CA Rennes, 3e ch. com., 4 novembre 2025, n° 24/04264
RENNES
Arrêt
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°320
N° RG 24/04264 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VABG
(Réf 1ère instance : 2023002483)
BREIZH DISTRI SARL
AJIRE SELARL
FIDES SELARL
C/
S.A.S. [Adresse 12]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me LHERMITTE
(2 avocats plaidant)
Me VERRANDO
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de [Localité 9]
Parquet general
Breitz Distri (LRAR)
AJIRE (LRAR)
FIDES (LRAR)
SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE
(LRAR)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. Avis en date du 05.09.2024 de Monsieur Yves DELPERIE Avocat Général entendu en ses observations lors de l'audience du 16.09.2025.
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 septembre 2025, devant Madame Sophie RAMIN et Madame Constance DESMORAT Conseillères, magistrats tenant seules l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
SARL BREIZH DISTRI
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 495 134 306, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me François-Xavier AWATAR de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
SARL AJIRE
prise en la personne de Maître [E] [B] en qualité d'administrateur Judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL BREIZH DISTRI désigné par jugement du Tribunal de commerce de Brest du 5 septembre 2023
[Adresse 13]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, Plaidant, avocat au barreau de REIMS
SELARL FIDES
prise en la personne de Maître [S] [C] en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL BREIZH DISTRI désigné par jugement du Tribunal de commerce de Brest du 5 septembre 2023
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, Plaidant, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
S.A.S. [Adresse 12]
immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de CAEN sous le numéro 345.130.488, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 15]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Pascal WILHELM de la SELAS WILHELM & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Emilie DUMUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCEDURE :
La société à responsabilité limitée Breizh Distri exploite un fonds de commerce à l'enseigne [Adresse 10] dans le cadre d'une franchise participative proposée par la société Carrefour Proximité France (la société [Adresse 11]).
M. [R] est le gérant et l'associé à hauteur de 74% de la société Breizh Distri.
Les sociétés Selima et Profidis sont des filiales à 100% du groupe [Adresse 10]. Elles détiennent à elles deux 26% du capital de la société Breizh Distri, soit 1 part sur 750 pour la société Profidis et 194 parts sur 750 pour la société Selima.
Par jugement du 5 septembre 2023, une procédure de sauvegarde judiciaire a été ouverte au profit de la société Breizh Distri. La société Ajire, prise en la personne de M. [B], a été désignée administrateur judiciaire et la société Fides, prise en la personne de M. [C], mandataire judiciaire.
Estimant que l'ouverture de la procédure de sauvegarde avait pour but de permettre frauduleusement à la société Breizh Distri de sortir du réseau de
franchises à l'enseigne [Adresse 10], la société Carrefour Proximité a formé tierce opposition contre le jugement du 5 septembre 2023.
Par ailleurs, les sociétés Profidis et Selima ont également formé tierce opposition contre le jugement du 5 septembre 2023.
Par jugement n°2023 002483 du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce de Brest a :
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures n° 2023002483 et n 2023002451.
- Dit recevable la tierce-opposition introduite par la société [Adresse 12],
- Rejeté la demande de la société Carrefour Proximité France de prononcer la nullité du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Déclaré que la tierce-opposition de la société [Adresse 12] est recevable et bien fondée dans sa demande de rétraction du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Rétracté le jugement de sauvegarde.
Les sociétés Breizh et Ajire et Fides, ès qualités, ont interjeté appel le 17 juillet 2024.
Par jugement n°2023 002451 du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce de Brest a :
- Dit irrecevable la tierce-opposition formée par les sociétés Selima et Profidis à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 5 septembre 2023,
- Débouté les sociétés Selima et Profidis de l'ensemble de leurs demandes,
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner les sociétés Selima et Profidis au paiement d'une amende civile,
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner les sociétés Selima et Profidis à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamné chacune des sociétés Selima et Profidis à payer à la société Breizh Distri la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés Selima et Profidis aux entiers dépens de l'instance.
Le 17 juillet 2024, les sociétés Breizh Distri et Ajire et Fides, ès qualités, ont interjeté appel de cette décision. Cette instance a été suivie devant la cour sous le numéro 24/04330.
Par arrêt du 18 mars 2025, sous le numéro 24/04330, la cour d'appel de Rennes a :
- Confirmé le jugement,
Y ajoutant :
- Rejeté les demandes contraires ou plus amples des parties,
- Condamné les sociétés Selima et Profidis à payer chacune à la société Breizh Distri la somme 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés Selima et Profidis aux dépens d'appel.
Les dernières conclusions des sociétés Ajire et Fides, ès qualités, sont en date du 19 août 2025. Les dernières conclusions de la société Breizh Distri sont en date du 25 novembre 2024. Les dernières conclusions de la société [Adresse 12] sont en date du 25 août 2025. L'avis du ministère public est en date du 05 septembre 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Les socités Ajire et Fides, ès qualités, demandent à la cour de :
- Juger l'appel recevable et bien fondé,
- Débouter la société [Adresse 11] de son appel incident,
- Juger valables les déclarations d'appel des société Ajire Fides conjointes à celle du débiteur Breizh Distri,
- Juger que les sociétés Ajire Fides ont qualité pour agir et leurs appels recevables,
- Reformer le jugement du tribunal de commerce de Brest du 9 juillet 2024 en ce qu'il :
- Déboute la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures numéro 2023 002483 et numéro 2023 002451,
- Dit recevable la tierce opposition introduite par la société [Adresse 11],
- Déclare que la tierce opposition de la société Carrefour Proximité est recevable et bien fondée dans sa demande de rétractation du jugement numéro 20203002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Rétracte le jugement numéro 20203002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Breizh Distri,
- Déboute la société Breizh Distri de sa demande de condamner la société [Adresse 11] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamne la société Breizh Distri à payer à la société [Adresse 11] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Breizh Distri aux entiers dépens de l'instance,
- Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Statuant à nouveau :
- Ordonner la jonction des appels contre les jugements instances inscrites sous les numéros de rôle 2023 002483 et numéro 2023 002451,
- Juger la tierce opposition de la société [Adresse 12] irrecevable faute de démontrer un moyen propre et distinct de celui représenté par le mandataire judiciaire,
Subsidiairement ;
- Juger non fondée la tierce opposition faute d'avoir démontré la fraude commise par la société Breiz Distri lors de sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde,
- Juger que pour le surplus des chefs de jugement critiqués par la société Breizh Distri, les sociétés Ajire, représentée par M. [B], et Fides, représentée par M. [C], s'en rapportent à prudence de la cour,
- Débouter la société [Adresse 11] de l'intégralités de ses demandes et prétentions,
- Condamner la société Carrefour Proximité à payer aux société Breizh Distri, les sociétés Ajire, représentée par M. [B], et Fides, représentée par M. [C], une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
La société Breizh Distri demande à la cour de :
- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 9 juillet 2024 en ce qu'il a :
o Débouté la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures n°2023002483 et n°2023002451,
o Dit recevable la tierce-opposition introduire par la société [Adresse 11],
o Déclaré que la tierce-opposition de la société Carrefour Proximité est recevable et bien fondée dans sa demande de rétractation du jugement n°2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
o Rétracté le jugement n°2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Breizh Distri,
o Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner la société [Adresse 11] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
o Condamné la société Breizh Distri à payer la société [Adresse 11] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
o Condamné la société Breizh Distri aux entiers dépens de l'instance,
o Débouté la société Breizh Distri de toutes ses autres demandes,
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
Sur la nullité du jugement :
- Juger que la tant composition du tribunal lors de l'audience et du délibéré, que la motivation du jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest contreviennent à l'exigence d'impartialité,
En conséquence :
o Annuler le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest,
A titre principal :
Sur la régularité de la déclaration d'appel et la recevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri :
Sur la demande de nullité de la déclaration d'appel au titre d'un prétendu vice de fond :
- Juger que la déclaration d'appel régularisée par la société Breizh Distri et les sociétés Ajire et Fides en date du 17 juillet 2024 n'est entachée d'aucun vice de fond dont la liste est limitativement énumérée par l'article 117 du code de procédure civile,
En conséquence :
- Débouter la société [Adresse 12] de sa demande de nullité de la déclaration d'appel.
