CA Reims, ch.-1 civ. et com., 4 novembre 2025, n° 24/01315
REIMS
Arrêt
Autre
R.G. : N° RG 24/01315
- N° Portalis DBVQ-V-B7I-FRCC
ARRÊT N° 381
du : 04 novembre 2025
CDDS
S.A. Banque CIC est
c/
[P] [O]
[K] [O] épouse [O]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL MCMB
Me Sandy HARANT
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 11 juillet 2024 par le Tribunal de Commerce de Chalons-en-Champagne (RG 2023001270)
S.A. Banque CIC est
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Nathalie CAPELLI de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉS :
1°) Monsieur [P] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-003681 du 19/09/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])
2°) Madame [K] [O] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024002679 du 19/09/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])
Représentés par Maître Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Mme Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
Monsieur Kevin LECLERE VUE, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE :
Madame Lucie NICLOT, greffier lors des débats et Madame Lozie SOKY, greffier placé lors de la mise à disposition
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 novembre 2025, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 805 du code de procédure civile, Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre et Monsieur Kevin LECLERE VUE, conseiller, ont entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ces magistrats en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé Monsieur Kevin LECLERE VUE, conseiller, en remplacement de la présidente de chambre empêchée conformément à l'article 456 du code de procédure civile, et par Madame Lozie SOKY, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS
Par acte sous seing privé du 21 septembre 2018, la Banque CIC Est a consenti à la SARL Saveurs d'autrefois, représentée par M. et Mme [O], un prêt professionnel d'une durée de 82 mois pour un montant de 55 000 euros au taux de 2,3 %, en vue de l'achat d'un fonds de commerce de boulangerie à [Localité 5].
Ce prêt était garanti par :
- une garantie France Active FAG à hauteur de 65 %
- un cautionnement solidaire de M et Mme [O] à hauteur de 22 000 euros chacun.
La SARL Saveurs d'Autrefois a été immatriculée au RCS de [Localité 5] le 25 septembre 2018, avec mention d'un commencement d'activité au 27 septembre.
Par jugement du 15 décembre 2022, le tribunal de commerce de Châlons en Champagne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL Saveurs d'Autrefois. La date de cessation des paiements a été fixée au 1er janvier 2022.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 27 décembre 2022, la Banque a :
- déclaré sa créance au passif de la procédure pour un montant de 27 665,34 euros outre intérêts, à titre chirographaire.
- mis en demeure chacune des cautions de payer la somme de 22.000 euros outre intérêts.
Les débiteurs, par l'intermédiaire de leur conseil se sont opposés à la demande estimant que leurs engagements étaient disproportionnés, et ont proposé de régler la somme de 5 000 euros payable par mensualités de 100 euros.
Suivant exploit du 20 novembre 2023, la Banque CIC Est a fait assigner les époux [O] en paiement de la somme de 22 000 euros chacun, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 décembre 2022, et d'une indemnité de procédure.
Parallèlement la créance de la Banque CIC Est a été admise au passif de la procédure de la SARL Saveurs d'autrefois à titre chirographaire à hauteur de 27 665,34 euros, suivant décision du juge commissaire du 21 novembre 2023.
Par jugement du 11 juillet 2024, le tribunal de commerce de Chalons en Champagne a :
- déclaré que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription,
- déclaré que la caution peut faire face à ces engagements au jour de l'appel en paiement, et que l'engagement de caution manifestement disproportionné ne peut être sanctionné,
- déclaré que M. [P] [O] a la qualité de caution avertie,
- condamné M. [P] [O] en sa qualité de caution au paiement de 12 894,20 euros, soit 50% des 25 788,40 euros du solde restant dû sur l'emprunt suivant le décompte du 06/11/2023 de la banque CIC Est, ainsi que les intérêts au taux contractuel 1,6 % l'an à compter de la date de la déchéance du prêt jusqu'à parfait paiement,
- déclaré que Mme [B] [O] n'avait pas la qualité de caution avertie,
- déchargé Madame [B] [O] de ses engagements de cautions,
- débouté la banque CIC Est de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- autorisé M. [O] à s'acquitter de sa dette par 24 versements mensuels égaux le premier ayant lieu dans les trente jours de la signification du présent jugement et que, faute pour lui de payer à une bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible.
