CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 4 novembre 2025, n° 23/02515
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2025
(n° / 2025, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02515 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHCGG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 janvier 2023 -Tribunal de commerce de Paris - RG n° 2019055830
APPELANT
Monsieur [T] [S]
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté et assisté de Me Yassine MAHARSI de la SELARL MY ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G567, substitué par Me Fadilla CANDAR, avocate au barreau de PARIS, toque : G567,
INTIMÉE
S.C.P. [9] , prise en la personne de Me [H] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [14], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 434 258 281, désignée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2016,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Assistée de Me Alice HERBRETEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, devant la cour, composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
La SA [14] ([11]), créée en janvier 2001, exploitait un fonds de commerce d'agence de voyages et activités annexes. Suite au rachat de la société par un pool d'investisseurs, dont faisait partie M.[S], puis à la démission de M.[R], M.[T] [S] en devenu le président le 31 janvier 2013.
Par jugement du 6 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur assignation d'un créancier, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SA [14], et fixé au 6 avril 2015 la date de cessation des paiements, soit 18 mois en arrière.
Invoquant une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros et des fautes de gestion du président, la SCP [9], en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [11], a fait assigner M.[S] devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité pour insuffisance d'actif et en sanction personnelle.
Par jugement du 17 janvier 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- jugé que M.[S] avait commis des fautes de gestion qui avaient contribué à l'insuffisance d'actif et l'a condamné à payer à SCP [9] prise en la personne de Maître [H] [V], ès qualités, la somme de 200.000 euros, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- jugé irrecevables les demandes formées à titre reconventionnel par M.[S] [S],
- débouté les parties de leurs 'autres demandes' et condamné M.[S] aux entiers dépens.
M.[S] a relevé appel de cette décision le 26 janvier 2023.
Par dernières conclusions d'appelants remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 avril 2023, M.[S] demande à la cour de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel, ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement ce qu'il a considéré qu'il avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et l'a condamné à payer à la SCP [9] prise en la personne de Maître [V] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens et ordonné l'exécution provisoire,
- juger qu'il n'a commis aucune faute de gestion qui aurait contribué à l'insuffisance d'actif de la société [14], qu'il a tout au plus commis de simples négligences dans la gestion de la société,
- en conséquence, juger qu'il n'y a lieu d'engager sa responsabilité et débouter la société [9] prise en la personne de Maître [V] de l'ensemble de ses demandes,
- en tout état de cause, condamner Maître [V], représentant la société [9] à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 juin 2023, la SCP [9], en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14], demande à la cour de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[S] de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la SCP [10] et/ou de Maître [V], jugé que M.[S] avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et en ce qu'il a condamné M.[S] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,
et en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire,
- débouter M.[S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement pour le surplus, statuant à nouveau, condamner M. [S] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société [13], sans que sa condamnation ne puisse être inférieure à la somme de 1.370.578,27 euros, le condamner à une mesure d'interdiction gérer pour une durée laissée à l'appréciation de la cour, condamner M.[S] à verser à la SCP [9] en la personne de Maître [V], ès qualités, la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis du 11 juillet 2023, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M.[S] à payer au liquidateur ès qualités, au titre de sa reponsabilité pour insuffisance d'actif, la somme de 200.000 euros.
SUR CE
Dans son assignation, la SCP [9], ès qualités, sollicitait la condamnation de M.[S] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif et le prononcé d'une interdiction de gérer. Appelant incident, le liquidateur reprend à hauteur d'appel ces deux demandes.
- Sur la sanction personnelle
Le liquidateur judiciaire demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner M.[S] à une mesure d'interdiction de gérer pour une durée qu'il laisse à l'appréciation de la cour.
Si la SCP [9] a saisi le tribunal à la fois d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif et en sanction personnelle à l'encontre M.[S], il ressort toutefois du jugement que le 16 septembre 2019 le ministère public avait également saisi le tribunal d'une requête en sanction personnelle à l'encontre de M.[T] [S], pris en sa qualité de président de la société [11], et que cette requête a été examinée à la même audience que l'action engagée par le liquidateur. Il n'a pas été procédé à une jonction entre les deux saisines. Le jugement dont appel se borne à rappeler cette situation dans sa motivation, et indique dans son dispositif qu'il déboute 'les parties de leurs autres demandes' ce dont il doit être déduit que le tribunal a débouté le liquidateur de sa demande en interdiction de gérer.
Ainsi que la cour l'avait autorisé, le conseil du liquidateur judiciaire a en cours de délibéré communiqué le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris, statuant sur la requête en sanction personnelle engagée par le ministère public à l'encontre de M.[T] [S], dont il ressort que M.[S] en sa qualité de dirigeant de la SA [14] a été condamné à une interdiction de gérer d'une durée de 6 ans sans exécution provisoire, le tribunal ayant retenu les griefs pris du défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, de la poursuite d'une activité déficitaire et d'un détournement d'actif. La cour ignore si ce jugement a fait l'objet d'un recours.
Dès lors que le tribunal a déjà prononcé dans un autre jugement une interdiction de gérer à l'encontre de M.[S], pris en sa qualité de président de la société [11], il ne peut à nouveau être statué sur le prononcé d'une telle sanction dans le cadre de l'action engagée parallélement par le liquidateur judiciaire. Dans cette configuration, la cour dira irrecevable la demande de la SCP [9] tendant à voir prononcer une interdiction de gérer.
- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Le liquidateur recherche la responsabilité pour insuffisance d'actif de M.[S] en sa qualité de président de droit de la société [11] à compter de janvier 2013 en se prévalant d'une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros et en lui reprochant de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, la poursuite de l'activité alors qu'elle était structurellement déficitaire et un manquement aux obligations fiscales et sociales.Il forme un appel incident afin de voir porter le montant de la condamnation à 1.370.578,27 euros.