Sur la demande tirée de l'irrecevabilité prétendue de la société Breizh Distri pour défaut «d'intimation » des mandataires de justice :
- Déclarer la société Breizh Distri recevable en son appel interjeté contre le jugement prononcé le 9 juillet 2024 et intimant la société [Adresse 12],
- Constater que les mandataires de justice n'avaient pas à être intimés dans la mesure où ces derniers sont par ailleurs appelants,
En conséquence :
- Débouter la société Carrefour Proximité France de sa demande d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri,
- Débouter la société [Adresse 12] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions quant à la nullité de la déclaration d'appel de la société Breizh Distri et des sociétésAjire et Fides et à l'irrecevabilité des appels interjetés tant par la société Breizh Distri que les sociétés Ajire et Fides,
A titre subsidiaire :
Sur la réformation du jugement, si par extraordinaire la cour d'appel ne faisait pas droit à la demande d'annulation du jugement pour cause de partialité :
In limine litis :
- Juger qu'il existe entre les tierces oppositions formées par les sociétés [Adresse 11] et Selima et Profidis, un lien tel qu'il est d'une bonne administration de la justice de les faire instruire ensemble,
En conséquence :
- Réformer le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a rejeté la demande de jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG n°2023002483 et n°2023002451,
Au fond :
- Juger que la société Breizh Distri n'est pas en état de cessation des paiements au jour de la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde et justifie du bien-fondé de l'ouverture d'une telle procédure,
- Juger que la société Breizh Distri éprouve des difficultés économiques, matérielles, financières et juridiques qu'elle n'est pas en mesure de surmonter seule,
- Juger l'absence de fraude,
- Juger l'absence de moyens propres avancés par la société [Adresse 11] pour s'opposer à l'ouverture de la sauvegarde,
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a fait droit à la société Carrefour Proximité en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 5 septembre 2023,
- Condamner la société [Adresse 12] au paiement d'une amende civile conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile,
- Condamner la société Carrefour Proximité à verser la somme de 50.000 euros à la société Breizh Distri pour procédure abusive,
- Débouter la société [Adresse 11] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause :
- Débouter la société Carrefour Proximité de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Condamner la société [Adresse 11] à payer la somme de 30.000 euros à la société Breizh Distri au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société [Adresse 12] aux entiers dépens de l'instance.
La société Carrefour Proximité demande à la cour de :
A titre liminaire :
- Déclarer irrecevables les appels formés par la société Ajire et la société Fides, ès qualités, à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Brest du 9 juillet 2024, par déclaration du 17 juillet 2024 enregistrée sous le numéro 24/03975, dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, pour défaut de qualité à agir en application de l'article L. 661-1, 1°, du code de commerce, et de l'article 592 du code de procédure civile,
- Déclarer en conséquence irrecevables tous moyens et prétentions développés par la société Ajire et la société Fides, ès qualités, qui concernent la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, et notamment dans leurs conclusions d'appelant n°1 régularisées le 27 septembre 2024,
- Déclarer irrecevable l'appel formé par Breizh Distri à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Brest du 9 juillet 2024, par déclaration du 17 juillet 2024 enregistrée sous le numéro 24/03975, dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, pour défaut d'intimation de la société Ajire et la société Fides, ès qualités, en application de l'article R. 661-6 du code de commerce,
- Déclarer en conséquence irrecevables tous moyens et prétentions développés par Breizh Distri qui concernent la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, et notamment dans ses conclusions d'appelant n°1 régularisées le 30 septembre 2024,
A défaut, à titre liminaire également :
- Rejeter la demande de Breizh Distri de nullité du jugement de tribunal de commerce du 9 juillet 2024 pour violation du principe d'impartialité,
En tout état de cause :
- Confirmer le jugement du 9 juillet 2024 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a :
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures n° 2023002483 et n° 2023002451,
- Dit recevable la tierce-opposition introduite par la société [Adresse 12],
- Rejeté la demande de la société Carrefour Proximité de prononcer la nullité du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Déclaré que la tierce-opposition de la société [Adresse 11] est recevable et bien fondée dans sa demande de rétraction du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Rétracté le jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Breizh Distri,
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner la société [Adresse 11] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamné la société Breizh Distri à payer à la société [Adresse 11] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Breizh Distri aux entiers dépens de l'instance,
- Débouteé les parties de toutes leurs autres demandes,
- Ordonné les publicités prévues par la loi,
- Débouter Breizh Distri, la société Ajire et la société Fides, ès qualités, de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée :
- Rejeter la demande de la société Ajire et la société Fides, ès qualités, de jonction des appels contre les instances inscrites sous les numéros de rôle 2023002483 et 2023002451,
- Condamner la société Breizh Distri, la société Ajire et la société Fides au paiement de la somme de 15.000 euros chacune à [Adresse 11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Le ministère public est d'avis de confirmer la recevabilité de la tierce opposition et s'en rapporte sur le fond.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la jonction de procédures :
Le tribunal a refusé de joindre les procédures n°2023 002483 et 2023 002451.
La procédure 2023 002451 a fait l'objet d'un appel et d'un arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mars 2025. La cour d'appel de Rennes est donc dessaisie de cette instance et il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction de la présente instance avec une instance clôturée.
Les demandes de jonction de procédures seront rejetées ainsi que les demandes tendant à l'irrecevabilité de l'appel enregistré à la cour sous le numéro 24/03975.
Sur la recevabilité de l'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités :
La société [Adresse 12] fait valoir que l'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, serait irrecevable pour défaut de qualité à agir.
La cour est saisie d'un appel formé contre un jugement statuant sur la tierce opposition.
Le jugement rendu sur tierce opposition est en principe susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane :
Article 592 du code de procédure civile :
Le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane.
L'appel contre un jugement rendu sur tierce opposition visant un jugement statuant sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde n'est donc ouvert qu'au débiteur, au créancier poursuivant et au ministère public :
Article L661-1 du code de commerce (Rédaction en vigueur depuis le 1er octobre 2021) :
I.-Sont susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation :
1° Les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;
2° Les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public ;
3° Les décisions statuant sur l'extension d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l'extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l'administrateur et du ministère public ;
4° Les décisions statuant sur la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public ;
5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d'une période d'observation de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public ;
6° Les décisions statuant sur l'arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public, ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 626-33 ;
6° bis Les décisions statuant sur la désignation d'un mandataire prévue au 1° de l'article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l'article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ;
7° Les décisions statuant sur la modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l'exécution du plan, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public, ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 626-33 ;
8° Les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l'exécution du plan, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public.
II.-L'appel du ministère public est suspensif, à l'exception de celui portant sur les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
III.-En l'absence de comité social et économique, le représentant des salariés exerce les voies de recours ouvertes à ces institutions par le présent article.