- déclaré que chaque partie conservera à sa charge ses dépens.
La Banque CIC Est a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 août 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2025, elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription,
* condamné M. [O] en sa qualité de caution au paiement de 12 894,20 euros, soit 50% des 25 788,40 euros du solde restant dû sur l'emprunt suivant le décompte du 06/11/2023 de la Banque CIC Est, ainsi que les intérêts au taux contractuel 1,6 % l'an à compter de la date de la déchéance du prêt jusqu'à parfait paiement,
* déclaré que Mme [O] n'avait pas la qualité de caution avertie,
* déchargé Madame [O] de ses engagements de cautions,
* débouté la Banque CIC Est de sa demande de frais de procédure,
* autorisé M. [O] à s'acquitter de sa dette par 24 versements mensuels égaux le premier ayant lieu dans les trente jours de la signification du jugement et que, faute pour lui de payer à une bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible.
* déclaré que chaque partie conservera à sa charge ses dépens
Statuant à nouveau :
- condamner M. [O] à payer à la Banque CIC Est la somme de 22 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 décembre 2022 jusqu'à parfait règlement,
- condamner Mme [J] épouse [O] à payer à la Banque CIC Est la somme de 22 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2022 jusqu'à parfait règlement,
- dire n'y avoir lieu d'accorder des délais de paiement aux débiteurs,
- débouter M. [O] et Mme [O] de l'ensemble de leurs éventuelles prétentions plus amples et contraires,
- déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes des époux [O] de limitations de condamnation et d'octroi de délais de paiement,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner in solidum M. [O] et Mme [O] à verser à la Banque CIC Est la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens sous le bénéfice de la distraction.
Elle fait valoir que l'engagement pris par les cautions au moment de la souscription du prêt n'était pas manifestement disproportionné au regard des informations mentionnées sur la fiche de renseignement patrimonial selon lesquelles les époux [O] disposaient d'un bien immobilier estimé à 140 000 euros dont il restait à financer 135 000 euros, de revenus annuels après charges de 10 016 euros, d'une épargne de 6 000 euros et d'un capital social de la SARL de 1 000 euros.
Elle ajoute que les capacités financières des époux [O] au jour de l'appel en caution leur permet de faire face à leurs engagements compte tenu de la valeur nette de leur patrimoine immobilier (43 304 euros) et de leurs salaires déclarés (1 500 et 1 000 euros mensuels).
Elle conteste toute responsabilité pour manquements à ses obligations soutenant que M. et Mme [O] sont tous deux des cautions averties, auxquelles il n'est donc pas due de mise en garde particulière, compte tenu de leur expérience de gestion de la boulangerie-pâtisserie au sein de laquelle ils ont travaillé comme entrepreneur et conjoint collaborateur de 2008 à 2017.
Elle estime que les intimés, auxquels la charge de la preuve de la disproportion appartient, ne démontrent pas qu'au jour de la souscription de leur engagement celui-ci n'était pas adapté à leur capacités financières ou présentait un risque d'endettement né de l'octroi d'un prêt inadapté aux capacités de la société emprunteuse.
S'agissant des informations dues sur la garantie France Active FAG, que de telles informations sont dues à l'emprunteur et non aux cautions, et qu'en tout état de cause les termes du contrat étaient clairs et compréhensibles.
Sur les condamnations à prononcer, elle précise qu'afin d'en évaluer le montant il convient de prendre en compte les montants des engagements de caution de 22 000 euros, et que la garantie France Active ne bénéficie qu'au prêteur, c'est à dire qu'elle a vocation à s'appliquer lorsque la banque n'a plus aucun recours pour recouvrer les sommes dues.
Elle reproche par ailleurs au juge d'avoir accordé des délais de paiement qui n'étaient pas demandés.