M.[S] conteste toute faute de gestion, excédant la simple négligence, et tout lien avec l'insuffisance d'actif. Il expose liminairement que la société [11] n'ayant plus de dirigeant après la démission de M.[R] en janvier 2013, il a accepté de reprendre temporairement la tête de la société dans laquelle il avait investi 300.000 euros afin de la restructurer en mettant en place une politique de diminution des charges, qu'il ne s'est octroyé aucune rémunération de 2013 à 2016, que son action a permis de relancer l'activité de la société dès l'année 2014 et de réduire nettement le passif avant que le redressement ne soit stoppé par la crise touristique qui a suivi les attentats de novembre 2015 et ceux de 2016.
Selon l'article L 651-2 du code de commerce,'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée'.
Il incombe au liquidateur judiciaire d'établir l'existence d'une insuffisance d'actif, d'une ou plusieurs fautes de gestion ayant excédé la simple négligence et leur contribution à l'insuffisance d'actif.
Le liquidateur invoque une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros résultant d'un passif de 2.671.134,10 euros dont a été déduit l'actif recouvré s'élevant à 46.468,10 euros.
M.[S] reproche au liquidateur d'avoir majoré ce passif en ayant fait échouer les offres de reprise de la société. Il avait formé en première instance une demande reconventionnelle à l'encontre du liquidateur pour le voir condamner, au titre de sa responsabilité professionnelle, au paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, demande qui a déclarée irrecevable dans le cadre de l'instance en responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.
Aucune demande d'infirmation n'a été formée à l'encontre de la disposition du jugement ayant déclaré cette demande reconventionnelle irrecevable, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette question reconventionnelle, étant relevé qu'une action en responsabilité contre un liquidateur judiciaire ressort de la compétence du tribunal judiciaire et non du tribunal de commerce.
La cour retiendra en conséquence une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros correspondant au montant du passif dont il a été déduit l'actif recouvré.
- Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours
Le liquidateur soutient que le tribunal a définitivement fixé la date de cessation des paiements au 6 avril 2015, que la procédure collective a été ouverte sur assignation d'un créancier, que M.[S] n'a pas effectué de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours. Il relève qu'en menant de nombreuses négociations avec ses créanciers M.[S] reconnaît avoir eu connaissance des difficultés financières traversées par la société [11] et en déduit que la faute de gestion est caractérisée, a été commise sciemment, excède la simple négligence et a entraîné une augmentation du passif au cours de la période suspecte d'un montant de 513.399,52 euros.
Le ministère public considère également que cette faute est caractérisée, M.[S] ayant parfaitement conscience des difficultés traversées par la société dès 2015.
M.[S] objecte que la société n'était pas 'techniquement' en cessation des paiements compte tenu des négociations en cours avec les créanciers, ayant abouti à ce que les créances ne soient plus exigibles. Il expose ainsi:
- avoir conclu un protocole avec la société [15] aux termes duquel la créance d'un montant de 300.000 euros, contractée avant sa présidence, devait être apurée en 120 mensualités à compter du 1er juillet 2015, avec une franchise d'une année sur 2015-2016,
- avoir disposé d'une autorisation de découvert de 80.000 euros auprès de la [8] dès 2014 sans caution personnelle du dirigeant ni contre garantie, ce découvert ayant été maintenu jusqu'en août 2016, avant d'être remis en cause suite aux attentats de 2015 qui ont destabilisé la filière du tourisme,
- avoir conclu un accord relatif à la mise en place d'un moratoire avec l'URSSAF,
- qu'une procédure auprès de la commission des chefs de services financiers et des organismes de sécurité sociale en vue de l'étalement des dettes échues était également en cours de préparation à la suite de la crise du secteur touristique liée aux attentats,
- qu'en 2016 tous les autres prêts contractés par la société [11] ont été soldés soit, près de 200.000 euros remboursés en cinq ans.
Sur ce la cour
Le jugement d'ouverture du 6 octobre 2016 a définitivement fixé la date de cessation des paiements au 6 avril 2015. Cette date s'impose au juge de la sanction.
Il est constant que M.[S] n'a pas effectué de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours suivant le 6 avril 2015,ni d'ailleurs ultérieurement puisque la procédure collective a été ouverte sur assignation d'un créancier de la société [11].
Si l'absence de déclaration des paiements dans le délai légal constitue une faute de la part du dirigeant il reste à déterminer si, au cas présent, elle s'analyse ou non en une simple négligence, étant précisé que le critère 'sciemment' posé par l'article L.653-8 du code de commerce est un élément constitutif d'un grief susceptible d'être sanctionné par une interdiction de gérer, mais n'est pas nécessaire pour caractériser une faute de gestion.
Le liquidateur judiciaire ne conteste pas les allégations de M.[S] selon lesquelles la société [11] connaissait d'importantes difficultés financières avant qu'il n'en devienne le président. M.[S] s'était donné pour priorité de restructurer la société dont il était l'actionnaire majoritaire et dans laquelle il avait personnellement investi des fonds.
S'il ressort des comptes versés aux débats que les charges d'exploitation de la société [11] ont effectivement baissé sous la direction de M.[S] entre 2014 et 2015, celles-ci étant passées de 4.123.497 euros (exercice 2014) à 3.679.679 euros (exercice 2015), la situation de la société, en dépit de la réalisation d'un chiffre d'affaires en légère évolution (3.451.251 euros sur l'exercice 2014 et 3.535.188 euros sur l'exercice 2015) restait très obérée .
En effet, l'exercice 2014 a généré un résultat d'exploitation négatif de - 672.246 euros et celui de 2015 un résultat d'exploitation de -144.460 euros.
Si l'exercice 2014 s'est soldé par un bénéfice de 65.045 euros, cela ne tient qu'à un produit financier exceptionnel de 930.005 euros découlant de l'abandon d'une créance de l'actionnaire majoritaire ainsi qu'il sera exposé ci-après.
Aux 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, les capitaux propres de la société [11] étaient négatifs, de respectivement -1.466.561 euros et -1.522.28 euros.