A cette liste restrictive il convient d'ajouter le tiers opposant :
Article L661-2 du code de commerce :
Les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L. 661-1, à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition. Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.
L'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, est donc irrecevable. Cependant, ayant déposé des conclusions devant la cour, il y a lieu de retenir qu'elles sont intervenantes volontaires devant la cour et donc parties à l'instance, ce qui a pour effet de régulariser l'appel interjeté par la société Breizh Distri quoique n'ayant pas intimé les organes de la procédure.
Seules les demandes formées par ces sociétés dans le dispositif de leurs conclusions et tendant à l'infirmation du jugement sont irrecevables.
Une partie de leurs conclusions déposées devant la cour ne tendent pas à l'infirmation du jugement. Ces conclusions ne seront pas déclarées irrecevables et les demandes tendant à l'irrecevabilité de ces conclusions seront rejetées.
Les moyens exposés par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, tendant à l'infirmation du jugement dont appel sont recevables en ce qu'ils viennent à l'appui des demandes formées par la société Breizh Distri.
Sur l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri :
La société [Adresse 12] fait valoir que l'appel interjeté par la société Breizh Distri serait irrecevable à défaut pour cette dernière d'avoir intimé les sociétés Ajire et Fides, ès qualités.
Les sociétés Breizh Distri et Ajire et Fides, ès qualités, ont interjeté appel dans un même acte. Comme il a été vu supra, l'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, est irrecevable. Ces sociétés sont néanmoins parties à l'instance en qualité de parties intervenantes volontairement. Leurs conclusions sont recevables en ce qu'elles viennent à l'appui de la demande d'infirmation formée par la société Breizh Distri.
Il apparaît ainsi que les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, sont, dès l'origine, parties à la présente instance en qualité de parties intervenantes. La société Breizh Distri n'avait donc pas à les intimer dès lors que leur intervention a régularisé son appel avant que le juge statue.
Il y a lieu de rejeter la demande de la société [Adresse 12] tendant à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri.
Sur la nullité du jugement :
La société Breizh Distri demande l'annulation du jugement en faisant valoir que l'un des membres du tribunal dirigerait une société ayant pour client le groupe [Adresse 10].
Il est justifié que l'un des membres du tribunal est président de la société Sygal. La société Sygal est elle même présidente de la société Central Sani Ouest. Il n'est pas mentionné que le juge consulaire visé par la société Breiz Distri ait été désigné légalement comme représentant de la société Sygal pour diriger la société Central Sani Ouest.
Le site internet de la société Central Sani Ouest mentionne, sous la rubrique 'ils nous font confiance' le nom de 72 entreprises, collectivités territoriales, ministères, dont '[Adresse 10]'. Le site en question, sous la rubrique 'nos réalisations' mentionne 'Carrefour [Localité 14] (Finistère) - Extension de l'hypermarché avec une date de livraison de septembre 2020'.
Le procès verbal d'huissier ayant noté sur le site internet en question la référence à l'extension d'un hypermarché ne mentionne pas combien d'autres réalisations sont mises en avant sur ce site alors que sont mentionnés comme vu supra les noms de 72 entreprises ou collectivités, souvent de renom. Il n'est donc pas possible d'établir quelle est l'importance pour la société Sani Ouest d'un client avec lequel il n'est pas justifié de nouvelles relations depuis près de cinq ans.
Il n'est pas justifié que la société [Adresse 12] soit propriétaire du l'hypermarché Carrefour de [Localité 14] dans lesquels des travaux ont été réalisés ni quels sont ses liens avec le ou les gestionnaires ou propriétaires de ce magasin, et encore moins le propriétaire des locaux qui ont fait l'objet d'une extension en septembre 2020.
En page 28 de ses conclusions devant la cour, la société Breizh Distri renvoie à des extraits d'articles de presse concernant le juge consulaire mis en cause en dates des 23 novembre 2017 et 16 décembre 2017.
Même à supposer que les liens allégués par la société Distri Breizh entre un membre de la composition du tribunal et la société [Adresse 12] existent ou aient existé, ils seraient en tout état de cause anciens, peu significatifs et distants.
Il apparaît ainsi que la société Distri Breizh ne justifie pas de liens même indirects entre les parties en cause dans la présente instance et le juge consulaire qu'elle vise nommément de nature à faire doute de l'impartialité du tribunal. Il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement formée à ce titre.
La société Distri Breizh demande par ailleurs l'annulation du jugement en faisant valoir que les motifs du jugement caractériseraient une violation du principe d'impartialité en ce qu'ils manifesteraient un parti pris dans le cadre de son délibéré. Elle vise ainsi expressément certains motifs du jugement :
« Ces difficultés découlent des points qui seront développés ci-après, mais aussi de l'apparente volonté de Monsieur [R] de vouloir échapper à ses obligations contractuelles envers ces différentes entités » :
- « A la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde, Monsieur [R] n'avait pas recouru à ces modalités, en conséquence de quoi, il était prématuré de qualifier d'insurmontables ses difficultés relationnelles avec ses associés » ;
Il ressort des éléments produits que les résultats nets générés par BREIZH DITRI sont effectivement très faibles voire légèrement négatifs depuis 2017.
Cela ne signifie pas pour autant que BREIZH DISTRI connaît des difficultés économiques ou doit faire face à un défaut de rentabilité. Il est exagéré d'avancer que le contrat d'approvisionnement avec CSF et les prix de revente associés à une gestion tarifaire ne laissant aucune marge de man'uvre au gérant seraient la cause directe de cette situation. »
- « De plus, sur la base des constats effectués par un commissaire de justice chez un autre franchisé [Adresse 10] utilisant les mêmes outils que BREIZH DISTRI, la gestion quotidienne et la fixation des prix n'apparaît ni imposée, ni trop complexe, ni si consommatrice de ressources et de temps ».
- « Le Tribunal considère donc qu'il est excessif d'affirmer que la situation économique et financière de BREIZH DISTRI connaissait des difficultés et encore moins qu'elles étaient insurmontables à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde ».
- « Lesdits courriers n'apportent que peu d'éléments chiffrés en soutien d'un éventuel préjudice subi par BREIZH DISTRI. »
- « Les photographies ont été prises durant des périodes inhabituelles de confinement annoncé ou effectif pour COVID-19 ou de grève dans le Groupe [Adresse 10]. »
« La liste des factures produites par BREIZH DISTRI fait effectivement état de manquant de manière régulière, sans pour autant pouvoir en déduire des ruptures de stock ou des pertes de clientèle. »
- « Le Tribunal estime que Monsieur [R] souhaite sortir du schéma de franchise participative qui le lie au Groupe [Adresse 10], ce qu'il a d'ailleurs expressément indiqué en audience. Pour atteindre cet objectif, il a sciemment exposé des motivations insuffisamment fondées pour permettre de qualifier d'insurmontables les difficultés qu'il disait rencontrer. »
Ces motifs ne permettent pas de caractériser un parti pris dans l'examen des arguments et des pièces produites devant le tribunal. A travers l'allégation d'un manque d'impartialité dans la motivation du tribunal, la société Breizh Distri critique en fait l'appréciation par les premiers juges des éléments de preuve qui leur étaient soumis.
Aucun manquement au devoir d'impartialité dans la motivation du jugement n'est établi.
La demande d'annulation du jugement fondée sur ce point sera rejetée.