La banque invoque enfin le caractère nouveau des demandes tenant au non -respect par la banque de son obligation d'information annuelle de la caution, et à l'octroi de délais de paiement. Elle précise à cet égard que la demande de délais de paiement, qui a pour vocation de permettre le règlement des sommes dues et non d'en réduire le montant, n'est ni accessoire ni complémentaire aux prétentions relatives à la disproportion du cautionnement ou à l'engagement de la responsabilité de l'établissement bancaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2025 M. et Mme [O] demandent à la cour de :
- réformer dans toute la mesure utile le jugement,
- les décharger de leurs engagements de cautions à l'égard de la SA Banque CIC Est dans la mesure où les cautionnements donnés excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et leur patrimoine,
En conséquence
- débouter la SA Banque CIC Est de l'intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner la SA Banque CIC Est à leur régler des dommages-intérêts correspondant au montant des sommes sollicitées par la banque au titre des engagements de cautions dans la mesure où :
* la banque a engagé sa responsabilité à l'égard des cautions en ne les alertant pas sur les
risques liés à l'endettement résultant des engagements de cautions souscrits et en n'alertant pas les concluants alors que l'endettement de la société Saveurs d'autrefois dépassait ses capacités de remboursement,
* la banque ne produit aux débats aucun élément permettant de justifier de son obligation de mise en garde.
- ordonner la compensation judiciaire entre les sommes dues,
En conséquence,
- débouter la SA Banque CIC Est de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- limiter les demandes de condamnation de la SA Banque CIC Est à la somme de 10 139,95 euros compte tenu de la déchéance des intérêts contractuels résultant de l'absence de preuve du respect de l'obligation d'information annuelle à l'égard de la caution
- rejeter la demande d'irrecevabilité présentée par la SA Banque CIC Est à l'encontre de la demande des concluants formée à titre subsidiaire afin d'obtenir la confirmation des délais de paiement octroyés par les premiers juges, dans la mesure où cette demande tient compte de l'évolution du litige et n'est que l'accessoire de la demande de limitation des poursuites présentée en première instance
- leur accorder les plus larges délais de paiement et leur permettre de s'acquitter des condamnations pouvant être prononcées contre eux en 24 mensualités,
- condamner enfin la SA Banque CIC Est au paiement des entiers dépens tant de première instance que d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle,
S'il était fait droit aux demandes du CIC Est,
- débouter la Banque CIC Est de sa demande compte tenu de la situation financière précaire des
concluants.
Ils affirment le caractère disproportionné de leurs engagements de caution.
Ils font valoir que selon les termes du contrat, les montants de leurs engagements s'ajoutent pour totaliser 44 000 euros.
Ils font état de revenus annuels pour 2017 de 119 euros, au lieu des revenus indiqués sur la fiche patrimoniale qui incluaient selon eux les revenus escomptés de l'activité de la SARL Saveurs d'autrefois, d'une épargne de 6 000 euros, d'un patrimoine immobilier d'une valeur nette (déduction faite des sommes restant à rembourser) de 5 000 euros, et concluent, en ajoutant la valeur du capital social de la SARL Saveur d'autrefois, à des revenus nets de 12 119 euros lors de la souscription des cautionnements, établissant ainsi une disproportion entre le montant du cautionnement et leurs capacités financières.
Ils plaident qu'il appartient à la banque de démontrer le retour à meilleure fortune des cautions au moment où elles sont appelées, qu'ils avaient tout investi dans leur société qui a été liquidée. Ils soulignent qu'ils bénéficient de l'aide juridictionnelle totale, et que la banque, faute de produire l'évaluation actuelle de leur bien immobilier, ne démontre pas la valeur de leur patrimoine immobilier.
Les époux [O] invoquent par ailleurs un manquement de la banque à son devoir de mise en garde relatif au risque d'endettement envers la caution.
Ils nient avoir eu la moindre expérience en matière comptable et financière et font état de l'application large par la Cour de cassation du devoir de mise en garde des établissements bancaires, la qualité de dirigeant de société ne suffisant pas à qualifier la caution d'avertie.
Ils évoquent, outre l'emprunt de 55 000 euros souscrit par leur société auprès du CIC, un crédit-bail auprès de ce même établissement pour le financement d'un four d'un montant de 23 940 euros, et d'un chiffre d'affaires insuffisant pour faire face aux charges de ces crédits, obligeant les associés à soutenir l'activité par des apports en compte courant et des faibles rémunérations.
Ils reprochent également à la banque CIC Est de ne pas les avoir informés sur le caractère subsidiaire de la garantie France Active FAG.
Ils soutiennent qu'ils auraient abandonné leur projet si la banque, en sa qualité de professionnel, les avait avertis des risques pris.