Le 31 décembre 2014, M.[S] a établi un avenant à l'emprunt obligataire du 31 décembre 2013 qui avait été souscrit par la société [20] (société gérée par M.[S] et principal actionnaire de la société [11]) aux termes duquel pour tenir compte des difficultés économique importantes rencontrées par [11] et du fait que la restructuration des charges opérationnelles engagées sur deux ans (2014 et 2015) ne suffirait pas à stabiliser la société, la société [20] a accepté d'abandonner purement et simplement sa créance de 930.005 euros afin de soutenir la restructuration de la société.
Le 26 juin 2015, M.[S] a conclu au nom de la société [11] un protocole d'accord transactionnel avec la banque [16], faisant suite à l'assignation en paiement délivrée le 8 juillet 2014, aux termes duquel la société [11] qui reconnaissait devoir la somme de 74.526,07 euros outre intérêts et une indemnité d'exigibilité anticipée de 2.235,78 euros au titre d'un prêt consenti le 2 juin 2009, et la somme de 230.871,70 euros outre intérêts au titre du solde débiteur du compte courant, s'est engagée à régler à la banque pour solde de tout compte un montant de 300.000 euros en 120 mensualités à compter du 1er juillet 2015.
Si cet échéancier négocié avec la banque limitait, à date, le montant du passif exigible, il restait un important passif social et fournisseurs que M.[S] cherchait à restructurer pour un montant 750.000 euros. Il verse aux débats l'étude qu'il avait faite en 2016 dans le but de compléter d'ici fin 2016 les fonds propres de la société à hauteur de 1,5 million d'euros. Il souligne dans cette étude que la dette sociale était déjà importante avant la reprise de 2012, que de nombreux efforts ont été faits, mais que les événements exceptionnels de fin 2014, 2015 et début 2016 avaient à nouveau généré une dette importante auprès de l'Urssaf et qu'il serait nécessaire d'obtenir un étalement, idéalement sur 48 mois, et de même pour la dette [18].
Il n'est justifié d'aucun échéancier conclu avec l'Urssaf et aucune levée de fonds ne s'est concrétisée. M.[S] n'apporte aucun élément démontrant qu'il était en discussion sérieuse avec des investisseurs ou partenaires financiers en vue d'une levée de fonds, de sorte qu'il ne justifie pas de l'existence d'un espoir raisonnable d'obtenir un investissement de cette importance.
Ses efforts de restructuration dans un tel contexte ne pouvaient le dispenser de prendre les mesures qui s'imposaient face à une telle situation. Il n'a pas mis en oeuvre de mesures de conciliation, vraisemblablement à raison de l'état de cessation des paiements qu'il savait caractérisé.
L'omission de déclarer la cessation des paiements caractérise une faute de gestion qui excède en l'espèce la simple négligence, compte tenu de l'importance et de l'ancienneté des difficultés financières rencontrées par la société [11] et de la durée de cette omission.
Ainsi que le soutient le liquidateur si la cessation des paiements avait été déclarée dans le délai légal soit fin mai 2015, les nouvelles factures ou cotisations nées entre le fin mai 2015 et le jugement d'ouverture ne seraient pas venues augmenter le passif de la société [11], à savoir les factures d' [Adresse 17] de juin et juillet 2016 (108.158,83 euros), les factures de [19] de mars à septembre 2016 (50.298,38 euros), les cotisations [21] impayées de juin 2015 à octobre 2016, les cotisations [6] salariés et cadres du 3ème trimestre 2015 au mois d'octobre 2016, représentant un passif de l'ordre de 500.000 euros, dont il n'est pas justifié qu'il ait été compensé à due concurrence par des rentrées de fonds.
Cette faute de gestion a donc contribué à l'insuffisance d'actif.
- Sur la poursuite d'une activité structurellement déficitaire
Au soutien de cette faute, le liquidateur judiciaire fait état :
- du montant négatif des capitaux propres de la société au titre de l'exercice 2014 et de l'exercice de 2015, de l'existence d'un report à nouveau négatif de -2.382.541 euros au titre de l'exercice de 2014 qui révèle que les capitaux propres de l'entreprise étaient déjà négatifs en 2013 voire en 2012, reprochant à M.[S] de ne pas avoir incité les actionnaires à reconstituer les capitaux propres,
- d'un résultat d'exploitation négatif à hauteur de -672.246 euros en 2014, soulignant que si le résultat net de l'entreprise était à l'équilibre, c'est en raison d'une opération de gestion de capital qui n'a pas de rapport avec l'activité de l'entreprise qui est elle était déficitaire, et qu'en 2015 l'activité a généré une perte de -144.490 euros,
- depuis 2012 des dettes très significatives de l'entreprise n'ont pas été réglées, ce montant s'élevant à 1.212.130,36 euros, les créances déclarées démontrant que la société [11] n'était plus en mesure de s'acquitter des charges fondamentales telles que les cotisations sociales, les cotisations retraites ou encore les loyers.
Le ministère public souligne également la situation négative des capitaux propres dès l'année 2013, l'absence de mesure prise pour les reconstituer, les résultats d'exploitation déficitaires en 2014 et en 2015 et que les mesures prises par le dirigeant pour réaménager les dettes par des moratoires, étaient sans incidence sur le caractère structurellement déficitaire de la société.
M.[S] rappelle qu'il a pris la direction de la société [11] alors qu'elle se trouvait déjà en grande difficulté, qu'un contrôle fiscal a été réalisé en 2014 et a donné lieu à un redressement de plus de 115.000 euros correspondant à des périodes de gestion de ses prédécesseurs, que l'essentiel du passif est né antérieurement à sa gestion, que le chiffre d'affaires, qui avait baissé durant cinq ans, était reparti à la hausse entre 2014 et 2016. Il soutient également que le passif a diminué de 24% dès 2014 et de 30% au cours des dernières années, qu'il a mis en oeuvre de nombreux moyens à cet effet: la réduction des charges de plus d'un million d'euros en cinq ans, la hausse des marges, la restauration de la rentabilité, l'abandon des créances 'comptes courants' des associés, la recherche de financements, la renégociation de dettes et la gestion des litiges nés avant 2013 et le changement de bail pour des locaux moins chers. Il soutient donc que le passif de la société est passé de 2.918.157 euros à 1.236.445 euros sous sa direction avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et qu'en intégrant les litiges, le passif est passé de 2.9 millions d'euros à 1.9 millions d'euros en quatre ans.