En tout état de cause, à supposer qu'il y ait lieu d'annuler le jugement, la cour d'appel de Rennes est saisie par effet dévolutif de l'appel et doit donc examiner au fond l'affaire.
Comme il a été vu supra, l'appel interjeté par les société Ajire et Fides n'est pas recevable. Les autres parties ne contestent pas devant la cour la recevabilité de la tierce opposition formée par la société [Adresse 11].
Sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde :
La tierce opposition remet en question les points jugés pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit :
Article 582 du code de procédure civile :
La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.
Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
La société Carrefour Proximité fait valoir que la société Breizh Distri ne se trouvait pas dans une situation justifiant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
La procédure de sauvegarde est ouverte au profit de débiteurs justifiant de difficultés qu'ils ne sont pas en mesure de surmonter :
Article L620-1 du code de commerce :
Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.
La procédure de sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30.
L'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, dès lors qu'il justifie, par ailleurs, de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter .
Il n'en est autrement que si le débiteur cherche frauduleusement à échapper à ses obligations contractuelles.
Les difficultés en question peuvent notamment être de nature économique, juridique, financière, sociale. La finalité de la sauvegarde est cependant de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Il en résulte que les difficultés alléguées doivent avoir une incidence, même potentielle, sur l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif faute de quoi la mesure ne pourra en tout état de cause pas atteindre les objectifs fixés par la Loi et ne sera donc pas légalement fondée.
La situation de la société Breizh Distri sera examinée à la date du 5 septembre 2023, date du jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde contestée.
La société [Adresse 11] fait valoir, d'une part, que la société Breizh Distri ne justifierait pas de difficultés insurmontables et, d'autre part, que ces difficultés seraient en fait dues à sa volonté d'échapper frauduleusement à ses obligations contractuelles.
La société Breizh Distri fait valoir qu'elle rencontrerait des difficultés économiques, matérielles, financières, structurelles et juridiques qu'elle ne serait pas en mesure de surmonter seule en ce que l'obligation d'approvisionnement quasi-exclusif auprès de la société C.S.F. l'obligerait à acheter à des prix élevés et à revendre avec de faibles marges et que le modèle économique [Adresse 10] offrirait une faible rentabilité.
Il apparaît que le chiffre d'affaires de la société Breizh Distri a été de 5.427.374 euros pour l'exercice clos en février 2022, de 5.484.759 euros pour l'exercice clos le 28 février 2023 et de 5.687.397 euros pour l'exercice clos le 29 février 2024 comme cela résulte pour ce dernier chiffre de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mars 2025 auquel se réfère la société [Adresse 10] dans ses dernières conclusions.
. Le résultat courant avant impôts a été pour les exercices clos en 2022 et 2023 de respectivement -1.020 et 309 euros.
La dette bancaire a diminué régulièrement, passant de près de 460.000 euros pour l'exercice clos le 28 février 2017 à près de 52.000 euros pour l'exercice clos le 28 février 2023.
Les capitaux propres étaient de 238.505 euros pour l'exercice clos en février 2022 et de 238.814 euros pour l'exercice clos en février 2023. Les dettes étaient de près de 750.000 euros en février 2022, de près de 643.000 euros en février 2023.
La rémunération de M. [R] est passée de 108.175 pour l'exercice clos en 2023 à 125.000 euros pour l'exercice clos en 2024 comme cela résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mars 2025 auquel se réfère la société Carrefour dans ses dernières conclusions.
Cette rémunération avait été de 165.163 euros pour l'exercice 2022 et de 192.902 euros pour l'exercice clos en février 2021. Au vu du chiffre d'affaires et du type d'activité exercée, elle n'est ni excessive ni dérisoire. Le fait que le gérant adapte sa rémunération aux capacités financières de la société, par l'attribution d'une prime de bilan fixée en conséquence, tout en la maintenant dans des proportions non excessives, ne caractérise pas une difficulté insurmontable.
Il apparaît également que la rémunération du dirigeant est adaptée chaque année au maximum des possibilités de la société. Du fait de cette adaptation, le résultat net est à chaque fois insignifiant par rapport au chiffre d'affaires, que ce soit en négatif ou en positif.
Comme le fait justement valoir la société Breizh Distri, la situation doit être évaluée au 5 septembre 2023.
Il résulte des soldes intermédiaires de gestion au 31 décembre 2023 qu'à cette date le résultat d'exploitation était de près de 37.554 euros, soit une très nette augmentation par rapport aux années précédentes. La rémunération du gérant au 31 décembre 2023 a été de près de 29.000 euros mais cette réduction par rapport à l'année précédente est peu significative dans la mesure où, comme il a été vu supra, cette rémunération est adaptée chaque année au maximum des possibilité de la société et que l'exercice n'a été clôturé qu'au 29 février 2024.
Il apparaît d'ailleurs pour mémoire que tel a été le cas pour l'exercice ainsi clos, la rémunération finale du dirigeant ayant été de près 125.000 euros pour l'exercice clos en 2024.
Il apparaît ainsi que les comptes intermédiaires ne permettent pas de retenir une dégradation de la situation de la société au 5 septembre 2023.
Il apparaît que depuis plusieurs années le désendettement de la société s'est poursuivi. Au vu de la situation financière de la société Breizh Distri, l'absence éventuelle de possibilité de réaliser des marges supérieures n'entraîne pas de difficulté sur l'activité économique.
Il apparaît que le désendettement de la société Breizh Distri se poursuit dans la durée depuis plusieurs années. La résolution des difficultés alléguées ne pourrait pas permettre un apurement d'un passif d'ores et déjà en voie de règlement.
Il n'est pas fait état de menace sur l'emploi au sein de la société Breizh Distri. Là encore, une mesure de sauvegarde ne pourrait pas avoir pour objectif de maintenir l'emploi alors qu'aucune menace dans ce domaine n'est établie.
Les bilans clos de 2021 à 2023 font d'ailleurs état de salaires bruts stables, soit respectivement près de 234.000 euros, près de 215.000 euros et près de 230.000 euros.
Il apparaît ainsi qu'il n'est pas établi que la situation de la société Breizh Distri caractérise des difficultés insurmontables au sens des dispositions de l'article L620-1 du code de commerce.
Il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure de sauvegarde. Le jugement dont appel sera confirmé.
Du fait de cette confirmation, il y a lieu de rejeter la demande de la société Breizh Distri au titre du caractère abusif de la procédure.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner la société Breizh Distri aux dépens d'appel et à payer à la société [Adresse 10] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes formées à ce titre en appel seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Déclare irrecevable l'appel interjeté par la société Ajire, prise en la personne de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Breizh Distri, et de la société Fides, prise en la personne de M. [C], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Breizh Distri,
- Rejette la demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri,
- Rejette la demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions déposées par la société Ajire, prise en la personne de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Breizh Distri, et de la société Fides, prise en la personne de M. [C], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Breizh Distri,
- Déclare irrecevables les demandes tendant à l'infirmation du jugement formées par la société Ajire, prise en la personne de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Breizh Distri, et de la société Fides, prise en la personne de M. [C], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Breizh Distri,
- Confirme le jugement,
Y ajoutant :
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne la société Breizh Distri à payer à la société [Adresse 12] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Breizh Distri aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
ARRÊT N°320
N° RG 24/04264 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VABG
(Réf 1ère instance : 2023002483)
BREIZH DISTRI SARL
AJIRE SELARL
FIDES SELARL
C/
S.A.S. [Adresse 12]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me LHERMITTE
(2 avocats plaidant)
Me VERRANDO
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à : TC de [Localité 9]
Parquet general
Breitz Distri (LRAR)
AJIRE (LRAR)
FIDES (LRAR)
SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE
(LRAR)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. Avis en date du 05.09.2024 de Monsieur Yves DELPERIE Avocat Général entendu en ses observations lors de l'audience du 16.09.2025.