Ils ajoutent que la banque ne démontre pas avoir rempli son obligation d'information annuelle de la caution par l'envoi de courriers recommandés tel qu'exigé par la Cour de cassation, et sollicite par conséquent la déchéance des intérêts de la dette en application de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. Ils en concluent que l'ensemble des paiements effectués par la société Saveurs d'Autrefois au titre des intérêts de l'emprunt doivent être réputés avoir servi à rembourser le principal, réduisant d'autant le montant des sommes restant dues.
Ils sollicitent enfin des délais de paiement, estimant que cette demande ne résulte que d'une évolution du litige, compte tenu de la décision rendue par les premiers juges, qui en a accordé et dont ils demandent confirmation sur ce point.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 22 septembre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article L.332-1 du code de la consommation, applicable au litige à raison de la date de conclusion du contrat, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il est ainsi mis à la charge du créancier professionnel une obligation de vérification des moyens financiers de la caution au moment de son engagement dont le non-respect est sanctionné par la déchéance totale de la sûreté.
Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de démontrer l'existence de cette disproportion au moment de la souscription de son engagement. De son coté le créancier professionnel, qui souhaite se prévaloir du cautionnement disproportionné, doit démontrer le retour à meilleure fortune de ladite caution au moment où elle est appelée.
En l'espèce il ressort de la fiche patrimoniale de renseignement établie lors de l'engagement de caution des époux [O] qu'ils ont déclaré être propriétaires de leur logement et que M. disposait d'un revenu mensuel de 1 400 euros tandis que Mme bénéficiait d'allocations de la CAF d'un montant mensuel de 300 euros. Ils ont encore déclaré au titre des crédits en cours un prêt immobilier courant sur 16 ans dont les échéances s'élevaient à 6 384 euros par an.
S'agissant de leur patrimoine ils ont indiqué que leur maison avait une valeur estimée à 140 000 euros mais qu'il leur restait devoir au titre du prêt immobilier la somme de 135 000 euros. Ils ont encore déclaré disposer d'une épargne de 6 000 euros.
Compte tenu de ces éléments il apparaît que les engagements de caution des époux [O] à hauteur de 22 000 euros chacun étaient manifestement disproportionnés au moment où ils ont été souscrits et il appartient à la banque CIC Est, qui souhaite se prévaloir de ces cautionnements disproportionnés, de démontrer leur retour à meilleure fortune leur permettant maintenant de faire face auxdits engagements de caution.
La banque CIC Est fait valoir que les époux [O] peuvent faire face à leurs engagements de caution dans la mesure où ils bénéficient d'un patrimoine immobilier de 43 304 euros et que M. [O] perçoit un salaire de 1 500 euros par mois tandis que son épouse perçoit un salaire de 1 000 euros.
Force est cependant de constater que la banque ne produit aucune pièce établissant la réalité de ces affirmations et notamment s'agissant de l'évaluation de la maison d'habitation des intimés grevée d'un emprunt immobilier. Il est par ailleurs constant que les époux [O] bénéficient de l'aide juridictionnelle totale.
Il en résulte que la banque CIC Est échoue à rapporter la preuve que le patrimoine et les revenus des époux [O] leur permettent de faire face au paiement des sommes qui leur sont réclamées au titre de leur engagement de caution. Dès lors la banque CIC Est doit être déboutée de sa demande en paiement des engagements de caution des époux [O], le jugement étant infirmé sauf en ce qu'il déclare que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription et en ce qu'il décharge Mme [O] de son engagement de caution.
La banque CIC Est étant déboutée de ses demandes en paiement en raison de la disproportion des engagements de caution, les demandes reconventionnelles des époux [O] fondées sur le manquement au devoir d'information et de mise en garde de la banque ainsi que celle tendant à l'échelonnement de la dette deviennent sans objet.