Ainsi qu'il a déjà été exposé, M.[S] a été nommé président de la société [11] en 2013, alors que la situation financière de la société [11] était dégradée et qu'il a travaillé à la réduction des charges. Etant le principal actionnaire de [11] il accepté de reprendre la direction de la société en connaissance de cette situation, dans le but notamment de ne pas perdre son investissement et il lui appartenait dans un contexte dégradé, majoré par des événements extérieurs ayant une incidence négative sur les activités de voyagiste, de ne pas poursuivre à tout prix une exploitation déficitaire.
Il ne démontre pas qu'un retournement de situation était acquis puisqu'il lui fallait pour redresser la situation obtenir une levée de fonds très importante de 1,5 million d'euros et que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir avant l'ouverture de la procédure collective que des discussions sérieuses avaient été engagées en ce sens avec des investisseurs.
La faute de gestion prise de la poursuite d'une exploitation déficitaire de la société [11] est en conséquence caractérisée. Au regard de l'ancienneté de cette activité déficitaire, cette faute ne relève pas d'une simple négligence. La poursuite de cette activité a généré de nouvelles charges, qui recoupent en partie le passif né durant la période suspecte.
- Sur le manquement aux obligations sociales
Le liquidateur judiciaire soutient qu'il ressort du passif vérifié que la société [11] n'était pas à jour de ses obligations sociales, que l'organisme [7] a déclaré deux créances de 33.750,70 euros et 199.904,19 euros correspondant à des arriérés de cotisations dus depuis le 3ème trimestre 2012, que l'URSSAF a déclaré une créance de 603.317,37 euros comprenant 122.951,86 euros de parts salariales non réglées, que la rétention d'une telle somme par l'employeur est par ailleurs constitutive d'une infraction pénale prévue par l'article R. 244-3 du code de la sécurité sociale, qu'en l'absence de moratoire, la créance détenue par l'URSSAF s'est accrue de 374.036,81 euros et celle de [6] de 140.300,51 euros pour les cotisations des salariés de 21.952,37 euros pour les cotisations des cadres.
Le ministère public considère que M.[S] était conscient des dettes accumulées au titre des cotisations impayées à l'égard de l'URSSAF et qu'il ne peut s'agir d'une simple négligence, que toutefois ces cotisations n'ont fait l'objet d'aucune majoration ni pénalité de telle sorte que le manquement n'a pas eu d'effet sur l'insuffisance d'actif..
M. [S] réitère qu'il se trouvait en négociation pour un moratoire avec l'URSSAF au travers de la procédure [12] et qu'il avait expressément fait état de sa volonté de régler par priorité les parts salariales et étaler la dette sociale sur 24 mois mais que les réglements émis ont été imputés, contrairement à sa volonté, en priorité sur les parts non salariales.
Le défaut de paiement des cotisations sociales et spécialement des parts salariales constitue une faute de gestion, M.[S] étant parfaitement conscient de l'importance de ces impayés et du fait qu'il y avait eu de nouvelles cotisations sociales impayées sous sa présidence (cf son étude produite en pièce 1). Cette faute d'une gravité certaine excède la simple négligence. Elle s'inscrit dans le cadre de la poursuite d'une exploitation déficitaire, avec lequelle elle partage la contribution à l'insuffisance d'actif.
- Sur le montant de la condamnation au titre de la responsabilité à l'insuffisance d'actif
Le liquidateur, appelant incident, considère que les fautes de gestion commises justifient que M.[S] contribuent à l'insuffisance d'actif à hauteur de 1.370.578,27 euros.
Le ministère public invite la cour à confirmer la condamnation au paiement de la somme de 200.000 euros.
M.[S] objecte que le passif de la société [11] existait depuis l'année 2011 et n'est aucunement dû à ses actes de gestion, qu'il a investi toute son épargne dans la société, soit 300.000 euros, et que sa seule préoccupation a été de sauvegarder au mieux les intérêts de [11], de ses salariés et de ses clients.
Si le montant de l'insuffisance d'actif est très important, il doit être tenu compte du fait que le passif est loin d'être exclusivement imputable à la gestion de M.[S] au regard des conditions dans lesquelles il a repris la direction de la société, son erreur étant de ne pas avoir tiré à temps les conséquences d'une situation très obérée qui ne trouvait pas d'issue favorable.
Dans ce contexte l'appel incident sur le montant de la condamnation n'est pas fondé. La cour raménera au contraire le montant de la condamnation de M.[S] à un montant de 50.000 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M.[S] aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale de 5.000 euros.
Y ajoutant, la cour condamnera M.[S] aux dépens d'appel, mais déboutera le liquidateur judiciaire de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale supplémentaire au titre des frais exposés en appel, compte tenu de l'infirmation sur le montant de la condamnation.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, en ce qu'il a condamné M.[T] [S] à payer à la SCP [9], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14] une somme de 200.000 euros et en ce qu'il a débouté la SCP [9], ès qualités, de sa demande de sanction personnelle,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Sur la demande d'interdiction de gérer:
Vu le jugement du 17 janvier 2023 rendu à la requête du ministère public prononçant une interdiction de gérer à l'encontre de M.[T] [S], en sa qualité de président de la société [14], déclare irrecevable la demande de la SCP [9], ès qualités, tendant à voir prononcer une interdiction de gérer à l'encontre de M.[T] [S],
- Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif:
Condamne M.[T] [S], né le [Date naissance 2] 1971 à Levallois-Perret à payer à la SCP [9], prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14], la somme de 50.000 euros au titre de sa responsabilité à l'insuffisance d'actif,
- Sur les dépens et les frais irrépétibles en appel
Condamne M.[T] [S] aux dépens d'appel,
Déboute M.[S] et la SCP [9], ès qualités, de leurs demandes respectives en paiement d'une indemnité procédurale au titre des frais exposés en appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2025
(n° / 2025, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02515 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHCGG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 janvier 2023 -Tribunal de commerce de Paris - RG n° 2019055830
APPELANT
Monsieur [T] [S]
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté et assisté de Me Yassine MAHARSI de la SELARL MY ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G567, substitué par Me Fadilla CANDAR, avocate au barreau de PARIS, toque : G567,
INTIMÉE
S.C.P. [9] , prise en la personne de Me [H] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [14], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 434 258 281, désignée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 octobre 2016,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 434 122 511,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, Assistée de Me Alice HERBRETEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0899,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 mars 2024, en audience publique, devant la cour, composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
La SA [14] ([11]), créée en janvier 2001, exploitait un fonds de commerce d'agence de voyages et activités annexes. Suite au rachat de la société par un pool d'investisseurs, dont faisait partie M.[S], puis à la démission de M.[R], M.[T] [S] en devenu le président le 31 janvier 2013.