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 septembre 2025, devant Madame Sophie RAMIN et Madame Constance DESMORAT Conseillères, magistrats tenant seules l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
SARL BREIZH DISTRI
immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le numéro 495 134 306, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me François-Xavier AWATAR de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
SARL AJIRE
prise en la personne de Maître [E] [B] en qualité d'administrateur Judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL BREIZH DISTRI désigné par jugement du Tribunal de commerce de Brest du 5 septembre 2023
[Adresse 13]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, Plaidant, avocat au barreau de REIMS
SELARL FIDES
prise en la personne de Maître [S] [C] en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SARL BREIZH DISTRI désigné par jugement du Tribunal de commerce de Brest du 5 septembre 2023
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Emmanuel BROCARD de la SELARL CABINET D'AVOCATS DE MAITRE EMMANUEL BROCARD, Plaidant, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
S.A.S. [Adresse 12]
immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de CAEN sous le numéro 345.130.488, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 15]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Pascal WILHELM de la SELAS WILHELM & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Emilie DUMUR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCEDURE :
La société à responsabilité limitée Breizh Distri exploite un fonds de commerce à l'enseigne [Adresse 10] dans le cadre d'une franchise participative proposée par la société Carrefour Proximité France (la société [Adresse 11]).
M. [R] est le gérant et l'associé à hauteur de 74% de la société Breizh Distri.
Les sociétés Selima et Profidis sont des filiales à 100% du groupe [Adresse 10]. Elles détiennent à elles deux 26% du capital de la société Breizh Distri, soit 1 part sur 750 pour la société Profidis et 194 parts sur 750 pour la société Selima.
Par jugement du 5 septembre 2023, une procédure de sauvegarde judiciaire a été ouverte au profit de la société Breizh Distri. La société Ajire, prise en la personne de M. [B], a été désignée administrateur judiciaire et la société Fides, prise en la personne de M. [C], mandataire judiciaire.
Estimant que l'ouverture de la procédure de sauvegarde avait pour but de permettre frauduleusement à la société Breizh Distri de sortir du réseau de
franchises à l'enseigne [Adresse 10], la société Carrefour Proximité a formé tierce opposition contre le jugement du 5 septembre 2023.
Par ailleurs, les sociétés Profidis et Selima ont également formé tierce opposition contre le jugement du 5 septembre 2023.
Par jugement n°2023 002483 du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce de Brest a :
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures n° 2023002483 et n 2023002451.
- Dit recevable la tierce-opposition introduite par la société [Adresse 12],
- Rejeté la demande de la société Carrefour Proximité France de prononcer la nullité du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Déclaré que la tierce-opposition de la société [Adresse 12] est recevable et bien fondée dans sa demande de rétraction du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Rétracté le jugement de sauvegarde.
Les sociétés Breizh et Ajire et Fides, ès qualités, ont interjeté appel le 17 juillet 2024.
Par jugement n°2023 002451 du 9 juillet 2024, le tribunal de commerce de Brest a :
- Dit irrecevable la tierce-opposition formée par les sociétés Selima et Profidis à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 5 septembre 2023,
- Débouté les sociétés Selima et Profidis de l'ensemble de leurs demandes,
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner les sociétés Selima et Profidis au paiement d'une amende civile,
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner les sociétés Selima et Profidis à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamné chacune des sociétés Selima et Profidis à payer à la société Breizh Distri la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés Selima et Profidis aux entiers dépens de l'instance.
Le 17 juillet 2024, les sociétés Breizh Distri et Ajire et Fides, ès qualités, ont interjeté appel de cette décision. Cette instance a été suivie devant la cour sous le numéro 24/04330.
Par arrêt du 18 mars 2025, sous le numéro 24/04330, la cour d'appel de Rennes a :
- Confirmé le jugement,
Y ajoutant :
- Rejeté les demandes contraires ou plus amples des parties,
- Condamné les sociétés Selima et Profidis à payer chacune à la société Breizh Distri la somme 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné les sociétés Selima et Profidis aux dépens d'appel.
Les dernières conclusions des sociétés Ajire et Fides, ès qualités, sont en date du 19 août 2025. Les dernières conclusions de la société Breizh Distri sont en date du 25 novembre 2024. Les dernières conclusions de la société [Adresse 12] sont en date du 25 août 2025. L'avis du ministère public est en date du 05 septembre 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2025.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Les socités Ajire et Fides, ès qualités, demandent à la cour de :
- Juger l'appel recevable et bien fondé,
- Débouter la société [Adresse 11] de son appel incident,
- Juger valables les déclarations d'appel des société Ajire Fides conjointes à celle du débiteur Breizh Distri,
- Juger que les sociétés Ajire Fides ont qualité pour agir et leurs appels recevables,
- Reformer le jugement du tribunal de commerce de Brest du 9 juillet 2024 en ce qu'il :
- Déboute la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures numéro 2023 002483 et numéro 2023 002451,
- Dit recevable la tierce opposition introduite par la société [Adresse 11],
- Déclare que la tierce opposition de la société Carrefour Proximité est recevable et bien fondée dans sa demande de rétractation du jugement numéro 20203002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Rétracte le jugement numéro 20203002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Breizh Distri,
- Déboute la société Breizh Distri de sa demande de condamner la société [Adresse 11] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamne la société Breizh Distri à payer à la société [Adresse 11] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Breizh Distri aux entiers dépens de l'instance,
- Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Statuant à nouveau :
- Ordonner la jonction des appels contre les jugements instances inscrites sous les numéros de rôle 2023 002483 et numéro 2023 002451,
- Juger la tierce opposition de la société [Adresse 12] irrecevable faute de démontrer un moyen propre et distinct de celui représenté par le mandataire judiciaire,
Subsidiairement ;
- Juger non fondée la tierce opposition faute d'avoir démontré la fraude commise par la société Breiz Distri lors de sa demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde,
- Juger que pour le surplus des chefs de jugement critiqués par la société Breizh Distri, les sociétés Ajire, représentée par M. [B], et Fides, représentée par M. [C], s'en rapportent à prudence de la cour,
- Débouter la société [Adresse 11] de l'intégralités de ses demandes et prétentions,
- Condamner la société Carrefour Proximité à payer aux société Breizh Distri, les sociétés Ajire, représentée par M. [B], et Fides, représentée par M. [C], une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
La société Breizh Distri demande à la cour de :
- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 9 juillet 2024 en ce qu'il a :
o Débouté la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures n°2023002483 et n°2023002451,
o Dit recevable la tierce-opposition introduire par la société [Adresse 11],
o Déclaré que la tierce-opposition de la société Carrefour Proximité est recevable et bien fondée dans sa demande de rétractation du jugement n°2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
o Rétracté le jugement n°2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Breizh Distri,
o Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner la société [Adresse 11] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
o Condamné la société Breizh Distri à payer la société [Adresse 11] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
o Condamné la société Breizh Distri aux entiers dépens de l'instance,
o Débouté la société Breizh Distri de toutes ses autres demandes,
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
Sur la nullité du jugement :
- Juger que la tant composition du tribunal lors de l'audience et du délibéré, que la motivation du jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest contreviennent à l'exigence d'impartialité,
En conséquence :
o Annuler le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest,
A titre principal :
Sur la régularité de la déclaration d'appel et la recevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri :
Sur la demande de nullité de la déclaration d'appel au titre d'un prétendu vice de fond :
- Juger que la déclaration d'appel régularisée par la société Breizh Distri et les sociétés Ajire et Fides en date du 17 juillet 2024 n'est entachée d'aucun vice de fond dont la liste est limitativement énumérée par l'article 117 du code de procédure civile,
En conséquence :
- Débouter la société [Adresse 12] de sa demande de nullité de la déclaration d'appel.
