec au besoin le concours de la force publique,

condamner la SASU Les Terrasses de [Localité 5] au paiement des loyers commerciaux, charges et indemnités d'occupation restant dus,

condamner la SASU Les Terrasses de [Localité 5] à verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SCI L'Oppidum fait valoir pour l'essentiel que le tribunal arbitral a satisfait au principe de la contradiction telle qu'énoncé à l'article 1492 du code de procédure civile. Elle souligne que l'argumentation développée par la SASU Les Terrasses de [Localité 5] tenant à la question de la production de documents comptables attestant des modalités de comptabilisation des virements mensuels de 500 euros n'est pas fondée puisque dans les motifs de sa décision, le tribunal arbitral ne fait aucunement référence à un document comptable relatif aux modalités de comptabilisation des virements mensuels de 500 euros pour justifier sa décision. Elle indique encore que la SASU Les Terrasses de [Localité 5] a reconnu oralement et contradictoirement à l'audience avoir perçu un loyer de 500 euros de la part de M. [O] et a adressé une attestation d'ordre de virement conforme à ses déclarations, de sorte que c'est sur la base de ce postulat non contesté que le tribunal arbitral a qualifié le contrat de mise à disposition comme contrat de sous-location, l'ensemble de ses éléments constitutifs étant réunis. Elle souligne également que ce dernier n'avait pas besoin de soumettre au préalable les motifs de sa décision à la discussion des parties et que la question de la sous-location a été amplement débattue, contrairement à ce qui est soutenu, l'appelante ayant pu faire valoir dans ses mémoires qu'il s'agissait d'une mise à disposition temporaire d'un local de 50 m² et non d'un contrat de sous-location, et soutient qu'aucune réouverture des débats n'était donc nécessaire, le tribunal n'ayant pas par ailleurs à solliciter des éclaircissements supplémentaires en l'état de l'attestation du preneur qui démontrait l'existence d'un loyer mensuel versé par M. [O] au preneur.

En outre, l'intimée expose que le grief allégué par la SASU Les Terrasses de [Localité 5] et tenant aux fondements juridiques mis en 'uvre est inopérant. Ainsi, elle indique qu'elle a toujours sollicité à titre subsidiaire la résiliation du bail et que l'appelante a eu la liberté de répondre à cette demande dont le fondement a été précisé à l'audience par son conseil. Elle ajoute que cette dernière en a donc eu parfaitement connaissance et pouvait en toute hypothèse présenter des observations lors de l'audience s'il devait y avoir une contestation quant au choix du fondement juridique de la résiliation. Elle précise que de surcroît, elle a toujours, contrairement à ce qui est soutenu, demandé la résiliation du bail sur le fondement des articles 1728 et 1741 du code civil et que la contradiction alléguée est sans incidence, relevant par ailleurs que la sentence arbitrale ne se fonde pas uniquement sur ces dispositions mais également sur celles de l'article L. 145-7 du code de commerce interdisant expressément la conclusion d'un contrat de sous-location sans le consentement du bailleur. Elle souligne également qu'elle avait visé au sein de son mémoire la clause résolutoire du bail applicable notamment en cas de non-respect par le preneur de la clause de destination, ce qui était le cas en l'espèce, et qu'il n'y avait pas lieu, de ce chef, à rouvrir les débats, la partie adverse ayant pu valablement y répondre lors de l'échange des mémoires et à l'audience.

Par ailleurs, la SCI L'Oppidum soutient, à titre subsidiaire, que la demande d'indemnisation ne repose sur aucun fondement juridique, ce qui justifie son rejet, et fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que la demande de résiliation du bail commercial est bien fondée. A ce propos, elle rappelle, au visa de l'article 1493 du code de procédure civile, que lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties. Elle considère que c'est à bon droit que le tribunal arbitral a procédé à une requalification de la mise à disposition en contrat de sous-location et a ordonné en conséquence la résiliation du contrat, compte tenu du manquement du preneur tenant au non-respect de l'article L. 145-31 alinéa 2 du code de commerce imposant que le bailleur soit appelé à l'acte. Elle ajoute qu'il ne pouvait être permis, quelles que soient les dispositions du bail commercial, une sous-location sans le consentement du propriétaire bailleur pour une destination totalement distincte de celle du bail commercial consenti initialement qui aurait rendu la sous-location irrégulière, M. [O] exerçant une activité d'agence générale d'assurance. Enfin, elle fait valoir que ni le code de commerce, ni le code civil n'imposent que le contrat de sous-location prenne la forme d'un écrit et que rien en conséquence n'empêchait la requalification opérée, l'activité d'agent général d'assurance ne pouvant de plus constituer un évènement professionnel tel qu'allégué.