Par jugement du 6 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris, statuant sur assignation d'un créancier, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SA [14], et fixé au 6 avril 2015 la date de cessation des paiements, soit 18 mois en arrière.
Invoquant une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros et des fautes de gestion du président, la SCP [9], en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [11], a fait assigner M.[S] devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité pour insuffisance d'actif et en sanction personnelle.
Par jugement du 17 janvier 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- jugé que M.[S] avait commis des fautes de gestion qui avaient contribué à l'insuffisance d'actif et l'a condamné à payer à SCP [9] prise en la personne de Maître [H] [V], ès qualités, la somme de 200.000 euros, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- jugé irrecevables les demandes formées à titre reconventionnel par M.[S] [S],
- débouté les parties de leurs 'autres demandes' et condamné M.[S] aux entiers dépens.
M.[S] a relevé appel de cette décision le 26 janvier 2023.
Par dernières conclusions d'appelants remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 avril 2023, M.[S] demande à la cour de :
- le juger recevable et bien fondé en son appel, ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement ce qu'il a considéré qu'il avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et l'a condamné à payer à la SCP [9] prise en la personne de Maître [V] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens et ordonné l'exécution provisoire,
- juger qu'il n'a commis aucune faute de gestion qui aurait contribué à l'insuffisance d'actif de la société [14], qu'il a tout au plus commis de simples négligences dans la gestion de la société,
- en conséquence, juger qu'il n'y a lieu d'engager sa responsabilité et débouter la société [9] prise en la personne de Maître [V] de l'ensemble de ses demandes,
- en tout état de cause, condamner Maître [V], représentant la société [9] à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et de ses suites.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 15 juin 2023, la SCP [9], en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14], demande à la cour de:
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[S] de ses demandes tendant à obtenir la condamnation de la SCP [10] et/ou de Maître [V], jugé que M.[S] avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif et en ce qu'il a condamné M.[S] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,
et en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire,
- débouter M.[S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement pour le surplus, statuant à nouveau, condamner M. [S] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société [13], sans que sa condamnation ne puisse être inférieure à la somme de 1.370.578,27 euros, le condamner à une mesure d'interdiction gérer pour une durée laissée à l'appréciation de la cour, condamner M.[S] à verser à la SCP [9] en la personne de Maître [V], ès qualités, la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis du 11 juillet 2023, le ministère public invite la cour à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M.[S] à payer au liquidateur ès qualités, au titre de sa reponsabilité pour insuffisance d'actif, la somme de 200.000 euros.
SUR CE
Dans son assignation, la SCP [9], ès qualités, sollicitait la condamnation de M.[S] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif et le prononcé d'une interdiction de gérer. Appelant incident, le liquidateur reprend à hauteur d'appel ces deux demandes.
- Sur la sanction personnelle
Le liquidateur judiciaire demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner M.[S] à une mesure d'interdiction de gérer pour une durée qu'il laisse à l'appréciation de la cour.
Si la SCP [9] a saisi le tribunal à la fois d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif et en sanction personnelle à l'encontre M.[S], il ressort toutefois du jugement que le 16 septembre 2019 le ministère public avait également saisi le tribunal d'une requête en sanction personnelle à l'encontre de M.[T] [S], pris en sa qualité de président de la société [11], et que cette requête a été examinée à la même audience que l'action engagée par le liquidateur. Il n'a pas été procédé à une jonction entre les deux saisines. Le jugement dont appel se borne à rappeler cette situation dans sa motivation, et indique dans son dispositif qu'il déboute 'les parties de leurs autres demandes' ce dont il doit être déduit que le tribunal a débouté le liquidateur de sa demande en interdiction de gérer.
Ainsi que la cour l'avait autorisé, le conseil du liquidateur judiciaire a en cours de délibéré communiqué le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris, statuant sur la requête en sanction personnelle engagée par le ministère public à l'encontre de M.[T] [S], dont il ressort que M.[S] en sa qualité de dirigeant de la SA [14] a été condamné à une interdiction de gérer d'une durée de 6 ans sans exécution provisoire, le tribunal ayant retenu les griefs pris du défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, de la poursuite d'une activité déficitaire et d'un détournement d'actif. La cour ignore si ce jugement a fait l'objet d'un recours.
Dès lors que le tribunal a déjà prononcé dans un autre jugement une interdiction de gérer à l'encontre de M.[S], pris en sa qualité de président de la société [11], il ne peut à nouveau être statué sur le prononcé d'une telle sanction dans le cadre de l'action engagée parallélement par le liquidateur judiciaire. Dans cette configuration, la cour dira irrecevable la demande de la SCP [9] tendant à voir prononcer une interdiction de gérer.
- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Le liquidateur recherche la responsabilité pour insuffisance d'actif de M.[S] en sa qualité de président de droit de la société [11] à compter de janvier 2013 en se prévalant d'une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros et en lui reprochant de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, la poursuite de l'activité alors qu'elle était structurellement déficitaire et un manquement aux obligations fiscales et sociales.Il forme un appel incident afin de voir porter le montant de la condamnation à 1.370.578,27 euros.