Sur la demande tirée de l'irrecevabilité prétendue de la société Breizh Distri pour défaut «d'intimation » des mandataires de justice :
- Déclarer la société Breizh Distri recevable en son appel interjeté contre le jugement prononcé le 9 juillet 2024 et intimant la société [Adresse 12],
- Constater que les mandataires de justice n'avaient pas à être intimés dans la mesure où ces derniers sont par ailleurs appelants,
En conséquence :
- Débouter la société Carrefour Proximité France de sa demande d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri,
- Débouter la société [Adresse 12] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions quant à la nullité de la déclaration d'appel de la société Breizh Distri et des sociétésAjire et Fides et à l'irrecevabilité des appels interjetés tant par la société Breizh Distri que les sociétés Ajire et Fides,
A titre subsidiaire :
Sur la réformation du jugement, si par extraordinaire la cour d'appel ne faisait pas droit à la demande d'annulation du jugement pour cause de partialité :
In limine litis :
- Juger qu'il existe entre les tierces oppositions formées par les sociétés [Adresse 11] et Selima et Profidis, un lien tel qu'il est d'une bonne administration de la justice de les faire instruire ensemble,
En conséquence :
- Réformer le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a rejeté la demande de jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG n°2023002483 et n°2023002451,
Au fond :
- Juger que la société Breizh Distri n'est pas en état de cessation des paiements au jour de la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde et justifie du bien-fondé de l'ouverture d'une telle procédure,
- Juger que la société Breizh Distri éprouve des difficultés économiques, matérielles, financières et juridiques qu'elle n'est pas en mesure de surmonter seule,
- Juger l'absence de fraude,
- Juger l'absence de moyens propres avancés par la société [Adresse 11] pour s'opposer à l'ouverture de la sauvegarde,
En conséquence,
- Réformer le jugement rendu le 9 juillet 2024 par le tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a fait droit à la société Carrefour Proximité en sa tierce opposition formée à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Brest le 5 septembre 2023,
- Condamner la société [Adresse 12] au paiement d'une amende civile conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile,
- Condamner la société Carrefour Proximité à verser la somme de 50.000 euros à la société Breizh Distri pour procédure abusive,
- Débouter la société [Adresse 11] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause :
- Débouter la société Carrefour Proximité de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Condamner la société [Adresse 11] à payer la somme de 30.000 euros à la société Breizh Distri au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société [Adresse 12] aux entiers dépens de l'instance.
La société Carrefour Proximité demande à la cour de :
A titre liminaire :
- Déclarer irrecevables les appels formés par la société Ajire et la société Fides, ès qualités, à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Brest du 9 juillet 2024, par déclaration du 17 juillet 2024 enregistrée sous le numéro 24/03975, dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, pour défaut de qualité à agir en application de l'article L. 661-1, 1°, du code de commerce, et de l'article 592 du code de procédure civile,
- Déclarer en conséquence irrecevables tous moyens et prétentions développés par la société Ajire et la société Fides, ès qualités, qui concernent la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, et notamment dans leurs conclusions d'appelant n°1 régularisées le 27 septembre 2024,
- Déclarer irrecevable l'appel formé par Breizh Distri à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Brest du 9 juillet 2024, par déclaration du 17 juillet 2024 enregistrée sous le numéro 24/03975, dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, pour défaut d'intimation de la société Ajire et la société Fides, ès qualités, en application de l'article R. 661-6 du code de commerce,
- Déclarer en conséquence irrecevables tous moyens et prétentions développés par Breizh Distri qui concernent la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/04264, et notamment dans ses conclusions d'appelant n°1 régularisées le 30 septembre 2024,
A défaut, à titre liminaire également :
- Rejeter la demande de Breizh Distri de nullité du jugement de tribunal de commerce du 9 juillet 2024 pour violation du principe d'impartialité,
En tout état de cause :
- Confirmer le jugement du 9 juillet 2024 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a :
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de jonction des procédures n° 2023002483 et n° 2023002451,
- Dit recevable la tierce-opposition introduite par la société [Adresse 12],
- Rejeté la demande de la société Carrefour Proximité de prononcer la nullité du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Déclaré que la tierce-opposition de la société [Adresse 11] est recevable et bien fondée dans sa demande de rétraction du jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest,
- Rétracté le jugement n° 2023002018 du 5 septembre 2023 du tribunal de commerce de Brest en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Breizh Distri,
- Débouté la société Breizh Distri de sa demande de condamner la société [Adresse 11] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamné la société Breizh Distri à payer à la société [Adresse 11] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Breizh Distri aux entiers dépens de l'instance,
- Débouteé les parties de toutes leurs autres demandes,
- Ordonné les publicités prévues par la loi,
- Débouter Breizh Distri, la société Ajire et la société Fides, ès qualités, de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,
Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée :
- Rejeter la demande de la société Ajire et la société Fides, ès qualités, de jonction des appels contre les instances inscrites sous les numéros de rôle 2023002483 et 2023002451,
- Condamner la société Breizh Distri, la société Ajire et la société Fides au paiement de la somme de 15.000 euros chacune à [Adresse 11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Le ministère public est d'avis de confirmer la recevabilité de la tierce opposition et s'en rapporte sur le fond.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la jonction de procédures :
Le tribunal a refusé de joindre les procédures n°2023 002483 et 2023 002451.
La procédure 2023 002451 a fait l'objet d'un appel et d'un arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mars 2025. La cour d'appel de Rennes est donc dessaisie de cette instance et il n'y a pas lieu d'ordonner la jonction de la présente instance avec une instance clôturée.
Les demandes de jonction de procédures seront rejetées ainsi que les demandes tendant à l'irrecevabilité de l'appel enregistré à la cour sous le numéro 24/03975.
Sur la recevabilité de l'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités :
La société [Adresse 12] fait valoir que l'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, serait irrecevable pour défaut de qualité à agir.
La cour est saisie d'un appel formé contre un jugement statuant sur la tierce opposition.
Le jugement rendu sur tierce opposition est en principe susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane :
Article 592 du code de procédure civile :
Le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane.
L'appel contre un jugement rendu sur tierce opposition visant un jugement statuant sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde n'est donc ouvert qu'au débiteur, au créancier poursuivant et au ministère public :
Article L661-1 du code de commerce (Rédaction en vigueur depuis le 1er octobre 2021) :
I.-Sont susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation :
1° Les décisions statuant sur l'ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;
2° Les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public ;
3° Les décisions statuant sur l'extension d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l'extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l'administrateur et du ministère public ;
4° Les décisions statuant sur la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public ;
5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d'une période d'observation de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public ;
6° Les décisions statuant sur l'arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public, ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 626-33 ;
6° bis Les décisions statuant sur la désignation d'un mandataire prévue au 1° de l'article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l'article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ;
7° Les décisions statuant sur la modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l'exécution du plan, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel et du ministère public, ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 626-33 ;
8° Les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l'exécution du plan, du comité social et économique ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des membres de sa délégation du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public.