Pour un rappel exhaustif des moyens des parties, il convient, par application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer à leurs dernières écritures notifiées par RPVA.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er septembre 2025.

MOTIFS

SUR L'ANNULATION DE LA SENTENCE ARBITRALE

Selon l'article 1489 du code de procédure civile, la sentence arbitrale n'est pas susceptible d'appel sauf volonté contraire des parties.

En l'occurrence, le bail commercial du 23 juillet 2018 régularisé entre la SCI L'Oppidum et la SASU Les Terrasses de [Localité 5] prévoit une convention d'arbitrage en cas de différend entre elles. Selon cette convention, les parties, du fait de leur soumission à celle-ci, renoncent à toute action, initiale ou reconventionnelle, devant les tribunaux de droit commun relativement au contrat de bail, ainsi qu'à former appel de la sentence arbitrale.

Par application des articles 1491 et 1492 du code de procédure civile, la sentence arbitrale peut cependant toujours faire l'objet d'un recours en annulation lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté, étant précisé, en application de l'article 1493 du même code, que lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties.

En outre, il sera rappelé que les arbitres n'ont pas à soumettre, préalablement au prononcé de leur sentence, leur raisonnement juridique à une discussion contradictoire, dès lors qu'il tient compte des éléments de fait et de droit qui avaient été débattus devant eux.

A titre liminaire, la cour relève que la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2023 ne fait pas l'objet de discussion, s'agissant du respect du principe du contradictoire, en ce qui concerne la question de la validité du congé du 2 janvier 2021 qui a été tranchée par la cour, et que le tribunal arbitral s'est prononcé dans la limite du litige qui lui était soumis, selon les courriers du 12 juillet 2022 des conseils des parties, excluant ainsi la question d'un éventuel manquement du preneur à son obligation d'entretien qui n'était pas compris dans le périmètre initial du litige.

Des mémoires des parties soutenus devant le tribunal arbitral, il ressort que la question de la qualification en sous-location ou mise à disposition d'une partie des locaux occupés par l'EIRL [O], et la question de la destination de ces locaux au regard des stipulations du bail du 23 juillet 2018, ont été contradictoirement débattues par les parties, celle-ci échangeant plusieurs mémoires. En outre, il sera observé, sur ce point, que les parties ont également pu débattre de la question de la superficie des locaux effectivement occupés par l'EIRL [O] au titre de son activité d'agence d'assurance.

Par ailleurs, il sera noté que les parties ont pu longuement s'expliquer devant le tribunal arbitral puisque l'audience de plaidoirie a duré 1 heure 25 selon les indications de la sentence arbitrale, Me [U], pour le compte de la SASU Les Terrasses de [Localité 5], complétant les termes de ses mémoires en faisant état du versement par l'EIRL [O] d'une somme de 500 euros par mois pour l'occupation des locaux.

Comme en justifie la SASU Les Terrasses de [Localité 5], son conseil a adressé en délibéré, à la demande du tribunal arbitral, ce qui n'est pas discuté, le justificatif de ce virement permanent de 500 euros par courrier du 9 décembre 2022. Et ainsi que le courrier le précise, cette pièce a été communiquée à la SCI L'Oppidum. Aussi, le principe du contradictoire a bien été respecté et la transmission de ce document, évoqué lors des débats, ne nécessitait pas une réouverture des débats, la SCI L'Oppidum qui en avait eu communication ne formulant en outre aucune observation le concernant dans le cadre du délibéré.