M.[S] conteste toute faute de gestion, excédant la simple négligence, et tout lien avec l'insuffisance d'actif. Il expose liminairement que la société [11] n'ayant plus de dirigeant après la démission de M.[R] en janvier 2013, il a accepté de reprendre temporairement la tête de la société dans laquelle il avait investi 300.000 euros afin de la restructurer en mettant en place une politique de diminution des charges, qu'il ne s'est octroyé aucune rémunération de 2013 à 2016, que son action a permis de relancer l'activité de la société dès l'année 2014 et de réduire nettement le passif avant que le redressement ne soit stoppé par la crise touristique qui a suivi les attentats de novembre 2015 et ceux de 2016.
Selon l'article L 651-2 du code de commerce,'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée'.
Il incombe au liquidateur judiciaire d'établir l'existence d'une insuffisance d'actif, d'une ou plusieurs fautes de gestion ayant excédé la simple négligence et leur contribution à l'insuffisance d'actif.
Le liquidateur invoque une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros résultant d'un passif de 2.671.134,10 euros dont a été déduit l'actif recouvré s'élevant à 46.468,10 euros.
M.[S] reproche au liquidateur d'avoir majoré ce passif en ayant fait échouer les offres de reprise de la société. Il avait formé en première instance une demande reconventionnelle à l'encontre du liquidateur pour le voir condamner, au titre de sa responsabilité professionnelle, au paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices, demande qui a déclarée irrecevable dans le cadre de l'instance en responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.
Aucune demande d'infirmation n'a été formée à l'encontre de la disposition du jugement ayant déclaré cette demande reconventionnelle irrecevable, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette question reconventionnelle, étant relevé qu'une action en responsabilité contre un liquidateur judiciaire ressort de la compétence du tribunal judiciaire et non du tribunal de commerce.
La cour retiendra en conséquence une insuffisance d'actif de 2.624.666 euros correspondant au montant du passif dont il a été déduit l'actif recouvré.
- Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours
Le liquidateur soutient que le tribunal a définitivement fixé la date de cessation des paiements au 6 avril 2015, que la procédure collective a été ouverte sur assignation d'un créancier, que M.[S] n'a pas effectué de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours. Il relève qu'en menant de nombreuses négociations avec ses créanciers M.[S] reconnaît avoir eu connaissance des difficultés financières traversées par la société [11] et en déduit que la faute de gestion est caractérisée, a été commise sciemment, excède la simple négligence et a entraîné une augmentation du passif au cours de la période suspecte d'un montant de 513.399,52 euros.
Le ministère public considère également que cette faute est caractérisée, M.[S] ayant parfaitement conscience des difficultés traversées par la société dès 2015.
M.[S] objecte que la société n'était pas 'techniquement' en cessation des paiements compte tenu des négociations en cours avec les créanciers, ayant abouti à ce que les créances ne soient plus exigibles. Il expose ainsi:
- avoir conclu un protocole avec la société [15] aux termes duquel la créance d'un montant de 300.000 euros, contractée avant sa présidence, devait être apurée en 120 mensualités à compter du 1er juillet 2015, avec une franchise d'une année sur 2015-2016,
- avoir disposé d'une autorisation de découvert de 80.000 euros auprès de la [8] dès 2014 sans caution personnelle du dirigeant ni contre garantie, ce découvert ayant été maintenu jusqu'en août 2016, avant d'être remis en cause suite aux attentats de 2015 qui ont destabilisé la filière du tourisme,
- avoir conclu un accord relatif à la mise en place d'un moratoire avec l'URSSAF,
- qu'une procédure auprès de la commission des chefs de services financiers et des organismes de sécurité sociale en vue de l'étalement des dettes échues était également en cours de préparation à la suite de la crise du secteur touristique liée aux attentats,
- qu'en 2016 tous les autres prêts contractés par la société [11] ont été soldés soit, près de 200.000 euros remboursés en cinq ans.
Sur ce la cour
Le jugement d'ouverture du 6 octobre 2016 a définitivement fixé la date de cessation des paiements au 6 avril 2015. Cette date s'impose au juge de la sanction.
Il est constant que M.[S] n'a pas effectué de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours suivant le 6 avril 2015,ni d'ailleurs ultérieurement puisque la procédure collective a été ouverte sur assignation d'un créancier de la société [11].
Si l'absence de déclaration des paiements dans le délai légal constitue une faute de la part du dirigeant il reste à déterminer si, au cas présent, elle s'analyse ou non en une simple négligence, étant précisé que le critère 'sciemment' posé par l'article L.653-8 du code de commerce est un élément constitutif d'un grief susceptible d'être sanctionné par une interdiction de gérer, mais n'est pas nécessaire pour caractériser une faute de gestion.
Le liquidateur judiciaire ne conteste pas les allégations de M.[S] selon lesquelles la société [11] connaissait d'importantes difficultés financières avant qu'il n'en devienne le président. M.[S] s'était donné pour priorité de restructurer la société dont il était l'actionnaire majoritaire et dans laquelle il avait personnellement investi des fonds.
S'il ressort des comptes versés aux débats que les charges d'exploitation de la société [11] ont effectivement baissé sous la direction de M.[S] entre 2014 et 2015, celles-ci étant passées de 4.123.497 euros (exercice 2014) à 3.679.679 euros (exercice 2015), la situation de la société, en dépit de la réalisation d'un chiffre d'affaires en légère évolution (3.451.251 euros sur l'exercice 2014 et 3.535.188 euros sur l'exercice 2015) restait très obérée .
En effet, l'exercice 2014 a généré un résultat d'exploitation négatif de - 672.246 euros et celui de 2015 un résultat d'exploitation de -144.460 euros.
Si l'exercice 2014 s'est soldé par un bénéfice de 65.045 euros, cela ne tient qu'à un produit financier exceptionnel de 930.005 euros découlant de l'abandon d'une créance de l'actionnaire majoritaire ainsi qu'il sera exposé ci-après.
Aux 31 décembre 2014 et 31 décembre 2015, les capitaux propres de la société [11] étaient négatifs, de respectivement -1.466.561 euros et -1.522.28 euros.