II.-L'appel du ministère public est suspensif, à l'exception de celui portant sur les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
III.-En l'absence de comité social et économique, le représentant des salariés exerce les voies de recours ouvertes à ces institutions par le présent article.
A cette liste restrictive il convient d'ajouter le tiers opposant :
Article L661-2 du code de commerce :
Les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L. 661-1, à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition. Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.
L'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, est donc irrecevable. Cependant, ayant déposé des conclusions devant la cour, il y a lieu de retenir qu'elles sont intervenantes volontaires devant la cour et donc parties à l'instance, ce qui a pour effet de régulariser l'appel interjeté par la société Breizh Distri quoique n'ayant pas intimé les organes de la procédure.
Seules les demandes formées par ces sociétés dans le dispositif de leurs conclusions et tendant à l'infirmation du jugement sont irrecevables.
Une partie de leurs conclusions déposées devant la cour ne tendent pas à l'infirmation du jugement. Ces conclusions ne seront pas déclarées irrecevables et les demandes tendant à l'irrecevabilité de ces conclusions seront rejetées.
Les moyens exposés par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, tendant à l'infirmation du jugement dont appel sont recevables en ce qu'ils viennent à l'appui des demandes formées par la société Breizh Distri.
Sur l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri :
La société [Adresse 12] fait valoir que l'appel interjeté par la société Breizh Distri serait irrecevable à défaut pour cette dernière d'avoir intimé les sociétés Ajire et Fides, ès qualités.
Les sociétés Breizh Distri et Ajire et Fides, ès qualités, ont interjeté appel dans un même acte. Comme il a été vu supra, l'appel interjeté par les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, est irrecevable. Ces sociétés sont néanmoins parties à l'instance en qualité de parties intervenantes volontairement. Leurs conclusions sont recevables en ce qu'elles viennent à l'appui de la demande d'infirmation formée par la société Breizh Distri.
Il apparaît ainsi que les sociétés Ajire et Fides, ès qualités, sont, dès l'origine, parties à la présente instance en qualité de parties intervenantes. La société Breizh Distri n'avait donc pas à les intimer dès lors que leur intervention a régularisé son appel avant que le juge statue.
Il y a lieu de rejeter la demande de la société [Adresse 12] tendant à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri.
Sur la nullité du jugement :
La société Breizh Distri demande l'annulation du jugement en faisant valoir que l'un des membres du tribunal dirigerait une société ayant pour client le groupe [Adresse 10].
Il est justifié que l'un des membres du tribunal est président de la société Sygal. La société Sygal est elle même présidente de la société Central Sani Ouest. Il n'est pas mentionné que le juge consulaire visé par la société Breiz Distri ait été désigné légalement comme représentant de la société Sygal pour diriger la société Central Sani Ouest.
Le site internet de la société Central Sani Ouest mentionne, sous la rubrique 'ils nous font confiance' le nom de 72 entreprises, collectivités territoriales, ministères, dont '[Adresse 10]'. Le site en question, sous la rubrique 'nos réalisations' mentionne 'Carrefour [Localité 14] (Finistère) - Extension de l'hypermarché avec une date de livraison de septembre 2020'.
Le procès verbal d'huissier ayant noté sur le site internet en question la référence à l'extension d'un hypermarché ne mentionne pas combien d'autres réalisations sont mises en avant sur ce site alors que sont mentionnés comme vu supra les noms de 72 entreprises ou collectivités, souvent de renom. Il n'est donc pas possible d'établir quelle est l'importance pour la société Sani Ouest d'un client avec lequel il n'est pas justifié de nouvelles relations depuis près de cinq ans.
Il n'est pas justifié que la société [Adresse 12] soit propriétaire du l'hypermarché Carrefour de [Localité 14] dans lesquels des travaux ont été réalisés ni quels sont ses liens avec le ou les gestionnaires ou propriétaires de ce magasin, et encore moins le propriétaire des locaux qui ont fait l'objet d'une extension en septembre 2020.
En page 28 de ses conclusions devant la cour, la société Breizh Distri renvoie à des extraits d'articles de presse concernant le juge consulaire mis en cause en dates des 23 novembre 2017 et 16 décembre 2017.
Même à supposer que les liens allégués par la société Distri Breizh entre un membre de la composition du tribunal et la société [Adresse 12] existent ou aient existé, ils seraient en tout état de cause anciens, peu significatifs et distants.
Il apparaît ainsi que la société Distri Breizh ne justifie pas de liens même indirects entre les parties en cause dans la présente instance et le juge consulaire qu'elle vise nommément de nature à faire doute de l'impartialité du tribunal. Il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du jugement formée à ce titre.
La société Distri Breizh demande par ailleurs l'annulation du jugement en faisant valoir que les motifs du jugement caractériseraient une violation du principe d'impartialité en ce qu'ils manifesteraient un parti pris dans le cadre de son délibéré. Elle vise ainsi expressément certains motifs du jugement :
« Ces difficultés découlent des points qui seront développés ci-après, mais aussi de l'apparente volonté de Monsieur [R] de vouloir échapper à ses obligations contractuelles envers ces différentes entités » :
- « A la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde, Monsieur [R] n'avait pas recouru à ces modalités, en conséquence de quoi, il était prématuré de qualifier d'insurmontables ses difficultés relationnelles avec ses associés » ;
Il ressort des éléments produits que les résultats nets générés par BREIZH DITRI sont effectivement très faibles voire légèrement négatifs depuis 2017.
Cela ne signifie pas pour autant que BREIZH DISTRI connaît des difficultés économiques ou doit faire face à un défaut de rentabilité. Il est exagéré d'avancer que le contrat d'approvisionnement avec CSF et les prix de revente associés à une gestion tarifaire ne laissant aucune marge de man'uvre au gérant seraient la cause directe de cette situation. »
- « De plus, sur la base des constats effectués par un commissaire de justice chez un autre franchisé [Adresse 10] utilisant les mêmes outils que BREIZH DISTRI, la gestion quotidienne et la fixation des prix n'apparaît ni imposée, ni trop complexe, ni si consommatrice de ressources et de temps ».
- « Le Tribunal considère donc qu'il est excessif d'affirmer que la situation économique et financière de BREIZH DISTRI connaissait des difficultés et encore moins qu'elles étaient insurmontables à la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde ».
- « Lesdits courriers n'apportent que peu d'éléments chiffrés en soutien d'un éventuel préjudice subi par BREIZH DISTRI. »
- « Les photographies ont été prises durant des périodes inhabituelles de confinement annoncé ou effectif pour COVID-19 ou de grève dans le Groupe [Adresse 10]. »
« La liste des factures produites par BREIZH DISTRI fait effectivement état de manquant de manière régulière, sans pour autant pouvoir en déduire des ruptures de stock ou des pertes de clientèle. »
- « Le Tribunal estime que Monsieur [R] souhaite sortir du schéma de franchise participative qui le lie au Groupe [Adresse 10], ce qu'il a d'ailleurs expressément indiqué en audience. Pour atteindre cet objectif, il a sciemment exposé des motivations insuffisamment fondées pour permettre de qualifier d'insurmontables les difficultés qu'il disait rencontrer. »
Ces motifs ne permettent pas de caractériser un parti pris dans l'examen des arguments et des pièces produites devant le tribunal. A travers l'allégation d'un manque d'impartialité dans la motivation du tribunal, la société Breizh Distri critique en fait l'appréciation par les premiers juges des éléments de preuve qui leur étaient soumis.