La banque CIC Est qui succombe en son recours doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est nécessairement mal fondée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription et en ce qu'il a déchargé Mme [O] de son engagement de caution ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés ;
Déboute la Banque CIC Est de ses demandes en paiement dirigées contre les époux [O] au titre de leur engagement de caution ;
Condamne la Banque CIC Est aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux règles aplicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffier Le conseiller
- N° Portalis DBVQ-V-B7I-FRCC
ARRÊT N° 381
du : 04 novembre 2025
CDDS
S.A. Banque CIC est
c/
[P] [O]
[K] [O] épouse [O]
Formule exécutoire le :
à :
la SELARL MCMB
Me Sandy HARANT
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 11 juillet 2024 par le Tribunal de Commerce de Chalons-en-Champagne (RG 2023001270)
S.A. Banque CIC est
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître Nathalie CAPELLI de la SELARL MCMB, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉS :
1°) Monsieur [P] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-003681 du 19/09/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])
2°) Madame [K] [O] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024002679 du 19/09/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 6])
Représentés par Maître Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Mme Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre
Madame Sandrine PILON, conseillère
Monsieur Kevin LECLERE VUE, conseiller
GREFFIER D'AUDIENCE :
Madame Lucie NICLOT, greffier lors des débats et Madame Lozie SOKY, greffier placé lors de la mise à disposition
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 novembre 2025, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 805 du code de procédure civile, Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre et Monsieur Kevin LECLERE VUE, conseiller, ont entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ces magistrats en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé Monsieur Kevin LECLERE VUE, conseiller, en remplacement de la présidente de chambre empêchée conformément à l'article 456 du code de procédure civile, et par Madame Lozie SOKY, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS
Par acte sous seing privé du 21 septembre 2018, la Banque CIC Est a consenti à la SARL Saveurs d'autrefois, représentée par M. et Mme [O], un prêt professionnel d'une durée de 82 mois pour un montant de 55 000 euros au taux de 2,3 %, en vue de l'achat d'un fonds de commerce de boulangerie à [Localité 5].
Ce prêt était garanti par :
- une garantie France Active FAG à hauteur de 65 %
- un cautionnement solidaire de M et Mme [O] à hauteur de 22 000 euros chacun.
La SARL Saveurs d'Autrefois a été immatriculée au RCS de [Localité 5] le 25 septembre 2018, avec mention d'un commencement d'activité au 27 septembre.
Par jugement du 15 décembre 2022, le tribunal de commerce de Châlons en Champagne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL Saveurs d'Autrefois. La date de cessation des paiements a été fixée au 1er janvier 2022.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 27 décembre 2022, la Banque a :
- déclaré sa créance au passif de la procédure pour un montant de 27 665,34 euros outre intérêts, à titre chirographaire.
- mis en demeure chacune des cautions de payer la somme de 22.000 euros outre intérêts.
Les débiteurs, par l'intermédiaire de leur conseil se sont opposés à la demande estimant que leurs engagements étaient disproportionnés, et ont proposé de régler la somme de 5 000 euros payable par mensualités de 100 euros.
Suivant exploit du 20 novembre 2023, la Banque CIC Est a fait assigner les époux [O] en paiement de la somme de 22 000 euros chacun, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 décembre 2022, et d'une indemnité de procédure.
Parallèlement la créance de la Banque CIC Est a été admise au passif de la procédure de la SARL Saveurs d'autrefois à titre chirographaire à hauteur de 27 665,34 euros, suivant décision du juge commissaire du 21 novembre 2023.
Par jugement du 11 juillet 2024, le tribunal de commerce de Chalons en Champagne a :
- déclaré que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription,
- déclaré que la caution peut faire face à ces engagements au jour de l'appel en paiement, et que l'engagement de caution manifestement disproportionné ne peut être sanctionné,
- déclaré que M. [P] [O] a la qualité de caution avertie,
- condamné M. [P] [O] en sa qualité de caution au paiement de 12 894,20 euros, soit 50% des 25 788,40 euros du solde restant dû sur l'emprunt suivant le décompte du 06/11/2023 de la banque CIC Est, ainsi que les intérêts au taux contractuel 1,6 % l'an à compter de la date de la déchéance du prêt jusqu'à parfait paiement,
- déclaré que Mme [B] [O] n'avait pas la qualité de caution avertie,
- déchargé Madame [B] [O] de ses engagements de cautions,
- débouté la banque CIC Est de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- autorisé M. [O] à s'acquitter de sa dette par 24 versements mensuels égaux le premier ayant lieu dans les trente jours de la signification du présent jugement et que, faute pour lui de payer à une bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible.
- déclaré que chaque partie conservera à sa charge ses dépens.
La Banque CIC Est a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 août 2024.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2025, elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription,
* condamné M. [O] en sa qualité de caution au paiement de 12 894,20 euros, soit 50% des 25 788,40 euros du solde restant dû sur l'emprunt suivant le décompte du 06/11/2023 de la Banque CIC Est, ainsi que les intérêts au taux contractuel 1,6 % l'an à compter de la date de la déchéance du prêt jusqu'à parfait paiement,
* déclaré que Mme [O] n'avait pas la qualité de caution avertie,
* déchargé Madame [O] de ses engagements de cautions,
* débouté la Banque CIC Est de sa demande de frais de procédure,
* autorisé M. [O] à s'acquitter de sa dette par 24 versements mensuels égaux le premier ayant lieu dans les trente jours de la signification du jugement et que, faute pour lui de payer à une bonne date une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible.
* déclaré que chaque partie conservera à sa charge ses dépens
Statuant à nouveau :
- condamner M. [O] à payer à la Banque CIC Est la somme de 22 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 décembre 2022 jusqu'à parfait règlement,
- condamner Mme [J] épouse [O] à payer à la Banque CIC Est la somme de 22 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2022 jusqu'à parfait règlement,
- dire n'y avoir lieu d'accorder des délais de paiement aux débiteurs,
- débouter M. [O] et Mme [O] de l'ensemble de leurs éventuelles prétentions plus amples et contraires,
- déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes des époux [O] de limitations de condamnation et d'octroi de délais de paiement,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner in solidum M. [O] et Mme [O] à verser à la Banque CIC Est la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens sous le bénéfice de la distraction.
Elle fait valoir que l'engagement pris par les cautions au moment de la souscription du prêt n'était pas manifestement disproportionné au regard des informations mentionnées sur la fiche de renseignement patrimonial selon lesquelles les époux [O] disposaient d'un bien immobilier estimé à 140 000 euros dont il restait à financer 135 000 euros, de revenus annuels après charges de 10 016 euros, d'une épargne de 6 000 euros et d'un capital social de la SARL de 1 000 euros.
Elle ajoute que les capacités financières des époux [O] au jour de l'appel en caution leur permet de faire face à leurs engagements compte tenu de la valeur nette de leur patrimoine immobilier (43 304 euros) et de leurs salaires déclarés (1 500 et 1 000 euros mensuels).
Elle conteste toute responsabilité pour manquements à ses obligations soutenant que M. et Mme [O] sont tous deux des cautions averties, auxquelles il n'est donc pas due de mise en garde particulière, compte tenu de leur expérience de gestion de la boulangerie-pâtisserie au sein de laquelle ils ont travaillé comme entrepreneur et conjoint collaborateur de 2008 à 2017.
Elle estime que les intimés, auxquels la charge de la preuve de la disproportion appartient, ne démontrent pas qu'au jour de la souscription de leur engagement celui-ci n'était pas adapté à leur capacités financières ou présentait un risque d'endettement né de l'octroi d'un prêt inadapté aux capacités de la société emprunteuse.
S'agissant des informations dues sur la garantie France Active FAG, que de telles informations sont dues à l'emprunteur et non aux cautions, et qu'en tout état de cause les termes du contrat étaient clairs et compréhensibles.
Sur les condamnations à prononcer, elle précise qu'afin d'en évaluer le montant il convient de prendre en compte les montants des engagements de caution de 22 000 euros, et que la garantie France Active ne bénéficie qu'au prêteur, c'est à dire qu'elle a vocation à s'appliquer lorsque la banque n'a plus aucun recours pour recouvrer les sommes dues.
Elle reproche par ailleurs au juge d'avoir accordé des délais de paiement qui n'étaient pas demandés.
La banque invoque enfin le caractère nouveau des demandes tenant au non -respect par la banque de son obligation d'information annuelle de la caution, et à l'octroi de délais de paiement. Elle précise à cet égard que la demande de délais de paiement, qui a pour vocation de permettre le règlement des sommes dues et non d'en réduire le montant, n'est ni accessoire ni complémentaire aux prétentions relatives à la disproportion du cautionnement ou à l'engagement de la responsabilité de l'établissement bancaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2025 M. et Mme [O] demandent à la cour de :
- réformer dans toute la mesure utile le jugement,
- les décharger de leurs engagements de cautions à l'égard de la SA Banque CIC Est dans la mesure où les cautionnements donnés excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et leur patrimoine,
En conséquence
- débouter la SA Banque CIC Est de l'intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner la SA Banque CIC Est à leur régler des dommages-intérêts correspondant au montant des sommes sollicitées par la banque au titre des engagements de cautions dans la mesure où :
* la banque a engagé sa responsabilité à l'égard des cautions en ne les alertant pas sur les
risques liés à l'endettement résultant des engagements de cautions souscrits et en n'alertant pas les concluants alors que l'endettement de la société Saveurs d'autrefois dépassait ses capacités de remboursement,
* la banque ne produit aux débats aucun élément permettant de justifier de son obligation de mise en garde.
- ordonner la compensation judiciaire entre les sommes dues,
En conséquence,
- débouter la SA Banque CIC Est de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- limiter les demandes de condamnation de la SA Banque CIC Est à la somme de 10 139,95 euros compte tenu de la déchéance des intérêts contractuels résultant de l'absence de preuve du respect de l'obligation d'information annuelle à l'égard de la caution
- rejeter la demande d'irrecevabilité présentée par la SA Banque CIC Est à l'encontre de la demande des concluants formée à titre subsidiaire afin d'obtenir la confirmation des délais de paiement octroyés par les premiers juges, dans la mesure où cette demande tient compte de l'évolution du litige et n'est que l'accessoire de la demande de limitation des poursuites présentée en première instance
- leur accorder les plus larges délais de paiement et leur permettre de s'acquitter des condamnations pouvant être prononcées contre eux en 24 mensualités,
- condamner enfin la SA Banque CIC Est au paiement des entiers dépens tant de première instance que d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle,
S'il était fait droit aux demandes du CIC Est,
- débouter la Banque CIC Est de sa demande compte tenu de la situation financière précaire des
concluants.
Ils affirment le caractère disproportionné de leurs engagements de caution.
Ils font valoir que selon les termes du contrat, les montants de leurs engagements s'ajoutent pour totaliser 44 000 euros.
Ils font état de revenus annuels pour 2017 de 119 euros, au lieu des revenus indiqués sur la fiche patrimoniale qui incluaient selon eux les revenus escomptés de l'activité de la SARL Saveurs d'autrefois, d'une épargne de 6 000 euros, d'un patrimoine immobilier d'une valeur nette (déduction faite des sommes restant à rembourser) de 5 000 euros, et concluent, en ajoutant la valeur du capital social de la SARL Saveur d'autrefois, à des revenus nets de 12 119 euros lors de la souscription des cautionnements, établissant ainsi une disproportion entre le montant du cautionnement et leurs capacités financières.
Ils plaident qu'il appartient à la banque de démontrer le retour à meilleure fortune des cautions au moment où elles sont appelées, qu'ils avaient tout investi dans leur société qui a été liquidée. Ils soulignent qu'ils bénéficient de l'aide juridictionnelle totale, et que la banque, faute de produire l'évaluation actuelle de leur bien immobilier, ne démontre pas la valeur de leur patrimoine immobilier.
Les époux [O] invoquent par ailleurs un manquement de la banque à son devoir de mise en garde relatif au risque d'endettement envers la caution.
Ils nient avoir eu la moindre expérience en matière comptable et financière et font état de l'application large par la Cour de cassation du devoir de mise en garde des établissements bancaires, la qualité de dirigeant de société ne suffisant pas à qualifier la caution d'avertie.
Ils évoquent, outre l'emprunt de 55 000 euros souscrit par leur société auprès du CIC, un crédit-bail auprès de ce même établissement pour le financement d'un four d'un montant de 23 940 euros, et d'un chiffre d'affaires insuffisant pour faire face aux charges de ces crédits, obligeant les associés à soutenir l'activité par des apports en compte courant et des faibles rémunérations.
Ils reprochent également à la banque CIC Est de ne pas les avoir informés sur le caractère subsidiaire de la garantie France Active FAG.
Ils soutiennent qu'ils auraient abandonné leur projet si la banque, en sa qualité de professionnel, les avait avertis des risques pris.
Ils ajoutent que la banque ne démontre pas avoir rempli son obligation d'information annuelle de la caution par l'envoi de courriers recommandés tel qu'exigé par la Cour de cassation, et sollicite par conséquent la déchéance des intérêts de la dette en application de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. Ils en concluent que l'ensemble des paiements effectués par la société Saveurs d'Autrefois au titre des intérêts de l'emprunt doivent être réputés avoir servi à rembourser le principal, réduisant d'autant le montant des sommes restant dues.
Ils sollicitent enfin des délais de paiement, estimant que cette demande ne résulte que d'une évolution du litige, compte tenu de la décision rendue par les premiers juges, qui en a accordé et dont ils demandent confirmation sur ce point.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 2025 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 22 septembre.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article L.332-1 du code de la consommation, applicable au litige à raison de la date de conclusion du contrat, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il est ainsi mis à la charge du créancier professionnel une obligation de vérification des moyens financiers de la caution au moment de son engagement dont le non-respect est sanctionné par la déchéance totale de la sûreté.
Il appartient à la caution qui invoque la disproportion de démontrer l'existence de cette disproportion au moment de la souscription de son engagement. De son coté le créancier professionnel, qui souhaite se prévaloir du cautionnement disproportionné, doit démontrer le retour à meilleure fortune de ladite caution au moment où elle est appelée.
En l'espèce il ressort de la fiche patrimoniale de renseignement établie lors de l'engagement de caution des époux [O] qu'ils ont déclaré être propriétaires de leur logement et que M. disposait d'un revenu mensuel de 1 400 euros tandis que Mme bénéficiait d'allocations de la CAF d'un montant mensuel de 300 euros. Ils ont encore déclaré au titre des crédits en cours un prêt immobilier courant sur 16 ans dont les échéances s'élevaient à 6 384 euros par an.
S'agissant de leur patrimoine ils ont indiqué que leur maison avait une valeur estimée à 140 000 euros mais qu'il leur restait devoir au titre du prêt immobilier la somme de 135 000 euros. Ils ont encore déclaré disposer d'une épargne de 6 000 euros.
Compte tenu de ces éléments il apparaît que les engagements de caution des époux [O] à hauteur de 22 000 euros chacun étaient manifestement disproportionnés au moment où ils ont été souscrits et il appartient à la banque CIC Est, qui souhaite se prévaloir de ces cautionnements disproportionnés, de démontrer leur retour à meilleure fortune leur permettant maintenant de faire face auxdits engagements de caution.
La banque CIC Est fait valoir que les époux [O] peuvent faire face à leurs engagements de caution dans la mesure où ils bénéficient d'un patrimoine immobilier de 43 304 euros et que M. [O] perçoit un salaire de 1 500 euros par mois tandis que son épouse perçoit un salaire de 1 000 euros.
Force est cependant de constater que la banque ne produit aucune pièce établissant la réalité de ces affirmations et notamment s'agissant de l'évaluation de la maison d'habitation des intimés grevée d'un emprunt immobilier. Il est par ailleurs constant que les époux [O] bénéficient de l'aide juridictionnelle totale.
Il en résulte que la banque CIC Est échoue à rapporter la preuve que le patrimoine et les revenus des époux [O] leur permettent de faire face au paiement des sommes qui leur sont réclamées au titre de leur engagement de caution. Dès lors la banque CIC Est doit être déboutée de sa demande en paiement des engagements de caution des époux [O], le jugement étant infirmé sauf en ce qu'il déclare que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription et en ce qu'il décharge Mme [O] de son engagement de caution.
La banque CIC Est étant déboutée de ses demandes en paiement en raison de la disproportion des engagements de caution, les demandes reconventionnelles des époux [O] fondées sur le manquement au devoir d'information et de mise en garde de la banque ainsi que celle tendant à l'échelonnement de la dette deviennent sans objet.
La banque CIC Est qui succombe en son recours doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile est nécessairement mal fondée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré que les cautionnements souscrits par les époux [O] excédaient de manière disproportionnée leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription et en ce qu'il a déchargé Mme [O] de son engagement de caution ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés ;
Déboute la Banque CIC Est de ses demandes en paiement dirigées contre les époux [O] au titre de leur engagement de caution ;
Condamne la Banque CIC Est aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux règles aplicables en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffier Le conseiller