Le 31 décembre 2014, M.[S] a établi un avenant à l'emprunt obligataire du 31 décembre 2013 qui avait été souscrit par la société [20] (société gérée par M.[S] et principal actionnaire de la société [11]) aux termes duquel pour tenir compte des difficultés économique importantes rencontrées par [11] et du fait que la restructuration des charges opérationnelles engagées sur deux ans (2014 et 2015) ne suffirait pas à stabiliser la société, la société [20] a accepté d'abandonner purement et simplement sa créance de 930.005 euros afin de soutenir la restructuration de la société.
Le 26 juin 2015, M.[S] a conclu au nom de la société [11] un protocole d'accord transactionnel avec la banque [16], faisant suite à l'assignation en paiement délivrée le 8 juillet 2014, aux termes duquel la société [11] qui reconnaissait devoir la somme de 74.526,07 euros outre intérêts et une indemnité d'exigibilité anticipée de 2.235,78 euros au titre d'un prêt consenti le 2 juin 2009, et la somme de 230.871,70 euros outre intérêts au titre du solde débiteur du compte courant, s'est engagée à régler à la banque pour solde de tout compte un montant de 300.000 euros en 120 mensualités à compter du 1er juillet 2015.
Si cet échéancier négocié avec la banque limitait, à date, le montant du passif exigible, il restait un important passif social et fournisseurs que M.[S] cherchait à restructurer pour un montant 750.000 euros. Il verse aux débats l'étude qu'il avait faite en 2016 dans le but de compléter d'ici fin 2016 les fonds propres de la société à hauteur de 1,5 million d'euros. Il souligne dans cette étude que la dette sociale était déjà importante avant la reprise de 2012, que de nombreux efforts ont été faits, mais que les événements exceptionnels de fin 2014, 2015 et début 2016 avaient à nouveau généré une dette importante auprès de l'Urssaf et qu'il serait nécessaire d'obtenir un étalement, idéalement sur 48 mois, et de même pour la dette [18].
Il n'est justifié d'aucun échéancier conclu avec l'Urssaf et aucune levée de fonds ne s'est concrétisée. M.[S] n'apporte aucun élément démontrant qu'il était en discussion sérieuse avec des investisseurs ou partenaires financiers en vue d'une levée de fonds, de sorte qu'il ne justifie pas de l'existence d'un espoir raisonnable d'obtenir un investissement de cette importance.
Ses efforts de restructuration dans un tel contexte ne pouvaient le dispenser de prendre les mesures qui s'imposaient face à une telle situation. Il n'a pas mis en oeuvre de mesures de conciliation, vraisemblablement à raison de l'état de cessation des paiements qu'il savait caractérisé.
L'omission de déclarer la cessation des paiements caractérise une faute de gestion qui excède en l'espèce la simple négligence, compte tenu de l'importance et de l'ancienneté des difficultés financières rencontrées par la société [11] et de la durée de cette omission.
Ainsi que le soutient le liquidateur si la cessation des paiements avait été déclarée dans le délai légal soit fin mai 2015, les nouvelles factures ou cotisations nées entre le fin mai 2015 et le jugement d'ouverture ne seraient pas venues augmenter le passif de la société [11], à savoir les factures d' [Adresse 17] de juin et juillet 2016 (108.158,83 euros), les factures de [19] de mars à septembre 2016 (50.298,38 euros), les cotisations [21] impayées de juin 2015 à octobre 2016, les cotisations [6] salariés et cadres du 3ème trimestre 2015 au mois d'octobre 2016, représentant un passif de l'ordre de 500.000 euros, dont il n'est pas justifié qu'il ait été compensé à due concurrence par des rentrées de fonds.
Cette faute de gestion a donc contribué à l'insuffisance d'actif.
- Sur la poursuite d'une activité structurellement déficitaire
Au soutien de cette faute, le liquidateur judiciaire fait état :
- du montant négatif des capitaux propres de la société au titre de l'exercice 2014 et de l'exercice de 2015, de l'existence d'un report à nouveau négatif de -2.382.541 euros au titre de l'exercice de 2014 qui révèle que les capitaux propres de l'entreprise étaient déjà négatifs en 2013 voire en 2012, reprochant à M.[S] de ne pas avoir incité les actionnaires à reconstituer les capitaux propres,
- d'un résultat d'exploitation négatif à hauteur de -672.246 euros en 2014, soulignant que si le résultat net de l'entreprise était à l'équilibre, c'est en raison d'une opération de gestion de capital qui n'a pas de rapport avec l'activité de l'entreprise qui est elle était déficitaire, et qu'en 2015 l'activité a généré une perte de -144.490 euros,
- depuis 2012 des dettes très significatives de l'entreprise n'ont pas été réglées, ce montant s'élevant à 1.212.130,36 euros, les créances déclarées démontrant que la société [11] n'était plus en mesure de s'acquitter des charges fondamentales telles que les cotisations sociales, les cotisations retraites ou encore les loyers.
Le ministère public souligne également la situation négative des capitaux propres dès l'année 2013, l'absence de mesure prise pour les reconstituer, les résultats d'exploitation déficitaires en 2014 et en 2015 et que les mesures prises par le dirigeant pour réaménager les dettes par des moratoires, étaient sans incidence sur le caractère structurellement déficitaire de la société.
M.[S] rappelle qu'il a pris la direction de la société [11] alors qu'elle se trouvait déjà en grande difficulté, qu'un contrôle fiscal a été réalisé en 2014 et a donné lieu à un redressement de plus de 115.000 euros correspondant à des périodes de gestion de ses prédécesseurs, que l'essentiel du passif est né antérieurement à sa gestion, que le chiffre d'affaires, qui avait baissé durant cinq ans, était reparti à la hausse entre 2014 et 2016. Il soutient également que le passif a diminué de 24% dès 2014 et de 30% au cours des dernières années, qu'il a mis en oeuvre de nombreux moyens à cet effet: la réduction des charges de plus d'un million d'euros en cinq ans, la hausse des marges, la restauration de la rentabilité, l'abandon des créances 'comptes courants' des associés, la recherche de financements, la renégociation de dettes et la gestion des litiges nés avant 2013 et le changement de bail pour des locaux moins chers. Il soutient donc que le passif de la société est passé de 2.918.157 euros à 1.236.445 euros sous sa direction avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et qu'en intégrant les litiges, le passif est passé de 2.9 millions d'euros à 1.9 millions d'euros en quatre ans.