Aucun manquement au devoir d'impartialité dans la motivation du jugement n'est établi.
La demande d'annulation du jugement fondée sur ce point sera rejetée.
En tout état de cause, à supposer qu'il y ait lieu d'annuler le jugement, la cour d'appel de Rennes est saisie par effet dévolutif de l'appel et doit donc examiner au fond l'affaire.
Comme il a été vu supra, l'appel interjeté par les société Ajire et Fides n'est pas recevable. Les autres parties ne contestent pas devant la cour la recevabilité de la tierce opposition formée par la société [Adresse 11].
Sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde :
La tierce opposition remet en question les points jugés pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit :
Article 582 du code de procédure civile :
La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.
Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
La société Carrefour Proximité fait valoir que la société Breizh Distri ne se trouvait pas dans une situation justifiant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
La procédure de sauvegarde est ouverte au profit de débiteurs justifiant de difficultés qu'ils ne sont pas en mesure de surmonter :
Article L620-1 du code de commerce :
Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.
La procédure de sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30.
L'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, dès lors qu'il justifie, par ailleurs, de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter .
Il n'en est autrement que si le débiteur cherche frauduleusement à échapper à ses obligations contractuelles.
Les difficultés en question peuvent notamment être de nature économique, juridique, financière, sociale. La finalité de la sauvegarde est cependant de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Il en résulte que les difficultés alléguées doivent avoir une incidence, même potentielle, sur l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif faute de quoi la mesure ne pourra en tout état de cause pas atteindre les objectifs fixés par la Loi et ne sera donc pas légalement fondée.
La situation de la société Breizh Distri sera examinée à la date du 5 septembre 2023, date du jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde contestée.
La société [Adresse 11] fait valoir, d'une part, que la société Breizh Distri ne justifierait pas de difficultés insurmontables et, d'autre part, que ces difficultés seraient en fait dues à sa volonté d'échapper frauduleusement à ses obligations contractuelles.
La société Breizh Distri fait valoir qu'elle rencontrerait des difficultés économiques, matérielles, financières, structurelles et juridiques qu'elle ne serait pas en mesure de surmonter seule en ce que l'obligation d'approvisionnement quasi-exclusif auprès de la société C.S.F. l'obligerait à acheter à des prix élevés et à revendre avec de faibles marges et que le modèle économique [Adresse 10] offrirait une faible rentabilité.
Il apparaît que le chiffre d'affaires de la société Breizh Distri a été de 5.427.374 euros pour l'exercice clos en février 2022, de 5.484.759 euros pour l'exercice clos le 28 février 2023 et de 5.687.397 euros pour l'exercice clos le 29 février 2024 comme cela résulte pour ce dernier chiffre de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mars 2025 auquel se réfère la société [Adresse 10] dans ses dernières conclusions.
. Le résultat courant avant impôts a été pour les exercices clos en 2022 et 2023 de respectivement -1.020 et 309 euros.
La dette bancaire a diminué régulièrement, passant de près de 460.000 euros pour l'exercice clos le 28 février 2017 à près de 52.000 euros pour l'exercice clos le 28 février 2023.
Les capitaux propres étaient de 238.505 euros pour l'exercice clos en février 2022 et de 238.814 euros pour l'exercice clos en février 2023. Les dettes étaient de près de 750.000 euros en février 2022, de près de 643.000 euros en février 2023.
La rémunération de M. [R] est passée de 108.175 pour l'exercice clos en 2023 à 125.000 euros pour l'exercice clos en 2024 comme cela résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 18 mars 2025 auquel se réfère la société Carrefour dans ses dernières conclusions.
Cette rémunération avait été de 165.163 euros pour l'exercice 2022 et de 192.902 euros pour l'exercice clos en février 2021. Au vu du chiffre d'affaires et du type d'activité exercée, elle n'est ni excessive ni dérisoire. Le fait que le gérant adapte sa rémunération aux capacités financières de la société, par l'attribution d'une prime de bilan fixée en conséquence, tout en la maintenant dans des proportions non excessives, ne caractérise pas une difficulté insurmontable.
Il apparaît également que la rémunération du dirigeant est adaptée chaque année au maximum des possibilités de la société. Du fait de cette adaptation, le résultat net est à chaque fois insignifiant par rapport au chiffre d'affaires, que ce soit en négatif ou en positif.
Comme le fait justement valoir la société Breizh Distri, la situation doit être évaluée au 5 septembre 2023.
Il résulte des soldes intermédiaires de gestion au 31 décembre 2023 qu'à cette date le résultat d'exploitation était de près de 37.554 euros, soit une très nette augmentation par rapport aux années précédentes. La rémunération du gérant au 31 décembre 2023 a été de près de 29.000 euros mais cette réduction par rapport à l'année précédente est peu significative dans la mesure où, comme il a été vu supra, cette rémunération est adaptée chaque année au maximum des possibilité de la société et que l'exercice n'a été clôturé qu'au 29 février 2024.
Il apparaît d'ailleurs pour mémoire que tel a été le cas pour l'exercice ainsi clos, la rémunération finale du dirigeant ayant été de près 125.000 euros pour l'exercice clos en 2024.
Il apparaît ainsi que les comptes intermédiaires ne permettent pas de retenir une dégradation de la situation de la société au 5 septembre 2023.
Il apparaît que depuis plusieurs années le désendettement de la société s'est poursuivi. Au vu de la situation financière de la société Breizh Distri, l'absence éventuelle de possibilité de réaliser des marges supérieures n'entraîne pas de difficulté sur l'activité économique.
Il apparaît que le désendettement de la société Breizh Distri se poursuit dans la durée depuis plusieurs années. La résolution des difficultés alléguées ne pourrait pas permettre un apurement d'un passif d'ores et déjà en voie de règlement.
Il n'est pas fait état de menace sur l'emploi au sein de la société Breizh Distri. Là encore, une mesure de sauvegarde ne pourrait pas avoir pour objectif de maintenir l'emploi alors qu'aucune menace dans ce domaine n'est établie.
Les bilans clos de 2021 à 2023 font d'ailleurs état de salaires bruts stables, soit respectivement près de 234.000 euros, près de 215.000 euros et près de 230.000 euros.
Il apparaît ainsi qu'il n'est pas établi que la situation de la société Breizh Distri caractérise des difficultés insurmontables au sens des dispositions de l'article L620-1 du code de commerce.
Il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure de sauvegarde. Le jugement dont appel sera confirmé.
Du fait de cette confirmation, il y a lieu de rejeter la demande de la société Breizh Distri au titre du caractère abusif de la procédure.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner la société Breizh Distri aux dépens d'appel et à payer à la société [Adresse 10] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes formées à ce titre en appel seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Déclare irrecevable l'appel interjeté par la société Ajire, prise en la personne de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Breizh Distri, et de la société Fides, prise en la personne de M. [C], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Breizh Distri,
- Rejette la demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Breizh Distri,
- Rejette la demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions déposées par la société Ajire, prise en la personne de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Breizh Distri, et de la société Fides, prise en la personne de M. [C], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Breizh Distri,
- Déclare irrecevables les demandes tendant à l'infirmation du jugement formées par la société Ajire, prise en la personne de M. [B], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Breizh Distri, et de la société Fides, prise en la personne de M. [C], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Breizh Distri,
- Confirme le jugement,
Y ajoutant :
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne la société Breizh Distri à payer à la société [Adresse 12] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Breizh Distri aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,