Dans sa sentence, le tribunal arbitral relève que si ce justificatif a bien été transmis, la SASU Les Terrasses de [Localité 5] et l'EIRL [O] n'ont pas en revanche, malgré la demande des arbitres, produit de documents comptables attestant des modalités de comptabilisation des virements mensuels de 500 euros.

Toutefois, il importe de relever que dans la motivation de sa sentence, le tribunal arbitral ne tire aucune conséquence du défaut de transmission de ces documents qui, selon la SASU Les Terrasses de [Localité 5], ne lui auraient pas été demandés, contrairement à ce qu'indique la sentence arbitrale. En outre, le fait que cette demande ait, selon les termes de cette sentence, également été adressée à l'audience à l'EIRL [O] qui a le même dirigeant que la SASU Les Terrasses de [Localité 5], alors même qu'elle n'a jamais été dans la cause, est sans incidence. Aussi, il n'y avait pas lieu à la réouverture des débats pour solliciter les explications des parties sur ce point et aucun manquement au principe du contradictoire n'est donc caractérisé de ce chef, observation étant faite que c'est dans le cadre de son pouvoir souverain que le tribunal arbitral a considéré, au vu du versement mensuel de 500 euros effectué par l'EIRL [O] et faisant justement application de l'article 12 du code de procédure civile, que la mise à disposition des locaux, pour une superficie de 77 m² qui avait elle-même été débattue, devait s'analyser en une sous-location.

Par ailleurs, il ressort de la sentence arbitrale qu'interrogée par les arbitres, la SCI L'Oppidum a indiqué lors de l'audience que sa demande subsidiaire tendant à la résiliation du bail était fondée sur les dispositions combinées des articles 1728 1° et 1741 du code civil. Cette demande de précision trouve son explication dans le fait que si dans son mémoire n°2, la SCI L'Oppidum faisait valoir que la SASU Les Terrasses de [Localité 5] avait manqué aux dispositions de l'article L. 145-31 du code de commerce faisant obligation au preneur, en cas de sous-location autorisée par le bail, d'appeler le bailleur à concourir à l'acte, elle soutenait également que celle-ci avait consenti une sous-location irrégulière dès lors que sa destination était, selon elle, totalement distincte de celle du bail, ce dernier élément justifiant de la même façon, sans toutefois qu'il ne soit fait expressément référence à des dispositions du code civil ou des dispositions autres du code de commerce, le prononcé de la résiliation du bail pour faute.

Il s'ensuit que les dispositions des articles 1728 1° et 1741 du code civil ont été évoquées contradictoirement lors des débats à l'audience de plaidoirie, et ce sans que la SASU Les Terrasses de [Localité 5], qui avait connaissance de l'ensemble des griefs, dont celui tenant au non-respect de la destination du bail, qui lui étaient reprochés et y avaient largement répondu dans ses écritures, ne fasse de remarques ni ne sollicite, le cas échéant, un renvoi pour formuler toutes observations qu'elle aurait pu estimer utiles ou une autorisation de déposer une note en délibéré.

Aussi, il n'est pas davantage démontré de manquement au principe du contradictoire du tribunal arbitral, lequel s'est fondé tant sur les dispositions de l'article L. 145-31 alinéa 2 du code de commerce que sur celles des articles 1728 1° et 1741 du code civil.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la SASU Les Terrasses de [Localité 5] sera déboutée de son action aux fins d'annulation de la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2023.

SUR LA DEMANDE EN DOMMAGES-INTERETS

La SASU Les Terrasses de [Localité 5] sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts dès lors qu'elle succombe en sa demande d'annulation de la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2023 et assortie de l'exécution provisoire.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

La SASU Les Terrasses de [Localité 5] sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En équité, une indemnité de 2.000 euros sera allouée à la SCI L'Oppidum.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

Déboute la SASU Les Terrasses de [Localité 5] de sa demande d'annulation de la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2023,

La déboute en outre de ses demandes en dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SASU Les Terrasses de [Localité 5] à payer à la SCI L'Oppidum la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SASU Les Terrasses de [Localité 5] aux entiers dépens.

La greffière Le président

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