Ainsi qu'il a déjà été exposé, M.[S] a été nommé président de la société [11] en 2013, alors que la situation financière de la société [11] était dégradée et qu'il a travaillé à la réduction des charges. Etant le principal actionnaire de [11] il accepté de reprendre la direction de la société en connaissance de cette situation, dans le but notamment de ne pas perdre son investissement et il lui appartenait dans un contexte dégradé, majoré par des événements extérieurs ayant une incidence négative sur les activités de voyagiste, de ne pas poursuivre à tout prix une exploitation déficitaire.
Il ne démontre pas qu'un retournement de situation était acquis puisqu'il lui fallait pour redresser la situation obtenir une levée de fonds très importante de 1,5 million d'euros et que les éléments du dossier ne permettent pas d'établir avant l'ouverture de la procédure collective que des discussions sérieuses avaient été engagées en ce sens avec des investisseurs.
La faute de gestion prise de la poursuite d'une exploitation déficitaire de la société [11] est en conséquence caractérisée. Au regard de l'ancienneté de cette activité déficitaire, cette faute ne relève pas d'une simple négligence. La poursuite de cette activité a généré de nouvelles charges, qui recoupent en partie le passif né durant la période suspecte.
- Sur le manquement aux obligations sociales
Le liquidateur judiciaire soutient qu'il ressort du passif vérifié que la société [11] n'était pas à jour de ses obligations sociales, que l'organisme [7] a déclaré deux créances de 33.750,70 euros et 199.904,19 euros correspondant à des arriérés de cotisations dus depuis le 3ème trimestre 2012, que l'URSSAF a déclaré une créance de 603.317,37 euros comprenant 122.951,86 euros de parts salariales non réglées, que la rétention d'une telle somme par l'employeur est par ailleurs constitutive d'une infraction pénale prévue par l'article R. 244-3 du code de la sécurité sociale, qu'en l'absence de moratoire, la créance détenue par l'URSSAF s'est accrue de 374.036,81 euros et celle de [6] de 140.300,51 euros pour les cotisations des salariés de 21.952,37 euros pour les cotisations des cadres.
Le ministère public considère que M.[S] était conscient des dettes accumulées au titre des cotisations impayées à l'égard de l'URSSAF et qu'il ne peut s'agir d'une simple négligence, que toutefois ces cotisations n'ont fait l'objet d'aucune majoration ni pénalité de telle sorte que le manquement n'a pas eu d'effet sur l'insuffisance d'actif..
M. [S] réitère qu'il se trouvait en négociation pour un moratoire avec l'URSSAF au travers de la procédure [12] et qu'il avait expressément fait état de sa volonté de régler par priorité les parts salariales et étaler la dette sociale sur 24 mois mais que les réglements émis ont été imputés, contrairement à sa volonté, en priorité sur les parts non salariales.
Le défaut de paiement des cotisations sociales et spécialement des parts salariales constitue une faute de gestion, M.[S] étant parfaitement conscient de l'importance de ces impayés et du fait qu'il y avait eu de nouvelles cotisations sociales impayées sous sa présidence (cf son étude produite en pièce 1). Cette faute d'une gravité certaine excède la simple négligence. Elle s'inscrit dans le cadre de la poursuite d'une exploitation déficitaire, avec lequelle elle partage la contribution à l'insuffisance d'actif.
- Sur le montant de la condamnation au titre de la responsabilité à l'insuffisance d'actif
Le liquidateur, appelant incident, considère que les fautes de gestion commises justifient que M.[S] contribuent à l'insuffisance d'actif à hauteur de 1.370.578,27 euros.
Le ministère public invite la cour à confirmer la condamnation au paiement de la somme de 200.000 euros.
M.[S] objecte que le passif de la société [11] existait depuis l'année 2011 et n'est aucunement dû à ses actes de gestion, qu'il a investi toute son épargne dans la société, soit 300.000 euros, et que sa seule préoccupation a été de sauvegarder au mieux les intérêts de [11], de ses salariés et de ses clients.
Si le montant de l'insuffisance d'actif est très important, il doit être tenu compte du fait que le passif est loin d'être exclusivement imputable à la gestion de M.[S] au regard des conditions dans lesquelles il a repris la direction de la société, son erreur étant de ne pas avoir tiré à temps les conséquences d'une situation très obérée qui ne trouvait pas d'issue favorable.
Dans ce contexte l'appel incident sur le montant de la condamnation n'est pas fondé. La cour raménera au contraire le montant de la condamnation de M.[S] à un montant de 50.000 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M.[S] aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale de 5.000 euros.
Y ajoutant, la cour condamnera M.[S] aux dépens d'appel, mais déboutera le liquidateur judiciaire de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale supplémentaire au titre des frais exposés en appel, compte tenu de l'infirmation sur le montant de la condamnation.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, en ce qu'il a condamné M.[T] [S] à payer à la SCP [9], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14] une somme de 200.000 euros et en ce qu'il a débouté la SCP [9], ès qualités, de sa demande de sanction personnelle,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Sur la demande d'interdiction de gérer:
Vu le jugement du 17 janvier 2023 rendu à la requête du ministère public prononçant une interdiction de gérer à l'encontre de M.[T] [S], en sa qualité de président de la société [14], déclare irrecevable la demande de la SCP [9], ès qualités, tendant à voir prononcer une interdiction de gérer à l'encontre de M.[T] [S],
- Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif:
Condamne M.[T] [S], né le [Date naissance 2] 1971 à Levallois-Perret à payer à la SCP [9], prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [14], la somme de 50.000 euros au titre de sa responsabilité à l'insuffisance d'actif,
- Sur les dépens et les frais irrépétibles en appel
Condamne M.[T] [S] aux dépens d'appel,
Déboute M.[S] et la SCP [9], ès qualités, de leurs demandes respectives en paiement d'une indemnité procédurale au titre des frais exposés en appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente